ÉTAPE 8 : Cytologie des masses cutanées et sous-cutanées non tumorales - Le Point Vétérinaire n° 348 du 01/09/2014
Le Point Vétérinaire n° 348 du 01/09/2014

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Laetitia Piane*, Cathy Trumel**

Fonctions :
*Laboratoire central de biologie médicale, INP,
ENV de Toulouse, 23, chemin des Capelles,
31076 Toulouse
**Laboratoire central de biologie médicale, INP,
ENV de Toulouse, 23, chemin des Capelles,
31076 Toulouse

La cytologie des masses cutanées et sous-cutanées est un outil diagnostique peu invasif et utile lors de lésions simples (inflammatoires strictes ou néoplasiques strictes). Cependant, elle peut se révéler délicate et nécessiter une analyse histologique.

La connaissance de la structure histologique de la peau et de ses annexes est un prérequis indispensable avant toute interprétation cytologique.

Après un bref rappel des structures histologique et cytologique normales de la peau, la cytologie des masses cutanées et sous-cutanées non tumorales est abordée, en commençant par les lésions cavitaires, puis les lésions solides.

RAPPEL DES STRUCTURES HISTOLOGIQUE ET CYTOLOGIQUE DE LA PEAU

La peau est un revêtement malpighien kératinisé constitué de deux couches : l’épiderme (épithélium pluristratifié pavimenteux kératinisé) et le derme (tunique conjonctive richement vascularisée et inervée). Sous le derme, une couche conjonctive fibro-élastique variablement adipeuse, l’hypoderme (ou tissu sous-cutané, pannicule adipeux), ancre le derme aux faisceaux musculaires ou fascias sous-jacents (figure 1).

1. Épiderme

L’épiderme est constitué d’un épithélium stratifié pavimenteux kératinisé constitué de cinq couches successives : la couche basale (la plus profonde), la couche épineuse, la couche granuleuse, la couche claire et la couche cornée (la plus superficielle) (figure 2).

La couche basale est formée d’une assise de cellules cubiques souvent en division et séparée du derme sous-jacent par une membrane basale. D’autres types cellulaires sont présents, comme les mélanocytes responsables de la pigmentation cutanée.

Les cellules situées immédiatement au-dessus de la couche basale appartiennent à la couche épineuse. Celle-ci est généralement formée de deux ou trois assises cellulaires, mais peut atteindre jusqu’à trente couches dans la truffe et les coussinets plantaires. Ces cellules sont perpendiculaires à la membrane basale dans les assises profondes, puis s’aplatissent progressivement et se couchent dans les assises superficielles.

La couche cornée est l’assise la plus superficielle de l’épiderme et est constituée de plusieurs couches de cellules mortes, kératinisées, qui desquament et sont éliminées.

2. Derme

Le derme est situé sous la couche basale de l’épiderme et composé de structures annexielles (follicules pileux, glandes sébacées et sudoripares), de fibres musculaires lisses, de vaisseaux sanguins et lymphatiques, de nerfs et de fibres élastiques et collagéniques de taille variable.

3. Hypoderme

L’hypoderme (ou tissu sous-cutané, pannicule adipeux), qui ancre le derme aux faisceaux musculaires ou fascias sous-jacents, est composé d’adipocytes et de collagène.

4. Annexes cutanées

La peau présente un certain nombre d’annexes, en particulier les poils, les glandes sébacées et sudoripares qui dérivent embryologiquement de l’épithélium de surface.

Le follicule pileux est une structure tubulaire formée de cinq couches concentriques de cellules épithéliales. Au fur et à mesure de la progression du bulbe pileux vers la surface cutanée, les trois couches internes subissent une kératinisation pour former le poil proprement dit, tandis que les deux couches externes composent la gaine épithéliale.

Les glandes sébacées sont annexées aux follicules pileux. Elles sont présentes sous la forme de grappes de type acineux. Chaque glande est constituée d’acini convergeant vers un canal excréteur court qui se vide dans le follicule pileux. Chaque acinus est composé de cellules acineuses arrondies dont le cytoplasme est rempli de vacuoles lipidiques. Celles-ci sécrètent une substance huileuse, le sébum, à la surface du poil, dans la partie supérieure du follicule.

CYTOLOGIE NORMALE DE LA PEAU PAR CYTOPONCTION À L’AIGUILLE FINE

Les prélèvements cytologiques normaux des tissus cutanés et sous-cutanés sont pauvres en cellules. Ils contiennent un mélange de cellules épithéliales squameuses, d’adipocytes et de fibres collagéniques.

Les cellules basales sont de taille moyenne, cuboïdes, avec un rapport nucléocytoplasmique élevé, un noyau rond central et un cytoplasme basophile profond aux contours bien délimités. Les cellules des autres couches de l’épiderme, appelées aussi kératinocytes (ou cellules épithéliales squameuses) car elles sont composées de kératine, sont aplaties, de grande taille, du forme polygonale à bords anguleux, avec un rapport nucléocytoplasmique faible, un petit noyau contracté et un cytoplasme basophile clair abondant caractérisé par la présence de granules de kératohyaline basophiles à violacées. Ces cellules peuvent également contenir des pigments verdâtres à noirâtres de mélanine. La couche la plus superficielle est composée de cellules aplaties, dépourvues de noyau, de couleur bleu-vert à rose violacé appelées “squames” [2, 3].

LÉSIONS CUTANÉES ET SOUS-CUTANÉES NON TUMORALES

1. Lésions cavitaires

Hygroma et sérome

Un hygroma est une lésion fluctuante sous-cutanée se formant par frottement sur les zones de protrusion osseuse, en particulier en regard du coude des chiens de grande taille. Cytologiquement, un hygroma est caractérisé par un fond de frottis plus ou moins hémorragique associé à la présence d’une trame (protéique) ponctuée rose clair à légèrement basophile et à un infiltrat inflammatoire peu abondant composé de cellules sanguines et de macrophages (photo 1) [2, 3].

Tout transsudat se formant à la faveur de la dilacération du tissu conjonctif (par exemple autour d’une plaie chirurgicale) induit la formation d’un sérome, en tout point similaire cytologiquement à un hygroma.

De plus, l’examen cytologique du liquide synovial provenant d’une articulation atteinte d’une arthropathie dégénérative peut également être similaire et doit faire partie du diagnostic différentiel (hygroma versus arthropathie dégénérative).

Abcès et phlegmon

Un abcès est une accumulation locale de pus dans une cavité néoformée, à la différence du phlegmon qui, lui, n’est pas collecté.

L’abcès et le phlegmon sont cytologiquement identiques et caractérisés par la présence d’une trame ponctuée violacée et d’un infiltrat inflammatoire neutrophilique à mixte (neutrophiles et macrophages). L’infiltrat est dit “pyogranulomateux”. Les neutrophiles sont le plus souvent dégénérés, et les macrophages peuvent être activés et phagocytaires. Des bactéries (bacilles ou coques) sont également observées en plus ou moins grande quantité, libres sur le fond de frottis et phagocytées par les neutrophiles et/ou les macrophages (photos 2a et 2b) [2, 3].

Face à une lésion abcédée ou ulcérée et septique, un diagnostic différentiel avec un centre nécrotique surinfecté doit être établi et un processus sous-jacent (notamment néoplasique) ne peut être exclu

Hématome

Un hématome est une accumulation de sang apparaissant à l’intérieur d’un tissu après une hémorragie survenue à la suite d’un choc ou d’un trauma.

Cytologiquement, il est caractérisé par un fond hémorragique dépourvu de plaquettes et un infiltrat inflammatoire composé majoritairement de macrophages présentant des signes de résorption hématique active (érythrophagocytose) et/ou chronique (pigments noirâtres à verdâtres évoquant de l’hémosidérine, cristaux rhomboïdes jaunâtres suggérant de l’hématoïdine, etc.) (photos 3a et 3b) [2, 3].

Face à une résorption hématique, un diagnostic différentiel doit être envisagé avec tout type de lésion susceptible de saigner (par exemple un hémangiosarcome) [2, 3].

Kystes annexiels

Un kyste annexiel est caractérisé par de nombreux débris (amorphes, kératinisés), ainsi que de multiples squames isolées ou en amas pavimenteux, associé à des empreintes géométriques évoquant des cristaux de cholestérol (photos 4a et 4b). Un infiltrat inflammatoire pyogranulomateux peut être présent [2, 3].

Un diagnostic différentiel doit être établi avec une tumeur bénigne des annexes de la peau (par exemple un kérato-acanthome) [2, 3].

Sialocèle

Une sialocèle résulte d’une rupture ou d’une obstruction du conduit salivaire, qui entraîne l’accumulation de salive dans les tissus sous-cutanés. Elle se présente sous la forme d’une masse fluctuante en région mandibulaire contenant un liquide clair à séro-hémorragique et visqueux. Cytologiquement, elle est caractérisée par une trame basophile amorphe et myxoïde (trame visqueuse caractérisée par l’alignement des hématies en file indienne), parfois en lacs suggérant de la salive. Le fond de frottis est souvent hémorragique avec des signes de résorption hématique aiguë et chronique (érythrophagocytose et cristaux rhomboïdes jaunâtres d’hématoïdine) (photos 5a et 5b) [1, 3].

Un infiltrat inflammatoire est observé, avec, notamment, la présence de macrophages spumeux et phagocytaires (parfois difficilement différenciables des cellules sécrétrices des glandes salivaires) et de neutrophiles généralement minoritaires et non dégénérés. Lorsque la population inflammatoire est abondante, un diagnostic différentiel doit être établi, notamment avec une sialadénite [1, 3].

2. Lésions solides cutanées ou sous-cutanées

Granulome ou ulcère éosinophilique

Les prélèvements cytologiques de granulome ou de la plaque éosinophilique (dans le cadre d’un complexe granulome éosinophilique félin) mettent en évidence un infiltrat inflammatoire abondant caractérisé par la présence d’éosinophiles et de mastocytes bien différenciés. Celui-ci peut être associé à quelques lymphocytes.

Lorsque les lésions se surinfectent, un infiltrat inflammatoire mixte est observé (mélange de macrophages, de neutrophiles, de lymphocytes, de plasmocytes et nombreux éosinophiles et mastocytes). De rares cellules géantes multinucléées peuvent également être notées (photo 6) [2, 3].

Le diagnostic différentiel doit être effectué avec une hypersensibilité ou une allergie (allergie aux piqures de puces, allergie alimentaire, etc.), une infection atypique (parasitaire, fongique, bactérienne) ou un syndrome paranéoplasique (par exemple, mastocytome, lymphome).

Granulome à corps étranger et plaie de léchage

Lors de granulome à corps étranger ou de plaie de léchage, un fond de frottis hémorragique associé à un infiltrat inflammatoire mixte est observé (mélange de neutrophiles, de macrophages, de lymphocytes et de plasmocytes en plus ou moins grande quantité, et quelques éosinophiles et mastocytes bien différenciés). Des macrophages géants, multinucléés ou pseudo-épithéliaux sont généralement présents lors de granulome à corps étranger [2, 3].

Des amas de cellules sébacées sont observables, évoquant une hyperplasie sébacée réactionnelle. Les cellules basales suggèrent une hyperplasie épithéliale. Des mélanocytes et des cellules mésenchymateuses (dont des fibroblastes) peuvent mettre en évidence des atypies cytonucléaires réactionnelles en raison de l’inflammation présente (photos 7a à 7c) [2, 3].

Calcina circumscripta

La calcina circumscripta est une lésion peu fréquente, unique et circonscrite, secondaire à une minéralisation dystrophique (calcifications) en regard du derme profond ou du tissu sous-cutané. Sa cause n’est pas connue et elle est le plus souvent observée chez les jeunes bergers allemands (points de pression, sites de traumatisme, sous la langue, sur les articulations) [2, 3].

La lésion est de consistance ferme et crissante à la ponction.

Cytologiquement, des dépôts blanchâtres à jaunâtres réfringents et polarisants sont observés sur un fond nécrotique (trame rose ponctuée). Leur forme et leur taille sont irrégulières. Ils peuvent être isolés, mais sont le plus souvent en paquets (photo 8) [2, 3].

Des colorations spécifiques (von Kossa et Alizarine S) permettent de mettre en évidence la nature calcique de ces dépôts [2, 3].

Panniculite

Une panniculite correspond à une inflammation du pannicule adipeux et peut être d’origine infectieuse (bactérienne, fongique, parasitaire) ou être le reflet d’un traumatisme, d’un corps étranger, d’une réaction vaccinale ou médicamenteuse, d’un processus dysimmunitaire, d’un processus néoplasique sous-jacent (notamment sarcome), ou encore idiopathique. Son site préférentiel est la ligne du dos, le cou ou les membres proximaux.

Elle est caractérisée par un fond très gras associé ou non des adipocytes intègres, dans un contexte inflammatoire varié (neutrophilique, granulomateux, lymphoplasmocytaire ou mixte) (photos 9a et 9b). Les neutrophiles apparaissent généralement non dégénérés (sauf lors de panniculite nécrosante ou infectieuse). Les macrophages sont le plus souvent spumeux, et des macrophages multinucléés ou pseudo-épithéliaux peuvent également être observés. De petits lymphocytes et des plasmocytes sont parfois présents en grande quantité, en particulier en cas de réaction postvaccinale. Lors de lésion chronique, une fibrose peut être notée, et un plus ou moins grand nombre de cellules fusiformes réactionnelles sont alors visibles. La cause sous-jacente de la panniculite est parfois observée : matériel végétal, leishmanies, larves, etc. [2, 3].

Lors de suspicion de panniculite, une analyse histologique est toujours préférable, en particulier chez le chat, dans la mesure où elle peut masquer un processus tumoral sous-jacent, les complexes sarcomateux félins prenant souvent naissance au sein d’une panniculite.

Conclusion

Certaines lésions cutanées et sous-cutanées sont de diagnostic cytologique aisé (par exemple, abcès, granulome éosinophilique) tandis que d’autres sont plus complexes (granulomes à corps étranger, sialocèle, plaie de léchage et hyperplasie sébacée). Ces dernières requièrent parfois une analyse histologique pour confirmer ou infirmer la suspicion cytologique, ou pour déterminer la présence d’une éventuelle lésion sous-jacente (par exemple, panniculite et complexe sarcomateux félin).

Références

  • 1. Allison DJ. Subcutaneous glandular tissue: mammary, salivary, thyroid, and parathyroid. In: Cowell RL, Valenciano AC, Meinkoth JH et coll. Diagnostic cytology and hematology of the dog and the cat. 4th ed. Mosby Elsevier, Saint Louis. 2014:110-130.
  • 2. Fisher DJ. Cutaneous and subcutaneous lesion. In: Cowell RL, Valenciano AC, Meinkoth JH et coll. Diagnostic cytology and hematology of the dog and the cat. 4th ed. Mosby Elsevier, Saint Louis. 2014:80-109.
  • 3. Raskin RE. Skin and subcutaneous tissues. In: Raskin RE, Meyer D. Canine and feline cytology, a color atlas and interpretation guide. 2nd ed. WB Saunders, Philadelphia. 2009:26-76.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Une sialocèle est caractérisée par un fond de frottis plus ou moins hémorragique, associé à une trame basophile amorphe à myxoïde, parfois en lacs évoquant de la salive, avec des signes de résorption hématique aiguë et chronique.

→ Lors de granulome à corps étranger ou de plaie de léchage, des macrophages géants multinucléés ou pseudo-épithéliaux sont observables, qui ne doivent pas être confondus avec des cellules néoplasiques.

→ Une hyperplasie sébacée est souvent observée lors de plaie de léchage.

→ Une panniculite est caractérisée par un fond gras (globules gras et adipocytes) associé à un infiltrat inflammatoire granulomateux ou mixte et à des macrophages spumeux.

→ Lors de suspicion de panniculite, une analyse histologique est toujours préférable, en particulier chez le chat, pour exclure une lésion néoplasique sous-jacente.

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