Leptospirose bovine : épidemiologie et aspects cliniques - Le Point Vétérinaire expert rural n° 330 du 01/11/2012
Le Point Vétérinaire expert rural n° 330 du 01/11/2012

MALADIES INFECTIEUSES

Article de synthèse

Auteur(s) : Amélie Camart-Périé*, Emmanuel Legrand**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire de la Risle
6, quai Félix-Faure 27500 Pont-Audemer

En raison des pertes économiques qu’elle engendre et des risques associés en termes de santé publique, la leptospirose bovine doit être envisagée lors d’épisodes abortifs, de mammites ou de mauvaises performances de reproduction.

La leptospirose bovine a été identifiée pour la première fois en 1937. Cette maladie est provoquée par des bactéries à Gram négatif appartenant à l’ordre des spirochètes : les leptospires. Dans l’espèce bovine, cette maladie infectieuse se manifeste principalement sous forme chronique et enzootique par des avortements et des troubles de la fertilité. L’infection leptospirosique engendre des pertes économiques lourdes. Le diagnostic de leptospirose est difficile. Les symptômes étant peu spécifiques, des examens complémentaires adaptés sont indispensables.

Le traitement de la maladie, les moyens préventifs disponibles ainsi que l’aspect zoonotique feront l’objet d’un second article.

ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA LEPTOSPIROSE BOVINE

1. Épidémiologie descriptive

La leptospirose bovine connaît une répartition mondiale, mais cette maladie est due à différents sérogroupes selon la localisation géographique des animaux. En France, ce sont les sérogroupes(1) Icterohaemorrhagiae, Grippotyphosa, AustralisetSejroe (sérovar Hardjo) qui prédominent (figure 1). À l’étranger, il semblerait que les sérogroupes dominants soient un peu différents : nette prédominance du groupePomona aux États-Unis et de Sejroe/Hardjo aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne. Sur les 30 000 animaux testés depuis une dizaine d’années sur le territoire français (ils appartiennent tous à des élevages présentant des troubles de la reproduction), 20 % sont positifs au test de microagglutination [5]. L’infection leptospirosique n’est donc pas une entité rare, néanmoins il est difficile de connaître l’impact réel de cette maladie infectieuse au sein de l’élevage français.

Selon une enquête de séroprévalence menée en 2004 dans 40 départements français chez des femelles bovines, le sérovar Hardjo était présent dans de nombreux cheptels [6]. La diffusion importante du sérovar Hardjo serait due aux migrations et aux échanges commerciaux de bovins qui constituent le principal réservoir de ce sérovar. Il est donc envisageable que d’autres sérovars soient également en pleine expansion. C’est le cas par exemple du sérovar Pomona qui n’est pas présent en France, mais dont l’existence signalée dans les pays scandinaves fait craindre, à la suite d’importations, à une implantation pérenne dans l’Hexagone [1].

La leptospirose, principalement enzootique, peut se présenter sous forme d’épizooties dans certains foyers isolés, qui se traduisent alors par des épisodes collectifs de chute de la production laitière et/ou d’avortements chez les bovins. Les sérovars Hardjo, Pomona et Grippotyphosa sont fréquemment isolés lors de ces épizooties. La saison influence l’infection leptospirosique : les valeurs de pluviométrie les plus élevées semblent correspondre aux pics d’infection. Cette observation est probablement liée au type de sérovar incriminé. En France, les sérotypes Grippotyphosa et Hardjo semblent prédominer en fin d’été et au début d’automne [24].

2. Épidémiologie analytique

La faune sauvage (nombreux rongeurs, renards, sangliers, cervidés, etc.) est une importante source de contamination pour les bovins. Ces espèces sauvages ne sont généralement pas réceptives à cette bactérie, mais peuvent jouer le rôle de “réservoirs”. Elles sont souvent porteuses d’un type particulier de sérovar (tableau). Lorsque les bovins passent la période estivale en pâture, leur risque d’être contaminé via la faune sauvage est augmenté. Certaines espèces domestiques jouent aussi un rôle de réservoir pour certains sérovars : l’espèce bovine serait d’ailleurs le principal réservoir du sérovar Hardjo [21]. Ainsi, l’introduction d’un bovin excréteur de leptospires (au sein de l’appareil urinaire et du tractus génital) n’est pas négligeable. La leptospirose peut être alors observée chez les bovins vivant exclusivement en stabulation.

L’urine constitue la principale matière virulente : les leptospires peuvent être excrétées plusieurs mois dans les urines (3 à 6 mois selon le sérovar) [2]. Les sécrétions vaginales constituent également une source non négligeable. Chez les bovins, les leptospires peuvent persister jusqu’à 3 mois dans l’utérus non gestant et jusqu’à 5 mois dans l’utérus gestant [27]. Lors d’avortement, les bactéries sont excrétées pendant une semaine environ [15].

Chez le mâle, le sperme peut être très riche en leptospires. La contamination par voie séminale n’est pas négligeable et ce d’autant plus que les leptospires sont capables de survivre dans du sperme congelé [10].

Le lait constitue aussi une matière virulente, mais plus anecdotique même s’il peut être à l’origine de contamination chez le veau [27].

Les matières virulentes sont émises dans l’environnement (sols, eau, bâtiments d’élevage) par les animaux infectés. Les leptospires sont relativement résistantes dans le milieu extérieur, en particulier, s’il est humide et sombre (étangs, mares, abords de rivière, zones marécageuses, litières mal entretenues, etc.) avec des conditions de pH et de température favorables (pH compris entre 6,8 et 7,4 et température avoisinant 20°C) [8].

La transmission est principalement horizontale par contact via des aérosols d’urines, par exemple, mais aussi par voie vénérienne. La contamination indirecte par l’environnement, en particulier par l’eau, est également possible (figure 2). La transmission verticale de la mère au veau s’effectue essentiellement in utero, la transmission lactée étant plus anecdotique en raison de la chute de production laitière et de la faible résistance des leptospires dans le lait. L’infection in utero chez le veau peut provoquer un avortement ou entraîner la naissance d’un veau qui sera infecté chronique [13].

La leptospirose touche principalement les populations d’animaux jeunes et les femelles gestantes. Les veaux laitiers sont davantage touchés par les formes aiguës et suraiguës. Ils sont séparés très tôt du cheptel adulte et ne développent pas d’immunité au contact d’animaux porteurs.

PRINCIPALES FORMES CLINIQUES

Les leptospires pénètrent dans l’organisme principalement par voies cutanéo-muqueuse (peau et muqueuse saines ou lésées), transplacentaire et vénérienne.

Elles gagnent la circulation sanguine où elles se multiplient (phase de leptospirémie durant 4 à 6 jours) et peuvent être à l’origine d’un pic fébrile [17]. Elles gagnent ensuite les différents organes cibles : le foie, les reins, le tractus génital, le tissu mammaire, les méninges, etc. Les différentes lésions et symptômes observés seraient la conséquence d’une vascularite généralisée.

Chez les bovins, cette maladie se manifeste principalement sous la forme chronique, avec des troubles de la reproduction. Cependant, des formes aiguë et suraiguë sont également décrites.

1. Forme chronique : les troubles de la reproduction

Chez la femelle gestante, l’infection par les leptospires peut induire un avortement dans le dernier tiers de gestation ou la naissance d’un veau prématuré. Leur mode d’action précis est encore inconnu. La bactérie contaminerait le fœtus par voie transplacentaire ainsi que par le biais de la veine ombilicale [22]. Ensuite, l’avortement serait soit la conséquence directe de la colonisation du fœtus par les bactéries soit liée à la perturbation du rôle du placenta sous l’effet de divers facteurs de virulence. Dans tous les cas, l’avortement n’est pas corrélé à la phase d’invasion de la femelle et la mère a généralement déjà développé sa réponse immunitaire. La leptospirose serait à l’origine de 3 % des avortements chez les bovins en France, versus 6 et 10 % respectivement au Canada et aux États-Unis. Le pouvoir pathogène de cet spirochète serait renforcé par la co-infection des animaux par d’autres agents abortifs tels que Coxiella burnetii, Neospora, le BVD ou BHV-1 [4, 5]. Cependant, la gestation peut être menée à son terme et donner naissance à un veau petit, anoxique et souvent atteint du syndrome du veau faible.

En France, le sérovar L. Hardjo est également responsable de troubles de la fertilité : augmentation de la durée de l’intervalle vêlage-insémination fécondante, augmentation du nombre d’insémination artificielle [IA]) [14]. Une autre enquête menée en 2005 dans des élevages bretons révélait un titre sérologique moyen plus élevé pour le sérovar Australis dans les élevages à retour de chaleurs tardif (plus de 25 jours) par rapport au groupe témoin [12]. La bactérie induit également des endométrites, cependant le mécanisme pathogénique exact n’est pas encore élucidé.

2. Forme aiguë

La forme aiguë touche essentiellement les animaux adultes, en particulier ceux nouvellement introduits dans le cheptel. La chute de la production laitière est le premier symptôme. Les animaux se tarissent en 3 ou 4 jours (milk drop syndrom). Le lait peut prendre une couleur rosée et contenir quelques caillots de sang. Les quatre quartiers sont atteints. Le comptage cellulaire est très élevé alors qu’aucune bactérie classiquement retrouvée dans les mammites n’est isolée. Les animaux présentent également une hyperthermie (40 à 41°C), un ictère souvent discret, une hémoglobinurie et une polyurie. L’évolution s’effectue sur 3 à 8 jours. Dans de rares cas, la colonisation du foie par les leptospires perturbe le mécanisme hépatique dont la synthèse des porphyrines : des signes de photensensibilisation avec perte de lambeaux d’épiderme ont été décrits chez les races à peau claire ou sur les zones dépigmentées des races à coloration contrastée (photo) [5].

Des cas de méningite, de néphrite aiguë et de dermatite nécrosante liée au dépôt d’immuns-complexes ont également été décrits.

3. Forme suraiguë

L’évolution de la maladie peut être foudroyante chez le jeune. Le symptôme dominant est une hémoglobinurie (témoin d’une tubulonéphrite interstitielle prononcée) qui précède souvent de peu la mort. Une diminution de l’appétit, l’apparition d’un ictère et une diarrhée hémorragique avec épreinte et ténesme peuvent être observées. Les sérogroupes Pomona, Icterohaemorrhagiae, Grippotyphosasont souvent incriminés. Le traitement est illusoire une fois que l’hémoglobinurie est installée.

4. Portage passif

Il s’agit de la forme la plus fréquente. Chaque individu peut être porteur de leptospires au niveau rénal et génital et excréter ces bactéries en grande quantité et durant plusieurs mois (entre 28 et 40 semaines pour le sérovar Hardjo) en l’absence totale de symptômes [18]. Ces porteurs asymptomatiques constituent des réservoirs de leptospires dans les élevages et sont difficiles à détecter, d’autant que l’excrétion est intermittente.

DIAGNOSTIC DE LA LEPTOSPIROSE BOVINE

Le diagnostic de la leptospirose est difficile à établir étant donné le manque de spécificité des symptômes. La leptospirose doit être suspectée lors d’avortements au cours du dernier tiers de gestation, de troubles de la fertilité et lors d’hyperthermie-ictère-hémoglobinurie d’apparition aiguë. Les éléments épidémiologiques (circonstances d’apparition de l’infection notamment) peuvent également être d’une grande utilité.

1. Examens complémentaires à mettre en œuvre lors de suspicion

Bien que les lésions soient la plupart du temps peu spécifiques, une autopsie peut fournir une aide au praticien [25]. Elle est également l’occasion de multiplier les prélèvements. Généralement, les lésions observées sur les avortons ne sont pas spécifiques et résultent de l’autolyse. Parfois, un ictère des tissus sous-cutanés est noté. Les lésions observées chez les veaux nés vivants ne sont pas spécifiques : pétéchies sur le thymus, la thyroïde, les poumons, le cœur et la plèvre pariétale. Dans les cas d’avortements à L. pomona, les cotylédons peuvent apparaître jaunâtres. Lors d’évolution aiguë de la maladie, l’examen nécropsique peut révéler un ictère généralisé, des hémorragies multiples, de nombreuses pétéchies réparties sur la peau, les muqueuses et l’ensemble des séreuses. Les muscles squelettiques ont un aspect de chair cuite observé en incisant les masses musculaires des membres postérieurs. Le foie est de taille normale ou légèrement hypertrophié. Il est généralement plus pâle et de couleur jaune. La vésicule biliaire présente un aspect caractéristique. Elle est distendue par une bile pâteuse de couleur noire. Les reins sont tuméfiés, hypertrophiés et paraissent congestionnés. La surface des reins est hétérogène et sa couleur varie du brun foncé au noir avec des zones nécrotiques plus sombres. La vessie est distendue par une urine sombre. La rate peut être légèrement hypertrophiée et ictérique. Dans le cas de pneumonies atypiques, les poumons sont marqués par des plages hémorragiques. Ces lésions sont observées uniquement pour les épisodes aigus de leptospirose.

Lors de leptospirose aiguë, les examens biochimiques sanguins révèlent une augmentation de l’urée, de la créatinémie, de la kaliémie, de la phosphorémie, de la bilirubinémie et des marqueurs de cytolyse et de cholestase hépatique (alanine aminotransférase [ALT], aspartate aminotransférase [ASAT], phosphatase alcaline [ALKP], γ-glutamyl-transférase [GGT]). La bandelette urinaire montre principalement une hémoglobinurie. Des cylindres peuvent être visualisés sur le culot urinaire. Les modifications hématologiques ne sont pas spécifiques : leucopénie transitoire suivie d’une neutrophilie témoignant d’un processus infectieux, anémie régénérative modérée lors de leptospirose aiguë, parfois thrombocytopénie. Ces modifications ne sont observées que chez les animaux atteints de la forme aiguë de la maladie et sont loin d’être constantes. D’autres examens plus spécifiques sont nécessaires pour établir un diagnostic de leptospirose, et ce d’autant plus que la maladie évolue plus souvent sur un mode chronique.

2. Examens complémentaires de confirmation

La confirmation de l’infection leptospirosique peut être directe (mise en évidence de l’agent pathogène) et/ou indirecte (sérologie). Différentes techniques de laboratoire sont utilisables en fonction de l’évolution de la maladie (figure 3) [17].

Mise en évidence directe de leptospires

Les leptospires peuvent être isolés sur plusieurs types de prélèvements : le sang, le liquide céphalo-rachidien (LCR), l’urine ou différents tissus (foie, reins, encéphale, surrénales). Les prélèvements de sang et de LCR doivent être réalisés au cours des 12 premiers jours de l’infection. Ils concernent seulement les formes aiguës de la maladie. Le sang peut être recueilli sur tube EDTA ou hépariné. La bactériémie étant intermittente, les prélèvements sanguins doivent être réitérés sur plusieurs jours. Les leptospires sont ensuite excrétés dans les urines à partir du 10e jour d’infection, et ce pendant plusieurs semaines. Les urines sont recueillies par cystocentèse ou cathétérisme dans les meilleures conditions d’asepsie possible. Elles sont ensuite conservées dans l’obscurité et à 4°C avant d’être acheminées au laboratoire rapidement. La visualisation de leptospires au microscope étant une méthode peu sensible, une mise en culture est indispensable et permet de confirmer le diagnostic. Cependant, la culture de Lepstospira spp. nécessite un délai de 4 à 8 semaines pour obtenir des colonies identifiables et requiert un milieu spécifique (milieu de Ellinghausen modifié par Johnson Harris) [3].

Des colorations par immunohistochimie peuvent être réalisées à partir de différents prélèvements : foie, rein, urines et sang, etc. Cette technique très spécifique est peu sensible et ce d’autant plus que les leptospires sont présents en petite quantité dans les échantillons prélevés. De plus, elle ne permet pas de déterminer le sérovar responsable de la maladie. L’immunofluorescence réalisée sur les urines ainsi que sur des coupes de rein fœtal est une technique plus sensible, plus rapide et peut être effectuée sur des prélèvements congelés. Néanmoins, son interprétation est parfois délicate et ne permet pas non plus de déterminer le sérovar en cause.

Enfin, la PCR a révolutionné le diagnostic de la leptospirose. Cette technique extrêmement sensible et spécifique permet de distinguer les formes pathogènes des formes commensales [19]. Elle est très rapide. De plus, les prélèvements ne nécessitent pas de précautions particulières et peuvent être envoyés au laboratoire sans se soucier des délais ni de l’état de conservation des organes après autopsie. Lors d’avortements, les cotylédons placentaires seraient les prélèvements de choix [5]. La PCR est également applicable alors qu’un traitement antibiotique a déjà été instauré [19]. L’acide désoxyribonucléique (ADN) des leptospires peut être extrait du sang, du lait, de l’urine, de l’humeur aqueuse, de la semence de taureau ou du LCR [19]. Différentes études menées sur le sérovar Hardjobovis ont prouvé la sensibilité plus élevée de la PCR par rapport aux méthodes d’immunofluorescence ou de mise en culture [20].

Diagnostic indirect de la leptospirose

Ces techniques ont pour objectif de mettre en évidence les anticorps dirigés contre Leptospira spp. Ces derniers peuvent être détectés dans les 10 à 12 jours qui suivent l’infection soit 8 à 10 jours après l’apparition des symptômes. Si une forme aiguë est suspectée, deux prélèvements sanguins espacés de 8 à 10 jours doivent être effectués. L’animal suspect est placé sous traitement antibiotique entre les deux prises de sang même si le traitement retarde l’apparition des anticorps.

Différentes techniques sont utilisées au laboratoire. Le test de microagglutination (MAT) constitue la méthode de référence et permet de déterminer le sérogroupe d’origine de la souche infectante (chaque laboratoire d’analyses possède en moyenne une vingtaine de souches de référence). Ce test utilise les propriétés d’agglutination de différentes solutions de sérums sur des groupes d’antigènes (ici les souches de leptospires) cultivés en laboratoire. Si le sérum testé contient des anticorps, ils provoquent l’agglutination des bactéries, cette agglutination étant objectivée sur microscope à fond noir. Une réaction est dite positive si, à une dilution donnée et pour l’antigène testé, au moins 50 % des leptospires sont agglutinés (la lecture est assurée par comparaison avec un antigène témoin qui fixe le seuil de positivité). Les réactions croisées entre sérovars sont possibles avec ce test, cependant elles diminuent avec le temps écoulé depuis l’infection [16]. Le MAT ne permet pas de distinguer si les anticorps agglutinants sont de type IgM ou IgG [17]. Le test de microagglutination est une méthode quantitative sensible et spécifique. Elle est lourde à mettre en œuvre par le laboratoire et nécessite l’entretien expérimental de nombreuses souches vivantes de leptospires. De plus, elle ne permet pas de confirmer la maladie, mais permet seulement d’établir un profil sérologique qui, couplé au tableau clinique et aux caractéristiques épidémiologiques, va orienter le praticien vers un diagnostic.

D’autres épreuves sérologiques ont été développées afin de faciliter la mise en évidence des anticorps antileptospires et de détecter plus précocement ces anticorps lors de phase aiguë de leptospirose.

La méthode Elisa met en évidence la liaison anticorps-antigène et est utilisée pour détecter les sérovars Pomona et Hardjo. Pour le sérovar Grippotyphosa, la comparaison du test Elisa et du MAT a révélé une sensibilité inférieure le premier mais une spécificité équivalente. En dehors de ce sérovar, l’Elisa présente une meilleure sensibilité par rapport au MAT. Elisa est également plus facile et plus rapide à réaliser. Sur des bovins infectés expérimentalement, les anticorps ont pu être mis en évidence par cette technique dès la première semaine suivant l’infection [26]. Néanmoins, il reste encore à mettre au point des tests Elisa spécifiques d’un antigène donné. Ce test de dépistage pourtant efficace ne permet pas de mettre en évidence la souche de leptospirose responsable de la maladie.

Le LAT, ou latex agglutination test, est également utilisé pour détecter les anticorps antileptospires en médecines humaine et vétérinaire. Bien que légèrement moins sensible que l’Elisa, ce test est extrêmement rapide, simple, peu coûteux et surtout employé pour le dépistage de la leptospirose [23].

L’intérêt principal de la sérologie se situe à l’échelle du troupeau, en particulier lors d’épisodes abortifs chroniques aux cours desquels le diagnostic individuel est généralement compliqué. Dix pour cent du cheptel est alors testé [11]. La sérologie permet aussi d’établir une cinétique de l’infection. Néanmoins, l’interprétation de la sérologie est plus difficile pour les troupeaux vaccinés bien que les titres en anticorps issus de la vaccination soient généralement inférieurs à ceux d’une infection naturelle. La vaccination produit également une augmentation des anticorps contre de multiples sérovars alors que l’infection naturelle entraîne généralement la formation d’anticorps ciblés contre un unique sérovar [7].

Le diagnostic de laboratoire est une étape incontournable en matière de leptospirose. Différentes techniques sont disponibles et présentent chacune ses points forts et ses points faibles. En pratique, la PCR est choisie à l’échelle individuelle (la culture étant difficile et longue à mettre en œuvre) et les sérologies à l’échelle du troupeau.

Conclusion

L’infection des bovins par des leptospires se manifeste le plus souvent sous forme subclinique par des avortements et de mauvaises performances de reproduction. Elle est principalement enzootique, bien que certains foyers avec des épisodes aigus d’avortements et de chutes de production laitière soient observés. Les récentes enquêtes de séroprévalence menées sur le territoire français montrent qu’aucun cheptel n’est à l’abri, et que le poids de cette affection est probablement sous-évalué. La leptospirose bovine s’accompagne de symptômes souvent peu spécifiques, son diagnostic fait donc obligatoirement appel à des techniques de laboratoire directes et indirectes.

(1) Cet article utilise la classification phénotypique des leptospires. Un sérovar est une entité possédant une unité antigénique. Cependant, certains groupes de sérovars possèdent entre eux une communauté antigénique forte, à l’origine de sérogroupes. Plus de 200 sérovars répartis en 25 groupes sont actuellement recensés pour l’espèce Leptospira interrogans, agent de leptospirose chez l’homme et les animaux.

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Points forts

→ La leptospirose bovine se manifeste principalement sur un mode enzootique par des avortements et des mauvaises performances de reproduction.

→ En France, les sérogroupes(1) Icterohaemorrhagiae, Grippotyphosa, Australis et Sejroe (sérovar(1) Hardjo) prédominent.

→ La faune sauvage est une importante source de contamination pour les bovins.

→ La transmission est principalement horizontale par contact via des aérosols d’urines.

→ Le diagnostic de leptospirose fait appel aux sérologies et à la PCR.

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