Thrombo-embolies : diagnostic chez le chien et le chat - Le Point Vétérinaire n° 342 du 01/01/2014
Le Point Vétérinaire n° 342 du 01/01/2014

MÉDECINE INTERNE

Dossier

Auteur(s) : Caroline Léger

Fonctions : Clinique vétérinaire Alliancevet
73, avenue Jean-Kiffer
94420 Le Plessis-Trévise
www.alliancevet.fr
contact@alliancevet.fr

Deux localisations de thombo-embolies sont détaillées : les thrombo-embolies pulmonaires, fréquentes chez l’homme et sans doute sous-diagnostiquées chez l’animal, et les thrombo-embolies aortiques, principalement d’origine cardiaque, chez le chat.

La formation d’un caillot dans une cavité cardiaque ou la lumière vasculaire est appelée une thrombose. L’embolisation d’un fragment du thrombus, ou thrombo-embolie (TE), correspond à son déplacement dans la circulation sanguine(1). Une thrombo-embolie est dite “pulmonaire” lorsqu’une artère pulmonaire est obstruée. Elle est dite “aortique” lorsque le thrombus se situe dans l’aorte. Ces deux affections naissent d’un mécanisme physiologiquement similaire, mais ont des conséquences différentes : l’expression clinique dépend de la localisation de l’embole.

1 Thrombo-embolie pulmonaire

Épidémiologie

Comme le diagnostic de certitude est difficile à établir du vivant de l’animal, la prévalence des thrombo-embolies pulmonaires (TEP) n’est pas connue.

Dans l’espèce féline, une étude rétrospective reposant sur des diagnostics post-mortem montre que le sexe et l’âge ne sont pas des facteurs discriminants (la population concernée est âgée de 10 mois à 18 ans). La courbe de distribution des âges des chats victimes de TEP apparaît bimodale. Les deux pics sont notés avant 4 ans et après 10 ans, sans qu’aucune explication ne soit formulée [15]. Les chats victimes de TEP sont très souvent émaciés en raison de la coexistence de maladies intercurrentes [12, 15].

Les conséquences d’une TEP dépendent de la position, de la taille, de la vitesse d’installation du thrombus et de son origine. Ces critères influent directement sur l’étendue du territoire “amputé”, de laquelle découlent les signes cliniques de la thrombo-embolie.

Les informations qui suivent sont en grande partie issues de la médecine humaine. Elles sont extrapolées au chien et au chat, pour lesquels, à ce jour, les études manquent.

Conséquences respiratoires

Deux phénomènes interviennent dans la pathogénie de la TEP.

PHÉNOMÈNE MÉCANIQUE

Le phénomène mécanique est directement lié à l’occlusion vasculaire par le thrombus.

L’installation du thrombus dans une artère pulmonaire entraîne un défaut de perfusion d’une partie du parenchyme pulmonaire. La ventilation reste présente mais inefficace. Le retentissement respiratoire de la TEP est complexe. La ventilation reste fonctionnelle au départ alors que la zone n’est plus perfusée. L’air inspiré n’étant alors plus en contact avec un territoire vascularisé, les échanges gazeux sont impossibles. Une hypoxémie s’installe par défaut d’hématose (réoxygénation du sang dans les poumons).

De plus, l’hypocapnie locale (dans l’alvéole, la pression en O2 s’accroît alors que celle en CO2 reste proche de 0) entraîne une pneumoconstriction.

Une portion du poumon est donc peu perfusée et peu ventilée : c’est l’effet shunt. En effet, une part du sang circulant n’a pas été enrichie en O2. Là aussi, la résultante est une hypoxémie.

Dans les régions pulmonaires saines, le débit de perfusion est augmenté. La pression hydrostatique et la perméabilité vasculaire (libération des facteurs humoraux) augmentent et peuvent induire la formation d’un œdème pulmonaire [4].

PHÉNOMÈNE HUMORAL

Les médiateurs vaso-actifs libérés par les lésions endothéliales locales, le stress hypoxique, la thrombine du caillot sanguin et les produits de libération plaquettaire (histamine, sérotonine) diffusent dans le parenchyme pulmonaire adjacent. Ils sont à l’origine d’une vasoconstriction et d’une bronchoconstriction de territoires pulmonaires initialement non concernés [4].

Dans le territoire occlus, ils sont également responsables d’un défaut de synthèse du surfactant. Cela provoque une atélectasie [4].

CONSÉQUENCES CARDIAQUES DE LA TEP

L’augmentation de la résistance vasculaire dans le système pulmonaire artériel induit une élévation de la pression artérielle, donc une hausse de la postcharge du ventricule droit (VD). L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) peut conduire à une dilatation du VD. La dilatation secondaire de l’anneau tricuspidien, donc le reflux tricuspidien fonctionnel induit, est responsable de la dilatation de l’atrium droit. Un septum dit paradoxal (mouvement de bascule du septum interventriculaire) peut aussi être le témoin de la surcharge du ventricule droit.

Les signes cliniques associés sont ceux d’une insuffisance cardiaque congestive droite, notamment une ascite et un épanchement pleural.

De plus, les contraintes subies par le ventricule droit induisent une fibrose myocardique progressive qui conduit à une insuffisance ventriculaire droite, c’est-à-dire à la baisse de son débit. La précharge ventriculaire gauche (degré de remplissage) faiblit et, par conséquent, une diminution du débit cardiaque gauche survient. Un choc cardiogénique avec une hypotension systémique est alors possible. La présence d’un septum paradoxal peut aggraver les conséquences sur le cœur gauche en diminuant son remplissage. Ces conséquences cardiaques dépendent de la sévérité de l’occlusion. Le lit vasculaire pulmonaire possède une grande capacité d’adaptation [4]. Ainsi, de nombreuses TE passent inaperçues. Chez le chien sain, l’obstruction de plus de 60 % du flux pulmonaire est nécessaire pour qu’une altération des résistances pulmonaires soit notée [4]. Les conséquences cliniques d’une TEP sont le plus souvent proportionnelles à l’importance du territoire vasculaire amputé. Ainsi, si le thrombus est de grande taille ou que plusieurs épisodes emboliques se sont rapidement succédé, l’amputation vasculaire pulmonaire est importante, souvent proximale, et l’impact sur l’hématose et les répercussions cardiaques sont plus graves.

Conduite à tenir face à une suspicion de thrombo-embolie pulmonaire

La conduite à tenir face à une suspicion de TEP est la suivante :

– établir la présence de l’embolie pulmonaire. En pratique, cela est souvent difficile à réaliser car les outils diagnostiques sont peu disponibles et le recours à l’anesthésie des animaux n’est pas recommandé dans le cadre d’une suspicion de TEP ;

– étudier le retentissement cardiovasculaire et sur l’hématose ;

– faire le point sur l’affection, l’origine du thrombus (non abordé dans cet article).

Diagnostic clinique

Une TEP se manifeste en général par une dyspnée de survenue brutale. La liste des autres signes cliniques attribuables à une TEP n’est pas spécifique, et comporte : apathie, anxiété, intolérance à l’effort, effort respiratoire, respiration gueule ouverte, toux, tachypnée, hémoptysie, cyanose, syncope, tachycardie et mort subite [4, 15]. À l’auscultation, des bruits pulmonaires continus ou discontinus peuvent être entendus : crépitements et sifflements [17]. L’intensité des bruits cardiaques et pulmonaires est parfois atténuée si un épanchement pleural est présent.

Un souffle systolique droit, reflet d’une éventuelle insuffisance tricuspidienne fonctionnelle observée lors d’HTAP, peut être audible.

Tous ces signes cliniques sont très variables, notamment en intensité, et sont peu spécifiques. Ils dépendent en partie de l’ampleur de la ou des embolies et de la capacité compensatoire de l’organisme de l’animal. Une relation existe entre les affections associées qui ont favorisé la formation du thrombus et ces symptômes [4].

Le diagnostic clinique n’est pas précis. Chez un chat ou un chien déjà malade, atteint d’une affection intercurrente prédisposant aux TE et présentant des anomalies respiratoires d’apparition aiguë ou une aggravation subite d’un trouble respiratoire chronique, une suspicion de TEP doit être évoquée(1).

Étude de l’hémostase

FACTEURS À ÉTUDIER

L’étude de l’hémostase présente plusieurs intérêts lors d’hypothèse de TEP :

– prouver l’existence d’un état d’hypercoagulabilité ;

– mettre en évidence des anomalies renforçant la suspicion clinique de TEP.

Il existe plusieurs facteurs de l’hémostase primaire et secondaire impliqués dans l’apparition d’un état d’hypercoagulabilité, donc dans la genèse des TE :

– l’augmentation de l’agrégation plaquettaire ;

– les diminutions de taux d’antithrombine (AT), des protéines C et S, de plasminogène et d’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) ;

– et les élévations en inhibiteur de l’activateur du plasminogène (PAI-1) [5].

DOSAGES À EFFECTUER

Les dosages du PAI-1 et des protéines C et S appartiennent au domaine de la recherche et l’évaluation de l’agrégation plaquettaire est peu disponible pour le praticien.

En l’absence de thrombopénie, la fonction plaquettaire peut être estimée par le temps de saignement gingival, mais cet examen est peu reproductible, et difficilement standardisable et interprétable dans le cadre d’une hypercoagulabilité. Son résultat est alors incertain.

Les dosages réalisables au chevet du malade incluent le comptage des plaquettes, la mesure des taux de prothrombine (PT), des temps d’activation partiel de la thromboplastine (aPTT) et de thrombine (TT), le dosage du fibrinogène et des produits de dégradation de la fibrine (PDF), ainsi que celui de l’AT.

Le PT explore la voie extrinsèque et correspond au temps de Quick (exprimé en secondes tandis que le PT l’est en pourcentage). L’aPTT (ou temps de céphaline activée) explore la voie intrinsèque. Le TT teste la transformation du fibrinogène en fibrine (voie commune).

Cependant, il apparaît que ces analyses sont souvent normales dans les cas de TE ou que leur modification n’est pas spécifique de l’évolution de celle-ci [4].

PRODUITS DE DÉGRADATION DE LA FIBRINE ET D-DIMÈRES

→ Les produits de dégradation de la fibrine sont les molécules issues du clivage du fibrinogène et de la fibrine par l’intermédiaire de l’action de la plasmine.

Leur demi-vie relativement longue et leur élévation qui se rencontre dans de nombreuses situations pathologiques, dont les maladies thrombotiques, font que leur dosage est peu spécifique, donc difficile d’interprétation [4].

→ Les D-dimères correspondent aussi à des marqueurs de la fibrinolyse. En revanche, ils ne témoignent que de la lyse de la fibrine insoluble. Leur présence indique donc qu’un processus de fibrinolyse a suivi la formation d’un thrombus physiologique ou pathologique [18]. Cela prouve qu’une synthèse de thrombine a eu lieu.

Comparés aux PDF, les D-dimères sont des marqueurs de thrombose dont la valeur prédictive négative est importante (grande probabilité d’une absence de TE lorsque le test est négatif), de bonne sensibilité mais de faible spécificité.

Chez le chien, un seuil à 250 ng/ml permet d’obtenir une sensibilité de 80 % et une spécificité de 30 % : une valeur de D-dimères inférieure à 250 ng/ml est très peu en faveur d’une TEP [3].

Chez le chat, peu d’études existent. Une élévation fréquente des D-dimères a été montrée chez des animaux atteints de coagulation intravasculaire disséminée et/ou malades (péritonite infectieuse féline, pyothorax, péritonite septique, pancréatite, cholangio-hépatite, tumeurs). Les chats sains présentent systématiquement des valeurs normales ou peu, voire très peu modifiées (catabolisme basal du fibrinogène) [18].

D’autres dosages sont disponibles mais non utilisables en routine (encadré 1 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).

ACTIVITÉ D’UN INHIBITEUR DE LA COAGULATION : L’ANTITHROMBINE

L’AT est un inhibiteur de la coagulation. La réduction de son activité est rencontrée dans de nombreuses affections et conduit à un état d’hypercoagulabilité. Par exemple, lors de syndrome néphrotique, l’AT est éliminée à travers la membrane glomérulaire lésée. L’évaluation de son activité est donc intéressante pour évaluer le risque de thrombose. Cependant, chez le chien, une étude récente sur les glomérulopathies avec syndrome néphrotique montre que le lien entre une hypercoagulabilité et une AT n’est pas si évident et qu’il doit être nuancé [9].

En effet, un chien atteint d’un syndrome néphrotique et présentant une activité de l’AT normale peut malgré tout se trouver en état d’hypercoagulabilité. Une des hypothèses est que l’hypercholestérolémie favorise l’agrégation plaquettaire et contribue donc également à l’état d’hypercoagulabilité multifactorielle.

Ainsi, la décision thérapeutique (administration d’aspirine, par exemple) fondée sur l’hypoalbuminémie et la diminution de l’activité de l’AT peut être discutable.

Les valeurs du dosage de l’AT sont extrapolées à partir des résultats connus chez l’homme [4].

En général, bien qu’il n’existe pas de consensus, de nombreux auteurs suggèrent qu’une activité comprise entre 50 et 75 % correspond à un risque modéré de thrombose, tandis qu’une activité inférieure à 30 % expose à un risque élevé (cela est valable chez le chien et le chat) [4].

Le dosage de l’AT chez le chat n’est pas communément réalisé en laboratoire.

Imagerie

RADIOGRAPHIE

Face à un animal dyspnéique, des clichés radiographiques sont souvent réalisés en première intention. Ils peuvent apparaître normaux lors de TEP. Ainsi, entre 9 et 27 % des chiens atteints de TEP présentent des images normales [4].

En revanche, chez le chat, même si les anomalies radiographiques observées sont très peu spécifiques de TEP, elles sont presque toujours observées (études incluant un faible nombre de cas) [4].

Les images évoquant une TEP comportent diverses caractéristiques, pas toujours présentes simultanément :

– la densité est parfois modifiée : densification interstitielle-péribronchique-alvéolaire localisée ou disséminée. Par exemple, un œdème pulmonaire peut survenir dans les zones devenues hyperirriguées ;

– une hypovascularisation régionale est détectable. Elle se traduit par une aire de radiotransparence qui représente des régions où le flux sanguin distal à la thrombose est réduit. Parallèlement, une augmentation de la perfusion de la vascularisation pulmonaire non obstruée est parfois observée ;

– le diamètre et la forme des vaisseaux pulmonaires sont modifiés : augmentation de diamètre, tortuosité, interruption du trajet d’un vaisseau ;

– la silhouette cardiaque est modifiée : cardiomégalie droite, dilatation des artères pulmonaires à leur départ ;

– un épanchement pleural peut être présent (photo 1) [6, 15, 17].

Le diagnostic différentiel inclut un asthme, une bronchite allergique, une aélurostrongylose, une tumeur, une pneumonie virale, une dirofilariose (augmentation du diamètre et tortuosité des artères pulmonaires périphériques associée à des densifications broncho-interstitielles localisées ou diffuses, hyperclarté pulmonaire et élargissement de la silhouette cardiaque), une bronchopneumonie bactérienne, en particulier d’origine hématogène [19].

Cependant, les anomalies radiographiques sont peu spécifiques de la TE et reflètent très souvent plutôt ses conséquences.

Une TEP peut donc être suspectée chez un animal sévèrement dyspnéique dont les clichés thoraciques sont normaux ou discrètement modifiés. De même, elle doit être envisagée chez un animal subitement dyspnéique et pour lequel il apparaît difficile d’établir un diagnostic étiologique à partir de clichés thoraciques présentant des anomalies décrites ci-dessus [14].

La radiographie ne permet pas de donner un diagnostic de certitude (faibles sensibilité et spécificité), mais elle peut exclure d’autres affections. De plus, en raison de son accessibilité, elle reste l’examen de première intention à réaliser chez un animal dyspnéique. Elle doit être couplée avec d’autres moyens d’imagerie [6].

ÉCHOGRAPHIE-DOPPLER

L’échographie-Doppler permet d’apprécier les conséquences cardiaques et vasculaires (hypertension artérielle pulmonaire, cœur pulmonaire) d’une TEP, ainsi que de diagnostiquer une éventuelle cardiopathie comme cause favorisante.

Chez l’homme et le chien, une hypertension artérielle pulmonaire, conséquence d’une TEP, est souvent présente. Elle se manifeste échographiquement par quatre signes :

– une dilatation des cavités droites du cœur, du tronc pulmonaire et des artères pulmonaires ;

– un mouvement paradoxal du septum interventriculaire ;

– un flux d’insuffisance tricuspidienne caractéristique d’une HTAP systolique (en l’absence de dysplasie tricuspidienne) (photo 2) ;

– une insuffisance pulmonaire caractéristique d’une HTAP diastolique (en l’absence de sténose pulmonaire) [4].

Par analogie, Il convient de rechercher ces signes échographiques indirects chez le chat suspect de TEP [17].

Cependant, le développement d’un cœur pulmonaire (aigu ou chronique) n’est pas spécifique de TEP. Parfois, il est possible de visualiser directement le thrombus dans le tronc pulmonaire, le ventricule ou l’atrium droit [4].

ANGIOSCANNER

L’angiographie pulmonaire par tomodensitométrie, ou angioscanner, est devenue l’examen de choix dans le diagnostic des TEP chez l’homme. Son principe consiste à identifier un caillot dans la circulation pulmonaire après injection d’un produit de contraste iodé. Le thrombus apparaît comme une image en soustraction dans la lumière du vaisseau obstrué (photos 3a, 3b et 3c). Peu invasif (injection via un cathéter périphérique), plus rapide, donc moins risqué, l’angioscanner permet, en plus, de localiser le thrombus et de déterminer sa forme et sa taille, de visualiser les lésions parenchymateuses localement et d’évaluer le thorax globalement (identification d’une cause sous-jacente) [2]. Quand il est normal, cet examen exclut l’existence d’une TEP [6]. Pour le chat, de volumineux thrombi sont visualisables par cette méthode, mais des études sont requises afin de déterminer la sensibilité et spécificité d’un angioscanner dans la détection d’emboles de petite taille [2].

La diminution du délai d’acquisition des images et l’augmentation de leur précision grâce aux scanners multicoupes (16 barrettes ou plus) permettent d’envisager plus facilement la recherche de TEP chez les animaux anesthésiés [4].

Autres techniques de diagnostic

La scintigraphie et l’imagerie par résonance magnétique sont peu utilisables (encadrés 2 et 3 complémentaires sur www.lepointveterinaire.fr).

2 Thrombo-embolie aortique féline

Définition

La thrombo-embolie aortique (TEA) féline est une obstruction partielle ou totale de l’aorte par un thrombus. Cette affection gravissime est principalement d’origine cardiaque. La prédisposition de l’espèce féline aux cardiomyopathies (CM) explique en grande partie la survenue de TEA [10]. Généralement, le thrombus se forme au sein de l’atrium gauche et vient obstruer l’aorte distale au niveau de sa trifurcation [8].

Dans 10 à 15 % des cas, la maladie concerne une autre localisation :

– le membre antérieur (droit le plus souvent), l’affection se traduisant par une paralysie de celui-ci ;

– le rein, induisant une insuffisance rénale ;

– le cerveau, entraînant des syncopes, des convulsions ;

– le mésentère, provoquant des diarrhées [13, 16].

Toutes les formes de CM (excepté le type arythmogène du ventricule droit) peuvent promouvoir la formation d’un thrombus [10]. 13 à 17 % des chats atteints de formes hypertrophiques développeraient une TEA [8].

De même, les myocardiopathies secondaires (thyréotoxicose, hypertension artérielle systémique, endocardite) prédisposent aux TEA.

Enfin, les emboles d’origine tumorale (carcinome pulmonaire, par exemple) et les emboles septiques (endocardite) représentent d’autres origines beaucoup plus rares de TEA [10].

Facteurs favorisants, conduite à tenir

Lors de TEA, les facteurs qui favorisent la triade de Virchow, donc l’apparition d’un thrombus, sont :

– la stase sanguine résultant de la dilatation atriale ;

– la réactivité particulièrement développée des plaquettes dans l’espèce féline ;

– les jet lésions (lésions endothéliales) engendrées par la régurgitation mitrale.

Face à une TEA, il convient, tout d’abord, de confirmer la présence de l’embolie. Ensuite, le retentissement sur les conditions circulatoires et l’affection à l’origine du thrombus doivent être étudiés.

Diagnostic

Les conséquences cliniques résultent de l’ischémie de la zone concernée et dépendent de plusieurs facteurs :

– la localisation de l’embole ;

– l’importance de l’occlusion et sa durée ;

– la qualité de la circulation collatérale ;

– le stade et les répercussions de la CM [13].

DIAGNOSTIC CLINIQUE

Les symptômes, de survenue brutale, sont relativement univoques et un diagnostic clinique suffit en général à établir l’existence d’une TEA. Lorsque celle-ci est distale, le praticien peut s’appuyer sur les “5 P” : pain, paralysis, pallor, pulselessness, poikilothermy ou polar (tableau 1) [10].

Une hypothermie liée au choc hypovolémique est un facteur pronostique péjoratif (moins de 50 % de survie si la température rectale à l’admission est inférieure à 37,2 °C) [10].

Les examens sanguins et l’imagerie viennent confirmer l’hypothèse de TEA, et ont pour objectif d’évaluer précisément ses conséquences et son origine.

EXAMENS BIOCHIMIQUES

Plusieurs paramètres biochimiques doivent être mesurés afin d’évaluer les répercussions de la TEA (tableau 2).

L’hyperkaliémie sévère, conséquence des lésions dites de reperfusion, est une complication souvent fatale des TEA.

Le syndrome de reperfusion regroupe l’ensemble des conséquences dues à la recirculation brutale sur un ou des membres ischémiques. Les déchets du métabolisme cellulaire accumulés sont alors relargués dans la circulation générale.

RADIOGRAPHIE

À la radiographie thoracique, des images d’œdème pulmonaire et d’épanchement pleural sont parfois visibles. La silhouette cardiaque peut apparaître anormale. Cet examen est à proscrire lorsque la détresse respiratoire est importante, en raison du stress qu’il engendre. Une gestion de la douleur préalable est requise. En effet, une fois celle-ci contrôlée, la détresse respiratoire est moins importante et les clichés sont réalisables.

La radiographie permet d’évaluer la silhouette cardiaque, donc de confirmer la suspicion de cardiopathie dans ce contexte.

ÉCHOCARDIOGRAPHIE

L’échographie cardiaque permet de classer la CM (hypertrophique, dilatée, restrictive ou non classifiée). Elle est pertinente une fois que l’animal est stabilisé sur le plan cardiorespiratoire et que la douleur est maîtrisée. La visualisation de volutes et/ou de thrombi intracavitaires est possible, ainsi que la recherche du thrombus aortique (aorte distale, trifurcation) (photo 4). Cependant, dans le cas où aucun thrombus n’est retrouvé, le diagnostic de TEA n’est pas pour autant exclu. Cela est d’autant plus vrai si l’examen est réalisé plus de 24 heures après l’embolisation [10].

Conclusion

Selon la localisation des thrombo-embolies, différents types de signes cliniques sont observés. Le pronostic à court et moyen terme dépend souvent de l’affection causale et de la taille de l’embole.

Les méthodes diagnostiques de la TE et de son origine sont nombreuses. Leur intérêt respectif et leurs limites doivent être connus pour une gestion optimale des animaux atteints.

  • (1) Voir l’article “Hémostase et thrombo-embolie chez le chien et le chat” du même auteur, dans ce numéro.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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