Outils de surveillance automatisée des vêlages - Le Point Vétérinaire expert rural n° 345 du 01/05/2014
Le Point Vétérinaire expert rural n° 345 du 01/05/2014

REPRODUCTION DES BOVINS

Article de synthèse

Auteur(s) : Marie Saint-Dizier*, Sylvie Chastant-Maillard**

Fonctions :
*Génétique Élevage Reproduction,
AgroParisTech, 16, rue Claude-Bernard,
75231 Paris Cedex 05 stdizier@agroparistech.fr
**Reproduction, ENV de Toulouse,
23, chemin des Capelles, 31076 Toulouse Cedex 03

De nombreux systèmes sont maintenant disponibles pour prédire automatiquement la survenue du vêlage dans les jours ou les heures qui précèdent, mais aucun ne détecte spécifi quement la dystocie.

Dans un contexte où les troupeaux s’agrandissent, où la rentabilité doit se maintenir et où l’éleveur recherche une certaine qualité de vie, le développement d’outils de surveillance des mises bas est en nette progression. Les biocapteurs initialement conçus pour détecter les chaleurs et les boiteries permettent actuellement de mieux caractériser la séquence comportementale précédant le vêlage. Les études les plus récentes tentent même de prédire spécifiquement les vêlages dystociques.

DÉTECTION DES MOUVEMENTS LIÉS AU VÊLAGE

Un inclinomètre capte les angles par rapport à l’horizontal, un accéléromètre, l’augmentation de la vitesse selon trois axes orthogonaux.

Deux dispositifs sont actuellement disponibles en France, qui couplent ces deux fonctions (inclinomètre + accéléromètre) :

– l’Alert’Vel®(1) existe depuis plus de 20 ans, avec des modifications ;

– le Smart’Vel®(2) (depuis 2012) (photos 1a et 1b).

Ces outils se fixent à la base de la queue des vaches prêtes à vêler à l’aide d’un ruban adhésif. Ils détectent à la fois les levers de queue et les mouvements de la vache dans son ensemble.

Lorsque les comportements caractéristiques du vêlage sont détectés, un signal est envoyé à une base radio par ultra haute fréquence. Le signal est alors transmis à un ou plusieurs téléphones mobiles (SMS et/ou appels vocaux) via le réseau GSM (Global system for mobile communications).

Ces capteurs sont utilisables aussi bien en stabulation qu’au pâturage : la portée du boîtier récepteur peut être amplifiée par des antennes longue portée pour s’adapter aux conditions d’élevage. Après le premier appel, l’Alert’Vel® peut être réinitialisé à distance si l’éleveur estime (par la vidéosurveillance par exemple) que l’expulsion n’aura pas lieu rapidement après cette première alerte. Il est possible de moduler le seuil d’alerte selon les animaux et les élevages. L’avantage de ces appareils par rapport aux thermomètres intravaginaux est qu’ils permettent de suivre également les contractions de délivrance, qui se poursuivent normalement 6 à 8 heures après l’expulsion.

Le Smart’Vel® a été validé par une étude réalisée dans 13 élevages, sur 300 vêlages, où les six principales races françaises étaient représentées (holstein, montbéliarde, normande, charolaise, limousine, blonde d’Aquitaine). Une fiabilité de détection de 95 % a été annoncée par le constructeur. Aucune référence scientifique n’est cependant disponible à ce jour. L’investissement est de l’ordre de 3 000 à 3 500 € pour quatre capteurs, une base et un abonnement GSM (les prix indiqués sont valables pour des vêlages étalés ; dans les systèmes à vêlages groupés, chaque animal devant être équipé, le prix est plus élevé).

À l’avenir, les accéléromètres développés pour détecter les chaleurs pourraient être calibrés pour prédire l’imminence du vêlage. Ils détectent en effet les transitions debout-couché et des changements de comportement qui sont aussi des signes de vêlage(1).

Un essai mené sur 12 vaches équipées de l’accéléromètre Pedometer Plus® (Afimilk) a permis d’élaborer un algorithme qui aurait détecté 10 vêlages (sur 12) 24 heures à l’avance [8]. Aucune autre étude n’a validé cette méthode de détection des vêlages.

Les signes comportementaux précédant le vêlage diffèrent légèrement entre les primipares et les multipares [9]. Aucun outil n’est adapté à la parité de la vache.

Les capteurs de mouvements disponibles ne sont pas capables actuellement de détecter spécifiquement les vêlages dystociques (photo 2).

DÉTECTION DES CONTRACTIONS UTÉRINES

Un “avertisseur de vêlage” est disponible en France depuis la fin des années 1980 : il est composé d’une ceinture abdominale munie de capteurs de pression et d’un boîtier de transmission des informations par ondes ultra haute fréquence (Agrimonitor® Databel Technics, Belgique, www.agrimonitor.be) (photo 3).

Deux boîtiers de réception, munis ou non d’un système de transfert vers un téléphone, sont disponibles. Plus de 4 000 élevages en sont actuellement équipés.

Lorsque l’intensité et la fréquence des contractions utérines dépassent des valeurs seuils, une alarme “surveillance” est transmise. Si les valeurs dépassent un autre seuil, une alarme “urgence” est envoyée, qui correspond théoriquement au début de l’expulsion du veau.

Lorsque les contractions s’interrompent ou n’évoluent pas normalement (cas des dystocies), la ceinture doit envoyer une alarme “urgence” plus rapidement.

Aucune étude n’a publié de résultats avec cet outil.

Un système Agrimonitor® coûte environ 3 500 € pour deux ceintures et le module de réception.

Pour une bonne efficacité, la ceinture doit être fixée 2 à 3 jours avant la date présumée de vêlage. Un éleveur qui veut être prévenu dès le début du travail et ne souhaite pas de capteurs invasifs va choisir ce type de système [1].

DÉTECTION DE LA CHUTE DE TEMPÉRATURE ET DE L’EXPULSION DES EAUX

1. Principe

Les thermomètres intravaginaux détectent à la fois la chute de la température corporelle dans les 48 heures prépartum et le début du stade 2, lorsque le sac allantoïdien les expulse hors du vagin. Pour cela, des sondes sont maintenues dans le vagin grâce à des appendices souples en silicone (différentes tailles existent à choisir selon le format de la vache).

Deux dispositifs spécifiquement développés pour la détection du vêlage sont actuellement disponibles :

– le Vel’Phone®, commercialisé depuis 2007 par la société Médria (www.medria.fr) ;

– la Vel’Box®, lancée en 2012 par Gènes Diffusion (www.genesdiffusion.com).

L’investissement pour ces dispositifs est de l’ordre de 3 500 € (cinq capteurs et une base GSM).

La température est mesurée en continu (toutes les minutes pour Vel’Phone®, toutes les 10 minutes pour Vel’Box®). Les informations sont envoyées par ondes radio à une base GSM, dont la portée est de 80 à 200 mètres selon les outils et la configuration de l’élevage. Cette base peut être commune à plusieurs outils de détection : les Heat’Phone® (activitémètre pour la détection des chaleurs) et San’Phone® (thermobolus ruminal pour le suivi de la santé) chez Médria, ou Heat Box® (détection des chaleurs) chez Gènes Diffusion.

2. Exemple de fonctionnement : type d’alertes avec Vel’Phone®

Le Vel’Phone® envoie trois types d’alertes : la survenue probable d’un vêlage sous 48 heures (PRO), la survenue attendue d’un vêlage sous 48 heures (ATT) et l’expulsion du thermomètre (EXP, un détecteur permet ensuite de retrouver le dispositif). Le relevé des températures et les alertes peuvent être envoyés par SMS sur un à trois téléphones mobiles au rythme de son choix (jusqu’à deux fois par jour, avec retardement possible la nuit). Un essai expérimental chez 35 femelles a mis en évidence des intervalles de temps très variables entre l’alerte PRO (de 3 à 154 heures ; 44 heures en moyenne pour les génisses et 35 heures pour les vaches) ou ATT (de 3 à 157 heures ; 40 heures en moyenne pour les génisses et 23 heures pour les vaches) et le vêlage. Le pourcentage d’alertes suivies d’un vêlage dans les 48 heures a été respectivement de 80 % pour PRO et de 82 % pour ATT chez les génisses, et respectivement de 89 et de 100 % chez les vaches [4]. Les alertes sont donc fiables et l’éleveur est toujours averti de l’expulsion de la poche des eaux (100 % des vêlages sont précédés d’une alerte EXP).

Il n’existe pas encore de données équivalentes pour la Vel’Box®, commercialisée plus récemment.

3. Limites

La sensibilité des alertes plus précoces est assez faible, notamment chez les primipares : seulement 20 et 70 % des vêlages ont été précédés dans les 48 heures des alertes PRO et ATT respectivement chez les génisses, contre 70 et 80 % chez les vaches [4].

Une autre limite de ces outils est leur temps de calibration : il est préconisé de poser les sondes 7 à 10 jours avant la date présumée de mise bas. La variabilité de la durée de gestation étant élevée (écart type de 5 à 6 jours pour une race donnée), il est parfois difficile de respecter ce délai [6, 7, 11, 14]. Dans l’essai précité, 9 animaux n’ont pas pu être suivis par thermocapteur en raison de vêlages précoces par rapport au terme attendu [4].

4. Accès aux données

Les données du Vel’Phone® sont envoyées via un ordinateur sur un serveur Internet (Daily Web Service®) pour générer des courbes de suivi et leur historique, et être éventuellement compilées avec les données d’oestrus et de santé (Heat’Phone®, San’Phone®), ce qui fournit un tableau de bord zootechnique et sanitaire de l’exploitation. Cette interface permet également un ajustement des algorithmes aux particularités du troupeau par le fabricant. À l’échelle nationale, cette énorme base de données pourrait être utilisée à des fins de recherche, par exemple pour corréler individuellement les comportements enregistrés aux données du génome ou pour améliorer les outils de monitoring.

Dans le cas de la Vel’Box®, les données ne sortent pas de l’élevage, mais les courbes de température et l’état des capteurs sont consultables via un accès Internet.

5. Et la température ruminale ?

Le suivi continu de la température ruminale, aujourd’hui uniquement utilisé pour détecter des troubles de santé (San’Phone®, Médria), pourrait aussi être mis à profit pour repérer les vêlages. La température ruminale diminue significativement entre 48 et 24 heures avant la mise bas, passant en moyenne de 38,88 +/- 0,05 °C à 38,55 +/- 0,05 °C (d’après des mesures réalisées chez 30 vaches angus) [5]. La température ruminale n’est pas influencée par la température ambiante, mais varie selon un rythme circadien (minimal le matin, maximal en fin de soirée) et diminue de manière marquée à chaque buvée [5]. Son utilisation pour prédire le moment du vêlage nécessite donc un algorithme adapté.

AUTRES OUTILS DE SURVEILLANCE AUTOMATISÉE DU VÊLAGE

1. Rumination couplée à l’activité

Le temps de rumination diminue brusquement dans les 4 à 6 heures précédant l’expulsion du veau pour revenir à son niveau de base dans les 24 heures qui suivent [10, 11].

Le nombre de bols et de mouvements de mastication par temps de rumination n’est pas modifié autour du vêlage [10]. Le collier HR® (SCR, Israël), commercialisé sous le nom de Heatime-HR® (Évolution XY), HR-tag® (SCR) ou Qwes-HR® (Lely), enregistre à la fois l’activité de l’animal par un activité-mètre et sa durée de rumination à l’aide d’un microphone. Les applications sont actuellement la détection des chaleurs, des troubles de santé et la gestion de l’alimentation [2]. Aucune étude n’est disponible sur sa capacité à détecter les vêlages. La fréquence de mesure de la rumination, actuellement toutes les 2 heures, et l’emplacement des antennes de réception, souvent placées en salle de traite, seraient d’ailleurs à revoir pour une telle application. Dans la mesure où tous les animaux sont équipés en permanence, ce système est onéreux (9 000 à 10 000 € pour un troupeau de 50 à 60 vaches).

2. Vidéosurveillance

La vidéosurveillance est plus contraignante que les outils précédents pour détecter les vêlages. Elle nécessite une observation régulière des images en direct ou enregistrées. De plus en plus d’élevages sont équipés de caméras pouvant se déplacer sur rails et permettant de voir toutes les vaches de la stabulation. En l’absence de couverture totale, la préparturiente doit être déplacée à temps dans un box de vêlage équipé d’une unique caméra ou dans une partie du bâtiment où la vidéosurveillance est continue (photo 4). Il pourrait devenir possible d’automatiser l’interprétation des images d’observation des vaches. Dans une étude préliminaire, une analyse d’images automatisée a permis de détecter les comportements de 8 vaches gestantes dans les 24 heures prépartum à l’aide d’une seule caméra située au plafond d’un box de vêlage [3]. En modélisant la forme de la vache vue de haut et en prenant en compte plusieurs variables de déplacement, d’orientation et de surface toutes les secondes, les principaux comportements d’état des animaux (debout, couchée, mange ou boit) ont pu être détectés de façon entièrement automatisée. En moyenne 85 à 87 % des comportements ont été correctement détectés (en accord avec une détection manuelle par vidéosurveillance continue) [3]. À l’avenir, des systèmes de vidéosurveillance automatisés pourraient donc à la fois détecter les comportements spécifiques de vêlages normaux et dystociques, et alerter l’éleveur en temps utile. Leur utilisation est également envisageable en tant qu’outil pédagogique dans les lycées agricoles, les écoles agronomiques et vétérinaires et les centres de formation pour l’élevage.

Conclusion

La prédiction du vêlage dans les 24 à 48 heures reste encore peu sensible et n’est pas disponible sur la plupart des outils. L’outil universel, qui détecte à la fois les chaleurs, les troubles de santé et les vêlages, n’existe pas, mais certains outils actuels tels que les colliers repérant les mouvements et la rumination, moyennant quelques améliorations, pourraient s’en approcher. Les vêlages dystociques et la nécessité d’intervenir ne sont pas non plus prédits par ces outils. Des résultats encourageants ont été obtenus en conditions expérimentales et une sophistication des outils est annoncée. L’élevage de précision a de beaux jours devant lui : il répond à la fois à une demande des éleveurs et apporte des réponses aux questionnements croissants de la société vis-à-vis du bien-être animal.

  • (1) ALB Innovation, France, www.alertevelage.fr

  • (2) Évolution XY, France, www.evolution-xy.fr

  • (1) Voir l’article “Interpréter factuellement les signes prédictifs usuels de vêlage” des mêmes auteurs, dans ce numéro.

Références

  • 1. En l’absence 1. Allain C, Thomas G, Chanvallon A. Surveillance automatisée des vêlages en élevage bovin laitier. L’essentiel : Institut de l’élevage. 2013:1-10.
  • 2. Bar D, Salomon R. Rumination collars: what can they tell us? The first North american conference on precision dairy management. 2010:214-216.
  • 3. Cangar O, Leroy T, Guarino M et coll. Automatic real-time monitoring of locomotion and posture behaviour of pregnant cows prior to calving using online image analysis. Computers and electronics in agriculture. 2008;64:53-60.
  • 4. Chanvallon A, Leblay A, Girardot J et coll. Surveillance automatisé des vêlages chez la vache laitièire. Renc. Rech. Ruminants, Paris. 2012:408.
  • 5. Cooper-Prado MJ, Long NM, Wright EC et coll. Relationship of ruminal temperature with parturition and estrus of beef cows. J. Anim. Sci. 2011;89:1020-1027.
  • 6. Crews DH. Age of dam and sex of calf adjustments and genetic parameters for gestation length in Charolais cattle. J. Anim. Sci. 2006;84:25-31.
  • 7. Fisher LJ, Williams CJ. Effect of environmental-factors and fetal and maternal genotype on gestation length and birthweight of holstein calves. J. Anim. Sci. 1978;61:1462-1467.
  • 8. Maltz E, Antler A. A practical way to detect approaching calving of the dairy cow by a behavior sensor. In: Cox S, ed. Precision Livestock Farming. Wageningen Academic Publishers, The Netherlands. 2007:141-146.
  • 9. Miedema HM, Cockram MS, Dwyer CM, Macrae AI. Behavioural predictors of the start of normal and dystocic calving in dairy cows and heifers. Appl. Anim. Behav. Sci. 2011;132:14-19.
  • 10. Pahl C, Hartung E, Grothmann A et coll. Characteristics of rumination behaviour around calving. In: Berckmans D, Vandermeulen J, ed. Precision Livestock Farming. Wageningen Academic Publishers. 2013:784-792.
  • 11. Schirmann K, Chapinal N, Weary DM et coll. Short communication: Rumination and feeding behavior before and after calving in dairy cows. J. Dairy Sci. 2013;96:7088-7092.

EN SAVOIR PLUS

Hétreau T, Giroud O. Vidéosurveillance des chaleurs assistée par ordinateur. Point Vét. 2008;283:75-78.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Les accéléro- et inclinomètres sont aussi utilisables au pâturage grâce à des systèmes d’amplification.

→ Les thermomètres intravaginaux avertissent de façon fiable du moment de l’expulsion.

→ La détection spécifique des dystocies reste à approfondir.

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