Corps étrangers de l’estomac - Le Point Vétérinaire n° 354 du 01/04/2015
Le Point Vétérinaire n° 354 du 01/04/2015

GASTRO-ENTÉROLOGIE

Dossier

Auteur(s) : Stefano Scotti*, Corinne Panier**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire, Evolia,
43, av. du Chemin-Vert,
95290 L’Isle-Adam
**Clinique vétérinaire, Evolia,
43, av. du Chemin-Vert,
95290 L’Isle-Adam

Les corps étrangers digestifs, occasionnant des signes cliniques aigus ou chroniques, doivent être retirés par fibroscopie ou, si leur forme ou leur aspect ne s’y prêtent pas, par gastrotomie.

Les corps étrangers gastriques sont fréquemment retrouvés chez les chiens et les chats. Dans la majorité des cas, les animaux concernés sont jeunes et/ou capables d’avaler des jouets en plastique, des trichobézoards, des corps étrangers linéaires, des aiguilles, des objets métalliques, etc.

Les vomissements répétés doivent faire suspecter la présence d’un corps étranger gastrique qui, parfois, reste longtemps dans l’estomac.

Grâce aux examens complémentaires comme la radiographie (pour les corps étrangers radio-opaques), l’échographie et la fibroscopie, le diagnostic est relativement aisé à établir.

Le retrait par fibroscopie ou gastrotomie entraîne très peu de complications.

1 Signalement et signes cliniques

Signalement

La présence de corps étrangers gastriques intéresse toutes races de chiens. Les jeunes chiens sont plus souvent touchés en raison de leur propension à l’exploration orale. Le pica peut aussi être à l’origine de l’ingestion répétée de corps étrangers par certains animaux. Chez les chats les corps étrangers gastriques sont souvent des trichobézoards. L’incidence des corps étrangers linéaires dans cette espèce est plus importante dans cette espèce.

Signes cliniques

La présence d’un corps étranger gastrique peut rester asymptomatique, parfois très longtemps, et faire objet d’une découverte fortuite lors d’un examen complé­mentaire. En cas d’inflammation gastrique ou d’obstruction pylorique, les signes suivants peuvent être observés : une dysorexie, une anorexie, des nausées, un ptyalisme, des vomissements (très fréquents), une douleur abdo­minale et/ou une palpation craniale inconfortable. Parfois chroniques, ils sont possiblement à l’origine d’un amaigrissement (dysorexie, vomissements chroniques) [5].

2 Diagnostic

Radiographie

Si, actuellement, l’échographie abdominale est l’examen de choix pour le diagnostic des corps étrangers digestifs abdominaux, la radiographie reste, néanmoins, un examen utile dans certains cas :

- l’échographie a ses limites : manque de compétence, défaut de matériel ;

- un croisement des données obtenues avec ces deux examens est intéressant, pour une meilleure localisation ;

- selon sa composition supposée, le corps étranger peut être radio-opaque, donc visible à la radiographie (photo 1).

Le corps étranger peut être mis en évidence par un simple cliché radiographique en fonction de sa nature. L’obstruction pylorique n’est pas systématique. L’opacité du corps étranger reste importante dans son diagnostic radiographique. Une suspicion de corps étranger digestif requiert la prise de deux clichés orthogonaux : les incidences de profil en décubitus latéral droit et de face ventro-dorsalement sont couramment utilisées [4-7].

La mise en évidence d’un corps étranger à la radio-opacité faible peut s’avérer plus difficile : un iléus gastrique (aérique ou liquidien) est évocateur, mais l’échographie reste l’examen à privilégier.

Une radiographie avec un produit de contraste est également parfois utile pour mettre en évidence le corps étranger et l’obstruction pylorique : du sulfate de baryum (2 à 5 ml/kg associés à un repas riche en fibres, pour favoriser le péristaltisme) ou une préparation iodée hydrosoluble sont alors employés. En cas de suspicion de perforation, la seconde est à utiliser en première intention, car le sulfate de baryum n’étant pas hydrosoluble se comporte comme un corps étranger et, selon les études, augmente le risque de mortalité [6]. Un cliché est réalisé toutes les 20 minutes pendant la première heure, puis toutes les heures. Après quelques minutes, le produit de contraste doit arriver dans le duodénum et la vidange gastrique s’achever entre les 7 à 15 heures suivantes [7].

Échographie

L’échographie est l’examen de choix pour établir le diagnostic d’un corps étranger gastrique, d’autant plus si celui-ci est radiotransparent. Bien qu’il soit dépendant du manipulateur, cet examen assure généralement un diagnostic rapide, dynamique et plus sensible que la radiographie avec un peu d’entraînement [1-4].

L’animal est placé en décubitus dorsal et la sédation est rarement indispensable. Une sonde microconvexe de 5 à 10 Mhz est requise. La fréquence est adaptée au format de l’animal : de hautes fréquences sont utilisées pour de faibles profondeurs d’exploration et de faibles fréquences pour des formats plus larges, mais avec une définition moindre [8].

Le corps étranger gastrique est mis en évidence dans la lumière de l’estomac par une ligne hyperéchogène représentant l’interface échographique entre la surface de l’objet et la réflexion des ondes échographiques. Un cône d’ombre acoustique sous-jacent d’intensité plus ou moins marquée selon l’objet est associé à cette image (photo 2). Un contenu liquidien assure une meilleure visualisation par contraste par rapport à un contenu aérique.

Un corps étranger chronique peut être à l’origine d’une gastrite, mise en évidence sous échographie par un épaississement pariétal gastrique (parfois associée à une stéatite périgastrique). Une obstruction pylorique engendre une dilatation gastrique et une augmentation du péristaltisme, en sachant que la fréquence normale est de 5 contractions par minute (photo 3) [7].

3 Traitement médical

Si le propriétaire a vu son animal avaler le corps étranger, le premier traitement à envisager est le vomissement provoqué, qui peut être effectué généralement dans l’heure qui suit son ingestion [6]. Une radiographie est nécessaire pour confirmer la présence du corps étranger dans l’estomac. Le vomissement provoqué doit cependant être évité lors de l’ingestion de corps étrangers tranchants ou pointus.

Le médicament vomitif à administrer est l’apomorphine qui agit comme un agoniste des récepteurs dopaminergiques au niveau central. Le dosage chez le chien est de 0,02 à 0,04 mg/kg par voie intraveineuse ou de 0,04 à 0,1 mg/kg par voie intramusculaire ou sous-cutanée.

Chez le chat, l’emploi de cette molécule n’est pas interdit. Cependant, il est préférable d’utiliser de la xylazine à la dose de 0,2 mg/kg par voie intraveineuse ou de 0,45 mg/kg par voie intramusculaire, car l’apomorphine entraîne souvent une hyperexcitation.

4 Fibroscopie

La fibroscopie est un moyen de diagnostic et surtout de traitement idéal aussi pour les corps étrangers gastriques grâce à son faible taux de complications comparativement à la chirurgie(1).

Cette procédure nécessite un équipement spécifique, constitué d’une colonne d’endoscopie (moniteur, source de lumière et insufflation), d’un fibroscope flexible (vidéo-endoscope idéalement) et de différents types de pinces à corps étranger.

5 Gastrotomie

Indications

L’indication la plus courante d’une gastrotomie chez les chiens et les chats est le retrait d’un corps étranger, en particulier si les objets ne se prêtent pas à l’extraction endoscopique en raison de leur forme ou de leur taille [2]. Les avantages de cette technique ont été détaillés dans l’article sur les corps étrangers œsophagiens(1) et, pour les mêmes raisons, sont à privilégier avant le traitement chirurgical d’un corps étranger gastrique. L’ablation chirurgicale de corps étrangers tranchants est recommandée en raison du risque de perforation. Les corps étrangers linéaires s’ancrent fréquemment dans le pylore ou à la base de la langue, et nécessitent également un traitement par gastrotomie (photo 4).

Les corps étrangers bloqués dans l’œsophage distal peuvent souvent être retirés en toute sécurité avec un clamp inséré au travers du sphincter œsophagien inférieur par gastrotomie. Cette approche permet de réduire les risques de pneumothorax, de déhiscence et de fuites associés à une œsophagotomie.

Technique chirurgicale

DE LA LAPAROTOMIE À L’INCISION DE L’ESTOMAC

Une laparotomie médiane ventrale est réalisée du sternum jusqu’à l’abdomen caudal. Des écarteurs de Balfour peuvent être mis en place pour mieux exposer la cavité et l’exploration approfondie du contenu abdominal est effectuée. L’estomac est palpé à la recherche de corps étrangers, de masses ou d’un épaississement. L’épaisseur et la taille du pylore sont également évaluées.

La gastrotomie est généralement effectuée à mi-distance entre les grande et petite courbures de l’estomac, là où la vascularisation est la moins proéminente. Des points d’appui sont souvent utilisés pour élever la partie de l’estomac incisée, ce qui améliore la visualisation et réduit les fuites du contenu stomacal. De larges compresses à laparotomie humidifiées sont placées autour de l’estomac pour limiter la contamination du reste de la cavité abdominale. Une incision est faite dans la paroi gastrique avec une lame n° 10. La muqueuse se rétracte souvent loin de la lame et doit être perforée séparément pour entrer dans la lumière gastrique. L’incision est prolongée avec des ciseaux de Mayo ou de Metzenbaum, et le contenu gastrique liquidien peut être retiré par aspiration pour diminuer le risque de contamination par déversement (photo 5) [6].

UNE FOIS L’ESTOMAC OUVERT

Des biopsies de l’estomac peuvent éventuellement être pratiquées en prenant en pleine épaisseur la paroi gastrique aux marges du site de gastrotomie, avec des ciseaux. Un index ou une pince traumatique sont insérés à travers le pylore pour vérifier la perméabilité et le diamètre de ce dernier.

FERMETURE DE L’ESTOMAC

L’incision gastrique est habituellement refermée en deux couches avec un fil monobrin résorbable serti sur une aiguille ronde (2-0 ou 3-0). La première couche de suture doit apposer la muqueuse de manière continue en pleine épaisseur ou intégrer seulement la muqueuse avec un surjet simple (photo 6). Cette suture est rapidement recouverte par la muqueuse gastrique pendant le processus de cicatrisation et permet donc d’isoler le contenu digestif. La seconde couche de suture inclut la séreuse, la musculeuse et la sous-muqueuse avec un surjet inversant de type Cushing ou Lambert (photo 7). L’omentum peut éventuellement être fixé sur l’incision gastrique à l’aide de quelques points simples pour une sécurité supplémentaire contre les fuites. Avant la fermeture de la cavité abdominale, le tube digestif est inspecté dans son intégralité pour s’assurer de l’absence d’autres corps étrangers.

Une antibioprophylaxie est réalisée grâce à l’injection intraveineuse de céphalosporines (céphalexine 30 mg/kg par voie intraveineuse) à l’induction de l’anesthésie et au réveil [3].

Complications

Les complications postopératoires de gastrotomie (péritonite secondaire à une contamination peropératoire, déhiscence de l’incision, nécrose tissulaire) sont rares si les techniques chirurgicales précédemment détaillées sont employées, en raison de la forte vascularisation de l’estomac qui favorise une cicatrisation rapide.

Lors de déhiscence de la suture gastrique, des symptômes de péritonite (abattement, fièvre, abdomen tendu, vomissements) apparaissent en général entre 3 et 5 jours après le traitement chirurgical. Un contrôle échographique permet d’évaluer l’éventuelle présence d’un épanchement [1]. Si c’est le cas, un examen du liquide détermine s’il s’agit bien d’un exsudat. Une reprise chirurgicale visant à refermer la suture gastrique et à effectuer des rinçages péritonéaux est alors nécessaire.

Si les vomissements persistent en phase postopératoire, il convient d’exclure la présence d’un corps étranger supplémentaire ou d’une obstruction à l’aide d’un examen échographique ou endoscopique, ou via des radiographies avec un produit de contraste. L’état des animaux qui ont avalé des corps étrangers contenant des métaux lourds tels que du zinc ou du plomb peut continuer à se dégrader après l’intervention chirurgicale en raison des effets toxiques de ces éléments. Des agents chélateurs des métaux lourds sont alors recommandés en phase postopératoire (produit désintoxiquant à base d’acide éthylène diamine tétra-acétique [EDTA]).

Conclusion

Les jeunes animaux sont davantage prédisposés aux corps étrangers digestifs en raison de leur aptitude aux jeux.

La présence d’un corps étranger gastrique n’est pas toujours associée à des signes cliniques et peut faire l’objet d’une découverte fortuite lors d’un examen complémentaire.

Le signe clinique principal est le vomissement aigu. Les vomissements sont parfois chroniques, lorsqu’un objet est resté longtemps bloqué en regard de la paroi gastrique. Le diagnostic de cette affection est établi grâce à une radiographie ou à une échographie. Le traitement chirurgical par gastrotomie est nécessaire si le retrait par fibroscopie n’est pas réalisable. Si le chirurgien respecte les règles de précaution, le taux de complications de cette intervention chirurgicale reste très bas.

  • (1) Voir l’article “Corps étrangers de l’œsophage” du même auteur, dans ce numéro.

Références

  • 1. Boysen SR, Tidwell AS, Penninck?DG. Ultrasonographic findings in dogs and cats with gastrointestinal perforation. Vet. Radiol. Ultrasound. 2003;44 (5):556-564.
  • 2. Gianella P1, Pfammatter NS, Burgener IA. Oesophageal and gastric endoscopic foreign body removal: complications and follow-up of 102 dogs. J. Small Anim. Pract. 2009;50 (12):649-654.
  • 3. Rosin E, Uphoff TS, Schultz-Darken?NJ et coll. Cefazolin antibacterial activity and concentrations in serum and the surgical wound in dogs. Am. J. Vet. Res. 1993;54 (8):1317-1321.
  • 4. Shanaman MM, Schwarz T, Gal?A et coll. Comparison between survey radiography, B-mode ultrasonography, contrast-enhanced ultrasonography and contrast-enhanced multi-detector computed tomography findings in dogs with acute abdominal signs. Vet. Radiol. Ultrasound. 2013;54 (6):591-604.
  • 5. Silenas R et coll. Mechanical effectiveness of closed peritoneal irrigation in peritonitis. Am. J. Surg. 1983;145:371.
  • 6. Slatter D. Textbook of small animal surgery. 3rd ed. Saunders. 2003:405-445.
  • 7. Tobias KM, Johnston SA. Veterinary surgery: small animal. Elsevier Saunders. 2012:chap.92.
  • 8. Tyrrell D1, Beck C. Survey of the use of radiography versus ultrasonography in the investigation of gastrointestinal foreign bodies in small animals. Vet. Radiol. Ultrasound. 2006;47 (4):404-408.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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