Les sérotypes constatés pour la riemerellose diffèrent par type de production en France - Le Point Vétérinaire expert rural n° 337 du 01/07/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 337 du 01/07/2013

INFECTIONS BACTÉRIENNES EN PRODUCTION DE CANARDS

Étude

Auteur(s) : Charles Facon*, Laurent Deffreix**, Julie Fontaine***, Hubert Gantelet****, Éric Thibault*****

Fonctions :
*Labovet conseil, ZAC de la Buzenière,
22, rue Olivier-de-Serres 85500 Les Herbiers
c.facon@reseaucristal.fr
**Biosud Experts, 281, avenue du Béarn 40330 Amou
***Fili@vet, 7, rue de Champre, 79700 Mauléon
****BioVac, 4, rue Olivier-de-Serres, BP 10061 Angers
Technopole, 49071 Beaucouzé Cedex
*****BioVac, 4, rue Olivier-de-Serres, BP 10061 Angers
Technopole, 49071 Beaucouzé Cedex

Les bases de données de plusieurs laboratoires ont été réunies afin de mieux cerner l’infection par Riemerella anatipestifer, maladie fréquente à la symptomatologie variée.

Les riemerelles sont des bactéries Gram négatif de la famille des Flavobacteriaceae, agents pathogènes majeurs en production de canards [2]. La riemerellose est fréquemment observée par les praticiens exerçant une activité “volailles” [1]. Le réseau Cristal comprend 19 cabinets vétérinaires dont neuf participent à cette étude. Souvent équipés pour l’analyse, les vétérinaires du réseau réalisent des bactériologies lors de mortalités constatées par les éleveurs. Leurs bases de données ont été analysées pour caractériser l’expression des différentes riemerelles, selon le type d’élevage de canards, en France.

OBJECTIFS DE L’ÉTUDE

Les objectifs de cette étude sont :

– de préciser les tableaux cliniques associés à la riemerellose ;

– d’affiner la connaissance par sérotypage de Riemerella anatipestifer au laboratoire ;

– d’améliorer la gestion des cas cliniques d’infection à Riemerella-anatipestifer en élevage.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Les laboratoires et les vétérinaires du réseau Cristal disposent du même système informatique pour la gestion des analyses de laboratoire. L’ensemble des champs du commémoratif comme l’adresse de l’éleveur, la traçabilité des oiseaux, les symptômes observés et les bactériologies demandées sont exploitables dans une base unique de données.

Ce sont 1 341 dossiers d’analyse provenant des laboratoires du réseau Cristal qui ont ainsi pu être regroupés.

Pour la bactériologie, les organes cibles sont ensemencés sur gélose additionnée de sang de mouton (5 %) et de gentamycine pour une incubation sous atmosphère enrichie en CO2. Les colonies suspectes sont constituées de petits bacilles Gram négatif et présentant un profil biochimique caractéristique oxydase + et catalase +(1).

Des tests d’agglutinations rapides sont ensuite réalisés sur lame à l’aide de réactifs de sérodiagnostic fournis par BioVac, afin de déterminer le sérotype des isolats de Riemerella-anatipestifer (encadré 1).

Sept sérotypes sont régulièrement mis en évidence mais tous les laboratoires ne disposent pas de l’ensemble des réactifs disponibles chez le fabricant. Les sérotypes indéterminés sont nommés RaX dans cette synthèse.

RÉSULTATS

1. Isolement régional

En Bretagne et en Pays de la Loire, les riemerelles sont isolées majoritairement chez le canard de Barbarie. Elles le sont presque exclusivement chez le canard mulard dans le Sud-Ouest. Cela correspond aux mises en place de ces différentes espèces (photo 2, tableau 1, encadré 2).

2. Répartition des sérotypes de Riemerella anatipestifer par région

Les sérotypes de riemerelles diffèrent selon les régions.

En Bretagne et en Pays de la Loire, où la production de canards de Barbarie domine, 80 % des riemerelles identifiées appartiennent au sérotype 1 et 12 % au sérotype 5. Pour 32 % des souches, le sérotype n’est pas identifié (figure 1).

Dans le Sud-Ouest, 68 % des sérotypes identifiés ap-par-tiennent au sérotype A et 30 % au sérotype 9. En revanche, 13 % des souches restent de sérotype inconnu (figure 2).

3. Répartition mensuelle des isolements par productions

Les éleveurs sollicitent le laboratoire lors de troubles pathologiques ou de mortalités. La saison influence l’activité d’isolement (tableau 2).

4. Âge d’isolement des riemerelles

L’âge auquel intervient l’isolement de Riemerella anatipestifer varie considérablement selon le type de production de canards (figure 3). Le premier pallier d’isolement, en ce qui concerne les canards de Barbarie, est atteint dans la troisième semaine, avec notamment des manifestations nerveuses, puis un véritable pic d’isolement apparaît vers sept à huit semaines, avec des symptômes respiratoires. Une diminution nette est observée après le départ des femelles. En production prêt-à-gaver, l’unique pic est atteint dès la cinquième ou la sixième semaine, période critique.

5. Association aux colibacilles

La bactériologie permet l’isolement de riemerelles, mais aussi d’autres bactéries (tableau 3). L’association est fréquente avec E. coli chez le canard de Barbarie. Elle reste rare chez le canard mulard.

Chez le canard de Barbarie, lorsqu’un colibacille est isolé avec une riemerelle, il s’agit une fois sur deux d’un sérotype O78K80, agent pathogène majeur en aviculture.

6. Tableaux lésionnels des infections à riemerelles

L’isolement de Riemerella-anatipestifer est possible sur des canards cliniquement sains, notamment dans la trachée. Le portage asymptomatique est ainsi possible. Le terme riemerellose est utilisé lors d’infection systémique avec signes cliniques. Les tableaux lésionnels fibrineux dominent lors de riemerellose chez le canard de Barbarie. Ils sont moins fréquents chez le canard mulard (photo 3, tableau 4).

Lors des méningites du canard mulard, le sérotype 9 est fréquemment trouvé. Le sérotype 8 est isolé dans certaines méningites proportionnellement moins fréquentes chez le canard de Barbarie.

Chez le mulard, le sérotype A est fréquemment rencontré lors d’arthrites.

Chez le canard de Barbarie, les sérotypes 1 et 5 sont détectés dans l’appareil respiratoire.

DISCUSSION

→ La saisonnalité du climat et des marchés explique pour partie celle des isolements de riemerelles. L’adaptation aux conditions climatiques extérieures, lors de la sortie sur parcours, correspond à une période à risque particulier chez le canard mulard. La période hivernale est ainsi favorable à l’expression clinique de riemerellose.

Chez le canard de Barbarie, élevé en claustration, l’augmentation de la demande, en prévision des fêtes de fin d’année, provoque une activité plus intense au second semestre. La dégradation habituelle des conditions climatiques à partir de septembre apparaît secondaire car des isolements supplémentaires de Riemerella anatipestifer ne sont pas trouvés comme chez le mulard l’hiver.

→ Les périodes d’interventions manuelles comme les vaccinations sont aussi à rapprocher des pics d’isolement de R. anapestifer. Le premier pic d’isolement situé la troisième semaine d’âge chez le canard de Barbarie correspond à la période de vaccination contre les parvovirus. Les canards sont en effet repris pour une injection individuelle. Le pic d’isolement chez le mulard correspond également à des périodes d’injection de vaccin contre les pasteurelles. L’expression clinique de la riemerellose est favorisée par ces interventions manuelles et autres sources de stress (transitions alimentaires, sortie sur parcours).

L’occurrence de méningites, plus fréquentes chez le mulard que chez le canard de Barbarie, et l’association moins fréquente avec E. coli expliquent des tableaux lésionnels moins fibrineux chez le mulard par rapport au canard de Barbarie.

Il est difficile de distinguer la riemerellose en s’appuyant sur le seul examen nécropsique de la colibacillose ou d’une infection à Coenonia anatina ou à Bacillus sphaericus [3, 4]. La bactériologie est un examen complémentaire indispensable pour la gestion des cas cliniques.

Au sein d’une espèce de canards, des sérotypes différents de Riemerella anatipestifer se sont adaptés à différents environnements anatomiques de l’oiseau.

La dose infectante de riemerelles est limitée par le nettoyage et la désinfection au vide sanitaire et les rotations de bandes uniques. Les phases stressantes (interventions en élevage, vaccinations et transitions de logement) créent à l’inverse un terrain favorable à l’expression clinique de la bactérie.

Le sérotypage des souches de Riemerella anatipestifer isolées sur le terrain est extrêmement précieux pour le suivi épidémiologique, mais aussi pour la production d’autovaccins. Ce test, facile et rapide, est la suite logique de l’identification phénotypique pratiquée sur les isolats récupérés à partir de lésions évocatrices. L’approche sérologique est ensuite une solution moins lourde et moins chère que les techniques biomoléculaires.

Si l’antibiothérapie reste nécessaire au traitement de la riemerellose, des solutions prophylactiques sont appelées en renfort pour maîtriser cette maladie, dans un contexte de prescriptions raisonnées d’antibactériens. Les sérotypes de Riemerella anatipestifer sont variés, et les expressions cliniques diverses. L’autovaccination est un outil prophylactique de choix, parce qu’adapté à chaque élevage.

Conclusion

Les résultats sur plus d’un millier d’isolats de R. anapestifer dans les laboratoires du réseau Cristal attestent de la diversité des sérotypes impliqués chez le canard mulard et le canard de Barbarie en France. Une connaissance fine des souches circulantes permet d’évaluer la dynamique des infections et d’asseoir une prophylaxie qui repose sur les autovaccins pour cette maladie fréquente en élevages de tous types.

Références

  • 1. Barre BMP. Contribution à l’étude des genres Riemerella et Coenonia: importance en médecine vétérinaire. Thèse de doctorat vétérinaire, ENV Toulouse. 2003:137p.
  • 2. Euzéby JP. Dictionnaire de bactériologie vétérinaire http://www.bacterio.cict.fr/bacdico/rr/riemerella.html
  • 3. Fontaine J, Bouchet ML, Gantelet H et coll. Caractéristiques de souches de Coenonia anatina isolées de cas cliniques de l’Ouest de la France, et description des lésions anatomo-cliniques chez le canard. Dixièmes Journées de la recherche avicole et palmipèdes à foie gras, La Rochelle, 2013.
  • 4. Gavaret T, Gantelet H, Thibault E, Balloy D. Infections à Bacillus sphaericus chez le canard : diagnostic différentiel des riemerelloses. Cinquièmes Journées de la recherche sur les palmipèdes à foie gras, Pau. 2002(5):202-205.
  • 5. Guérin JL, Balloy D, Villate D. Riemerellose (ou sérosite infectieuse). Dans : Maladies des volailles. 3e éd. Éd. France Agricole, Paris. 2012:354-356.

Conflit d’intérêts

La société BioVac, associée à cette étude, fabrique et commercialise des réactifs de sérodiagnostic des souches de Riemerella anatipestifer, ainsi que des autovaccins.

Ont aussi participé à l’étude :

Bruno Nevers*, Antoine Mercier**, Arnaud Ballot***, Hervé Ameloot****, Thomas Bazin***** et Thomas Ledein******

* Socsa analyse, 11 bis, rue Ariane 31240 L’Union

** Anilab, zone industrielle de Tirpen, 56140 Malestroit

*** MC Vet, 17 bis, place Champ-de-Foire 72300 Sablé-sur-Sarthe

**** Innovet, route d’Avire 49500 Segré

***** Clinique vétérinaire Brocéliande, rue du Grand-Jardin 35400 Saint-Malo

****** Clinique vétérinaire des Trois Sapins, ZA Les-Trois-Sapins, rue Paul-Painlevé 35150 Janzé

ENCADRÉ 1
Modalités du sérotypage

→ Pour déterminer les sérotypes, des souches de Riemerella anatipestifer provenant de collections de culture ou isolées sur le terrain ont été sélectionnées pour la production d’immunsérums. Leur identification génotypique a été réalisée par l’étude de l’ARNr 16S. Un séquençage d’environ 1 500 nucléotides du gène rrs codant l’ARNr 16S a été effectué après l’amplification de ce gène. La séquence obtenue a ensuite été comparée à une base de données. Hormis pour les deux sérotypes A et G, nommés par Harry en 1969, les autres sérotypes des souches de Riemerella anatipestifer ont été définis par BioVac. Les 16 sérotypes disponibles à ce jour sont appelés A, G, 1, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 et 16.

→ Les immunsérums servent pour la fabrication des réactifs Claus colorés en bleu, utilisés pour la technique d’agglutination rapide sur lame (photo 1).

→ Ils ont été obtenus selon une procédure développée par BioVac :

– une culture en milieu liquide de chaque souche de Riemerella anatipestifer est inactivée par du formol pendant 24 heures à température ambiante. Les bactéries sont ensuite récupérées par centrifugation puis reprises dans du sérum physiologique ;

– pour l’immunisation, la concentration est ajustée à 5.109 unités formant colonie/ml. Les lapins sont tués après 30 jours d’immunisation et le sang est récupéré afin d’en extraire l’immunsérum ;

– chaque antisérum est alors testé pour déterminer son titre vis-à-vis de la souche homologue, mais aussi de souches hétérologues du même sérotype ainsi que sa spécificité vis-à-vis de souches appartenant aux autres sérotypes.

ENCADRÉ 2
Deux filières de production de canards en France

→ Le canard mulard est destiné à la production de foie gras, alors que le canard de Barbarie, dit canard “à rôtir”, est élevé exclusivement pour la viande. La chair du canard mulard est le second produit après le foie.

→ Pour le consommateur, les muscles pectoraux fournissent une pièce bouchère appelée filet pour le canard de Barbarie, magret pour le mulard. La filière française de foie gras est leader mondial. L’élevage de canard de Barbarie pour sa viande est une particularité française. La viande de canard Pékin est plus répandue dans d’autres pays d’Europe et en Asie.

→ La production de canards mulards, hybrides issus du croisement entre une femelle Pékin et un mâle Barbarie, est organisée en deux phases :

– seuls les canards mâles prêts-à-gaver sont élevés, avec d’abord 4 semaines de démarrage en claustration puis un transfert sur parcours pour 8 semaines (le 100 % claustration existe aussi pour des raisons techniques et sanitaires) ;

– la phase d’engraissement consiste in fine en 20 à 24 repas, répartis sur 10 à 12 jours. Elle est actuellement en pleine mutation avec passage (obligatoire avant fin 2015) au logement collectif.

→ La production de canards de Barbarie est principalement réalisée en claustration. Les femelles sont parquées distinctement des mâles pour un abattage à 2,5 kg de poids vif vers l’âge de 10 semaines. Les mâles restent 2 semaines supplémentaires pour un abattage vers 4,7 kg de poids vif.

Points forts

→ L’occurrence de méningites, plus fréquentes chez le canard mulard que chez le canard de Barbarie, et l’association moins fréquente avec E. Coli expliquent des tableaux lésionnels moins fibrineux chez le mulard.

→ L’expression clinique de la riemerellose est favorisée par les interventions de type vaccination et la sortie sur parcours, en période hivernale pour le mulard.

→ La bactériologie est un examen complémentaire indispensable pour la gestion des cas cliniques (diagnostic différentiel avec les infections par E. coli, Coenonia anatina ou Bacillus sphaericus).

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