MACROÉCONOMIE EN ÉLEVAGE BOVIN
Avis d’expert
Auteur(s) : Baptiste Buczinski*, Nicole Bossis**, Emmanuel Morin***, Jean-Luc Reuillon****, Benoît Rubin*****, Christophe Perrot******
Fonctions :
*Institut de l’élevage, département Économie,
service Économie des exploitations d’élevage,
149, rue de Bercy, 75595 Paris Cedex 12
**Institut de l’élevage, département Économie,
service Économie des exploitations d’élevage,
149, rue de Bercy, 75595 Paris Cedex 12
***Institut de l’élevage, département Économie,
service Économie des exploitations d’élevage,
149, rue de Bercy, 75595 Paris Cedex 12
****Institut de l’élevage, département Économie,
service Économie des exploitations d’élevage,
149, rue de Bercy, 75595 Paris Cedex 12
*****Institut de l’élevage, département Économie,
service Économie des exploitations d’élevage,
149, rue de Bercy, 75595 Paris Cedex 12
******Institut de l’élevage, département Économie,
service Économie des filières,
149, rue de Bercy, 75595 Paris Cedex 12
Après une phase d’entrée en vigueur à l’impact relativement modéré, la nouvelle réforme de la politique agricole commune aurait des effets particulièrement hétérogènes.
Le revenu des exploitations laitières, notamment bovines, est extrêmement lié à la fluctuation des volumes échangés sur le marché mondial et du prix du lait (Figure 1). Ainsi, celui des dernières années a été soutenu par un prix du lait plus intéressant qu’à l’accoutumée. Néanmoins, le revenu est également largement dépendant des aides de la politique agricole commune (PAC), et ce d’une façon plus marquée pour les élevages ovins.
Pour les exploitations laitières spécialisées, les réformes récentes et les rééquilibrages successifs des aides, notamment lors de la phase précédente dite du bilan de santé, se sont traduits par des augmentations de soutien chez les laitiers spécialisés : plus 1 300 € en moyenne en élevage bovin, plus 7 700 € en élevage ovin et plus 3 300 € en élevage caprin. A contrario, les systèmes bovins laitiers diversifiés ont été impactés négativement, souvent en lien avec un niveau d’intensification plus élevé et la présence de céréales de vente (Figure 2).
Les élevages laitiers sont extrêmement divers, en raison de la variété des systèmes fourragers, de leurs niveaux d’intensification, etc. (en lien avec les milieux). Ainsi, la composition et le niveau des soutiens publics apportés aux exploitations avec élevage varient dans de larges proportions. Malgré une première étape de réorientation des aides lors du bilan de santé, les disparités demeurent. Pour les systèmes laitiers, les niveaux de soutiens issus de la PAC représentent entre 69 et 116 % du revenu des systèmes spécialisés (étude du RCAI : résultat courant avant impôt et cotisations sociales) (tableau 1). La nouvelle réforme de la PAC constitue donc une échéance importante pour les exploitations laitières françaises.
Face à ce constat, le président de la République, François Hollande, a annoncé dans son discours au Sommet de l’élevage de Cournon-d’Auvergne, le 2 octobre 2013, la volonté du gouvernement de « donner la priorité à l’élevage et à l’emploi ». La majeure partie du contenu de la réforme est désormais connue(1).
L’Institut de l’élevage a effectué une simulation des choix retenus par les pouvoirs publics français (encadré 1).
Cela permet d’appréhender les effets :
– des évolutions de l’ensemble des soutiens couplés ;
– de la convergence des soutiens découplés, cumulée à l’entrée en vigueur du verdissement et du paiement redistributif ;
– de la revalorisation des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), au détriment de la prime herbagère agro-environnementale (PHAE).
En élevage caprin de plaine, le montant des aides PAC avait progressé depuis 2010, avec la mise en place d’une prime couplée à la chèvre et la revalorisation des paiements découplés liée aux hectares d’herbe pour les exploitations les plus herbagères (+ 22 % entre 2009 et 2010 pour les fermes suivies dans le cadre d’Inosys Réseaux d’élevage). La réforme devrait conforter les élevages spécialisés caprins de plaine (tableau 2).
Pour la majorité des autres systèmes de plaine, la réforme devrait avoir des impacts neutres, voire négatifs, en termes de soutien (Figure 3).
Pour les exploitations mixant production de lait et cultures de vente, la baisse des aides liée à l’activité céréalière pourrait conforter le maintien du lait, même si les fermes de bovins lait sont plus fortement impactées (– 6 500 €/UMO [unité de main-d’œuvre] pour les exploitations de bovins lait et cultures de Poitou-Charentes). Néanmoins, l’ambiance dans la filière laitière et le facteur travail sont sans doute les plus déterminants. Dans le contexte actuel, seules des perspectives positives pour les filières avec une valeur ajoutée conséquente et pérennisée pourraient ralentir le recul de ce type d’exploitation.
À l’horizon 2019, la baisse des aides est sensible (1 400 €/UMO) pour les exploitations laitières spécialisées de l’Ouest (photo). Une part significative de ces exploitations étant en société (exploitation agricole à responsabilité limitée [EARL], société civile d’exploitation agricole [SCEA], etc.), l’absence d’application du principe de transparence pour divers aides et plafonds (surdotation des 52 premiers hectares, plafonds d’aide à la vache laitière et à la vache allaitante, etc.), réservé aux groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC), a un effet déterminant. Le montant des pertes peut représenter jusqu’à 6 600 € pour un associé.
Les élevages bovins laitiers de ces zones intensives sont relativement souvent dans une logique de maximisation des produits par hectare. Avec la fin des quotas, ils pourraient chercher à produire plus de lait. Néanmoins, cette option n’est pas possible partout. Les capacités productives se révèlent souvent limitantes (règles environnementales, foncier, bâtiment, etc.).
Pour les exploitations bovines laitières possédant un atelier de taurillons, la réforme s’avère pénalisante. Ces exploitations disposent de paiements découplés élevés grâce à l’intégration de l’ancienne prime spéciale aux bovins mâles (PSBM) et de la prime à l’abattage gros bovin (PAB) aux aides découplées (réforme de Luxembourg, 2005). La baisse des aides va donc être importante dans ces exploitations (2 400 €/UMO en 2019). Le devenir de l’atelier viande dans ces exploitations n’est pas directement touché par la nouvelle PAC. Il dépend davantage des ressources en main-d’œuvre, de la taille de l’atelier taurillons et de l’engagement de la filière dans la valorisation de ce type de produit.
La grande majorité des élevages laitiers situés en zone de handicap naturel (soit en zone défavorisée, soit en zone de montagne) va être confortée par la réforme de la PAC (tableau 3, figure 4, encadré 2). C’est particulièrement le cas des systèmes ovins et caprins.
Pour ces derniers comme pour les systèmes bovins laitiers, le seul bémol concerne les élevages situés en zone défavorisée. Dans ces systèmes, la revalorisation de l’ICHN ne compense pas toujours la perte de la PHAE. Cette revalorisation pourrait néanmoins favoriser les polyculteurs-éleveurs de ces zones : dans les exploitations laitières avec des cultures de vente, le niveau de paiements découplés est généralement élevé. L’effet de la convergence pourrait être annulé par le versement et la revalorisation de l’ICHN.
En zone de montagne, les systèmes ovins et caprins bénéficient à plein des effets de la réforme.
Les systèmes ovins laitiers sont très nettement représentés en zone de montagne : avec 84 % des élevages de brebis laitières localisés en zones de montagne et de haute montagne (94 % en ajoutant les zones de piémont), la revalorisation des ICHN devrait contribuer pour plus de la moitié à l’augmentation du montant total des aides.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, un peu plus de deux éleveurs sur trois envoient leurs troupeaux sur des estives collectives d’altitude et, dans le bassin de Roquefort, près d’un éleveur sur deux, localisé en zone de Causses, dispose de parcours. La prise en compte de ces surfaces pastorales dans celles qui sont éligibles aux paiements découplés entraîne, dans le cadre de la convergence, une augmentation plus ou moins importante des aides découplées : + 2 900 €/UMO en 2019 pour le système transhumant de la montagne basque et + 7 500 €/UMO pour le système spécialisé avec parcours du bassin de Roquefort. Mais l’évolution récente des règles d’admissibilité, avec la mise en place de coefficients pour les prairies et les pâturages permanents afin de déterminer leur surface prise en compte, devrait limiter cette hausse.
Ce constat est à nuancer pour les exploitations situées en zone plus fourragère : dans le Ségala et sur les coteaux du Pays basque, un moindre effet de la convergence peut être attendu pour les deux systèmes étudiés. L’augmentation des aides découplées serait proche de 1 000 €/UMO au terme de la réforme.
Pour les systèmes caprins, les petites structures du Sud-Est, et en particulier les livreurs de lait, ont pris de plein fouet la crise caprine après avoir subi la sécheresse de 2011. Ces élevages, pour la plupart localisés en zones de montagne et de haute montagne, vont bénéficier pleinement de la revalorisation de l’ICHN. Les éleveurs caprins de cette région et, dans une moindre mesure, ceux de Midi-Pyrénées valorisent des surfaces pastorales. Avec la prise en compte de ces dernières, les éleveurs devraient également bénéficier de la convergence. Le constat est plus nuancé pour les systèmes mixtes caprins et bovins allaitants, divers quant à l’équilibre des deux ateliers.
Si la réforme est globalement positive pour les exploitations en zone de handicap, les gains espérés par les élevages bovins laitiers sont moins importants. Dans ces exploitations, l’élément déterminant est l’augmentation des aides relatives à l’ICHN. Les exploitations laitières vont bénéficier d’aides supplémentaires (+ 1 300 €/UMO en 2015, puis + 2 700 €/UMO en 2019 dans le cas spécialisé lait herbager). Pour les doubles troupeaux laitiers et vaches allaitantes, généralement de plus grande taille, l’augmentation est encore moindre. Tous ces systèmes vont percevoir l’aide laitière de montagne, qui se substitue à l’aide qu’ils percevaient auparavant, ce qui explique la quasi-stabilité des aides couplées.
Ces évolutions seront progressives. Dans certains systèmes, les aides vont baisser en 2015, pour augmenter ensuite (encadré 3).
Globalement, les systèmes laitiers de montagne sont donc confortés par la nouvelle PAC. Toutefois, d’autres éléments sont à considérer pour analyser l’évolution des productions laitières dans ces zones, comme la valorisation du lait sous appellation d’origine protégée (AOP) ou bien la capacité de modernisation des exploitations.
(1) Voir les articles “Soutiens européens à l’agriculture : entre harmonisation et système à la carte”, “Les nouveaux soutiens couplés en France à partir de 2015” et “Quels impacts de la PAC 2014-2020 dans le secteur des viandes de ruminants” de B. Buczinski et coll., dans le Point Vét. 2015;352 (Expert rural):58-62;64-66; 68-73.
Aucun.
→ Les cas types qui ont servi de base aux simulations représentent des systèmes optimisés, avec des choix techniques, des pratiques et des investissements en cohérence avec les structures et les conditions pédoclimatiques. Leur revenu est supérieur à la moyenne.
→ La baisse des aides sera sensible dans les élevages lait-viande en plaine, mais le revenu dépendra de la main-d’œuvre disponible, de la taille de l’atelier de taurillons et de la valorisation du produit.
→ En zones défavorisées, la valorisation du lait sous appellation d’origine protégée (AOP) ou bien la capacité de modernisation des exploitations est à prendre en compte dans une étude d’impact sur le revenu.
Sur la base de l’ensemble des choix retenus par les pouvoirs publics, l’Institut de l’élevage a étudié l’impact de la réforme à partir de cas types. Ces derniers correspondent à des exploitations agricoles modélisées. Ils sont construits à partir de données issues de fermes réelles, suivies dans le cadre d’Inosys-Réseaux d’élevage (dispositif copiloté par l’Institut de l’élevage et les chambres d’agriculture). Ils représentent des systèmes optimisés, avec des choix techniques, des pratiques et des investissements en cohérence avec les structures et les conditions pédoclimatiques.
Leurs résultats sont donc supérieurs aux moyennes observées, mais ils permettent de simuler les impacts de la réforme de la politique agricole commune (PAC).
Les simulations présentées sont fondées sur les données d’une année de référence (2013). Les variations des aides PAC ont été simulées pour deux échéances différentes :
– 2015 (première année d’application de la réforme) ;
– 2019 (dernière année prévue, notamment pour la convergence).
La mise en place de la nouvelle politique agricole commune (PAC) coïncide avec la fin officielle des quotas laitiers (31 mars 2015). Cette nouvelle PAC est importante, mais ses effets sont à analyser en intégrant en premier lieu les nouvelles relations producteurs-laiteries.
En France, la production laitière est réalisée dans des territoires extrêmement contrastés. Sont identifiés :
– les bassins laitiers des zones d’élevage de plaine (la moitié des exploitations laitières nationales) ;
– les zones de polyculture (près d’un tiers des exploitations) ;
– les zones de montagne (près d’un quart des exploitations).
Les effets de la réforme de la PAC seront différents selon les territoires et les systèmes : confortera-t-elle les orientations pressenties (spécialisation, localisation de la production, agrandissement d’ateliers laitiers, arrêt de la production) ? Des interrogations subsistent malgré les simulations effectuées.
Les effets du couplage sont positifs pour les exploitations laitières.
→ Dans le secteur ovin : beaucoup d’élevages bénéficient déjà de la majoration relative à la contractualisation. Très majoritairement engagés dans des filières fromagères AOP, les éleveurs ovins laitiers devraient également prétendre à la majoration liée aux démarches qualité. Pour ceux qui auront accès à l’ensemble des majorations, le montant des aides ovines pourrait s’accroître de près de 30 %.
→ Dans le secteur caprin : la revalorisation du paiement couplé aux caprins va concerner la grande majorité des exploitations, mais de façon modérée.
→ Dans le secteur bovin laitier : la création de la nouvelle aide à la vache laitière va bénéficier aux élevages hors de montagne. Les exploitations situées en zone de montagne en bénéficient déjà depuis le bilan de santé.
Aides aux protéagineux : le nouveau couplage concernant les protéines (luzerne par exemple) pourrait conduire les éleveurs à implanter davantage de surfaces pour ce type de culture et contribuer ainsi à l’autonomie alimentaire dans un contexte de fluctuation du prix des intrants.
Pour le détail des mesures, voir la fiche “Les nouveaux soutiens couplés en France à partir de 2015” de B. Buczinski, dans le Point Vétérinaire n° 352, pages 64-66.
Institut de l’élevage. Une PAC complexe et transitoire, dossier Économie de l’élevage n° 448, juillet-août2014:40p.idele.fr/filieres/publication/idelesolr/recommends/une-pac-complexe-et-transitoire-dossier-economie-n-448.html
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