PARASITOLOGIE DES RUMINANTS
Fiche
Auteur(s) : Jacques Devos*, Carine Paraud**
Fonctions :
*Commission parasitologie de la SNGTV,
route de Tarare, 42360 Panissières,
**Anses, Laboratoire de Niort,
60, rue de Pied-de-Fond, CS 28440,
79024 Niort
Après avoir confirmé le diagnostic par le test de réduction de l’excrétion fécale, le praticien doit veiller à ce que certaines mesures soient appliquées.
La résistance des strongles aux anthelminthiques est connue depuis de nombreuses années. C’est un phénomène inéluctable qui apparaît environ une dizaine d’années après la mise sur le marché du médicament considéré (tableau). La résistance est génétique (les individus préalablement résistants sont favorisés par la pression de sélection), donc héritable, et irréversible (pas de retour à la sensibilité, même en l’absence d’utilisation de la molécule) (encadré 1) [7].
Le praticien est régulièrement confronté aux réflexions d’éleveurs : « Le traitement n’a rien fait. Donnez-moi autre chose. » La première étape consiste à confirmer le diagnostic de strongylose.
Les causes de diarrhée sont diverses, et même si le parasitisme vient en tête du diagnostic différentiel lors de diarrhée au pâturage, il convient de réaliser un examen coproscopique pour le confirmer (photo). Ensuite, le praticien doit vérifier que le médicament indiqué contre la verminose considérée (par exemple, une molécule douvicide pour traiter une strongylose) n’était pas périmé et a été correctement stocké et utilisé selon la bonne posologie (le poids est-il correctement estimé ?) et la voie d’administration recommandée. Enfin, il convient de distinguer la résistance du parasite d’une réinfestation rapide (lors de pâturage permanent, par exemple).
Si ces règles de bonnes pratiques ont été respectées, la résistance peut être suspectée. Différents tests existent pour la confirmer.
Le test de réduction de l’excrétion fécale (REF), le seul réalisable en clientèle, ne détecte la résistance que dans le cas où plus de 25 % des strongles sont résistants [14]. Il est fondé sur la comparaison entre une réduction d’excrétion d’œufs à la suite d’un traitement et l’évolution d’excrétion d’œufs dans un lot comparable non traité (encadré 2). Ce lot témoin est nécessaire pour tenir compte de l’évolution normale d’une excrétion. Un lot de jeunes animaux (première saison de pâture) dont l’excrétion moyenne est au minimum de 150 opg pour les petits ruminants et de 100 opg pour les bovins doit être choisi de préférence [5].
Un comptage des œufs présents dans chacun des échantillons individuels est réalisé par coproscopie selon la méthode de McMaster (encadré 3).
Le pourcentage de réduction de l’excrétion fécale est calculé suivant la formule de Presidente (encadré 4) [2]. Pour une première approche par le praticien, les moyennes arithmétiques, plus simples à calculer, peuvent être utilisées.
Étant donné que la REF doit être supérieure à 99 %, un résultat inférieur à 95 % doit amener le praticien à soupçonner une résistance.
Ce premier test est suffisant pour confirmer la résistance aux benzimidazoles et au lévamisole chez les petits ruminants car elle a été fréquemment décrite en France [1, 3, 4, 9, 12, 17]. Un soupçon de résistance aux endectocides chez les petits ruminants ou à tout anthelminthique chez les bovins nécessite une confirmation expérimentale.
Si l’analyse statistique des données obtenues sur le terrain renforce la suspicion, des coprocultures doivent être réalisées à grande échelle.
Des animaux naïfs sont infestés avec un nombre connu de larves et répartis, de la même façon qu’en ferme, en deux lots (témoin et traité). Le traitement est administré dès qu’une excrétion fécale suffisante est observée (soit 4 à 5 semaines après l’infestation). Les animaux sont ensuite abattus et autopsiés pour la réalisation d’un bilan parasitaire. Les vers adultes sont isolés et comptés, les mâles sont identifiés.
Ce test peut infirmer ou confirmer une suspicion de résistance [8, 16]. Bien qu’éthiquement discutable et coûteux, ce test demeure actuellement celui de référence.
Différents tests in vitro ont été développés avec des possibilités d’utilisation variable suivant les familles d’anthelminthiques (éclosion des œufs, développement larvaire, inhibition de la migration larvaire, inhibition de l’alimentation des larves 1) [6].
Enfin, le développement des techniques de biologie moléculaire n’a pas épargné l’étude de la résistance aux anthelminthiques. Des tests PCR (polymerase chain reaction) existent pour la résistance aux benzimidazoles, d’autres sont en développement pour les endectocides [19]. Ces tests nécessitent l’identification de marqueurs génétiques étroitement associés à la résistance. Les mécanismes moléculaires de la résistance au lévamisole sont encore insuffisamment compris pour permettre le développement de tests similaires.
La résistance aux anthelminthiques est bien réelle et il est de la responsabilité de chaque praticien de veiller à une bonne utilisation de ceux-ci pour éviter qu’elle ne progresse. Tout soupçon et, a fortiori, toute confirmation doivent faire l’objet d’une déclaration en pharmacovigilance auprès de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV).
En plus des règles générales de bonnes pratiques (stockage, dosage et administration correctement réalisés), certaines mesures parasitologiques sont à appliquer :
- limiter le nombre de traitements annuels. Plus de trois traitements annuels, fréquemment observés en élevage de petits ruminants, exercent une forte pression de sélection [11]. La rotation de pâtures est une mesure efficace pour réduire fortement le risque parasitaire ;
- préserver des populations “refuges” peu soumises à la pression antiparasitaire par la réduction de la fréquence des traitements des animaux les plus âgés et le choix du moment de traitement. Dans de petits troupeaux, il est également possible de traiter seulement lors de signes cliniques de diarrhée ou d’anémie ;
- alterner les familles d’anthelminthiques (tant que le choix est possible) ;
- vermifuger les animaux introduits avec deux familles différentes et vérifier l’efficacité du traitement.
La résistance aux anthelminthiques n’est pas la seule cause d’échec de traitements. Des investigations sérieuses sont indispensables. Le praticien doit faire preuve de pédagogie auprès des propriétaires pour obtenir les conditions nécessaires à la bonne réalisation de celles-ci.
La mise en place de mesures de prévention n’est pas facile. Le rôle de vétérinaire conseiller de l’élevage prend ici aussi tout son sens.
Aucun.
→ Les premiers cas de résistance aux anthelminthiques ont été signalés à la fin des années 1950 et concernaient Haemonchus contortus résistant à la phénothiazine. La résistance au thiabendazole (commercialisé en 1961) apparaît dès 1964 [13]. D’autres strongles des ovins sont alors aussi concernés par ce phénomène (Teladorsagia circumcincta, trichostrongylus colubiformis). Ces résistances deviennent communes à travers le monde durant les années 1970 pour les strongles des ovins et des chevaux. Début des années 1980, les premiers cas de résistance multiple sont décrits. Ce phénomène menace l’élevage de petits ruminants dans certaines zones géographiques [15].
→ Après la mise sur le marché de la première lactone macrocyclique, l’ivermectine, au début des années 1980, plus de 25 ans ont été nécessaires avant l’apparition d’une nouvelle famille représentée en France par le monépantel, pour lequel des cas de résistance sont déjà décrits en Nouvelle-Zélande [18]. Cela doit inciter les praticiens à faire preuve de beaucoup de pédagogie auprès des éleveurs pour préserver les molécules existantes.
→ Répartir aléatoirement des animaux bien identifiés en lots de 10 à 15. Un plus grand nombre d’animaux rend les conclusions plus précises.
→ Prélever les matières fécales directement dans le rectum, et identifier correctement et de façon durable les échantillons.
→ Peser les animaux et les traiter avec la dose exacte recommandée dans l’AMM (et non en fonction de l’individu le plus lourd).
→ Prélever une seconde fois les mêmes animaux après un délai qui varie selon la molécule à tester (lévamisole : 3 à 7 jours ; benzimidazoles : 8 à 10 jours ; endectocides : 17 à 21 jours). Ce délai est lié à l’inhibition de la ponte provoquée par les anthelminthiques.
AMM : autorisation de mise sur le marché.
→ Peser 30 g de fèces (P), les écraser dans un mortier avec un peu d’eau.
→ Filtrer à travers un tamis de 200 µm avec de l’eau sous pression, laisser décanter une demi-heure au minimum.
→ Récupérer le culot et le transférer dans un verre à pied, laisser décanter une demi-heure.
→ Éliminer le surnageant, noter le volume du culot (V).
→ Mélanger 1 ml de culot avec 5 ml de solution dense : NaCl saturé pour les nématodes et trématodes (densité [d] supérieure à 1,1) ou ZnSO4 saturé si les trématodes sont aussi recherchés (d > 1,3).
→ Transférer dans une cellule de McMaster.
→ Compter les Œufs (N) dans les quadrillages (0,3 ml). Le nombre d’Œufs par gramme est calculé par la formule suivante :
OPG = N x (V x [1+5]) / (P x 0,3).
Source : formation GTV Partenaire Parasitologie – SNGTV.
→ REF1 : 100 x (1 - [T2/T1] [C1/C2]) : calcul effectué avec les moyennes arithmétiques.
→ REF2 : 100 x (1 - [T2/T1] [C1/C2]) : calcul effectué avec les moyennes géométriques.
→ REF3 : 100 x (1 - [T2/T1]) : calcul effectué avec les moyennes arithmétiques, en l’absence de lot témoin.
→ REF4 : 100 x (1 - [T2/C2]) : calcul effectué avec les moyennes arithmétiques sans prélèvement à J0.
Différentes méthodes de calcul ont été décrites [2]. REF1 et REF2 permettent de prendre en compte l’évolution normale de l’excrétion d’œufs grâce aux prélèvements effectués avant et après traitement dans le lot témoin (T1 et T2 : moyennes d’excrétion avant et après traitement dans le lot traité ; C1 et C2 : moyennes d’excrétion avant et après traitement dans le lot témoin).
Source : formation GTV Partenaire Parasitologie – SNGTV.
Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »
L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.
En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire
Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.
Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Point Vétérinaire.
Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire