Le rôle joué par la vaccination dans l’évolution des maladies virales animales depuis 40 ans - Le Point Vétérinaire n° 340 du 01/11/2013
Le Point Vétérinaire n° 340 du 01/11/2013

MALADIES INFECTIEUSES

Dossier

Auteur(s) : Étienne Thiry

Fonctions : Virologie vétérinaire et maladies virales animales,
Département des maladies infectieuses et
parasitaires, Faculté de médecine vétérinaire,
université de Liège,
bd de Colonster 20, B-4000 Liège, Belgique
etienne.thiry@ulg.ac.be

Depuis 40 ans, la vaccination intensive a permis une diminution exceptionnelle de l’incidence de certaines maladies. Un équilibre s’est instauré entre protection vaccinale, évolution génétique des virus, développement de vaccins et émergence de virus inconnus.

En 40 ans, la vaccination et les maladies virales ont évolué de concert. La vaccination, c’est d’abord la réponse apportée par notre société au contrôle de nombreuses affections virales présentes ou émergentes. En retour, les virus se sont adaptés à des populations animales immunisées. Un état d’équilibre s’instaure entre la protection vaccinale, l’évolution génétique des virus face à cette pression vaccinale, le développement de vaccins mieux adaptés et l’émergence de virus inconnus.

L’essor de la biologie moléculaire et cellulaire a eu un impact majeur sur la conception des vaccins, la connaissance des virus et de la réponse immunitaire, en particulier des mécanismes effecteurs les plus importants pour assurer une protection rapide et de longue durée. Cette révolution ne s’est pas toujours accompagnée d’une modification des ingrédients du vaccin. Certains vaccins de composition ancienne mais robuste sont encore d’usage et égalent par leur performance des vaccins dits de “nouvelle génération”.

Tant en médecine humaine qu’en médecine vétérinaire, l’usage intensif de la vaccination a amélioré l’état sanitaire des populations jusqu’à une diminution exceptionnelle de l’incidence de certaines maladies. La rareté de quelques infections virales amène à reconsidérer l’usage du vaccin. L’intérêt individuel, qui consiste à ne pas prendre le risque de la réaction postvaccinale, tend à supplanter le bénéfice de la vaccination collective. Cette attitude se manifeste en médecine humaine et s’étend depuis peu à la médecine vétérinaire. Une analyse objective des coûts et des bénéfices de chaque vaccination devrait donc être un objectif majeur de la prochaine décennie (photo 1).

Cet article propose une synthèse de 40 années de vaccination et de maladies virales dans plusieurs espèces domestiques, comme le chien, le chat, les nouveaux animaux de compagnie (NAC) et les bovins.

1 Vaccins et virus canins

Parvovirus

Le début de la période considérée est incontestablement marqué par l’émergence du parvovirus canin en 1978. Celle-ci a provoqué la première pandémie observée chez un animal de compagnie, rendue possible par ce qui est actuellement appelé le “changement global”, et en particulier l’intensification mondiale des moyens de transport. Le contrôle de cette infection a débuté par l’emploi des vaccins contre la panleucopénie féline chez le chien, puis, rapidement, des vaccins spécifiques contre la souche initiale du parvovirus canin, le CPV2, ont été développés (figure 1). L’association de la vaccination et de l’immunité collective a probablement entraîné la disparition de cette souche initiale, au profit de nouveaux virus issus d’une dérive génétique : CPV2a en 1979 et CPV2b en 1984, et, plus récemment, CPV2c en 2000 [10]. La valence vaccinale essentielle de type CPV2 est remplacée par le CPV2b dans certains vaccins. Associée à l’immunité collective conférée par l’exposition naturelle au virus, la vaccination a permis la maîtrise de la maladie en quelques années, sans toutefois l’éradiquer. L’état d’équilibre atteint actuellement associe la persistance de ce virus très résistant, sa dérive génétique et l’immunité vaccinale solide et de longue durée, à l’origine d’une faible incidence de cas cliniques.

Virus de la maladie de Carré et de l’hépatite de Rubarth

La maladie de Carré a considérablement reculé et l’hépatite infectieuse canine est devenue sporadique. Malgré l’absence d’études consacrées à l’effet de la vaccination sur le contrôle de ces maladies, l’association entre leur raréfaction et la généralisation de la primovaccination du chiot suggère une relation causale de la vaccination sur leur maîtrise. Toutefois, ces infections ne sont pas éradiquées, et restent bien présentes dans les pays et les régions où la vaccination est moins répandue [8, 29].

Virus de la toux de chenil

La toux de chenil est fréquemment observée. Bien que Bordetella bronchiseptica joue un rôle majeur, plusieurs virus y sont associés. Cependant, la gravité de cette maladie multifactorielle est diminuée car le recours très large à la primovaccination avec les valences essentielles confère une première protection. Celle-ci est complétée par une vaccination spécifique, soit par injection, soit par voie intranasale. Les vaccins spécifiques ont permis un contrôle raisonnable des épidémies dans les refuges, les pensions canines et les élevages [4].

Herpèsvirus

La maladie hémorragique du chiot provoque sporadiquement des pertes de nichée. Le vaccin développé pour lutter contre cette affection repose sur un concept déjà éprouvé chez les bovins dans le cadre de la vaccination contre les diarrhées néonatales bovines : vacciner la mère pour protéger les nouveau-nés par les anticorps spécifiques du colostrum. Ce vaccin est efficace, mais n’a pas évolué depuis sa mise sur le marché. En particulier, la durée d’immunité est inconnue, ce qui amène à répéter le schéma de primovaccination. Ce vaccin n’est pas destiné à prévenir les troubles de la reproduction provoqués par cet herpèsvirus [8].

Virus influenza

La grippe canine à virus influenza A H3N8 a émergé en Amérique du Nord à partir du virus de la grippe équine, et a fait quelques incursions au Royaume-Uni et en Australie. Un vaccin spécifique est commercialisé aux États-Unis [11]. Une autre grippe canine à virus H3N2 se répand en Asie. De plus, le chien a été reconnu comme sensible au virus pandémique H1N1. Comme l’incidence de ces infections reste limitée, leur contrôle par la vaccination n’est pas envisagé actuellement en Europe. La dimension zoonotique de ces infections à virus influenza pourrait influencer le développement de vaccins chez le chien dans des situations prépandémiques ou pandémiques humaines.

Coronavirus

Le coronavirus pantropique canin est un autre exemple d’émergence récente. Les cas restent sporadiques, même si la similitude des signes cliniques avec la parvovirose canine est probablement responsable d’un défaut d’identification de certains cas [9]. Dans certains États membres européens, des vaccins multivalents contiennent la valence coronavirus, destinée à protéger de la coronavirose entérique, mais cette valence n’est d’aucun effet sur l’infection pantropique. Seule une augmentation de l’incidence de cette maladie peut motiver le développement de vaccins.

Virus de la rage

Le succès le plus retentissant est sans conteste l’éradication de la rage vulpine par les campagnes de vaccination antirabique du renard par voie orale (photo 2) [21]. La France a été déclarée officiellement indemne de rage en 2001. Cependant, le risque de rage subsiste, de sources différentes : tout d’abord, la rage canine via l’introduction frauduleuse de chiens provenant de pays où celle-ci est endémique, avec comme conséquence la perte transitoire du statut “indemne de rage”, par exemple en France de 2008 à 2010 ; ensuite, la rage provoquée par les lyssavirus de chauves-souris, jusqu’à présent responsables de rares cas chez les mammifères, dont le chat [23].

1 Vaccins et virus félins

Rétrovirus

La mise sur le marché d’un vaccin contre une rétrovirose dès les années 1980 est un événement majeur en vaccinologie (figure 2). Jusqu’à présent, la vaccination contre le virus de leucose féline (FeLV) reste inégalée, en médecine tant vétérinaire qu’humaine. Son succès est aussi assuré par le développement de produits issus du génie génétique : un vaccin sous-unitaire composé de la protéine d’enveloppe exprimée en E. coli et un vaccin vectorisé dont le vecteur est le Poxvirus du canari et dont les transgènes, les gènes GAG et ENV, codent les antigènes principaux du virus. Dorénavant, le réfrigérateur du praticien renferme des organismes génétiquement modifiés (OGM) dont l’innocuité est dûment analysée pour l’animal et l’environnement. L’évolution de l’incidence des infections par les virus FeLV et de l’immunodéficience féline (FIV) a été étudiée en Allemagne : une diminution sensible de l’infection par le FeLV, constatée dans d’autres pays européens, est expliquée par l’association de plusieurs facteurs : l’établissement de programmes d’assainissement des élevages félins, le testage préalable des chats en refuge avant adoption et l’usage répandu de la vaccination contre le FeLV (figure 3) [13]. Un vaccin est disponible contre l’autre rétrovirose féline, l’immunodéficience féline due au virus FIV. Il a été commercialisé aux États-Unis dès 2002, puis en Australie et en Nouvelle-Zélande en 2004, mais il n’est pas conseillé en Europe. Il ne possède d’ailleurs pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l’Union européenne. La controverse concernant son emploi en Europe est fondée sur le manque d’adéquation entre le vaccin et les sous-types de FIV présents en Europe et sur l’interférence de la vaccination avec le diagnostic sérologique [16].

Virus influenza

La grippe aviaire à H5N1 en Asie a révélé, dès 2004, la sensibilité des félidés aux virus influenza. Même en Europe, des cas d’infection ont été diagnostiqués, notamment en Allemagne et en Autriche. La grippe pandémique H1N1 a touché également les chats par un phénomène de zoonose inversée, le virus étant transmis aux animaux par leurs propriétaires [27, 28]. En l’absence actuelle d’installation de ces virus dans les populations félines, il n’est pas question de commercialiser des vaccins contre la grippe féline, mais des essais ont déjà été menés à titre expérimental.

Parvovirus

La remarquable stabilité du vaccin contre la panleucopénie féline et de l’antigénicité du parvovirus félin explique l’efficacité conservée par ce vaccin classique durant toute la période considérée. La recrudescence de cas cliniques observée dans certaines régions est due aux échecs de vaccination induits par une immunité colostrale prolongée, interférant avec la vaccination à l’âge de 12 semaines. Ces observations conduisent à une recommandation de vaccination à l’âge de 16 semaines [30].

Virus de la péritonite infectieuse féline

Un seul vaccin contre la péritonite infectieuse féline (PIF), d’administration intranasale, est commercialisé dans certains pays d’Europe, mais pas en France. L’élucidation incomplète de la pathogénie de la maladie et l’absence de critères objectifs permettant de différencier le biotype de la PIF des coronavirus félins entériques expliquent la difficulté de mise au point de vaccins. Le vaccin contre la PIF a été décrié lors de son lancement. Des études de terrain ont démontré son innocuité face à l’infection naturelle. Sa fraction évitable est modérée, et son utilisation est conseillée chez les chatons et les chats qui n’ont pas encore été exposés au virus et qui entrent dans un environnement contaminé [1].

Calicivirus et herpèsvirus

→ Le calicivirus félin se caractérise par une évolution génétique continue grâce à de fréquentes mutations ponctuelles. Le rôle de la vaccination sur la structure de la population virale se pose donc. Cependant, il n’est pas formellement démontré que la vaccination agisse comme facteur de sélection virale. Néanmoins, il est pertinent de vérifier l’adéquation entre les souches virales présentes dans les vaccins et les virus circulant dans la population féline, car la vaccination est considérée comme un élément essentiel de la protection du chat contre la calicivirose [22]. En revanche, elle ne joue aucun rôle dans la maîtrise de la circulation du virus, qui reste très fréquent chez le chat. La vaccination contre le calicivirus félin est couplée à celle contre l’herpèsvirus félin dans les vaccins multivalents félins. Ces deux virus sont les principaux agents du coryza félin. Les affections oculaires provoquées par l’herpèsvirus félin ne sont pas maîtrisées par la vaccination chez certains chats qui présentent une kératite ulcéreuse évoluant de manière chronique. Il serait intéressant que les vaccins évoluent en augmentant leur immunogénicité pour prévenir ces lésions oculaires [15].

→ L’émergence du calicivirus virulent systémique aux Etats-Unis, puis en Europe pose un problème majeur d’efficacité vaccinale : même les chats vaccinés peuvent être cliniquement atteints et mourir. La nature du pathotype responsable de cette maladie généralisée mortelle n’est pas encore élucidée et les vaccins actuels ne semblent pas efficaces envers ce nouveau virus. Voici donc un nouveau défi à relever en vaccinologie féline.

3 Vaccins et virus des nouveaux animaux de compagnie

→ La période considérée a vu l’introduction d’un nombre élevé d’espèces animales dans les foyers, sans que les infections virales qu’elles sont susceptibles d’héberger soient identifiées avec précision. Ce sujet reste encore largement inexploré à l’heure actuelle, hormis pour deux espèces qui quittent progressivement ce statut de nouveaux animaux de compagnie pour devenir un animal de compagnie stricto sensu : le furet et le lapin domestique.

→ Le furet se signale par l’absence de vaccins adaptés à cette espèce en Europe. Le principe de la cascade est donc largement utilisé pour les vaccins contre la maladie de Carré et la rage. L’incidence de ces infections est méconnue. Elle peut être estimée comme faible. Le furet est très sensible au virus de la grippe. Le développement de vaccins n’est pas à l’ordre du jour, mais pourrait s’envisager lors de pandémie, s’il s’avère que le furet représente un danger de zoonose inversée en transmettant le virus à l’homme. Les réactions d’hypersensibilité immédiate à la vaccination sont actuellement un point d’attention chez cet animal.

→ Le lapin de compagnie a bénéficié du développement des vaccins contre la myxomatose et la maladie hémorragique du lapin de chair. Récemment, un vaccin bivalent spécialement destiné au lapin de compagnie a été mis sur le marché. Chez cet animal également, l’incidence de ces maladies virales mortelles est faible, et il est hasardeux d’analyser l’effet de la vaccination sur leur contrôle et leur évolution.

4 Vaccins et virus bovins

Virus de la peste bovine et de la fièvre aphteuse

→ Au cours des deux dernières décennies, le fait le plus marquant a été l’éradication de la peste bovine en 2011, grâce au vaccin vivant atténué mis au point par Walter Plowright dès les années 1960, dont la thermostabilité avait été améliorée. Il s’agit de la deuxième éradication d’une maladie virale sur le plan mondial, après la variole. La vaccination a joué un rôle majeur dans cette éradication dans le cadre d’une organisation orchestrée par la Food and Agriculture Organization of United States (FAO) : le Global Rinderpest Eradication Campaign [24].

→ Quelle sera la prochaine maladie infectieuse animale éradiquée ? La fièvre aphteuse semble être en première ligne. En tout cas, ce projet est en réflexion. La vaccination intensive des bovins a été un élément clé du contrôle de la fièvre aphteuse en Europe. Son succès a conduit à son arrêt en 1991, suivi de plusieurs épidémies dont une majeure en 2001 au Royaume-Uni. Depuis 2007 et la dernière épidémie au Royaume-Uni, l’Union européenne conserve le statut d’indemnité sans vaccination, tout en constituant des banques d’antigènes prêtes à être formulées en vaccins dans un contexte d’urgence : voici une nouvelle utilisation de la vaccination.

Virus de la rhinotrachéite infectieuse bovine et virus respiratoire syncytial bovin

→ Cependant, ces avancées majeures en santé animale ne doivent pas éclipser l’émergence de la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), sous sa forme respiratoire, et de la bronchopneumonie à virus respiratoire syncytial bovin (RSB) au début de la période considérée. Les vaccins contre l’IBR ont été commercialisés dès les années 1970 (figure 4). Les vaccins marqués, porteurs d’une délétion dans le gène de la glycoprotéine E, constituent un outil de choix pour le contrôle de l’IBR, en tout cas dans les pays à prévalence élevée et dans les premiers temps du contrôle avant d’envisager l’éradication [20]. Si plusieurs États membres européens ont réussi l’éradication de l’IBR sans l’aide du vaccin, en revanche, celui-ci fait partie de la stratégie de contrôle, par exemple en Allemagne et en Belgique.

→ La vaccination contre le virus RSB a certainement contribué à la réduction des pertes économiques liées à ce virus. Malgré cette importance, presque 20 ans se sont écoulés entre la démonstration de l’efficacité de l’immunisation intranasale et la mise sur le marché d’un vaccin intranasal. En effet, la pathogénie complexe de l’infection rend toujours difficile l’amélioration de la qualité des vaccins. Certains échecs de vaccination ont été liés à une réponse immunitaire vaccinale insuffisante. De plus, des réactions immunopathologiques sont parfois observées chez les animaux vaccinés et infectés qui présentent une exacerbation de la broncho-pneumonie. Ces accidents sont limités, et les vaccins contre le virus RSB sont largement utilisés et réduisent l’incidence clinique, sans contrôler pour autant la circulation des virus [18].

Virus de la maladie des muqueuses

En 1984, Joe Brownlie élucidait la pathogénie de la maladie des muqueuses en comprenant la surinfection des animaux infectés persistants immunotolérants (IPI) par un biotype cytopathogène du virus de la diarrhée virale bovine (BVD) [3]. Une quinzaine d’années ont cependant été nécessaires avant la mise sur le marché d’un vaccin efficace pour prévenir la virémie et empêcher l’apparition d’IPI. À nouveau, comme pour l’IBR, le contrôle et l’éradication de l’infection par le virus BVD ne passe pas obligatoirement par la vaccination. Dans les plans initiés dans plusieurs pays européens, la vaccination n’est pas considérée comme un outil indispensable. C’est la détection et l’élimination des animaux IPI qui en constituent la clé de voûte [19].

Virus des entérites du nouveau-né

Les vaccins contre les entérites du nouveau-né sont présents sur le marché depuis le début des années 1970. Ils le sont toujours, mais les agents viraux, les rotavirus et les coronavirus aussi. Les épisodes de diarrhée néonatale sont actuellement maîtrisés par une approche englobant la vaccination et l’hygiène.

Accidents vaccinaux

Durant ces 40 années, deux accidents notables d’innocuité vaccinale se sont produits. En 1999, la contamination d’un vaccin IBR marqué vivant avec une souche virulente de virus BVD a provoqué des maladies mortelles inattendues dans le bétail néerlandais, avec, comme résultat, l’arrêt du plan de contrôle obligatoire envers l’IBR [2]. Depuis 2006, un nouveau syndrome a été observé : la pancytopénie néonatale bovine (PNB) se caractérise par des hémorragies multifocales, une leucopénie et une thrombocytopénie chez des veaux nouveau-nés. Elle trouve son origine dans la transmission d’anticorps maternels provenant de vaches vaccinées contre le BVD avec un vaccin qui induit une immunité envers un allèle du complexe majeur d’histocompatibilité de type 1. Cet allèle est présent sur les leucocytes et les thrombocytes des veaux atteints de PNB et aussi en quantité dans la lignée cellulaire utilisée pour produire le vaccin [12]. Ces accidents ne remettent pas en question l’utilité de la vaccination, mais mettent en lumière l’importance de la pharmacovigilance, qui, seule, peut apporter des données d’innocuité de terrain sur un grand nombre d’animaux.

Virus émergents

→ Sans en connaître précisément la source, les émergences de la fièvre catarrhale ovine (FCO) de sérotype 8 et du virus Schmallenberg trouvent leur origine dans le “changement global” que nous observons en ce xxie siècle [17, 25]. Nos sociétés doivent relever le grand défi de lutter rapidement et efficacement contre les maladies émergentes, donc se préparer à l’imprévisible.

→ Les mesures de biosécurité sont difficiles à appliquer avec ces maladies virales vectorielles. La réponse apportée par notre société à ces deux émergences a été l’acquisition très rapide de connaissances scientifiques sur les virus, le développement de méthodes de diagnostic et la mise au point de vaccins. Ceux-ci présentent une efficacité élevée qui permet d’empêcher la virémie de ces arbovirus, donc la transmission du virus aux insectes vecteurs, les Culicoides. Les laboratoires pharmaceutiques ont rapidement répondu à la demande par le développement de vaccins inactivés “conventionnels” et robustes [14, 31]. Le concept a très bien fonctionné pour l’élimination de la FCO de sérotype 8 en Europe occidentale grâce à l’association entre la vaccination et l’immunité de troupeau obtenue par l’infection naturelle.

Conclusion

→ Durant les 4 dernières décennies, la médecine vétérinaire a bénéficié d’avancées majeures dans toutes les disciplines et, en plus de l’essor de la virologie moléculaire et de l’immunologie, il convient de noter l’arrivée à maturité de l’épidémiologie animale. De concert, ces spécialités apportent des méthodologies qui, à l’avenir, permettront d’analyser avec plus de finesse le rôle joué par la vaccination dans l’évolution des maladies virales, en l’individualisant par rapport à d’autres facteurs tels que l’acquisition de l’immunité de troupeau après l’exposition naturelle au virus et les interventions humaines améliorant l’hygiène et la biosécurité.

→ Le xxie siècle a vu la création de groupes d’experts chargés d’émettre des recommandations vaccinales lors de réunions de consensus, qui intègrent de plus en plus la méthodologie de la médecine factuelle (evidence based medicine). Les plus grandes avancées dans ce domaine sont observées chez les animaux de compagnie, chiens et chats : European Advisory Board on Cat Diseases (ABCD), Vaccination Guidelines Group de la World Small Animal Veterinary Association, par exemple [5-7, 26]. Cette voie alternative d’informations sur la vaccination s’ajoute aux prescriptions de la notice vaccinale et intègre les nouvelles données issues de la recherche scientifique. Il convient d’ajouter à cela le développement de la pharmacovigilance, qui exerce aussi un rétrocontrôle sur le vaccin, en assurant une meilleure connaissance de ses effets en conditions réelles d’utilisation sur le terrain. Les spécialistes revendiquent une évolution de l’acte routinier vers une individualisation des programmes de vaccination selon le mode de vie de l’animal et l’intégration de la vaccination dans la consultation de santé annuelle, comprenant aussi la nutrition, le comportement et d’autres paramètres de la santé de l’animal de compagnie selon son âge.

→ Les maladies virales zoonotiques représentent un enjeu majeur de santé publique. Les animaux sont des réservoirs où ces virus évoluent tout en infectant l’homme régulièrement. La maîtrise des zoonoses et la prévention d’émergences zoonotiques passent en partie par la vaccination des animaux, non tant pour leur protection que dans une action de santé publique.

→ Quelle évolution pouvons-nous prévoir au cours des 40 prochaines années ? Dans un proche avenir, le génome complet des virus et des espèces animales réceptives sera connu, et les interactions moléculaires entre virus et cellules seront décrites en détail. La carte d’identité génétique de l’animal permettra de faire une évaluation individuelle ou collective (dans le cas d’individus génétiquement proches) du risque de maladies, y compris d’affections virales. La formulation des vaccins prendra en compte les caractéristiques immunogénétiques des animaux. Le type d’adjuvant, le mode et la voie d’administration et les caractéristiques des épitopes vaccinaux pourront être choisis selon la carte génétique de l’animal pour lui faire bénéficier d’une immunité rapide, durable et efficace. Cette vision prospective de la vaccination est guidée par la constatation de la primauté de l’individu par rapport à la collectivité, qui émerge également dans les autres secteurs de la société, et pas seulement dans les protocoles vaccinaux. Des opinions défavorables à la vaccination sont véhiculées par des groupes de pression “antivaccins”, qui se disséminent rapidement par les réseaux sociaux et Internet. Ce débat de société se déplace de la médecine humaine aux vaccins animaux, essentiellement dans le cadre de la vaccination des animaux de compagnie. Ces opinions sont fondées sur la perception d’un risque accru de réactions défavorables individuelles par rapport aux bénéfices collectifs attendus d’une protection des populations animales. Elles peuvent avoir comme effet une réduction de la pénétration de la vaccination, tant chez les animaux de compagnie que dans les espèces de rente, où la production “biologique” prend plus d’importance et où le coût de la vaccination influence les politiques sanitaires. Dans ce contexte, quelle sera la place de la vaccination envers les virus zoonotiques, qui sont un enjeu de santé publique ?

→ Devons-nous nous attendre à un mouvement de balancier, alternant des périodes de vaccinations réduites, quand la perception du risque de réactions secondaires est importante, et des phases de vaccinations intensives, lorsque l’impression du risque de maladies virales l’emporte ? Pour le savoir, rendez-vous dans 40 ans, pour fêter le succès ininterrompu d’une publication professionnelle incontournable, Le Point Vétérinaire, et refaire “le point” sur la vaccination vétérinaire.

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