Association entre les niveaux d’anticorps anti-Ostertagia ostertagi dans le lait de tank et les paramètres de reproduction et de mortalité des bovins - Le Point Vétérinaire expert rural n° 342 du 01/01/2014
Le Point Vétérinaire expert rural n° 342 du 01/01/2014

PARASITOLOGIE DES BOVINS

Étude

Auteur(s) : Arnaud Delafosse

Fonctions : Groupement de défense sanitaire
de l’Orne, BP 138, 61004 Alençon

L’intérêt de l’Elisa Ostertagia réalisé sur le lait de tank comme indicateur de pertes de production en élevage laitier est confirmé.

En Europe occidentale, les espèces les plus importantes de nématodes gastro-intestinaux (GI) chez les bovins laitiers sont Ostertagia ostertagiet Cooperia oncophora [7]. L’impact de ces parasites est considéré comme majeur lors de la première saison de pâturage, mais des études ont démontré que des infestations subcliniques pouvaient limiter la production de lait [4, 10]. La difficulté majeure reste cependant l’identification des troupeaux où le niveau d’infestation est assez élevé pour justifier un traitement antiparasitaire chez les adultes [14].

Des méthodes immuno-enzymatiques (Elisa) ont été utilisées pour quantifier les anticorps dirigés contre O. ostertagi dans le lait à l’aide d’un ratio de densité optique (ODR) (encadré).

Une étude a été réalisée pour évaluer le lien entre les ODR mesurés sur le lait de tank et des paramètres de reproduction et de mortalité.

MÉTHODE ET OBJECTIFS

Les données ont été recueillies entre 2008 et 2010 à l’occasion du suivi effectué sur tous les troupeaux laitiers de l’Orne (Normandie) [3]. L’objectif était d’évaluer l’intérêt du test Elisa Ostertagia sur le lait de tank comme indicateur de pertes de production en élevage laitier. Dans chaque troupeau suivi, la moyenne arithmétique des ODR mesurés sur le lait de tank en novembre 2008, en novembre 2009 et en novembre 2010 a été calculée puis transformée en une variable qualitative en utilisant deux seuils produisant trois niveaux : faible (inférieur ou égal à 0,70) ; moyen (supérieur 0,70 et inférieur ou égal à 0,90) et fort (supérieur à 0,90). Les données de 1 444 troupeaux ont pu être traitées pour les paramètres de reproduction, de 1 443 cheptels pour les paramètres de mortalité avant 90 jours et de 1 435 élevages pour les paramètres de mortalité après 90 jours.

RÉSULTATS

Dans l’ensemble, les paramètres étudiés sont meilleurs dans les troupeaux à faible ODR (tableau). Par rapport à cette classe de référence, l’âge à la première mise bas (APMB) est retardé de 1,5 mois dans la classe à ODR moyen et de 2,5 mois dans la classe à fort ODR. De même, le premier intervalle vêlage-vêlage (IVV) est augmenté de 8 à 10 jours dans la classe à fort ODR comparativement aux autres classes. La même tendance a été observée avec les IVV suivants, mais avec des différences moins marquées. La mortalité à la naissance est similaire dans les trois classes, mais elle est ensuite plus élevée dans les classes à ODR moyen et fort, notamment pour les veaux âgés de 91 à 365 jours (+ 92 % pour la classe à fort ODR versus la classe à faible ODR).

Une analyse logistique multivariée a été conduite pour prendre compte des facteurs de confusion possibles : effectifs, type racial, période de vêlage, proportion de primipares, statut BVD (diarrhée virale bovine), statut fasciolose et comptage cellulaire de tank. Cette modélisation a confirmé l’association entre un APMB tardif et le statut ODR, l’odds ratio ajusté étant de 1,40 pour la classe à ODR moyen et de 1,94 pour la classe à fort ODR, par rapport à la classe de référence (faible ODR). En revanche, aucune association significative n’a été relevée avec les IVV. Le statut Ostertagia est significativement associé à une forte mortalité pendant deux périodes : de 0 à 30 jours et de 91 à 365 jours. Ainsi, pour la mortalité entre 0 et 30 jours, l’odds ratio ajusté est de 1,22 pour la classe à ODR moyen et de 1,43 pour la classe à fort ODR, ces valeurs étant de 1,46 et 1,72 pour la mortalité entre 91 et 365 jours.

DISCUSSION

1. Âge à la première mise bas

Dans cette étude, une relation a été trouvée entre le score Ostertagia, ODR mesuré sur le lait de tank, et l’âge à la première mise bas, ce qui suggère qu’un fort challenge parasitaire a un effet négatif sur la reproduction. L’impact négatif du parasitisme GI sur la croissance, donc sur le poids à âge type, a été démontré dans de nombreuses études, notamment en mesurant l’effet des traitements anthelminthiques sur des races laitières [6, 12]. Une forte infestation parasitaire doit, en ralentissant la croissance pondérale des génisses, retarder leur âge de maturité sexuelle.

2. Intervalles vêlage-vêlage

Aucune relation significative n’a été observée, avec l’approche multivariée, entre les IVV et le score Ostertagia, bien qu’un effet significatif ait été observé avec l’analyse bivariée, en particulier pour le premier IVV. De précédentes études ont montré une réduction de l’IVV chez des bovins traités avec des anthelminthiques par rapport à ceux qui recevaient un placebo. Ainsi, dans une étude canadienne portant sur 549 vaches (20 troupeaux), le lot traité avec de l’éprinomectine présente un IVV moyen de 117 jours contre 126 jours pour le lot placebo [11]. Dans la même étude, les ODR Ostertagia ont été mesurés individuellement sur le lait de 109 vaches et les résultats montrent que les vaches à ODR élevés ont une probabilité de fécondation significativement plus faible que celles à faibles ODR. De même, dans une étude portant sur 430 vaches (5 troupeaux) en Australie, il a été constaté que les vaches traitées avec de l’ivermectine pendant la période sèche avaient un IVV 4,8 jours plus court que les contrôles [15]. La même observation a été réalisée à l’échelle du troupeau sur 940 exploitations laitières françaises avec une augmentation de l’IVV de 1,5 jour lorsque l’ODR Ostertagia mesuré sur le lait de tank augmentait de 0,482 à 0,720 [5]. À l’opposé, une étude canadienne portant sur 2 381 vaches (35 troupeaux) n’a pas démontré d’effet bénéfique sur la reproduction d’un traitement à base d’éprinomectine instauré au vêlage, mais les troupeaux avaient une conduite d’élevage intensive peu favorable au développement du parasitisme GI [13].

3. Mortalité

Le lien entre le niveau d’infestation parasitaire GI des vaches et la mortalité des issus a été exploré en comparant des lots de vaches allaitantes “traitées” et “non traitées” et en observant une réduction de la mortalité des veaux dans les groupes “traités” [4, 6]. À l’échelle du troupeau, aucun travail n’a été publié sur la relation entre les ODR Ostertagia mesurés sur le lait de tank et des paramètres de mortalité, en particulier au cours de la première année de vie. Dans cette étude, le modèle logistique confirme une surmortalité des veaux issus de cheptels à forts ODR dans les 30 premiers jours de vie (0 à 30 jours) puis après le sevrage (90 à 365 jours). Pour les autres classes d’âge étudiées, 31 à 90 jours et après 365 jours, les résultats ne sont significatifs qu’avec l’analyse bivariée. La mauvaise qualité du colostrum de vaches soumises à un fort challenge parasitaire pourrait contribuer à la surmortalité des jeunes veaux. En effet, il semble qu’O. ostertagi module la réponse immunitaire des bovins et réduise leur capacité de réponse à des antigènes hétérologues [16, 17]. L’impact d’Ostertagia sur la mortalité après sevrage pourrait s’expliquer par la grande sensibilité au parasitisme GI des bovins lors de la première saison de pâturage ou être une conséquence tardive d’un mauvais transfert de l’immunité maternelle via le colostrum [12].

Conclusion

Les résultats de cette étude confirment l’intérêt de l’Elisa Ostertagia réalisé sur le lait de tank comme indicateur de pertes de production en élevage laitier. Cet outil peu coûteux pourrait être incorporé dans un processus de prise de décision pour ajuster les mesures de lutte dirigées contre les parasites GI.

Références

  • 1. Berghen P, Hilderson H, Vercruysse J et coll. Evaluation of pepsinogen, gastrin and antibody response in diagnosing ostertagiasis. Vet. Parasitol. 1993;46:175-195.
  • 2. Charlier J, Höglund J, von Samson-Himmelstjerna G et coll. Gastrointestinal nematode infections in adult dairy cattle: impact on production, diagnosis and control. Vet. Parasitol. 2009;164:70-79.
  • 3. Delafosse A. The association between Ostertagia ostertagi antibodies in bulk tank milk samples and parameters linked to cattle reproduction and mortality. Vet. Parasitol. 2013;197:212-220.
  • 4. Gross SJ, Ryan WG, Ploeger HW et coll. Anthelmintic treatment of dairy cows and its effect on milk production. Vet. Rec. 1999;144:581-587.
  • 5. Guiot AL, Charlier J, Pravieux JJ et coll. Relation entre la mesure d’anticorps anti-Ostertagia sur lait de mélange et les paramètres de production laitière en France. Bull. GTV. 2007;38:75-79.
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  • 7. Kenyon F, Jackson F. Targeted flock/herd and individual ruminant treatment approaches. Vet. Parasitol. 2011;186:10-17.
  • 8. Ploeger HW, Schoenmaker GJ, Kloosterman A et coll. Effect of anthelmintic treatment of dairy cattle on milk production related to some parameters estimating nematode infection. Vet. Parasitol. 1989;34:239-253.
  • 9. Sanchez J, Dohoo I. A bulk tank milk survey of Ostertagia ostertagi antibodies in dairy herds in Prince Edward Island and their relationship with herd management factors and milk yield. Can. Vet. J. 2002;43:454-459.
  • 10. Sanchez J, Dohoo I, Carrier J et coll. A metaanalysis of the milk-production response after anthelmintic treatment in naturally infected adult dairy cows. Prev. Vet. Med. 2004;63:237-256.
  • 11. Sanchez J, Nødtvedt A, Dohoo I et coll. The effect of eprinomectin treatment at calving on reproduction parameters in adult dairy cows in Canada. Prev. Vet. Med. 2002;56:165-177.
  • 12. Shaw DJ, Vercruysse J, Claerebout E et coll. Gastrointestinal nematode infections of first-grazing season calves in Western Europe: general patterns and the effect of chemoprophylaxis. Vet. Parasitol. 1998;75:115-131.
  • 13. Sithole F, Dohoo I, Leslie K et coll. Effect of eprinomectin pour-on treatment around calving on reproduction parameters in adult dairy cows with limited outdoor exposure. Prev. Vet. Med. 2006;75:267-279.
  • 14. Vercruysse J, Claerebout E. Treatment versus non-treatment of helminth infections in cattle: defining the threshold. Vet. Parasitol. 2001;98:195-214.
  • 15. Walsh TA, Younis PJ, Morton JM. The effect of ivermectin treatment of late pregnant dairy cows in south-west Victoria on subsequent milk production and reproductive performance. Aust. Vet. J. 1995;72:201-207.
  • 16. Wiggin CJ, Gibbs HC. Studies of the immunomodulatory effects of low-level infection with Ostertagia ostertagi in calves. Am. J. Vet. Res. 1989;50:1764-1770.
  • 17. Yang C, Gibbs HC, Xiao L. Immunological changes in Ostertagia ostertagi infected calves treated strategically with an anthelmintic. Am. J. Vet. Res. 1993;54:1074-1083.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Utilisation du test Elisa comme indicateur de pertes

Les techniques de diagnostic usuelles, telles que le comptage des œufs dans les fèces et le dosage du pepsinogène sérique, sont d’un intérêt limité pour identifier le degré d’infestation par Ostertagia ostertagichez les bovins adultes [1, 8]. En revanche, divers travaux ont montré que les niveaux d’anticorps les plus élevés obtenus avec le test Elisa étaient associés à une baisse de la production laitière [5, 9].

À l’échelle du troupeau, la détermination de la quantité d’anticorps anti-Ostertagia dans le lait de tank est la méthode la plus prometteuse pour surveiller le niveau d’infestation des cheptels et son éventuel impact sur la productivité [2]. Bien que cet indicateur ne soit obtenu qu’à partir des vaches en lactation, il semble être un outil fiable pour évaluer l’exposition du cheptel aux nématodes GI à la fin de la saison de pâturage [2].

L’impact des nématodes GI sur la reproduction des bovins laitiers a été exploré dans des études comparant des vaches traitées à des témoins non traités. Ces travaux ont montré une augmentation des taux de conception et de vêlage, ainsi que des réductions de la mortalité des veaux et des intervalles vêlage-vêlage dans les lots traités [4, 6]. À l’échelle du troupeau, quelques travaux ont été publiés sur la relation entre les ratios de densité optique (ODR) mesurés sur le lait de tank et des paramètres de reproduction, mais aucun travail n’a exploré celle avec la mortalité (photo) [5].

Points forts

→ D’après les résultats de l’étude, l’âge à la première mise bas est retardé de 1,5 mois dans la classe à ratio de densité optique (ODR) moyen et de 2,5 mois dans la classe à fort ODR.

→ Le premier intervalle vêlage-vêlage est augmenté de 8 à 10 jours dans la classe à fort ODR.

→ La mortalité à la naissance n’est pas significative. En revanche, elle est plus élevée chez les veaux après sevrage, peut-être en raison de leur plus grande sensibilité lors de la première saison de pâture ou d’un défaut de protection colostrale.

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