ÉTAPE 1 : Obtenir et traiter un prélèvement cytologique, et en apprécier la qualité - Le Point Vétérinaire n° 341 du 01/12/2013
Le Point Vétérinaire n° 341 du 01/12/2013

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Laetitia Piane*, Catherine Trumel**

Fonctions :
*DV, CES hématologie et biochimie clinique animales
**Laboratoire central de biologie médicale
INP, École nationale vétérinaire de Toulouse
23, chemin des Capelles, 31076 Toulouse

Savoir effectuer un prélèvement de qualité est un prérequis indispensable pour obtenir un diagnostic cytologique.

Pour obtenir un diagnostic cytologique de qualité, il convient avant tout de respecter les différentes étapes préanalytiques. Le prélèvement effectué doit être de bonne qualité et représentatif de la lésion, l’étalement, respecter les cellules, et, enfin, la coloration des lames, permettre de visualiser les détails cytonucléaires. Chacune de ces étapes est adaptée à la nature de la masse, de l’organe ponctionné et du prélèvement obtenu (solidité, viscosité).

PRÉLIMINAIRES À L’OBTENTION DU PRÉLÈVEMENT

1. Choix du matériel

Un kit de cytologie peut être très simple, mais il doit être de qualité (photo 1).

Il convient de choisir des lames (de 3 à 6) matées, dégraissées et, si possible, rodées, et de les placer sur une surface plane (plateau chirurgical, par exemple), immédiatement avant de procéder au prélèvement [3-5]. Un crayon à papier est utilisé pour inscrire les renseignements relatifs au prélèvement sur le côté maté de chaque lame.

Pour les ponctions à l’aiguille fine, des aiguilles de 20 à 25 G et des seringues de 3 à 5 ml peuvent être employées. Cependant, le risque d’hémodilution augmente avec le diamètre de l’aiguille (photos 2a et 2b) [3-5]. Plus le tissu est mou (nœud lymphatique, par exemple), plus le diamètre de l’aiguille et la taille de la seringue utilisées seront petits. Pour les tissus fermes (fibrosarcome, carcinomes épidermoïdes, par exemple), des aiguilles de plus gros diamètre (20 G) sont parfois nécessaires, mais le risque d’hémodilution est alors plus important (photos 3a, 3b, 4a, 4b, 5a et 5b).

Lors de lésions ulcératives, des cytobrosses non stériles peuvent être utilisées.

Pour les ponctions échoguidées, une sonde microconvexe et une aiguille de 23 à 27 G montée sur une seringue de 5 ml sont recommandées.

Les prélèvements liquides sont immédiatement placés dans un tube EDTA pour prévenir la formation d’un caillot [3, 4].

2. Préparation du site

Lors de la réalisation d’examens microbiologiques ou de la ponction d’une cavité corporelle (péritonéale ou thoracique, articulation), la zone concernée doit être préparée chirurgicalement. Dans les autres cas, une simple désinfection du site suffit, la tonte n’étant pas nécessaire. Si le prélèvement est obtenu sous contrôle échoguidé, le gel échographique est déconseillé et l’alcool peut être utilisé comme agent de contact. En effet, le gel échographique est rose avec les colorants habituels et sa présence sur le prélèvement est susceptible de masquer les cellules et de rendre la lame non interprétable (photo 6). Le site de ponction est nettoyé énergiquement et la sonde est également désinfectée [3-5].

TECHNIQUES DE PRÉLÈVEMENT

1. Cytoponctions de masse

Technique par aspiration ou par carottage

Pour la technique par aspiration, la masse est maintenue fermement dans une main, l’aiguille montée sur la seringue tenue par l’autre main est alors introduite tangentiellement à la surface de la masse et une pression négative est exercée en tirant le piston jusqu’aux trois quarts du volume de la seringue. L’aiguille est redirigée trois à six fois en gardant la pression négative sans que la pointe de l’aiguille sorte de la masse. Si la masse est trop petite pour cela, la pression est relâchée le temps que l’aiguille soit redirigée. Si la pression exercée est trop forte ou trop prolongée, des vaisseaux sanguins peuvent se rompre et le prélèvement être contaminé par du sang périphérique. Après avoir prélevé différentes zones de la masse, la seringue est relâchée et l’aiguille retirée. Si du liquide est présent au sein de la masse, il doit être aspiré en totalité et traité comme tel. D’autres ponctions doivent être réalisées en périphérie du tissu plus ferme avec de nouvelles seringue et aiguille [1, 3-5].

La méthode par carottage sans aspiration permet d’obtenir des prélèvements de qualité égale, voire meilleure, comparativement à la technique d’aspiration standard (figure 1). La procédure est presque la même, si ce n’est qu’aucune pression négative n’est exercée sur le piston. Un peu d’air est aspiré dans la seringue avant de procéder au prélèvement. La ponction peut également se faire avec l’aiguille démontée, en la tenant directement entre ses doigts. L’avantage majeur de cette méthode est de réduire significativement la contamination sanguine [3-5].

Une étude récente qui compare les deux techniques pour des ponctions de rate chez le chien et le chat montre que celle par carottage sans aspiration permet d’obtenir un prélèvement plus richement cellulaire et moins hémodilué. En revanche, la procédure utilisée n’influe pas sur la morphologie des cellules [2].

Le choix de la méthode est à la préférence du clinicien. Néanmoins, pour des tissus fermes, la technique par aspiration est recommandée, tandis que, pour des tissus mous ou vascularisés, celle par carottage est préférable.

Cytobrossage

Pour les lésions ulcératives, notamment les carcinomes épidermoïdes du chat, une cytobrosse peut être utilisée après avoir énergiquement nettoyé la zone à prélever. Elle est alors roulée sur la lésion, une ou deux fois, dans la région la plus profonde de l’“ulcère”.

2. Cytoponctions échoguidées

Les ponctions à l’aiguille fine échoguidées sont indiquées pour l’évaluation cytologique de masses mises en évidence à l’échographie ou lors d’organomégalie. Dans la majorité des cas, cela ne nécessite ni contention chimique ni anesthésie locale [3-5]. La sonde est tenue par la main droite (pour un droitier). L’aiguille, tenue par le corps de seringue avec la main gauche, est introduite selon un angle de 45 degré environ, face au curseur. Une fois qu’elle est visualisée avec la sonde, elle est engagée fermement dans l’organe à ponctionner et un mouvement de va-et-vient est répété trois à cinq fois sans sortir de celui-ci [3-5].

Pour les organes très vascularisés (foie, rate, reins), les temps d’hémostase et une numération plaquettaire doivent être réalisés préalablement. Afin de diminuer la contamination sanguine, les trajets vasculaires sont visualisés. Il convient également d’éviter de ponctionner le centre des masses de grande taille, qui est souvent nécrotique et rend l’interprétation cytologique délicate, voire impossible [3-5].

TRAITER LE PRÉLÈVEMENT OBTENU

1. Comment préparer les lames

Pour les ponctions de tissu solide

Les frottis obtenus à partir d’aspiration de masses tissulaires peuvent être préparés par écrasement (figure 2). Un peu de matériel est déposé délicatement, sans vaporiser, à environ 0,5 cm du côté maté de la lame. Une seconde lame est placée sur la première, perpendiculairement ou parallèlement à celle-ci. Le matériel est alors comprimé doucement, mais fermement entre les deux lames. La seconde lame est glissée le long de la première, dans un mouvement continu et délicat. Une lame correctement préparée est caractérisée par un étalement monocouche de forme oblongue. Un matériel déposé en excès donne un étalement trop épais. Si la pression exercée est trop forte, un nombre important de cellules risquent d’être rompues, rendant ainsi le frottis illisible [3-5].

Pour les cytobrossages

La cytobrosse est apposée sur la lame, puis roulée tout le long de celle-ci et sur l’ensemble de sa largeur par deux ou trois passages juxtaposés, et toujours dans le même sens (figure 3).

Pour les prélèvements liquides

Une petite goutte de liquide est placée à environ 0,5 cm du côté maté de la lame. Une seconde lame est glissée vers l’arrière selon un angle de 30 à 40 degrés jusqu’à ce qu’elle entre en contact avec la goutte. Lorsque le fluide s’est étalé vers les côtés le long du sillon entre les deux lames, la seconde lame est glissée délicatement vers l’avant jusqu’à ce que tout le liquide se soit écoulé (figure 4). La fin du frottis ne doit pas dépasser celle de la lame pour permettre, notamment, la visualisation des cellules de grande taille, qui se retrouvent le plus souvent en queue de frottis. La vitesse d’étalement dépend de la viscosité du liquide : plus il est fluide et plus l’étalement doit être rapide pour le distribuer uniformément. Pour des produits visqueux, comme le liquide synovial, il convient que l’étalement soit lent et constant, et réalisé comme mentionné pour les tissus solides par écrasement ou étirement [3-5].

Afin de concentrer les cellules, le fluide est ensuite centrifugé (1 000 à 1 500 tours/min pendant 5 minutes). Le surnageant est séparé du culot pour en mesurer la concentration en protéines totales. Le culot est remis en suspension en tapotant délicatement la paroi du tube et un nouveau frottis est pratiqué à partir de celui-ci [3-5].

Après étalement, les lames sont séchées rapidement par agitation à l’air libre ou à l’aide d’un sèche-cheveux en position froide. Les frottis de matériel gras doivent être laissés à sécher pendant environ 24 heures avant d’être colorés [1, 3-5].

2. Comment obtenir une bonne coloration ?

Plusieurs sortes de colorations sont disponibles, les plus accessibles aux praticiens étant celles de type Romanowsky rapides (RAL 555 ou Diff-Quick®, par exemple).

Une lame peut être insuffisamment colorée si les temps de coloration sont inappropriés, les colorants trop utilisés, ou si le prélèvement est incorrect (trop épais). Enfin, le stockage prolongé à température ambiante et exposé à la lumière peut altérer l’intensité de la coloration [3-5].

La fréquence de changement des colorants dépend du nombre de lames pour lesquelles ils ont servi. Cependant, il convient de les renouveler au moins une fois par semaine. Ils doivent être complètement remplacés lorsque des pigments libres, des agents infectieux ou des éléments cellulaires inappropriés sont retrouvés sur les lames [3-5].

Pour les colorations rapides de type RAL 555, notamment, les temps de trempage dépendent de l’épaisseur du matériel et de la fraîcheur du colorant. Pour les liquides d’épanchement, les lames peuvent être plongées environ cinq fois dans chaque solution. En revanche, pour les prélèvements de nœuds lymphatiques ou de moelle osseuse, les temps de trempage doivent être augmentés pour obtenir une coloration optimale (photos 7a et 7b) [3-5].

Il existe des colorations plus longues à réaliser que les colorations rapides de type RAL, comme celles de May-Grünwald-Giemsa (MGG), mais de meilleure qualité (photos 8a et 8b) [3-5].

3. Comment traiter un prélèvement pour l’envoi à un laboratoire ?

Lorsqu’un prélèvement doit être envoyé à un laboratoire de biologie médicale vétérinaire, il convient de se renseigner sur les modalités d’acheminement [3, 4].

Les liquides sont placés dans des tubes EDTA pour permettre l’évaluation de la cellularité et de la concentration en protéines. Des frottis (directs et obtenus après centrifugation), réalisés au chevet du malade, sont également envoyés, en l’absence de toute trace de formol [3-5].

Les noms de l’animal et de son propriétaire, et le site de prélèvement sont indiqués au crayon à papier sur la zone matée de la lame. Les lames ne doivent pas être colorées.

Les lames peuvent être cassées si les boîtes de transport adéquates ne sont pas utilisées [3-5].

APPRÉCIER LA QUALITÉ DES LAMES

Cette phase est réalisée en examinant l’ensemble des lames au microscope.

1. Apprécier la qualité du prélèvement

Avant toute interprétation cytologique, il convient d’évaluer la qualité du prélèvement, et, notamment, la richesse en cellules d’intérêt, l’hémodilution, la présence de gras ou de mucus. L’intégrité des cellules et le pourcentage de celles qui sont abîmées, ainsi que la présence éventuelle de plages où elles se chevauchent, compromettant potentiellement le diagnostic cytologique, sont ensuite recherchés [1].

2. Apprécier la coloration

Le frottis coloré est examiné à faible grossissement (objectifs x 10 et x 20) pour contrôler la qualité du prélèvement et l’uniformité de la coloration. Si celle-ci est acceptable, une lamelle est placée sur le prélèvement pour une observation à l’objectif x 40 afin de vérifier que les détails cellulaires sont identifiables [3-5].

3. Méthode de lecture

Toutes les lames doivent être regardées dans leur intégralité. À faible grossissement, la ou les lames les plus représentatives de la lésion sont choisies, et les plages de lecture où les cellules sont intègres et nombreuses sont recherchées [1].

Conclusion

Pour établir un diagnostic cytologique, la compétence du cytologiste ne suffit pas. En effet, le prélèvement doit avant tout être réalisé et coloré correctement, et, en cas d’envoi à un laboratoire, accompagné de commémoratifs précis.

Références

  • 1. Baker R, Lumsden JH. Techniques du cytodiagnostic et interprétation. Dans : Atlas de cytologie canine et féline. Paris, Masson. 2001:7-20.
  • 2. LeBlanc CJ, Head LL, Fry MM. Comparison of aspiration and nonaspiration techniques for obtaining cytologic samples from the canine and feline spleen. Vet. Clin. Pathol. 2009;38:242-246.
  • 3. Meinkoth JH, Cowell RL, Tyler RD et coll. Sample collection and preparation. In: Cowell RL. Diagnostic cytology and hematology of the dog and cat. 3rd ed. Saint Louis, Missouri, Mosby Elsevier. 2008:1-19.
  • 4. Meinkoth JH, Cowell RL. Sample collection and preparation in cytology: increasing diagnosis yield. Vet. Clin. Small Anim. 2002;32:1187-1207.
  • 5. Meyer DJ, Connolly SL, Gan Heng H. The acquisition and management of cytology specimens. In: Raskin RE. Canine and feline cytology: a color atlas and interpretation guide. Saint Louis, Missouri, Saunders Elsevier. 2010:1-14.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Le choix de la taille de l’aiguille et de la technique de prélèvement dépend du type de tissu à prélever.

→ Pour les ponctions échoguidées, un nettoyage énergique du site est indispensable pour prévenir toute trace de contamination par du gel échographique pouvant nuire à l’interprétation cytologique.

→ La technique par ponction sans aspiration est préférable car elle permet de limiter la contamination sanguine.

→ Pour les colorations rapides de type RAL 555 ou Diff-Quick®, notamment, les temps de trempage dépendent de l’épaisseur du matériel et de la fraîcheur du colorant.

→ La lecture à faible grossissement permet d’apprécier la qualité du prélèvement : fond de frottis, coloration, richesse en cellules d’intérêt.

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