Place de la dermatologie en consultation chez les carnivores domestiques - Le Point Vétérinaire n° 353 du 01/03/2015
Le Point Vétérinaire n° 353 du 01/03/2015

DERMATOLOGIE

Recherche

Auteur(s) : Amandine Klein*, Dominique Héripret**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire de
Lorraine,
65, boulevard de
Lorraine,
57500 Saint-Avold
**CHV Frégis,
43, avenue Aristide-Briand, 94110 Arcueil
CHV Pommery
226, bd Pommery
51100 Reims

Connaître la place des consultations en dermatologie par rapport aux autres disciplines est intéressant, notamment pour prendre conscience que cette spécialité ne doit pas être négligée.

La dermatologie est une discipline à part entière de la médecine vétérinaire mais elle n’a pas toujours été reconnue comme telle au sein de la pratique quotidienne (photo 1). Peu d’heures d’enseignement lui sont actuellement consacrées par rapport à son importance clinique.

La fréquence de la consultation de dermatologie n’a été que peu évaluée au fil des années en dehors de quelques études parfois anciennes.

→ En 1985, une étude menée sur un panel américain de 2 540 vétérinaires a montré que les troubles cutanés étaient le premier motif de consultation [1].

→ En 1989, une étude conduite par une entreprise d’aliments pour animaux aux États-Unis a mis en évidence qu’environ 25 % de l’activité vétérinaire en petits animaux (hors convenance) était consacrée au diagnostic et au traitement de maladies cutanées [3].

→ Une étude réalisée à la clinique universitaire des petits animaux de Saint-Hyacinthe au Québec, de 1987 à 1988, a révélé que 19 % des chiens et 15 % des chats présentés en consultation étaient atteints d’une affection dermatologique [4].

→ En 2006, une étude britannique a été publiée corroborant les résultats américains [2].

Il a semblé intéressant d’évaluer la situation française et de la comparer aux quelques études publiées.

Objectifs de l’étude

L’étude a pour objectifs d’évaluer la part de la dermatologie dans la consultation des animaux de compagnie (chiens et chats) dans la pratique quotidienne des vétérinaires généralistes, de la comparer aux autres grands motifs de consultation, de mettre en évidence d’éventuelles différences par rapport aux estimations américaines et d’apprécier une potentielle évolution de ce motif de consultation.

Matériel et méthode

Choix des vétérinaires

Tous les vétérinaires participant à l’étude exercent dans des structures exclusivement canines, et sont répartis selon leur région, le nombre de praticiens exerçant dans la structure, leur âge et le type d’exercice (tableau 1). Pour chaque structure, un seul vétérinaire répondant (VR) a participé à l’étude.

15 VR ont accepté de participer en s’engageant à noter quotidiennement les informations demandées pendant toute la durée de l’étude. Celle-ci a été menée de novembre 2012 à mai 2013 inclus, ce qui correspond à une période de 24 semaines avec une moyenne de 120 jours de consultation (en se fondant sur 5 jours de consultation par semaine et par vétérinaire).

Un contact téléphonique ou par mail a été instauré mensuellement, ce qui a permis de remotiver les VR, de répondre à leurs éventuelles interrogations et de rappeler l’intérêt d’une participation assidue.

Grille de comptabilisation

Une grille de notation a été élaborée et mise à disposition des VR afin de comptabiliser, pour chaque jour de travail effectif et par VR, le nombre de consultations effectuées, et de pouvoir les classer dans différentes rubriques en standardisant au maximum les résultats (tableau 2).

La base de calcul est la journée de travail, c’est-à-dire la somme des consultations sur la période de l’étude selon les différentes catégories, divisée par le nombre de jours travaillés durant ce même laps de temps.

Ces calculs ont été effectués pour chaque vétérinaire, et permettent d’homogénéiser les résultats et de pouvoir les interpréter.

Durée de l’étude et classification des motifs de consultation

L’étude a été réalisée sur 6 mois.

Pour répartir les motifs de consultation, huit spécialités cliniques ont été prises en compte : la prévention (qui correspond à la consultation vaccinale), la dermatologie, l’otologie, la gastro-entérologie, la cardio-pneumologie, l’ophtalmologie, l’orthopédie et les autres motifs (reproduction, dentisterie, ophtalmologie, comportement, neurologie, etc.).

Résultats

Plus de 12 000 consultations ont été répertoriées par les 15 VR sur une période de 6 mois.

La répartition des motifs de consultation lors d’une journée de travail type d’un vétérinaire généraliste a été représentée (figure 1).

Une autre observation a été réalisée en ne tenant pas compte des vaccinations et en s’intéressant uniquement aux consultations motivées par des signes cliniques (figure 2).

Durant la consultation vaccinale, un trouble dermatologique ou d’une autre origine peut être relevé. Soit il est soulevé par le propriétaire et ne justifie pas, selon lui, une consultation à part entière, soit il s’agit d’une découverte fortuite du vétérinaire lors de l’examen général.

Proportionnellement, la composante dermatologique mise en évidence pendant une consultation vaccinale est aussi importante que la somme de toutes les autres disciplines qui peuvent y être abordées (photo 2).

Les mêmes distributions sont retrouvées dans les espèces canine et féline (tableau 3).

Discussion

La dermatologie associée à l’otologie reste le premier motif de consultation vétérinaire pour les animaux de compagnie (chats et chiens), en dehors des consultations vaccinales qui représentent un peu moins de la moitié des consultations généralistes (photo 3).

Avec 26 % des consultations hors vaccinations, la dermato-otologie se situe en tête devant la gastro-entérologie (13 %), l’orthopédie (11 %), la cardio-pneumologie (7 %) et l’ophtalmologie (6 %). Cela correspond aux données américaines de 1985 [1].

Il est également possible d’ajouter les questions de dermato-otologie posées par les propriétaires lors de la consultation vaccinale puisqu’elles représentent la moitié des sujets annexes soulevés.

En résumé, dans plus 20 % de l’ensemble des consultations du vétérinaire généraliste (vaccinations comprises), il existe une composante primaire (16 %) ou secondaire (5 %) dermato-otologique.

Cet échantillonnage a, certes, été réalisé sur un petit nombre de sites (15), mais sur une période significative de 6 mois dans des types de clientèle variés (plus de 1 200 jours de consultation), ce qui représente plus de 12 000 consultations au total. La durée prolongée a été préférée à la multiplication des sites pour des raisons pratiques (recrutement) et pour éviter le biais d’un impact de la saison sur le comptage dermatologique. Ce biais est d’autant plus limité que la période choisie, de novembre à mai, ne couvre pas la période de l’été au début de l’automne, propice au parasitisme externe et aux irritations cutanées.

Il est envisageable que les participants aient pu inconsciemment noter davantage de consultations de dermatologie, car ils savaient qu’ils participaient à une étude demandée dans le cadre du certificat d’études supérieures (CES) de dermatologie. Cependant, le grand nombre de jours de relevé et le résultat proche de l’étude américaine rendent cette hypothèse peu probable ou d’impact modéré.

Conclusion

Cette étude confirme les grandes tendances supposées de l’activité vétérinaire dans un cadre généraliste : la place de la consultation vaccinale est essentielle, avec des enjeux de fidélisation et de bonnes pratiques. La dermatologie ne doit pas être négligée dans la pratique courante et devrait être prise en compte quel que soit le motif de consultation.

Ces éléments prouvent la nécessité économique d’une formation dermatologique adaptée et de qualité dans nos écoles vétérinaires. Ils valident également la nécessité de poursuivre une formation postuniversitaire en dermatologie, même après s’être installé, car l’évolution rapide de cette discipline et les exigences toujours plus importantes de la clientèle sont une réalité que les praticiens ne peuvent ignorer.

Références

  • 1. Alpo Veterinary Panel. Dermatological disorders head problem list. DVM Magazine. 1985:22.
  • 2. Hill PB, Lo A, Eden CAN et coll. Survey of the prevalence, diagnosis and treatment of dermatological conditions in small animals in general practice. Vet. Rec. J. British Vet. Assoc. 2006;158(16):533-539.
  • 3. Ralston Purina Company. An Introduction to the nutrition of dogs and cats. Trenton: Veterinary Learning Systems. 1989:90-91.
  • 4. Scott DW. A Survey of canine and feline skin disorders seen in a university practice: small animal clinic, university of Montréal, Saint-Hyacinthe, Québec (1987-1988). Can. Vet. J. 1990;31:830-835.

CONFLIT D’INTÉRÊTS

Aucun.

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