Le lait yaourt et autres solutions d’allaitement simplifié pour veaux d’élevage - Le Point Vétérinaire expert rural n° 338 du 01/09/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 338 du 01/09/2013

ALIMENTATION DES BOVINS DANS LES PREMIÈRES SEMAINES DE VIE

Avis d’expert

Auteur(s) : Julien François

Fonctions : Pôle herbivores
Chambre d’agriculture de Bretagne
5, allée Sully
29322 Quimper Cedex
Julien.Francois@bretagne.chambagri.fr

Le lait yaourt apporte une certaine sécurité pour la santé des veaux dans le cadre d’une démarche de simplification des techniques d’alimentation des préruminants. D’autres solutions ont été testées.

D’après une enquête récente réalisée en Bretagne-, seulement un tiers des éleveurs simplifient la distribution de lait aux veaux [3]. Il existe pourtant diverses solutions pour limiter un peu cette astreinte. Ces dernières années, elles ont été étudiées au sein des stations expérimentales des chambres d’agriculture, en partenariat avec l’Institut de l’élevage, dans l’ouest de la France. Les essais ont compa-ré les performances de croissance, le nombre de diarrhées et la faisabilité pratique des différentes méthodes disponibles.

COMMENT SE PRATIQUE L’ALLAITEMENT AVEC LE LAIT YAOURT ?

Du lait cru fermente grâce à des bactéries lactiques apportées par des yaourts. Ce produit “prédigéré” est ensuite destiné à l’allaitement des veaux. La technique a été testée et mise en œuvre à la station expérimentale de Trévarez, dans le Finistère, depuis 2001.

En pratique, 10 l de lait entier sont mélangés à quatre yaourts du commerce, dans une cuve de fermentation. Ce volume constitue le fond de cuve et est mis à fermenter pendant 24 heures, dans un local tempéré entre 15 et 18 °C, afin que les bactéries lactiques se développent. Après cette première phase, la quantité de lait nécessaire pour nourrir les veaux le jour suivant est ajoutée dans la cuve et, après homogénéisation, une nouvelle fermentation de 24 heures est nécessaire pour prédigérer le lait supplémentaire. Puis le lait fermenté est distribué aux veaux à température ambiante dans des bacs à tétines collectifs (photo 1).

La distribution du lait yaourt est possible à température ambiante car ce produit est prédigéré, ce qui facilite le travail de la caillette.

Après distribution, le lait nécessaire à l’alimentation des veaux le jour suivant est ajouté dans la cuve de fermentation (figure).

Il est recommandé d’adapter le volume du fond de cuve en fonction de la température extérieure. Autour de 15 °C, le fond de cuve représente environ 20 % du volume total préparé. En deçà, il convient d’aller jusqu’à 30 % du volume total. Lorsqu’il fait très froid, le recours à un chauffe-lait ou à un chauffage électrique pour relancer les fermentations est envisagé. La cuve peut également être mise dans le même local que le chauffe-eau, pour profiter de la chaleur dégagée. L’utilisation de “taxis à lait“ (chariots mobiles) équipés d’un système de chauffage semble aussi possible.

À l’inverse, lors de températures extérieures élevées (supérieures à 20 °C), il est conseillé de diminuer le fond de cuve à 10 % du volume total préparé et de réduire le temps de fermentation à 12 heures.

Le fond de cuve doit être régulièrement renouvelé, par exemple toutes les semaines, en recommençant à l’étape J1, et la cuve nettoyée.

S’il est conseillé de nettoyer régulièrement les bacs à tétines, c’est principalement pour des raisons esthétiques, car les dépôts de lait yaourt sur les parois des bacs n’ont pas d’impact sur la santé des veaux.

QUELS SONT LES DIVERS AVANTAGES DE CETTE PRATIQUE ?

Comparée au plan lacté au lait entier, en deux repas par jour (plan lacté majoritairement utilisé en Bretagne), la technique au lait yaourt permet de réduire le temps de travail de 55 %, en raison de la suppression d’un repas par jour (encadré 1).

Les performances de croissance observées sont identiques.

Les résultats à la station de Trévarez montrent aussi une réduction significative du nombre de diarrhées alimentaires : deux diarrhées ont été observées chez 24 veaux nourris avec du lait yaourt, contre quinze diarrhées chez 22 animaux qui ont reçu du lait entier [1].

Deux hypothèses sont principalement proposées pour expliquer cette amélioration avec le lait yaourt : d’une part, les veaux reçoivent un lait de mélange, issu de plusieurs vaches, et les fluctuations du taux butyreux sont donc amorties ; d’autre part, le lait est prédigéré par les bactéries lactiques et le travail de la caillette en est donc facilité.

Le lait est aussi distribué à température ambiante, et non plus à 40 °C. Or le non-respect de cette température est un facteur de risque de diarrhées bien connu pour des plans lactés au lait entier ou avec un aliment d’allaitement.

QUELLES SONT LES ERREURS QUI PEUVENT ÊTRE COMMISES ET LES LIMITES DE FAISABILITÉ DE CETTE TECHNIQUE ?

La maîtrise des fermentations est à la fois l’élément clé et la limite de la technique du lait yaourt. Des difficultés rencontrées sur ce point constituent la principale cause d’abandon de cette pratique donnée par les éleveurs qui l’ont essayée.

Pour ce faire, l’idéal est de placer la cuve de fermentation dans un local tempéré entre 15 et 18 °C.

Des ferments du commerce ont été testés à Trévarez, à la place des yaourts, afin de supprimer la gestion du fond de cuve et de simplifier la maîtrise des fermentations. Les ferments étaient alors mélangés au lait. Après 24 heures de fermentation, le mélange était distribué aux veaux. Les résultats de croissance et sanitaires étaient identiques à ceux obtenus avec du lait yaourt, mais cette pratique a dû être abandonnée faute d’homologation des ferments pour l’alimentation des bovins.

Globalement, la technique du lait yaourt est moins sujette aux erreurs qui peuvent survenir avec les méthodes d’allaitement au lait entier ou avec un aliment d’allaitement, pour ce qui est de la température de distribution, du taux de matières grasses, etc.

Il convient de rester vigilant et de diminuer, à partir de la quatrième semaine, la quantité de lait distribué afin que, au sevrage, les veaux consomment 2 kg brut de concentrés par jour.

EXISTE-T-IL D’AUTRES MOYENS DE SIMPLIFIER L’ALIMENTATION DES VEAUX ?

Quel que soit le plan choisi (lait entier, aliment d’al-lai-tement, lait mixte ou fermenté), il est possible de réduire le nombre de repas, en passant à 13 repas par semaine (pas de repas le dimanche soir) ou à 7 repas avec une seule distribution par jour toute la semaine, voire à 6 repas par semaine (une seule distribution et pas le dimanche soir) (photo 2).

Les résultats des essais réalisés dans les stations expérimentales de l’Ouest montrent qu’il est possible de réduire la fréquence de distribution sans pour autant compromettre les performances zootechniques [2].

Des plans dits “constants” amènent à distribuer une quantité fixe de lait au veau, à partir de l’âge de 2 à 3 semaines jusqu’au sevrage. La mise en œuvre des plans lactés en élevage est alors simplifiée pour la raison qu’il n’y a plus de question à se poser sur les quantités à distribuer selon l’âge du veau. Les éleveurs peuvent se faire remplacer plus facilement (encadré 2).

QUELLES PRATIQUES D’ALLAITEMENT SONT DÉCONSEILLÉES ?

Tous les plans lactés permettent d’obtenir des performances zootechniques similaires, sous réserve qu’ils soient bien maîtrisés. Il convient de respecter les préconisations.

La température de buvée doit être à 40 °C avec du lait entier ou un aliment d’allaitement. Le lait entier doit être réchauffé juste avant la distribution. Les volumes distribués sont à respecter scrupuleusement, en s’aidant notamment d’un pichet ou d’un bidon gradué.

Avec les plans lactés au lait entier, le volume distribué doit être adapté au taux de matières grasses. Pour éviter les grandes variations de ces taux, il est préférable d’utiliser des laits de mélange (de plusieurs vaches). Le lait de vaches malades ou en cours de traitement est à proscrire (risque d’antibiorésistance et de mauvaise digestion).

Toute dilution est néfaste.

Avec les plans à base d’un aliment d’allaitement, il est nécessaire d’être vigilant sur la concentration en celui-ci (125 g/l de buvée si 2 repas/j, 200 g/l si 1 repas/j) et viser une température de dilution de 60 °C.

Il convient également de mettre à la disposition des animaux de l’eau et un fourrage fibreux (foin ou paille) facilement accessible, ainsi que des concentrés à volonté dès la deuxième semaine. Des concentrés sous forme de farine sont déconseillés car ils sont trop fermentescibles [2].

QUELLE EST LA PLACE DE CES PRATIQUES PAR RAPPORT À UNE ALIMENTATION COLLECTIVE AUTOMATISÉE ?

En Bretagne, 5 % des élevages utilisent des distributeurs automatiques de lait (DAL) alors que le lait yaourt est mis en œuvre dans 2 % des troupeaux (photo 3). Ces techniques restent donc toutes deux marginales.

De même, seulement un tiers des éleveurs suppriment la distribution du dimanche soir ou ne distribuent qu’une fois par jour [3].

Avec l’augmentation de la taille des cheptels, toutes ces pratiques de simplification pourraient se développer.

Des enquêtes dans seize cheptels montrent que les éleveurs de grands troupeaux simplifient davantage leurs pratiques d’élevage des veaux : deux tiers passent à une distribution par jour au cours de la phase lactée et le lait yaourt est utilisé dans 20 % des cas. En revanche, aucun n’a adopté le DAL [4].

Le DAL est une solution pour réduire l’astreinte et la pénibilité du travail autour de l’élevage des veaux, et peut donc être envisagé dans un contexte de réduction de la main-d’œuvre disponible en élevage. Pour la conduite des veaux, il permet de respecter rigoureusement les volumes distribués. Cependant, il présente aussi des inconvénients. En raison du nécessaire partage du DAL, les cases collectives sont de grande taille, avec une importante hétérogénéité en âge et en poids entre les veaux, ce qui représente une situation à risque sur le plan sanitaire. Dès qu’un veau est malade, il doit être sorti de la case pour éviter qu’il ne contamine les autres. La surveillance des veaux continue de prendre du temps. Le DAL ne fait pas tout ! Les volumes et la température de distribution doivent également être vérifiés toutes les semaines et le DAL doit être nettoyé régulièrement. Enfin, le coût de ce système automatisé est élevé.

Conclusion

Il existe de nombreuses solutions pour simplifier l’al-lai-tement des veaux, avec des performances zootechniques identiques, chacune présentant des avantages et des inconvénients. L’éleveur choisit celle qui lui convient selon ses objectifs et ses contraintes d’exploitation. Il reste cependant à comprendre pourquoi ces techniques de simplification sont peu mises en œuve actuellement.

Parmi ces méthodes, la technique du lait yaourt facilite l’allaitement des veaux tout en réduisant les diarrhées alimentaires. Elle pourrait encore se simplifier en cumulant les solutions essayées : des études sont en cours à la station expérimentale de Trévarez, avec du lait yaourt, un plan constant et seulement six distributions par semaine.

Références

  • 1. Brunschwig P, Porhiel JY. L’allaitement simplifié des veaux laitiers. Bull. GTV. 2010;52:13-20.
  • 2. Chambres d’agriculture, organismes de conseil en élevages et bovins croissance de Pays-de-la-Loire, de Bretagne et de Normandie, Inra-Agrocampus Ouest, Institut de l’élevage. Réussir l’élevage des génisses laitières, de la naissance au vêlage. 2013:75p.
  • 3. Trou G. Génisses laitières : comment sont-elles élevées chez vous ? Terra. 2013;380:26-27.
  • 4. Trou G, Fleuret M, Le Guénic M, François J, Le Lan B. Conduite des troupeaux bretons de plus de 90 vaches et situation sanitaire. Renc. Rech. Rumin. 2013. À paraître.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Exemple de plan d’alimentation lacté avec du lait yaourt

À la station expérimentale de Trévarez, dans le Finistère, les veaux sont élevés en cases collectives dès la naissance. Ils reçoivent du colostrum en deux repas quotidiens les 2 ou 3 premiers jours après la naissance, puis 8 l de lait yaourt par jour en un seul repas à partir de la fin de la première semaine, avant de passer à 6 l et à 4 l (tableau). Les veaux sont sevrés vers 9 semaines, lorsqu’ils ingèrent 2 kg brut de concentrés. Comme pour tous les plans lactés, ils ont à disposition du concentré, un fourrage fibreux (foin, paille) et de l’eau dès la deuxième semaine de vie, en complément du lait yaourt, afin de développer le rumen et de préparer le sevrage.

Le lait yaourt est distribué à température ambiante dans des bacs à tétines collectifs. Ces derniers sont équipés, jusqu’à la cinquième semaine, de tétines roses, à gros débit et avec un système antiretour, positionnées en bas du bac, à la hauteur des yeux des veaux. L’objectif sur cette phase est de faciliter la buvée. À partir de la sixième semaine, les tétines roses sont remplacées par des tétines noires, plus dures et à débit plus faible. De plus, ces nouvelles tétines sont placées en haut du bac et reliées à un tuyau qui descend jusqu’au fond du bac. Elles requièrent ainsi plus d’effort de la part des veaux pour boire le lait, afin de les inciter à aller manger les concentrés et les fourrages mis à leur disposition. Dans tous les cas, il est recommandé de prévoir une tétine par veau.

Pour limiter la concurrence au bac à tétines, il convient de ne pas dépasser 3 semaines d’écart d’âge entre les veaux au sein d’une même case.

ENCADRÉ 2
Modalités des plans constants mis à l’essai dans l’Ouest

→ La station expérimentale de Mauron (Morbihan) a mis au point un plan constant à base d’aliment d’allaitement. De la deuxième semaine jusqu’au sevrage, les veaux reçoivent une quantité fixe de 3 l de buvée, contenant 600 g d’aliment d’allaitement, en un repas par jour.

→ Un plan constant, au lait entier et avec six repas par semaine (pas de distribution de lait le dimanche), a été testé à la station expérimentale des Trinottières (Maine-et-Loire) : la première et la deuxième semaine, les veaux reçoivent 2 l puis 3 l de lait par repas en deux distributions par jour. À partir de la troisième semaine et jusqu’au sevrage, la quantité fixe de 5 l de lait par repas en six repas par semaine leur est distribuée.

→ Pour ces deux modalités, les résultats zootechniques sont identiques à ceux obtenus avec les plans lactés classiques [1, 2].

Points forts

→ Le lait yaourt permet une réduction significative du nombre de diarrhées alimentaires.

→ Les solutions de simplification sont peu implantées : deux tiers des éleveurs bretons allaitent les veaux encore deux fois par jour.

→ L’utilisation de ferments du commerce à la place des yaourts est pratique, mais ne peut être conseillée par défaut d’homologation.

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