MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE DES BOVINS
Fiche
Auteur(s) : Élodie Bois-Truchet*, Gilles Le Sobre**
Fonctions :
*Lycée agricole de Cibeins, 01600 Misérieux
**Unité clinique rurale de l’Arbresle, Groupe
de médecine des populations de VetAgro
Sup, 69210 L’Arbresle
Le péripartum est une période à risque pour la vache laitière en raison de la modification brutale de ses besoins énergétiques. Rappels concernant les métabolismes en jeu, et particulièrement celui des acides gras non estérifiés.
Le péripartum correspond à deux phases qui se succèdent brutalement dans le cycle de la vache laitière : la fin du tarissement et le début de la lactation. Cette période est très difficile à gérer pour l’éleveur car les besoins en glucose le lendemain du vêlage sont cinq fois plus importants que ceux de la semaine précédente. L’augmentation des quantités de concentrés ne suffit pas à couvrir les besoins énergétiques. De plus, une transition trop rapide ou trop courte peut entraîner une acidose ruminale, et un excès d’apports, aboutir à une dégradation des résultats de reproduction.
La période de fin du tarissement se situe 3 semaines avant le vêlage. Elle est caractérisée par des besoins d’abord faibles en énergie, puis qui deviennent importants pour la synthèse du colostrum. La capacité d’ingestion baisse fortement (d’environ 32 % dans les 3 dernières semaines, dont 89 % la dernière semaine), alors que les besoins ne font qu’augmenter.
Le début de la lactation correspond aux 3 semaines après le vêlage. Cette période est caractérisée par des besoins en énergie élevés, et est souvent associée à des maladies métaboliques (déplacement de caillette) ou infectieuses (métrites, mammites). Elle est marquée par :
– un bilan énergétique négatif (BEN), possiblement à l’origine d’une cétose ;
– une baisse de la calcémie, qui peut induire un retard de l’involution utérine et un déplacement de caillette ;
– un état d’immunodépression, à l’origine de métrite et de retard à la première insémination [1, 3].
Ce déficit énergétique est inévitable et physiologique. Chaque semaine post-partum, la matière sèche ingérée (MSI) tend à augmenter progressivement pour atteindre un maximum 2 à 4 mois après le vêlage.
En raison de ces deux stades physiologiques (fin de la gestation et début de la lactation), les besoins sont très différents sur le plan énergétique et l’adaptation métabolique doit être parfaite. La moindre maladie durant cette période tend à aggraver le déficit énergétique. Une série de mécanismes biologiques est mise en œuvre pour couvrir ces besoins. La gestion de la capacité d’ingestion pendant la période de tarissement, ainsi que l’anticipation des apports par l’éleveur peuvent permettre d’assurer une bonne lactation à la vache laitière. En effet, lorsque les apports alimentaires ne suffisent plus, une lipomobilisation des réserves corporelles se déclenche, à l’origine d’acides gras non estérifiés (AGNE). L’adaptation des bovins à la production de lait résulte en grande partie de la bonne régulation des métabolismes lipidiques au sein du tissu adipeux, du foie et de la mamelle. La quantité de MSI représente ainsi un enjeu majeur dans cette période de péripartum. En effet, l’objectif pour l’éleveur est que ses vaches laitières présentent une bonne ingestion, ainsi qu’une bonne intégrité hépatique (car la MSI baisse quand la sévérité de la stéatose hépatique augmente). La maîtrise de cette période de transition est donc capitale pour la suite.
Dans les conditions d’alimentation habituelles, peu de glucose est absorbé car les glucides alimentaires sont convertis en acides gras volatils (AGV). En cas de jeûne, les besoins sont couverts dans un premier temps par la glycolyse, afin de maintenir une concentration constante de glucose dans le sang et d’assurer le métabolisme énergétique des cellules glucodépendantes (cellules du cerveau notamment). Toutefois, les nutriments apportés par l’alimentation et les stocks de glycogène étant limités, ce sont alors les voies de la néoglucogenèse qui se mettent en place. Cette dernière est réalisée au niveau du cytosol, majoritairement dans le foie (90 %), mais également dans les reins (10 %, principalement par les acides aminés). Les besoins en glucose sont ainsi essentiellement assurés par la néoglucogenèse hépatique, qui correspond à la synthèse de glucose à partir de précurseurs non glucidiques (propionate, lactate, glycérol et acides aminés dits “glucoformateurs”, notamment).
Les acides gras non estérifiés, ou acides gras libres, représentent un élément important du métabolisme énergétique des bovins. Ils sont constitués d’un mélange complexe d’acides gras différant par leur nombre de doubles liaisons et d’atomes de carbone. Dans le plasma se trouvent principalement quatre acides gras, qui représentent 85 % des AGNE : l’acide oléique, l’acide palmitique, l’acide linoléique et l’acide stéarique, en majorité liés à l’albumine. La concentration en AGNE varie dans des proportions importantes en fonction de l’âge, de la prise de repas et de l’exercice physique. D’origine endogène, ils sont formés dans le cytoplasme des cellules (figure) [2]. Ils proviennent des triglycérides du tissu adipeux hydrolysés sous l’action de la lipoprotéine lipase à la fois tissulaire et sanguine. Les produits de cette hydrolyse sont le glycérol et les acides gras. Ils sont ensuite utilisés pour la synthèse des triglycérides à partir d’acyl-CoA dans le foie (synthèse de la matière grasse du lait), puis exportés vers le tissu adipeux, ou employés par le foie, où ils ont plusieurs devenirs possibles selon leur taille.
Les corps cétoniques sont représentés par trois molécules : l’acétone, l’acéto-acétate et le Β-hydroxybutyrate (BHB). Une partie est fabriquée dans la paroi du rumen (où l’acétone est exhalée), mais ils restent essentiellement produits dans la matrice mitochondriale du foie à partir d’acides gras. Souvent, ils sont assimilés à des déchets, mais ils se révèlent être un réel substrat énergétique pour les tissus extra-hépatiques (muscle squelettique, muscle cardiaque et cortex rénal). Ils ne sont pas néfastes pour l’organisme : seul leur excès peut entraîner des perturbations métaboliques. En effet, si leur accumulation devient trop importante et dépasse les possibilités d’élimination de l’organisme, le pH du sang diminue, ce qui provoque une acidose qui peut alors conduire, si elle persiste, à un coma mortel. Pour être en mesure de fournir une partie de l’énergie, l’acéto-acétate et le BHB sont transportés par le sang vers les tissus extra-hépatiques.
En cas de carence en glucose (notamment lors d’un jeûne prolongé), le cerveau utilise les corps cétoniques. Après 3 jours de jeûne, le tiers environ de l’énergie nécessaire au cerveau est apportée par les corps cétoniques. Après 40 jours, ceux-ci sont la principale source d’énergie pour le cerveau (70 %), mais le rendement énergétique de leur utilisation est bien inférieur à celui du glucose.
La cétose de type I survient habituellement 2 à 6 semaines après le vêlage, plus rarement dès la première semaine post-partum. Elle concerne des vaches laitières dont le déficit énergétique est trop important au pic de lactation (3 à 4 semaines postvêlage) et est à l’origine d’un manque de glucose qui provoque une augmentation trop importante des corps cétoniques. Une forte mobilisation des réserves en AGNE du tissu adipeux est observée grâce à la mesure de la perte de note d’état corporel (NEC) au cours des visites mensuelles de suivi. En effet, la mobilisation des réserves adipeuses de l’animal en début de lactation se traduit par la libération dans le sang d’AGNE. Une partie d’entre eux est captée dans le foie et transformée en acétyl-coenzyme A. Cette molécule, dont la voie de transformation dominante habituelle est celle du cycle de Krebs avec la formation d’adénosine triphosphate (ATP), en raison de la forte disponibilité en oxalo-acétate, suit alors la voie de la Β-oxydation avec la formation de corps cétoniques.
La cétose de type II, ou syndrome de la vache grasse, survient durant les 2 premières semaines de la lactation. Elle est essentiellement liée à un BEN avant vêlage, associé à une diminution de l’ingestion de la matière sèche après vêlage. Elle se développe lorsqu’une forte quantité d’AGNE (due à un excès d’apports alimentaires engendrant une élévation de l’insulinémie, puis une insulinorésistance) est délivrée dans le foie. L’utilisation des AGNE par les mitochondries des hépatocytes est moins importante, car la glycémie élevée en début de maladie liée à des apports alimentaires excessifs entraîne une inhibition de la transférase CPT1, qui est la “clé” pour pénétrer dans la mitochondrie. L’entrée des AGNE étant bloquée, ils s’accumulent fortement dans l’hépatocyte sous forme de triglycérides. Les capacités du foie à mobiliser ses triglycérides lorsque le taux d’AGNE est élevé étant relativement faibles, il en résulte une stéatose hépatique.
La cétose subclinique peut être objectivée, avant vêlage, par la mesure des AGNE et, après vêlage, par la mesure des BHB.
La régulation des besoins énergétiques de la vache laitière en péripartum est donc essentielle à une bonne production et une bonne reproduction. La mesure des AGNE avant vêlage peut permettre de prévenir les conséquences d’un déficit énergétique ante-partum.
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