Shunt porto-systémique congénital : survie et qualité de vie après traitements - Le Point Vétérinaire n° 354 du 01/04/2015
Le Point Vétérinaire n° 354 du 01/04/2015

ANOMALIES VASCULAIRES

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Auteur(s) : Diego Rossetti

Fonctions : CHV Frégis
43, avenue
Aristide-Briand
94110 Arcueil
contact@fregis.com

Lors de shunt porto-systémique congénital, le traitement chirurgical permet une survie et une qualité de vie bien supérieures par rapport au traitement médical.

Les shunts porto-systémiques congénitaux sont des anomalies vasculaires qui permettent au sang de la circulation porte de court-circuiter le foie et d’accéder directement à la circulation systémique (photo 1). Le sang qui “shunte” ainsi le foie est chargé de produits du métabolisme intestinal qui ne sont plus épurés par le parenchyme hépatique. C’est ainsi que des nutriments, des hormones venant de l’estomac, de l’intestin et du pancréas, mais aussi des toxines produites dans le tractus digestif et des bactéries intestinales se retrouvent directement dans la circulation générale.

Les shunts porto-systémiques congénitaux

Épidémiologie

Les shunts peuvent être extra-hépatiques (caractérisés par un trajet dans la cavité abdominale) ou intra-hépatiques (à l’intérieur du parenchyme hépatique), avec une prévalence des premiers chez les petits chiens et les chats par rapport aux seconds, plus souvent diagnostiqués chez les chiens de grande taille (photo 2).

Clinique

Les signes cliniques affectent surtout les systèmes neurologique (encéphalose hépatique), urinaire et digestif, avec, plus rarement, des coagulopathies et un retard de croissance associé.

Traitements

Les shunts peuvent être traités médicalement ou chirurgicalement(1).

Le traitement médical vise à réduire les signes cliniques sans supprimer la cause sous-jacente. Les objectifs sont simples : diminuer la production de toxines par la flore intestinale en agissant sur les populations microbiennes coliques et la quantité de résidus utilisables par celles-ci. L’objectif est de réduire l’absorption des produits du métabolisme bactérien (ammoniaque et autres toxines). En premier lieu, une alimentation hypoprotéique et hautement digestible est mise en place. Le traitement médical à proprement parler est fondé sur l’administration de lactulose et d’antibiotique. Le lactulose (un disaccharide synthétique) possède un effet laxatif qui accélère le transit intestinal et provoque une acidification du contenu colique inhibant le métabolisme bactérien. Les antibiotiques sont utilisés pour réduire le taux de bactéries présentes dans le côlon. Les plus utilisés sont la néomycine, le métronidazole et l’amoxicilline.

Les techniques chirurgicales décrites sont multiples : la ligature complète ou partielle du shunt, l’utilisation d’un constricteur améroïde, de cellophane, d’un occluseur hydraulique et, récemment, la fermeture du shunt par voie intravasculaire en radiologie interventionnelle [1, 6]. En général, les techniques de fermeture progressive sont préférées aux techniques de fermeture complète car elles présentent moins de complications postopératoires.

Beaucoup de spécialistes considèrent le traitement chirurgical comme le plus adapté, surtout depuis l’utilisation de cellophane. L’occlusion du shunt peut théoriquement restaurer la physiologie normale et permet une résolution des signes cliniques [1]. Les publications sur la survie à long terme et la qualité de vie comparant le traitement chirurgical et le traitement médical seul sont insuffisantes.

Les travaux de l’équipe de S.N. Greenhalgh

Objectif

Comparer la survie à long terme et la qualité de vie des traitements médical et chirurgical chez des chiens atteints de shunt porto-systémique congénital.

Protocole

L’équipe de Stephen Greenhalgh étudie une population in fine de 124 chiens référés (moyenne d’âge 14 mois) avec un diagnostic confirmé de shunt extra-hépatique (89 %) ou intra-hépatique (11 %) traités médicalement ou chirurgicalement (plusieurs techniques). Elle suppose une supériorité de la survie à la suite de l’intervention chirurgicale, mais considère en même temps le traitement médical comme une option thérapeutique réelle pour augmenter le taux de survie [2]. Le suivi est effectué par questionnaire renvoyé par les clients à différents intervalles (jusqu’à 10 ans). Il s’agit d’évaluer la survie totale et la qualité de vie des animaux depuis le début du traitement jusqu’à la mort, le cas échéant, afin de comparer l’efficacité des deux types de traitement sur les court, moyen et long termes. Les propriétaires ont choisi librement entre les traitements médical et chirurgical. La médiane de durée du suivi est de 5 ans et 111 jours.

Traitement médical

Le traitement médical concerne 22 % des individus. 89 % sont morts ou ont dû être euthanasiés. La survie moyenne des animaux traités médicalement est d’environ 2 ans et 3 mois.

Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical concerne 78 % des individus. 22 % sont morts ou ont dû être euthanasiés (avec une mortalité chirurgicale de 4 % pour tous les types de technique et de typologie de shunt) (photo 3). La moyenne définitive de survie des animaux opérés n’a pas pu être évaluée en raison du grand nombre de chiens encore vivants au moment de la rédaction de l’article (au moins 24 % après 10 ans). Selon les données des questionnaires clients, au moins 77 % des animaux concernés ont eu une survie entre 4 et 7 ans (versus 33 % pour les animaux traités médicalement).

Résultats

La survie des chiens atteints de shunt porto-systémique extra-hépatique (le nombre d’animaux présentant un shunt intra-hépatique n’est pas représentatif) et traités de manière chirurgicale est au moins huit fois supérieure à celle des chiens traités médicalement. Ce résultat est indépendant de l’âge auquel a été établi le diagnostic et du type de shunt. Le faible taux de complications chez les chiens de 4 à 7 ans ayant été opérés montre que la qualité de vie est meilleure, même si l’intervention est tardive. La fréquence d’apparition de récidives cliniques est inférieure chez les animaux opérés pour tous les intervalles du suivi, particulièrement entre 4 et 7 ans.

Conclusion

La conclusion de cette étude est la supériorité du traitement chirurgical par rapport au traitement médical :

-  le taux de survie des animaux opérés est supérieur à celui des individus traités médicalement ;

-  la fréquence de réapparition des symptômes est inférieure chez les animaux opérés.

L’âge au moment de l’intervention chirurgicale et le type de shunt extra-hépatique n’ont pas d’impact sur le pronostic (très bon) et la qualité de vie (très bonne) après le traitement chirurgical. Il n’est pas mis en évidence de supériorité entre les techniques opératoires utilisées relativement aux complications et au pronostic à long terme.

Comme dans chaque étude, des limites liées à la méthode utilisée existent. Les statistiques émanent de centres de référé, ce qui laisse à penser que les animaux présentés étaient atteints de manière sévère, et le suivi provient de déclarations des propriétaires.

Pour le traitement médical de l’encéphalose hépatique, les derniers travaux en médecine humaine commencent à remettre en question l’utilisation d’une alimentation hypoprotéique et du lactulose, et envisagent l’existence d’un potentiel processus inflammatoire généralisé [1-3, 5].

  • (1) Voir les articles “Shunt porto-systémique et pronostic à long terme : traitement médical ou chirurgical” de M. Decome et “Un cas inhabituel de shunt porto-systémique chez un cocker de 9 mois” de M. Retournard et coll., dans ce numéro (expert canin).

Références

  • 1. Berent AC, Tobias KM. Portosystemic vascular anomalies. Vet. Clin. Small Anim. 2009;39:513-541.
  • 2. Greenhalgh SN, Dunning MD, McKinley TJ et coll. Comparison of survival after surgical or medical treatment in dogs with a congenital portosystemic shunt. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2010;236:1215-1220.
  • 3. Hunt GB, Kummeling A, Tisdall PL et coll. Outcomes of cellophane banding for congenital portosystemic shunts in 106 dogs and 5 cats. Vet. Surg. 2004;33:25-31.
  • 4. Shawcross D, Jalan R. Dispelling myths in the treatment of hepatic encephalopathy. Lancet. 2005;365:431-433.
  • 5. Tranah TH, Vijay GK, Ryan JM et coll. Systemic inflammation and ammonia in hepatic encephalopathy. Metab. Brain Dis. 2013;28:1-5.
  • 6. Weisse C, Berent AC, Todd K et coll. Endovascular evaluation and treatment of intrahepatic portosystemic shunts in dogs: 100 cases (2001-2011). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2014;244:78-94.

Cet article est une synthèse de l’article de S.N. Greenhalgh et coll. Long-term survival and quality of life in dogs with clinical signs associated with a congenital portosystemic shunt after surgical or medical treatment. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2014;245 (5):527-533.

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