Le dépistage de la BVD sur biopsies auriculaires est fiable - Le Point Vétérinaire expert rural n° 343 du 01/03/2014
Le Point Vétérinaire expert rural n° 343 du 01/03/2014

AFFECTIONS VIRALES EN ÉLEVAGE BOVIN

Article original

Auteur(s) : Éric Le Drean*, Véronique Duquesne**, Cyril Bapelle***, Françoise Mesi****, Cédric Chapuis*****

Fonctions :
*Institut en santé agroenvironnement (Isae),
10, rue Claude-Bourgelat, 35306 Fougères
**Anses, Laboratoire de Sophia-Antipolis,
Unité Pathologie des ruminants, Les Templiers,
105, route des Chappes, BP 111, 06902 Sophia-Antipolis
***Institut en santé agroenvironnement (Isae),
10, rue Claude-Bourgelat, 35306 Fougères
****GDS France, 149, rue de Bercy, 75012 Paris
eric.le-drean@cg35.fr

Le prélèvement de cartilage à l’oreille obtenu par la pose d’une boucle auriculaire d’identification est un aussi bon échantillon que le sang pour garantir que des bovins ne sont pas infectés permanents immunotolérants.

Les anticorps colostraux peuvent gêner le dépistage des animaux infectés permanents immunotolérants (IPI) vis-à-vis du virus de la diarrhée virale bovine (BVD). Il convient donc de réaliser le prélèvement avant la première buvée pour prévenir cette interférence diagnostique. De plus, dans le cadre de la constitution d’un fichier de garantie “non IPI”, un dépistage systématique à moindre coût et assorti d’une faible logistique est souhaitable. Avec l’avènement de la PCR (polymerase chain reaction), l’idée que le sang ne constitue pas le seul support diagnostique s’est répandue (même si l’Elisa permet aussi un diagnostic virologique sur divers tissus).

Le dépistage de la BVD associé à un geste pratiqué systématiquement chez le nouveau-né (la pose d’une boucle d’identification auriculaire) a vu le jour au début des années 2000.

Actuellement mis en œuvre dans certains départements français, il a auparavant été utilisé avec succès dans des contextes d’éradication déjà bien avancée, dans diverses régions du monde, dont les Alpes germanophones (Suisse, Tyrol) [1-3](1).

Avant d’étendre ce mode de dépistage à l’ensemble du territoire français, il convenait auparavant de vérifier les performances (faisabilité et fiabilité) de cette méthode sur cette nouvelle matrice.

CONTEXTE, OBJECTIFS, MODALITÉS DE L’ÉTUDE

La faisabilité de terrain de la biopsie auriculaire pour le dépistage du BVD-V, ainsi que les performances sur ce support (matrice) des méthodes d’analyse classiquement réalisées en France ont été étudiées.

Cette étude a été effectuée à l’échelon national. Elle a été initiée par les groupements de défense sanitaire (GDS France), et a donné lieu à un partenariat entre plusieurs laboratoires et agences de recherche (encadré 1).

Les données sur la faisabilité et la fiabilité des biopsies auriculaires ont été recueillies en vue d’une certification à l’échelle nationale (figure 1). Ce prélèvement, réalisable dès la naissance à la faveur de la pause de la boucle d’identification, figure dans le cahier des charges pour l’attribution d’une garantie “BVD : bovin non IPI”, édité par l’Association pour la certification de la santé animale (Acersa).

De plus, il s’agissait de constituer une banque de matériaux de référence pour les laboratoires (encadré 2).

Cent trente-neuf cheptels ont été sélectionnés répartis dans huit départements, ce qui représente 7 270 veaux prélevés systématiquement pendant toute la durée de l’étude (de mars 2011 à janvier 2012) pour, in fine, 7 261 échantillons analysables. Quatre kits diagnostiques actuellement commercialisés en France ont été utilisés selon une alternance hebdomadaire.

D’EXCELLENTES PERFORMANCES OBSERVÉES

Le pourcentage de résultats positifs obtenus était équivalent entre les différents kits, même si le taux d’animaux infectés permanents immunotolérants différait (un bovin IPI est celui qui a obtenu un deuxième résultat positif par PCR individuelle sur sang prélevé au moins 6 semaines après le premier prélèvement). Ainsi, 78 animaux IPI ont été détectés (soit 1,1 %) (tableau 1).

La performance de la méthode d’analyse utilisée sur cette matrice inhabituelle qu’est le cartilage auriculaire a été vérifiée. Pour cela, 61 animaux positifs et 60 autres négatifs ont été euthanasiés. Leur sang et leurs oreilles ont été prélevés pour constituer des échantillons de matériaux de référence.

La sensibilité et la spécificité de chacun des kits employés dans cette étude ont été appréciées (tableau 2). Les deux kits PCR et l’Elisa Idexx (Erns) donnent d’excellentes performances d’analyse et une parfaite concordance des réactifs (Kappa = 1). L’Elisa LSI (NS2/3) a révélé un défaut de détection des animaux IPI, donc une concordance moyenne (Kappa = 0,93).

La concordance entre matrices a également été appréciée selon le même protocole (un échantillon de biopsie auriculaire, de sérum et de sang total des 121 animaux de référence a été testé avec les kits PCR et l’Elisa Erns). Elle est parfaite entre les trois matrices sur les trois kits étudiés.

De plus, le site de biopsie n’a pas d’impact sur les résultats obtenus en PCR (étude d’homogénéité : six zones étudiées par oreille (figure 2, photo).

La conservation du prélèvement avant analyse a été évaluée in vitro par exposition à deux températures (25 °C et 37 °C) pendant 30 jours (figure 3). Les résultats montrent que les biopsies sont exploitables dans les délais et les conditions de terrain testés.

La matrice reste exploitable pendant plusieurs mois lorsqu’elle est stockée au laboratoire à une température négative. L’étude de stabilité n’a montré aucune perte ni aucune diminution du signal positif des matériaux testés (trois matériaux de référence positifs, de titre viral différent et stockés à – 20 °C, ont été analysés tous les mois, alternativement avec un kit PCR LSI ou Elisa Idexx). Pour une utilisation dans le cadre d’une garantie non IPI, l’étude a été poussée jusqu’à une évaluation “en mélange” de dix lysats pour les méthodes PCR (kits PCR LSI et AES).

Ainsi, 21,4 % des mélanges négatifs, soit 654 animaux, ont été testés de nouveau individuellement. Aucun résultat IPI n’a été observé. Le niveau exigible de détection a été déterminé (sur un matériau de référence positif de faible charge virale), puis il a été vérifié que ce faible positif dilué dans des lysats négatifs au 1/10e était bien retrouvé.

Conclusion

Une banque d’échantillons positifs et négatifs a été constituée à partir de cette matrice. Elle permettra la fiabilisation du diagnostic de la BVD. Celui-ci s’appuie, en effet, sur la validation des outils diagnostiques, c’est-à-dire le contrôle des réactifs, mais aussi des laboratoires par des essais en incluant plusieurs (envoi d’échantillons identiques mais codés différemment).

Le coût d’une analyse sur biopsie d’oreille en mélange (tarif entre 10 et 15 € globalement) est compatible avec des actions de grande envergure.

  • (1) Voir l’article “État des lieux sur la biopsie auriculaire dans les dispositifs BVD” par B. Bouquet, dans ce numéro.

Références

  • 1. Presi P, Struchen R, Knight-Jones T et coll. Bovine viral diarrhea (BVD) eradication in Switzerland – Experiences of the first two years. Prev. Vet. Med. 2011;99(2-4):112-121. Consultable en ligne http://www.nationalmilklaboratories.co.uk/images/pdf/presi.pdf
  • 2. Presi P, Heim D. BVD eradication in Switzerland – A new approach. Vet. Microbiol. 2010;21;142(1-2):137-142.
  • 3. Schöpf Karl, Matt M, Dünser M. Eradication and control of Pestivirus infection in Tyrolean Cattle – Ear notch sampling as a new diagnostic approach. Conférence Congrès mondial de Buiatrie, Nice 2006.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRE 1
Participants à l’étude du dépistage de la BVD sur biopsies auriculaires à l’échelon national

→ Initiateur de cette étude : groupement de défense sanitaire (GDS) France.

→ Partenaires :

– l’Institut en santé agroenvironnement d’Ille-et-Vilaine (Isae 35) ;

– le laboratoire vétérinaire départemental 25 (LVD 25) ;

– l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) Sophia-Antipolis ;

– les laboratoires départementaux et les GDS des départements de l’Ain (01), du Cantal (15), du Doubs (25), du Jura (39), de la Manche (50), du Rhône (69), de la Haute-Saône (70) et du Territoire de Belfort (90).

→ Fournisseurs: AllFlex, LSI, Idexx, AES.

ENCADRÉ 2
Objectifs détaillés de l’étude

→ Évaluer la faisabilité de terrain (modalités de prélèvement, délais, anomalies).

→ Évaluer les performances des kits disponibles sur cette matrice (sensibilité, spécificité, concordance entre les kits et les matrices).

→ Évaluer la faisabilité en laboratoire (homogénéité, stabilité, utilisation en mélange).

Points forts

→ Pour une utilisation dans le cadre d’une garantie “non IPI”, l’étude a été poussée jusqu’à l’évaluation :

– des modalités pratiques de terrain : traçabilité de l’échantillon, site de prélèvement sur l’oreille (homogénéité), stabilité lors du transport ;

– des modalités pratiques au laboratoire : facteur maximal de mélange (10 lysats en PCR), stabilité lors de la conservation, fiabilité des différents kits commerciaux utilisés en France.

→ Le volume d’échantillons testés permet d’assurer la fiabilité des analyses statistiques réalisées.

→ L’étude a permis la constitution d’une échantillothèque de matériaux de référence.

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