De 1973 à 2013 : le veau a bien vieilli - Le Point Vétérinaire expert rural n° 340 du 01/11/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 340 du 01/11/2013

ZOOTECHNIE, MÉDECINE ET CHIRURGIE DU JEUNE BOVIN

Article de synthèse

Auteur(s) : Renaud Maillard

Fonctions : Pathologie des ruminants
ENV de Toulouse
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse Cedex 03

« La prévision est difficile, surtout lorsqu’elle concerne l’avenir », disait Pierre Dac. « Un beau soir l’avenir s’appelle le passé. C’est alors qu’on se tourne et qu’on voit sa jeunesse », ajoutait Louis Aragon.

En 1973, Georges Pompidou, malade, est président de la République française pour encore quelques mois. Le monde est en pleine effervescence. C’est l’année du premier choc pétrolier, de la guerre du Kippour, des coups d’État au Chili et en Uruguay. Juan Perón arrive au pouvoir en Argentine. C’est aussi le début d’une grande famine en Éthiopie, la proclamation de la révolution populaire en Lybie et le scandale du Watergate. Les opérations militaires des États-Unis au Vietnam et au Cambodge se terminent. En Chine, Deng Xiaoping revient en grâce, rappelé par Mao. Dans le même temps l’Europe se construit avec l’adhésion à la Communauté économique européenne du Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni. À l’autre bout du monde, l’opéra de Sydney est inauguré et, tout près, Pablo Picasso meurt, le 8 avril.

La France connaît la dernière année de ses Trente Glorieuses. C’est l’année du premier Airbus (élaboré et construit avec l’Allemagne) et du premier Concorde. Le chômage concerne environ 3 % de la population active et la croissance est supérieure à 5 % [9].

En 1973, l’élevage bovin a le même poids économique que la production automobile ou encore céréalière. Il occupe 3 800 000 personnes directement ou in di rectement, à temps plein ou partiel, pour environ 52 millions d’habitants en France et une population active de moins de 23 millions d’individus [3, 4].

Au sein de cet élevage, le premier enjeu est le veau. Il est nécessaire aux deux filières de production bovine, lait et viande, dans des optiques bien différentes en 1973 comme en 2013.

À la lumière des 40 ans qui viennent de s’écouler, le veau est une production qui reflète peut-être plus que les autres les mutations continues de l’élevage français, qu’il s’agisse des modes d’élevage proprement dit, de l’évolution des habitudes alimentaires des consommateurs, de la découverte et de la prise en considération des notions de bienêtre par ces derniers et la filière, des nouveautés ou des abandons thérapeutiques, ou de l’apparition de maladies. En 40 ans, depuis la fondation du Point Vétérinaire, tous les acteurs (dont le vétérinaire) qui gravitent autour du veau ont vécu, subi ou initié de multiples changements qui peuvent être évoqués autour de trois axes : la vitellerie et la zootechnie au sens large, la pathologie chirurgicale et médicale, sans oublier, en préambule, l’évolution de la profession vétérinaire.

CONTEXTE PROFESSIONNEL : STRUCTURATION

Fin 1972, plus de quarante groupements techniques vétérinaires (GTV) ont déposé leurs statuts. Animés au sein de chaque département par des praticiens, ils ont pour objectifs le perfectionnement de leurs adhérents par la formation continue et l’établissement d’accords interprofessionnels [5]. Attachés à l’origine au syndicat, les GTV deviendront une structure indépendante en 1990 sous l’impulsion de Georges Monsallier et de Bertrand Faroult. Le veau et le cheptel de renouvellement font souvent l’objet de journées annuelles ou de formations.

Toujours en 1972, Jacques Espinasse fonde la Société française de buiatrie, dont il devient le premier président. C’est la belle époque de la recherche clinique fédérant les enseignants des écoles et les praticiens sur les thématiques des affections respiratoires du veau (travaux sur la rhinotrachéite infectieuse bovine [IBR], mise au point de l’aspiration transtrachéale et du lavage bronchoalvéolaire, caractérisation des bronchopneumonies infectieuses enzootiques [BPIE], etc.). S’y ajoutent la maladie de l’hyène, le purpura du veau de boucherie, l’entérite hémorragique hivernale et les colibacilloses et salmonelloses.

Au début des années 1970, la formation vétérinaire dure 4 ans, après un concours préparé de manière facultative dans des classes préparatoires dédiées (en 1 à 3 ans, voire plus). Les enseignants (pas encore “chercheurs” : 1990) sont répartis en disciplines animées par les titulaires de chaire. Les stages n’existent pas encore et les trois seules écoles nationales vétérinaires (ENV) comptent 10 % d’étudiantes. L’École nationale des services vétérinaires (ENSV) est créée en 1973 pour former les inspecteurs de la santé publique vétérinaire.

DE NOMBREUX VEAUX DE BOUCHERIE, DAVANTAGE DE VACHES ALLAITANTES

Au début des années 1970, la production de veaux de boucherie s’organise en filière, conséquence des excédents de production de lait, de la pléthore de veaux mâles de races laitières et de l’instauration d’une prime de dénaturation pour inciter à la consommation des stocks de poudre de lait écrémé. Les autres systèmes de production de viande de veau sont moins organisés. Dans le mouvement coopératif, de multiples structures sont toutefois en plein essor dans le Grand Ouest (Bretagne et Pays-de-la-Loire) et les autres zones d’embouche (Champagne, par exemple).

Entre 1973 et 1993, dans l’Union européenne (UE), le nombre de vaches laitières décroît de 28 à 21 millions de têtes et celui des vaches allaitantes croît de 7 à 10 millions de têtes. Les proportions sont depuis stabilisées, même si l’effectif de vaches laitières baisse régulièrement et que celui des allaitantes fluctue au rythme des espérances de primes [2]. Cette tendance a été d’une grande ampleur en France. Avec 40 % du troupeau européen de vaches allaitantes, l’Hexagone est aussi le premier pays producteur et consommateur de veaux de boucherie. Plus de 1,4 million d’animaux ont été produits en 2011 et 1,8 million en 2007 (soit 30 % du tonnage européen), devant les Pays-Bas et l’Italie, qui, avec nous, produisent 80 % du total (photo 1). Davantage de veaux de boucherie sont produits dans l’UE à 27, mais la production annuelle française a chuté de 350 000 tonnes équivalent carcasse (TEC) par an jusqu’au milieu des années 1980, à moins de 200 000 TEC dans les années 2010.

Le veau de boucherie subit apparemment la lente désaffection pour la viande bovine issue de la “crise de la vache folle” et autres mauvaises images de son histoire (viande aux hormones ou aux antibiotiques, veaux “en batterie”, etc.) [11].

Les types de production et leur finalité ont peu changé depuis 1973 (encadré 1). Le logement des veaux a, quant à lui, subi de profonds changements. Depuis le 1er janvier 2004 (en application de la directive n° 97/2/CE), le logement individuel des animaux est prohibé après l’âge de 8 semaines et il est également interdit de les maintenir dans l’obscurité permanente. Les séparations entre les cases doivent être ajourées, les caillebottis, paillés, et les surfaces minimales pour l’élevage en groupe passent respectivement à 1,5 m2, 1,7 m2 et 1,8 m2 (pour des veaux de moins de 150 kg, de 150 à 220 kg et de plus de 220 kg). Des exceptions sont prévues (élevages de très petite taille, animaux malades qui doivent être isolés, etc.).

Ainsi, jusqu’à l’âge de 2 mois, les veaux peuvent être conduits en cases individuelles ou en niches. Celles-ci sont maintenant très répandues en élevage laitier. Elles font appel à des matériaux synthétiques. Des constructions plus artisanales ont encore cours.

Après 2 mois, la conduite en groupe est obligatoire. Ce système est traditionnel en élevage allaitant dès la naissance (création d’espaces réservés dans la stabulation ou élevage en liberté mais entre des vaches à l’attache).

En élevage laitier ou de veaux de boucherie, l’obligation de la conduite en groupe a induit le développement des distributeurs automatiques de lait (DAL) dès lors que l’effectif est supérieur à 20 veaux (photo 2). L’élevage en groupe et l’emploi du DAL ont induit à leur tour de nouvelles contraintes sanitaires et zootechniques. L’indice de consommation s’est dégradé, et la sensibilité aux affections respiratoires et digestives et la mortalité se sont accrues (encadré 2) [10].

ASSISES DE LA CHIRURGIE MAIS PRÉMICES DE L’ANALGÉSIE DANS LES ANNÉES 1970

En 40 ans de Point Vétérinaire, le veau a fait l’objet (principal ou secondaire) de 228 articles et d’un numéro spécial en 2007, sans compter les numéros spéciaux ’chirurgie des ruminants“ de 2000 et 2001.

Dès la première année, au numéro 4, il est question de chirurgie corrective de l’arqûre et de la bouleture. Une myectomie des muscles « cubitaux » et une ténotomie des perforants et perforés sont proposées. Ces techniques sont employées « depuis plus d’un siècle chez les poulains brassicourts », expliquent alors Bouisset, Daviaud et Gautier. L’anesthésie proposée est réalisée avec de la xylazine (à l’époque, la seule spécialité était Rompun®). Les autres molécules de type α2-agoniste n’apparaîtront en usage bovin que 10 à 15 ans après l’écriture de l’article et hors autorisation de mise sur le marché (AMM). Après l’intervention chirurgicale, le membre est maintenu en position rectiligne dans une gouttière capitonnée pendant 15 jours. Dans ses grandes lignes, l’opération est restée la même 40 ans plus tard.

Même remarque sur la série d’articles de chirurgie orthopédique parus à partir du numéro 39, rédigés par des vétérinaires des zones allaitantes (le coût de ces interventions les réserve à des veaux de valeur). L’équipe du champ de foire à Nevers (Chatré, Chavand, Jouanin et Sollogoub) popularise les fixateurs externes et l’enclouage centro-médullaire, techniques qui résisteront à l’épreuve du temps malgré l’apparition des résines.

Les mêmes praticiens passent successivement en revue la correction de la luxation de la rotule, du jarret droit, et, quittant l’orthopédie, celle des hernies, de l’imperforation de l’anus, de la macroglossie, etc. Les méthodes décrites restent valides et continuent d’être pratiquées, même si certaines ont été réactualisées dans la même revue depuis lors. Ainsi, la correction du jarret droit par la ténotomie de Götze a été modifiée par l’équipe d’anatomie dirigée par Pavaux 10 ans après au profit d’une triple ténectomie [11]. De même, la névrectomie, toujours indiquée pour le jarret droit, a été revue et corrigée par son auteur, S. Bouisset, 7 ans plus tard [1].

Si les manuels opératoires restent d’actualité, en revanche deux aspects ont profondément changé en 40 ans : l’anesthésiologie et la gestion de la douleur peropératoire (encadrés 3 et 4).

THÉRAPEUTIQUE : DISPARITION, APPARITIONS ET PRUDENCE

Les premiers articles du Point Vétérinaire ne traitant pas de chirurgie (dans les années de 1973 à 1977) sont consacrés à la thérapeutique chez le veau et les ruminants en général. Il est question de corticostéroïdes, d’antibiotiques, de transfusion, de fluidothérapie, et autres affections respiratoires et digestives [3, 7]. Ces thématiques sont toujours d’actualité, mais des différences notables sont apparues en 40 ans.

Les articles consacrés à l’antibiothérapie du veau sont aujourd’hui obsolètes. L’arsenal thérapeutique a évolué avec la disparition du chloramphénicol, et l’apparition des fluoroquinolones et de nouvelles générations de céphalosporines. Les formes galéniques “retard” ont été initiées avec la Terramycine® longue action en 1979. Des pratiques telles que la métaphylaxie sont nées.

Le principe de gestion prudente de l’arsenal disponible a conduit en 2013 à des révisions de pratiques jusqu’alors communément admises : l’antibiothérapie systématique dans le cadre des entérites néonatales est, par exemple, remise en cause.

En 1973, la thérapeutique anti-inflammatoire reposait le plus souvent sur l’emploi des corticostéroïdes, à peu près les mêmes qu’à ce jour. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont, en revanche, évolué. Leurs effets secondaires moindres (sur le système immunitaire, sur les mouvements d’ions), leurs vertus antitoxiniques et antalgiques, et les demi-vies observées pour les AINS récents ont “ringardisé” les corticoïdes. L’image de ces derniers a aussi souffert de leur présence dans les spécialités pharmaceutiques associant diverses molécules anti-infectieuses, encore fréquentes au début des années 1970 et 1980.

“BOOM” DES EXAMENS PARACLINIQUES

En pratique courante en 1973, la coproscopie et les sérologies ont la part belle. De nos jours, de nombreux moyens peuvent être mis en oeuvre facilement au chevet du veau malade par le praticien pour affiner son diagnostic et son pronostic :

– imagerie médicale (échographie, particulièrement lors d’omphalophébite (photo 4) ;

– biochimie clinique (glycémie, analyse d’urines incluant la recherche de la bactériurie avec le test Uriscreen®, mesure du pH, des lactates et des ions sanguins) ;

– hématologie ;

– analyse des sécrétions et des cellules respiratoires (obtenues par aspiration transtrachéale ou lavage broncho-alvéolaire) (photo 5) ;

– contrôle du transfert de l’immunité passive (évaluation de la richesse en immunoglobulines IgG du colostrum, évaluation du taux sanguin d’IgG chez le veau de moins de 8 jours) ;

– prélèvement du liquide céphalo-rachidien pour des analyses biochimiques et cytologiques.

DES AGENTS PATHOGÈNES RECONNUS, ENCORE MÉCONNUS EN 1973

Les affections respiratoires sont dominées en 1973 par les pasteurelles et la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR). Le virus respiratoire syncytial bovin a bien été identifié en Belgique (par Wellemans, Leunen et Luchsinger) et en Suisse (par Paccaud et Jacquier) depuis 1969 (publications en 1970 des premières descriptions et du premier isolement), mais ce n’est qu’en 1979 que les anticorps dirigés contre ce virus (par Perrin) sont mis en évidence. À partir de ce moment, les descriptions épidémiocliniques se succèdent sur le terrain, et les laboratoires départementaux et nationaux supportent le diagnostic de ce virus en élaborant des outils sérologiques et virologiques. Un premier vaccin est mis sur le marché en 1983. La thématique de recherche à l’ENVT s’infléchit en conséquence de l’herpèsvirus bovin 1 (BHV1) au virus respiratoire syncytial bovin (VRSB) [6, 13]. Le VRSB est un agent pneumopathogène majeur, évolutif, pouvant toucher toutes les classes d’âge, et non exclusivement le veau ou le jeune bovin. Sa mise en évidence directe au chevet du malade est depuis quelques années facilitée par la disponibilité d’un kit de détection rapide de son antigène par test immunochromatographique (Speed® ReSpiVB).

Les pasteurellacées du veau sont en apparence un sujet moins changeant. Depuis 1973, de nombreuses évolutions taxonomiques, supportées par la biologie moléculaire, ont abouti aux changements de noms de plusieurs genres et espèces (Mannheimia haemolytica, Histophilus somni, etc.), et la connaissance des facteurs de virulence s’est précisée à la fin des années 1990 avec la découverte des toxines produites par certaines de ces bactéries et de leur rôle dans la pathogénicité, particulièrement de M. haemolytica. Sur le terrain, la montée en puissance de P. multocida a été notée dès le début des années 2000 (par Martel). D’autres agents infectieux, inconnus ou méconnus en 1973, sont désormais des sujets d’actualité.

Le virus de la diarrhée virale bovine (BVD) a été évoqué dès 1961 par Tournut. Il y a 40 ans, le mystère demeurait quant à ses deux formes cliniques (forte morbidité et faible létalité pour la diarrhée virale bovine versus faible morbidité et létalité élevée pour la maladie des muqueuses [MD]). Le rôle épidémiologique de l’infecté persistant immunotolérant (IPI) et la pathogénie de la maladie des muqueuses n’ont été élucidés par Brownliequ’à partir de 1984. De nos jours, le virus BVD-MD est reconnu comme un agent majeur de troubles de la reproduction et comme cofacteur de nombreuses affections. Chez le veau, le virus a été “directement” à l’origine d’une nouvelle maladie, le syndrome hémorragique, décrit à partir de 1986, et “indirectement” depuis 2008 à celle d’une autre affection nouvelle, la pancytopénie néonatale bovine (PNB), à la suite de l’emploi chez la vache d’un vaccin BVD induisant des anticorps toxiques retrouvés dans la buvée colostrale et provoquant une aplasie médullaire (photo 6). Ce trouble est sporadique (et son incidence est appelée à décroître fortement à la suite du retrait du marché du vaccin concerné), d’une prévalence comprise entre 1/10 000 et 1/100 000 bovins de moins de 1 an (ou de trois cas pour 100 000 doses de vaccin vendues en France ou de 50 cas pour 100 000 doses en Allemagne), avec une létalité de 99 %. L’élucidation de la pathogénie de la maladie, sa reproduction expérimentale et la démonstration de son support génétique sont récentes [8, 14].

Le veau, les bovins adultes et d’autres ruminants ont, depuis 1973, été les victimes de nouveaux virus, vectorisés, réapparus en 1998 dans notre pays après plusieurs décennies d’absence (virus de la fièvre catarrhale ovine [FCO], ou blue tongue virus [BTV]) ou apparemment venus de nulle part (virus Schmallenberg, apparu en 2011). La France continentale, redevenue indemne de FCO depuis la fin 2012, ne vaccine plus. L’infection par le virus Schmallenberg fait l’objet d’une surveillance, mais, à la différence du BTV, elle ne fait l’objet d’aucune restriction de mouvement ou de commerce. Ce nouveau virus doit toutefois entrer dans le cadre du diagnostic différentiel des infections du conceptus, provoquant des avortements ou la naissance de veaux malformés. Deux vaccins ont reçu leur AMM en France en 2013.

Pendant la période 1973-2013, les virus ne sont pas les seuls responsables de maladies émergentes ou nouvelles chez le veau.

La gastro-entérite paralysante, décrite à la fin des années 1980 par Navetat et Espinasse, est une toxicose (par accumulation de D-lactate) secondaire à une infection bactérienne digestive.

La cryptosporidiose est déjà connue du monde de la recherche en 1973 (une description de diarrhée chez une génisse de 8 mois a été publiée en 1971). Le rôle de ce parasite dans l’étiologie des diarrhées néonatales du veau n’a été établi qu’en 1976 (photo 7). Sa prévalence dans ce syndrome dépasse 20 % dans la plupart des régions françaises en 2001.

Prise de conscience, émergence ou réémergence, apparition ou réapparition d’agents pathogènes, l’infectiologie et la parasitologie du veau ont été (et seront sans doute) un terrain toujours mouvant.

La pathologie du veau ne saurait se réduire à la nouveauté. Le transfert colostral et les omphalophlébites sont, par exemple, toujours d’actualité.

Conclusion

Comme il y a 40 ans, le veau doit faire l’objet de toutes les attentions. Le “boom” des examens paracliniques et l’évolution des thérapeutiques médicales et chirurgicales, associée à une structuration accrue de l’exercice et de la formation continue en exercice rural, ont bénéficié à l’ensemble de la filière, dont son premier maillon de production.

Références

  • 1. Bouisset S. Jarret droit : autre voie d’accès pour une névrectomie. Point Vét. 1980;10:43-48.
  • 2. Collectif. Les nouveaux défis en enjeux du vétérinaire rural au XXIe siècle. Point Vét. 2010;n° spécial(41):151p.
  • 3. Collectif. Le veau. Mornet et Espinasse éditeurs. Éd. Maloine, Paris. 1977:608p.
  • 4. Collectif. L’état de la France au travail. Alternatives économiques. Hors-série Poche. Novembre 2011:144p.
  • 5. Combelles C. Chroniques d’un vétérinaire rural au cours du XXIe siècle dans le Cantal. Thèse de doctorat vétérinaire, Alfort. 2002:107p.
  • 6. Delverdier M, Schelcher F, Cabanié P et coll. Physiopathologie des pneumopathies inflammatoires chez les bovins : mécanismes lésionnels. Point Vét. 1991;23(138):347-354.
  • 7. Espinasse J, Savey M. Les maladies respiratoires des jeunes bovins. SFB éditeurs, Tours. 1977:178p.
  • 8. Foucras G, Corbière F, Tasca C et coll. Alloantibodies against MHC class I: a novel mechanism of neonatal pancytopenia linked to vaccination. J. Immunol. 2011;10:40:49.
  • 9. Guillebaud JC. En 1973, nous étions au moins aussi grognons qu’aujourd’hui. Le Monde. 28 juillet 2013.
  • 10. Lensink J, Leruste H, Mounier L. Influence des types de logement des veaux. Point Vét. 2007;n° spécial(38):15-20.
  • 11. Mechekour F. Le veau de boucherie poursuit son érosion dans l’Union européenne. Réussir Lait. 15 Avril 2013.
  • 12. Pavaux C. La ténotomie de Götze pour parésie spastique serait-elle toujours valable ? Une mise au point anatomique préalable. Point Vét. 1982;13:21-31.
  • 13. Schelcher F, Corbière F, Foucras G et coll. Agents pneumopathogènes. Point Vét. 2007;n° spécial(38):45-51.
  • 14. Schelcher F, Franchi C, Corbière F et coll. Pancytopénie néonatale bovine : description d’une nouvelle maladie. Point Vét. 2010;308:50.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Les trois types de productions de veaux

Actuellement en France, les trois principaux types de productions de veaux sont semblables à ceux qui existaient déjà en 1973 :

– les veaux de boucherie, achetés entre 8 et 15 jours (et dénommés “V8” en 1973), sont engraissés avec un aliment d’allaitement en atelier spécialisé qui est souvent “intégré” (à l’aval de la filière). Ils sont abattus entre 4 et 6 mois à un poids vif de 200 à 240 kg ;

– les veaux fermiers (seulement quelques milliers par an) tètent leur mère pendant environ 4 mois et sont abattus autour de 200 kg ;

– les veaux sous la mère représentent des effectifs légèrement inférieurs à 200 000 têtes. Issus de races allaitantes, ils sont abattus vers 4 à 5 mois. En 1973, les veaux sous la mère étaient attachés et conduits au pis deux fois par jour. Désormais logés dans des parcs par petits groupes, ils attendent dans leur “coin” que leur mère vienne à eux. Le recours complémentaire à des “tantes” (souvent de race montbéliarde ou normande) complète les besoins en fin d’engraissement, car la production laitière des races maternelles (blonde d’Aquitaine, limousine, gasconne, charolaise, bazadaise, etc.) ne permet plus un croît suffisant. Le reste des veaux nés en France est destiné à la production d’animaux sevrés, puis de taurillons (ou de “babies”, abattus à seulement 14 à 16 mois). Il assure aussi le renouvellement du cheptel reproducteur femelle (veaux d’“élevage”).

ENCADRÉ 2
Première crise de la viande bovine : le scandale du “veau aux hormones”

Dès 1976, la loi Ceyrac, défendue par Pierre Méhaignerie, secrétaire d’État à l’Agriculture, prévoyait l’interdiction de l’usage des hormones naturelles ou de synthèse à visée anabolisante. Il fallut une forte pression “sociétale” (le mot était alors inusité) et le boycott de la viande de veau par les consommateurs (association UFC en France) pour que les ministres de l’Agriculture de la Communauté économique européenne décident l’interdiction de toute substance anabolisante en élevage en octobre 1980. Avant cette date, la France espérait pourtant défendre l’usage des hormones naturelles. L’interdiction totale des anabolisants (hormonaux ou non) a pris effet en janvier 1988.

ENCADRÉ 3
Anesthésie : vers un meilleur confort du chirurgien et de l’animal

L’anesthésie du veau s’est longtemps limitée, comme chez le bovin ruminant, à une sédation (avec de l’acépromazine ou de la xylazine) couplée à une anesthésie locale ou locorégionale (photo 3).

Parfois, une anesthésie à l’hydrate de chloral ou aux barbituriques (thiopental) était tentée. L’anesthésiologie du veau s’est plus récemment développée sur deux axes : l’anesthésie générale et la rachianesthésie.

Chez le veau, les inconvénients de l’anesthésie générale rencontrés chez le bovin adulte sont réduits, mais de nombreuses molécules (avec ou sans autorisation de mise sur le marché) pour les bovins ont un effet dépresseur cardiorespiratoire (xylazine, détomidine). La pratique des interventions lourdes et longues a fait recourir d’abord à divers protocoles “fixes” (incluant souvent la kétamine en association), puis à l’anesthésie volatile. Les éleveurs convoient désormais le veau à la clinique vétérinaire où les chirurgiens opèrent avec un confort accru, et une meilleure gestion septique et postopératoire.

En ferme, pour les opérations touchant la sphère abdominale, la rachianesthésie a conquis de nombreux adeptes. Si la technique est connue en anesthésiologie humaine depuis la fin du xixe siècle, son application chez le veau date du début du xxie siècle. Elle est facile à mettre en oeuvre (veau en décubitus latéral, ponction à l’aiguille dans l’espace L6-S1) et peu coûteuse. Elle consiste à mélanger, par exemple, de la xylazine à 0,2 mg/kg (pas chez les animaux en très mauvais état général) et de la lidocaïne à 2 mg/kg). Assez sûre, elle anesthésie puissamment la sphère sous-ombilicale, donc convient pour les interventions les plus courantes chez le jeune veau (omphalophlébite, chirurgie digestive, membres postérieurs).

3. L’anesthésie du veau s’est longtemps limitée à une sédation couplée à une anesthésie locale ou locorégionale, comme chez le bovin ruminant.PHOTO : D.R.

ENCADRÉ 4
Moins de douleur pour vite reproduire

La prise en charge de la douleur opératoire et postopératoire, peu ou pas évoquée il y a 40 ans, s’est développée sur la base de meilleures connaissances en pharmacologie et à partir d’une réévaluation des phénomènes douloureux chez les bovins. Les effets d’une médication antiinflammatoire à effet antalgique secondaire en phase périopératoire (en privilégiant la phase préopératoire sur la phase postopératoire), éventuellement renforcée par l’administration de butorphanol ou d’α2-agoniste ont été démontrés.

Une phase postopératoire plus courte et un meilleur retour en production ont ainsi été observés lors d’opérations de réduction de la torsion de l’abomasum chez la vache. Une reprise de l’appétit plus précoce a également été notée chez les veaux écornés ou castrés.

Points forts

→ L’organisation de la production du veau a moins changé que celle des bâtiments dans lesquels ils sont élevés.

→ Les années 1970 marquent seulement le tout début de la mise en évidence du virus respiratoire syncytial bovin (VRSB) ou de la compréhension de la pathogénie du virus de la diarrhée virale bovine (BVDV).

→ La pathologie du veau ne saurait se réduire à la nouveauté. Le transfert colostral et les omphalophlébites sont, par exemple, toujours d’actualité.

Pour en savoir plus

– Anonyme. La filière bovine française face à la sortie des quotas laitiers. 2012;12:11p (site franceagrimer.fr).

– Barbin G. À la croisée des mutations de l’élevage : le veau. Mutations de l’élevage et de la consommation. Le mangeur et l’animal. Autrement. 1997;172:33-41.

– Boucomont D et coll. Cure chirurgicale des occlusions intestinales chez les bovins. 1979;20:17-21.

– Brard C, Amiot J, Bosquet G, Buret Y. Prévention : approches opérationnelles, compte rendu des Journées nationales des GTV. SNGTV éd., Nantes. 2013:1000p.

– Brard C, Bosquet G. La chirurgie, acquis et innovations-économie des élevages, compte rendu des Journées nationales des GTV. SNGTV éd., Nantes. 2012:1080p.

– Collectif. Le veau : de la naissance au sevrage. Point Vét. 2007;n° spécial(38):118p.

– Collectif. Chirurgie des ruminants. Point Vét. 2001;n° spécial,tome II (32):136p.

– Collectif. Chirurgie des bovins et des petits ruminants. Point Vét. 2000;n° spécial, tome I (31):139p.

– Goyal S, Ridpath J. BVD, diagnosis, management and control. Ed. Blackwell, Ames. 2005:261p.

– Guatteo R, Holopherne D. Anesthésie des bovins. Fd. du Point Vétérianire. Rueil-Malmaison. 2006:177p.

– Hubscher R. Les maîtres des bêtes. Odile Jacob, Paris. 1999:441p.

– Jeyaseelan S, Sreevatsan S, Maheswaran SK. Role of Mannheimia haemolytica leukotoxin in the pathogenesis of bovine pneumonic pasteurellosis. Anim. Health Res. Rev. 2002:69-82.

– Lefay D, Naciri M, Poirier P, Chermette R. Prevalence of Cryptosporidium infection in calves in France. Vet. Rec. 2001;148:108-112.

– Perrot J. Évolution de la profession vétérinaire à travers trois générations de praticiens au cours d’un siècle. Thèse de doctorat vétérinaire, Toulouse. 1990:100p.

– Stöber M. Conseils pratiques pour le traitement des affections des onglons chez les bovins. Point Vét. 1977;6(26):28.

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