Conduite à tenir en cas de fièvre chez le chien et le chat - Le Point Vétérinaire n° 348 du 01/09/2014
Le Point Vétérinaire n° 348 du 01/09/2014

MÉDECINE INTERNE CANINE ET FÉLINE

Conduite à tenir

Auteur(s) : Élodie Darnis*, Marie Vagney**, Juan Hernandez***

Fonctions :
*CHV Frégis
43, av. Aristide-Briand
94110 Arcueil
**CHV Frégis
43, av. Aristide-Briand
94110 Arcueil
***CHV Frégis
43, av. Aristide-Briand
94110 Arcueil

Une température rectale supérieure à 39,5 °C associée à d’autres signes cliniques peut être considérée comme une fièvre réelle, ou pyrexie. Il est alors essentiel de rechercher la cause de cet état fébrile.

Les causes de pyrexie sont multiples chez le chien et le chat. Ainsi, déterminer l’origine de la fièvre peut représenter un véritable défi et nécessiter de nombreux examens complémentaires. Bien que la conduite à tenir en cas de fièvre n’ait fait l’objet d’aucun consensus, cet article propose une démarche didactique à mettre en œuvre en pratique courante (figure 1).

ÉTAPE 1 DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE

1. Anamnèse, commémoratifs

L’approche diagnostique doit débuter par le recueil de l’anamnèse et des commémoratifs. Toute médication doit être arrêtée afin d’exclure une fièvre toxico-induite et de ne pas masquer certains signes. Par la suite, selon l’historique de l’animal, son mode de vie (voyage en zone endémique de maladies infectieuses, etc.) et le contexte épidémio-clinique (origine infectieuse ou dysimmunitaire privilégiée chez le jeune, néoplasique chez l’animal âgé), des causes infectieuses, dysimmunitaires, tumorales ou autres sont envisagées.

2. Examen clinique

Un examen clinique exhaustif (général, orthopédique, nerveux et oculaire) est requis [4, 5]. Il doit permettre de confirmer la présence d’une hyperthermie, souvent associée à d’autres signes en cas de syndrome fébrile (tachycardie, tachypnée, abattement, léthargie, hyperalgie, anorexie, adipsie, parfois amaigrissement, etc.).

Une attention particulière est portée à :

– la démarche de l’animal (possible polyarthrite associée uniquement à des difficultés locomotrices sans gonflement articulaire) et à la palpation minutieuse de toutes les articulations et de la colonne vertébrale ;

– la palpation des nœuds lymphatiques (recherche d’une anomalie de consistance, de contour et de taille en faveur d’une maladie infectieuse systémique, d’un lymphome, etc.) ;

– l’auscultation cardiaque. Elle est à renouveler à maintes reprises à la recherche d’une dysrythmie, d’un souffle (le plus souvent diastolique, en faveur d’une endocardite aortique) ;

– la recherche de signes d’hémolyse intravasculaire, tels qu’une pigmenturie ou une pâleur des muqueuses ;

– la recherche de troubles de la coagulation tels que des pétéchies ou des hématomes ;

– l’examen digité rectal (anomalie de la prostate en faveur d’une prostatite, douleur lombo-sacrée en faveur d’une spondylodiscite, modification de la muqueuse rectale, etc.) ;

– l’examen de la chambre antérieure de l’œil (uvéite) et du fond d’œil (choriorétinite) (photo 1).

La découverte d’une anomalie à l’examen clinique permet d’orienter spécifiquement les examens complémentaires en fonction de l’affection suspectée (tableaux 1 et 2).

3. Examens complémentaires de première intention

Examen hématologique

Une numération et une formule sanguines, ainsi qu’un frottis sanguin doivent être réalisés concomitamment. L’examen est, en général, peu spécifique, mais il peut toutefois fournir des indications sur la cause de la fièvre (tableau 3) [4, 5]. En revanche, la présence d’altérations morphologiques et/ou d’hémoparasites sur le frottis sanguin oriente fortement le diagnostic (photo 2, tableau 4). Par exemple, dans les formes chroniques de piroplasmose, difficiles à déterminer, notamment lorsque l’animal est immunisé, l’examen microscopique permet souvent d’établir le diagnostic car la charge parasitaire est alors importante [3].

Examen biochimique

Un examen biochimique est nécessaire pour rechercher, a minima, tout signe de cytolyse hépatique, d’insuffisance rénale ou d’hyperglobulinémie. Il permet d’orienter respectivement vers une affection hépatobiliaire, une pyélonéphrite, une maladie infectieuse chronique, une péritonite infectieuse féline ou un myélome multiple, par exemple [4, 5]. De plus, la concentration sérique des acides bilaires pré- et postprandiaux est pertinente à doser en cas de suspicion de shunt hépatique, ce dernier pouvant engendrer une hyperthermie. La protéine C réactive est un marqueur d’une inflammation aiguë, mais n’est pas spécifique [2].

Analyse d’urine et examen cytobactériologique urinaire

Un prélèvement d’urine par cystocentèse est indispensable pour rechercher une bactériurie. L’urine doit être mise en culture dans les 12 heures qui suivent le recueil et placée au réfrigérateur en attendant l’ensemencement. Un délai de 24 heures au maximum est toléré.

La présence d’une bactériurie peut être le reflet d’une pyélonéphrite, d’un abcès prostatique, mais elle est aussi parfois secondaire à une infection bactériémique, telle qu’une endocardite, une spondylodiscite, etc. [3]. Une bandelette et l’examen du culot de centrifugation doivent être effectués concomitamment. En cas de protéinurie à la bandelette, il convient de la quantifier (ratio protéine/créatinine urinaires) et de réaliser un examen du culot urinaire afin de confirmer l’origine rénale de la protéinurie et d’exclure une éventuelle infection urinaire. Une protéinurie significativement élevée peut orienter, selon les valeurs, vers une glomérulopathie (infection systémique telle qu’une ehrlichiose, une borréliose, etc.) [6]. Enfin, une glycosurie non associée à une hyperglycémie systémique est en faveur d’une tubulopathie possiblement présente lors de leptospirose.

4. Examens complémentaires selon le contexte

Ponction des nœuds lymphatiques

La détection d’une anomalie de taille, de contour ou de consistance des nœuds lymphatiques justifie la réalisation de prélèvements par ponction à l’aiguille fine pour une analyse cytologique ou par biopsie pour une analyse histologique.

Examens d’imagerie

En l’absence de suspicion clinique particulière, les examens d’imagerie médicale doivent précéder les investigations plus invasives. En effet, cette première étape permet de rechercher un foyer infectieux ou tumoral à exclure avant d’examiner une hypothèse dysimmunitaire idiopathique.

Des clichés radiographiques du thorax (face et profil) sont nécessaires, même en l’absence d’une anomalie de la courbe respiratoire, afin de rechercher un foyer de bronchopneumonie, une adénomégalie médiastinale, une lésion nodulaire isolée (abcès, néoplasie, métastase unique) ou multiple (abcès disséminés, métastases), un épanchement pleural (pyothorax, pleurésie, tumeur) ou des lésions osseuses (spondylodiscite, néoplasie) (photos 3 et 4). De plus, chez le jeune chien en croissance, en cas de douleur osseuse, des clichés des os longs sont indispensables à la recherche de signes de panostéite (photo 5) [3].

Une échographie de l’abdomen est intéressante, même sans anomalie à la palpation, afin de rechercher un foyer infectieux (pyomètre, abcès hépatique, splénique ou rénal, pyélonéphrite, pancréatite), une adénomégalie (hépatique, splénique, gastrique, mésentérique, colique ou lombo-sacrée) ou une tumeur (tumeur hépatique, rénale ou digestive, lymphome, etc.) (photo 6) [4, 5]. De plus, un examen échographique des disques intervertébraux permet de détecter une spondylodiscite.

Une laparotomie exploratrice est parfois nécessaire.

Un examen échographique cardiaque associé à un électrocardiogramme peut être proposé afin de déceler des signes d’endocardite (dysrythmie, présence de petites masses appendues et mobiles sur un feuillet valvulaire, appelées “végétations”).

Tests sérologiques et examen PCR

Des tests sérologiques de détection du virus de l’immunodéficience féline (FIV) et un test antigénique vis-à-vis du virus de la leucose féline (FeLV) s’imposent en cas de fièvre d’origine indéterminée chez le chat [5].

La recherche de micro-organismes infectieux par une analyse PCR (polymerase chain reaction) est l’examen de choix. Par exemple, une recherche de Mycoplasma spp. (anciennement appelée Hemobartonella spp.) par PCR sur le sang est indiquée lors de contexte épidémiologique favorable (chat d’extérieur présentant une pulicose, FIV-positif). Cette analyse est indispensable dans les cas où la maladie reste difficile à confirmer (anémie apparaissant tardivement, observation du mycoplasme délicate par confusion avec des artefacts au frottis sanguin) [5]. De même, une recherche de calicivirose par PCR sur le sang peut être effectuée en cas de suspicion d’atteinte systémique du chat, qui se manifeste uniquement ou initialement par de la fièvre (absence de signe respiratoire ou oculaire).

Pour certaines maladies, comme la leptospirose, l’anaplasmose et l’ehrlichiose, des tests sérologiques ou un examen par PCR sont choisis en fonction de la probabilité de durée d’évolution de l’affection [4]. Une détection à un stade précoce de la maladie, et pour laquelle la séroconversion est lente, oriente vers un examen par PCR.

Électrophorèse des protéines sériques

Une électrophorèse des protéines sériques est à réaliser en cas de suspicion d’affections associées à une hyperglobulinémie telles que la péritonite infectieuse féline et les tumeurs lymphoïdes sécrétant des immunoglobulines (myélome multiple, par exemple) (figure 2) [4, 5].

Ponction de liquide cérébro-spinal et ponction articulaire

L’examen de liquide cérébro-spinal (LCS) et/ou de liquide synovial est nécessaire au diagnostic de méningite (granulomateuse, nécrosante) et/ou de polyarthrite (parfois associées aux méningites aseptiques suppurées) [4].

Hémoculture

L’hémoculture permet de mettre en évidence une bactériémie. Elle est pertinente avant la mise en place d’une antibiothérapie, si possible. Idéalement, trois prélèvements doivent être réalisés à quelques heures d’intervalle, au moment des pics d’hyperthermie. Ces recueils sont effectués en respectant des règles strictes d’asepsie afin de prévenir le risque de faux positifs. Celles-ci comportent le port d’une blouse, d’un masque, d’une charlotte et de gants stériles, l’ouverture d’une seringue et d’une aiguille de manière stérile, et la tonte et la désinfection du site de prélèvement (photo 7).

L’intérêt consiste en la réalisation d’un antibiogramme qui oriente le choix du traitement antibiotique [4, 5].

De plus, le diagnostic d’endocardite est établi par la présence concomitante d’une bactériémie à l’hémoculture, et d’une anomalie de l’une ou de plusieurs valves cardiaques ou de l’endocarde.

ÉTAPE 2 CONDUITE THÉRAPEUTIQUE

Le traitement spécifique est fondé sur le diagnostic définitif, lorsque l’origine de la fièvre a été identifiée. Dans l’attente d’un diagnostic causal, une fluidothérapie systématique et des mesures de refroidissement de l’animal sont mises en œuvre (pain de glace, douchage, etc.) lors d’hyperthermie supérieure à 40,5 °C. Dans le cas d’une investigation rigoureuse qui n’a pas abouti à un diagnostic, une antibiothérapie probabiliste est conseillée. Le choix de l’antibiotique dépend de l’agent bactérien suspecté [4, 5].

Lorsque l’animal est en situation critique, l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) doit être raisonnée. En effet, l’hyperthermie est parfois bénéfique pour lutter contre l’agent causal et les traitements antipyrétiques peuvent compromettre les mécanismes de défense immunitaires (encadré). Par exemple, un animal neutropénique et fiévreux (parvovirose, chimiothérapie, etc.) ne doit pas être traité avec des AINS (la fièvre possédant un effet bactériostatique bénéfique). En cas d’hyperthermie persistante au-delà de 41,1 °C malgré les mesures de refroidissement, un AINS peut être administré afin d’aider à diminuer la température corporelle et réduire le risque de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).

Les anti-inflammatoires stéroïdiens (AIS) ne doivent pas être utilisés en première intention. Une étude a montré qu’une d’administration de corticoïdes d’une durée d’action de 24 heures augmentait statistiquement le temps d’établissement d’un diagnostic causal [1]. En cas d’essai thérapeutique, il convient de prévenir les propriétaires des effets potentiels de leur administration. En effet, ces médicaments sont susceptibles de provoquer une dissémination systémique de l’infection en cas de maladie bactérienne ou fongique non identifiée et résistante aux antibiotiques ou aux antifongiques. Il est indispensable que les animaux fiévreux soient hospitalisés. Enfin, les AIS diminuent aussi les chances de diagnostiquer une cause néoplasique sous-jacente (en cas de lymphome, par exemple). Lors de fièvre à médiation immune, l’adjonction d’un AIS résout la fièvre et les signes cliniques associés habituellement en 24 à 48 heures. Dans le cas contraire, l’emploi raisonné d’AINS, en prenant garde aux toxicités digestive, hépatique et rénale, est préconisé [4, 5].

Conclusion

Les principales causes de fièvre sont les infections, les maladies à médiation immune et les tumeurs. Le diagnostic se réalise étape par étape et un examen clinique minutieux et répété est essentiel. Les examens complémentaires de première intention sont mis en œuvre, puis des examens complémentaires plus spécifiques sont sélectionnés. Le traitement est adapté selon l’origine de la pyrexie identifiée.

Références

  • 1. Battersby IA, Murphy KF, Tasker S et coll. Retrospective study of fever in dogs: laboratory testing, diagnoses and influence of prior treatment. J. Small Anim. Pract. 2006;47(7):370-376.
  • 2. Chervier C, Chabanne L, Godde M et coll. Causes, diagnostic signs, and the utility of investigations of fever in dogs: 50 cases. Can Vet J. 2012;53 (5):525-530.
  • 3. Dunn KJ, Dunn JK. Diagnostic investigations in 101 dogs with pyrexia of unknown origin. J. Small Anim. Pract. 1998;39(12):574-580.
  • 4. Flood J. The diagnostic approach to fever of unknown origin in dogs. Compend. Contin. Educ. Pract. Vet. 2009;31(1):14-21.
  • 5. Flood J. The diagnostic approach to fever of unknown origin in cats. Compend. Contin. Educ. Pract. Vet. 2009;31(1):26-31.
  • 6. Harley Llangston C. Proteinuria in dogs and cats. Can. Vet. J. 2012;53 (6):631-638.
  • 7. Nelson RW, Couto CG. Small animal internal medicine. 4th ed. Mosby/Elsevier, St. Louis. 2009:1466p.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Étapes essentielles

ÉTAPE 1 Démarche diagnostique

> Anamnèse, commémoratifs

> Examen clinique

> Examens complémentaires de première intention : analyses hématologiques et biochimiques, analyse d’urine et examen cytobactériologique urinaire

> Examens complémentaires choisis en fonction du contexte : ponction des nœuds lymphatiques, examens d’imagerie, tests sérologiques et examen PCR, électrophorèse des protéines sériques, ponction du LCS et ponction articulaire, hémoculture

ÉTAPE 2 Conduite thérapeutique

ENCADRÉ
Mécanisme d’action des AINS

> Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) bloquent la synthèse des prostaglandines (PG) et s’opposent à la libération de la PGE2 par l’hypothalamus (responsable de l’élévation du thermostat hypothalamique).

> Tous les AINS n’ont pas le même pouvoir antipyrétique. Cela dépend de leur aptitude à passer la barrière hémato-méningée ou à inhiber les iso-cyclo-oxygénases hypothalamiques (COX-1 et COX-2). Un effet antipyrétique est atteint lorsque 80 % des COX sont bloqués par les AINS. Dans le contexte d’une hyperthermie nécessitant la mise en place d’un AINS, un anti-COX-2 peut être essayé en premier lieu, en évaluant son efficacité, pour prévenir les effets gastro-intestinaux des COX non sélectifs.

D’après [7]

Essential steps

Approach for cases of fever in dogs and cats

STEP 1 Diagnostic approach

> Medical history, anamnesis

> Clinical examination

> First choice ancillary examinations: haematological and biochemical analyses, urinalysis and urinary cytobacteriological examination

> Investigations chosen depending on the context: lymph nodes cytopuncture, medical imaging examinations, serological and PCR tests, serum-protein electrophoresis, CSF puncture and joint aspiration, blood culture

STEP 2 Therapeutic approach

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