Rappels sur l’interprétation des tests diagnostiques - Le Point Vétérinaire expert rural n° 350 du 01/11/2014
Le Point Vétérinaire expert rural n° 350 du 01/11/2014

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES DES RUMINANTS

Fiche

Auteur(s) : Sébastien Buczinski

Fonctions : Clinique ambulatoire bovine,
FMV St-Hyacinthe,
université de Montréal, Québec

Expliquer le choix des tests, montrer leurs limites et expliquer leur interprétation sont les valeurs ajoutées du praticien vétérinaire.

Les tests diagnostiques sont de plus en plus nombreux et de plus en plus abordables financièrement. L’éleveur attend du praticien un réel conseil de la part d’un intervenant majeur en santé animale. Afin de ne pas être perçu comme un simple technicien qui manie des outils diagnostiques apparemment simples d’utilisation et dont les résultats semblent indiscutables, le praticien doit expliquer à l’éleveur sa démarche diagnostique et montrer les limites des tests qu’il utilise.

Choix du test

Le choix du test doit être effectué selon plusieurs critères.

Objectif recherché

Le praticien peut expliquer à l’éleveur si le test est réalisé pour établir un diagnostic, obtenir un pronostic ou évaluer la réponse à un traitement, car son choix est orienté par les objectifs visés.

Diagnostic envisagé

Le praticien doit avoir en tête des hypothèses diagnostiques qu’il cherche à confirmer ou à infirmer avec un test. Cela permet à l’éleveur de mieux appréhender la démarche et également au praticien de mieux interpréter les tests et leurs limites. Dans le cas d’une prise de sang, par exemple, la réalisation d’un bilan biochimique complet peut mener à de fausses interprétations si le praticien ne sait pas trouver du sens aux paramètres modifiés et l’éleveur peut avoir l’impression que l’examen complémentaire lui a été facturé pour rien. De la même façon, le praticien doit veiller à ne pas surinterpréter des trouvailles qui ne sont pas liées directement à ses hypothèses préalables. C’est le cas, par exemple, d’une anomalie biochimique marginale sur un profil sanguin, sans que cette anomalie n’en soit réellement une.

Contexte

Le praticien doit choisir le test adapté pour les informations qu’il peut fournir dans une situation donnée, en fonction des symptômes, des commémoratifs de l’exploitation en termes de maladies ou de traitements préventifs ou curatifs, au moment où il est réalisé (pic d’hyperthermie ou maladie plus chronique), etc.

Réponse au test

Les tests peuvent donner une réponse dichotomique (positive ou négative) ou une réponse quantitative (qui peut être ramenée à une réponse dichotomique lorsqu’un seuil de positivité est déterminé).

Test dichotomique

Le praticien est en mesure d’expliquer les notions de sensibilité (Se) et spécificité (Sp) et de montrer les conséquences de la variation de leurs valeurs sur l’interprétation des résultats : un test plus sensible détecte les malades, un autre, plus spécifique, détecte les non-malades (encadré).

Le praticien montre ainsi :

– que les tests ont des limites et qu’une erreur est possible (faux positifs, faux négatifs) ;

– qu’il connaît ce risque ;

– qu’il choisit le test diagnostique (indices de performance) adapté au contexte (prévalence réelle ou hypothétique) ;

– qu’il peut et sait interpréter son résultat ;

– qu’il peut proposer des solutions adaptées au résultat obtenu (traitement, prévention, proposition d’un second test pour confirmer, etc.).

Test quantitatif

Les limites doivent être également bien expliquées. L’exemple le plus parlant reste le cas des tests hémato-biochimiques sanguins dont l’interprétation s’effectue en fonction d’intervalles dits de référence [2, 3]. Ces derniers sont issus d’un processus visant à établir les valeurs de 95 % de la population “normale” de référence. Ainsi le praticien doit savoir si ces références sont adaptées à sa population cible (par exemple, les paramètres du nouveau-né diffèrent de ceux d’un adulte). Le praticien doit également se rappeler que 5 % des animaux “normaux” obtiennent des valeurs qui sortent des limites habituelles. Donc en augmentant le nombre de tests (comme lors de profils sanguins résumant 20 à 40 métabolites), le risque de trouver une valeur sortant de l’intervalle de 95 % est de (1 - 0,95n) si les tests sont indépendants, où n est le nombre de paramètres testés. Ainsi, pour 20 (ou 40) paramètres, le risque de trouver une valeur aberrante est de 40 % (ou 64 %), sans qu’elle soit associée à une maladie. Cet exemple illustre le fait que les tests peuvent aiguiller le praticien dans une mauvaise voie (surdiagnostic ou surinterprétation du test). De même, des valeurs proches du seuil de positivité établi doivent être interprétées selon le contexte donné.

Modification des indices de performance

L’utilisation d’un seuil de positivité pour une variable continue est également souvent un dilemme pratique [1, 4, 5]. Par exemple, la lactatémie (qui permet de détecter une hypoperfusion) normale des vaches a une certaine variabilité (selon les appareils entre 0 et 2 à 3 mmol/l). La variabilité des animaux hypoperfusés est également constatée (par exemple de 2 à 15 mmol/l). Il existe donc une zone grise dans laquelle des animaux peuvent être hypoperfusés tout en conservant une valeur de lactatémie qui correspond à des valeurs physiologiques (dans ce cas de 2 à 3 mmol/l : zone grise) (figures 1 et 2).

Selon le contexte, le praticien peut choisir d’abaisser ou d’élever les seuils des tests, afin d’assurer son diagnostic. Ainsi, diminuer le seuil du test réduit la spécificité, induisant davantage de faux positifs, mais accroît la sensibilité, donc augmente la probabilité d’obtenir de vrais négatifs. Au contraire, si le praticien recherche les vrais positifs, il peut accroître le seuil de positivité, augmentant ainsi la spécificité (la sensibilité diminue alors, élevant le nombre de faux négatifs). Le bon ratio d’ajustement (seuil idéal) est souvent un compromis entre les coûts de mauvaise classification (c’est-à-dire la valeur d’un faux positif [animal non malade traité]/faux négatif [animal malade non traité]). Ce compromis est parfois difficile à établir avec précision, mais différents scénarios peuvent être envisagés afin de visualiser le seuil optimal selon les cas.

Ratio de vraisemblance et diagramme de Fagan

Le ratio ou rapport de vraisemblance

Le ratio de vraisemblance (RV) d’un test négatif est la proportion de tests négatifs chez les animaux malades par rapport à la proportion de tests négatifs chez les animaux sains : RV- = (1 - Se)/Sp [6].

Le RV d’un test positif est la proportion de tests positifs chez les animaux malades par rapport à la proportion de tests positifs chez les animaux sains : RV+ = Se/(1-Sp).

Probabilité d’avoir un animal vraiment négatif lorsque le test est négatif

Approche théorique

L’utilité pratique des RV est illustrée par l’approche suivante. Le diagramme de Fagan (1975) permet de tracer une droite entre la probabilité pré-test et la probabilité post-test selon le ratio de vraisemblance d’un test négatif. Ce diagramme est fondé sur le théorème de Bayes qui quantifie l’apport du test en fonction de la relation :

RV (positif ou négatif) x Probapré-test/(1- Probapré-test) = Probapost-test/(1-Probapost-test).

En termes plus concrets, ce que le praticien suppose avant de faire le test (probabilité pré-test) associé au résultat du test obtenu (RV positif ou négatif) permet de réactualiser la probabilité du diagnostic (probabilité post-test). Donc le RV permet de quantifier l’apport du résultat dans la démarche diagnostique suivant le résultat du test.

Exemple pratique

Un test Elisa pour la paratuberculose est négatif chez une vache de 4 ans récemment vermifugée, gestante de 6 mois, qui maigrit depuis un mois et présente une diarrhée chronique sans perte d’appétit dans un élevage qui a eu un cas clinique de paratuberculose deux ans auparavant. L’éleveur demande si ce résultat élimine la possibilité d’une paratuberculose clinique.

Le test utilisé a une sensibilité de 30 % et une spécificité de 95 %, soit un ratio de vraisemblance de résultat négatif de (1 - 0,3)/0,95 = 0,75.

Dans ce contexte précis (symptômes et historique du troupeau), la probabilité que l’animal soit malade est forte, avant même de réaliser le test Elisa, et estimée à 80 % (probabilité pré-test, qui n’est que l’idée que nous pouvons en avoir d’après notre expérience). La droite tracée sur le diagramme de Fagan montre une probabilité post-test d’environ 0,75 (figure 3). Cela signifie que, dans ce cas, l’animal testé a 75 % de risque d’être malade et ce, malgré un résultat négatif au test. Le praticien peut proposer à cet éleveur de confirmer ou d’infirmer le résultat par un second test.

Cet exemple permet d’illustrer notre raisonnement clinique et de répondre avec des données formelles, afin de nous distinguer comme un professionnel qui maîtrise ses outils diagnostiques. Cela suppose de connaître pour chaque test utilisé sa sensibilité et sa spécificité, ce qui est souvent le facteur limitant dans bien des situations en médecine vétérinaire.

Probabilité que l’animal soit réellement positif si le test est positif.

Le raisonnement est le même que précédemment, mais en utilisant le RV d’un test positif : Se/(1 - Sp) (soit 0,3/(1 - 0.95) = 6. Dans le cas où l’animal précédent présente un test Elisa positif, la probabilité post-test est légèrement supérieure à 95 %, ce qui, dans la plupart des cas, est suffisant pour confirmer la suspicion (moins de 5 % de risque d’erreur). Grâce à ce raisonnement, il est possible de quantifier plus facilement l’ajout du test diagnostique par rapport à la suspicion clinique initiale.

Conclusion

Les tests diagnostiques sont utilisés chaque jour par le praticien (fréquence cardiaque, échographie, analyses, etc.). Il convient de connaître les limites et les atouts de ces tests afin de les prescrire convenablement et de les faire comprendre aux éleveurs. Il est important de mieux quantifier les capacités diagnostiques (en termes de Se/Sp) des tests utilisés fréquemment afin de pouvoir employer certaines approches (telles que les diagrammes de Fagan).

Références

  • 1. Gardner IA, Greiner M. Receiver-operating characteristic curves and likelihood ratios: improvements over traditional methods for the evaluation and application of veterinary clinical pathology tests. Vet. Clin. Pathol. Am. Soc. 2006;35:8-17.
  • 2. Geffre A, Braun JP, Trumel C et coll. Estimation of reference intervals from small samples: an example using canine plasma creatinine. Vet. Clin. Pathol. Am. Soc. 2009;38:477-484.
  • 3. Geffre A, Friedrichs K, Harr K et coll. Reference values: a review. Vet. Clin. Pathol. Am. Soc. 2009;38:288-298.
  • 4. Greiner M, Gardner IA. Epidemiologic issues in the validation of veterinary diagnostic tests. Prev. Vet. Med. 2000;45:3-22.
  • 5. Greiner M, Pfeiffer D, Smith RD. Principles and practical application of the receiver-operating characteristic analysis for diagnostic tests. Prev. Vet. Med. 2000;45:23-41.
  • 6. Halkin A, Reichman J, Schwaber M et coll. Likelihood ratios: getting diagnostic testing into perspective. QJM: Monthly Journal of the Association of Physicians. 1998;91:247-258.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Indices de performance d’un test diagnostique dichotomique pour diagnostiquer une maladie

Sensibilité, spécificité et valeurs prédictives constituent les indices de performance des tests diagnostiques (tableau).

→ Sensibilité : capacité à détecter les malades, car c’est la fréquence des tests positifs chez les malades (les vrais positifs). Si un test a une sensibilité élevée, un résultat négatif permet ainsi d’éliminer l’hypothèse diagnostique.

→ Spécificité : capacité à détecter les non-malades, car c’est la fréquence des tests négatifs chez les individus sains (les vrais négatifs). Si un test a une spécificité élevée, un résultat positif confirme l’hypothèse diagnostique.

La sensibilité et la spécificité des tests sont indépendantes de la prévalence de la maladie.

→ Valeurs prédictives :

– valeur prédictive positive : probabilité que l’animal soit vraiment infecté, sachant que son test est positif ;

– valeur prédictive négative : probabilité de ne pas avoir la maladie quand le test est négatif.

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