La mortalité des veaux dans les élevages allaitants : une analyse à l’échelle nationale - Le Point Vétérinaire expert rural n° 327 du 01/07/2012
Le Point Vétérinaire expert rural n° 327 du 01/07/2012

NÉONATALOGIE DES VEAUX

Étude

Auteur(s) : Béatrice Mounaix*, Philippe Roussel**, Danièle Ribaud***, Sébastien Assie****, Henri Seegers*****

Fonctions :
*UMT Maîtrise de la santé des troupeaux bovins,
Institut de l’élevage, BP 85225, 35652 Le Rheu
**UMT Maîtrise de la santé des troupeaux bovins,
Institut de l’élevage, 44307 Nantes Cedex
***Institut de l’élevage, service Biométrie,
149, rue de Bercy, 75595 Paris Cedex 12
****UMT Maîtrise de la santé des troupeaux bovins,
UMR BioEpAR, Oniris-Inra, 44307 Nantes Cedex
*****UMT Maîtrise de la santé des troupeaux bovins,
UMR BioEpAR, Oniris-Inra, 44307 Nantes Cedex

Une première description de la mortalité des veaux allaitants en France explique en partie les variations observées dans les différents bassins de production(1).

Face au déficit structurel en viande bovine française observé depuis l’instauration des quotas laitiers, Interbev (Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes) a sollicité l’unité mixte technologique (UMT) “Maîtrise de la santé des troupeaux bovins” pour explorer les possibilités d’amélioration de la productivité numérique des cheptels de bovins allaitants à partir de la maîtrise de la mortalité des veaux (encadré 1). En effet, la mortalité des veaux est réputée importante, de 10 % en moyenne dans les 10 premiers jours, et se trouve au centre des préoccupations des éleveurs [5, 7]. Alors que la mortalité des veaux laitiers a fait l’objet de plusieurs études, les travaux relatifs à ce sujet en troupeaux allaitants sont plus rares, et souvent limités à des zones de production ou à certaines races.

OBJECTIFS

Dans ce contexte, l’étude initiée en 2010 s’est donnée pour objectif d’analyser la mortalité des veaux dans les élevages allaitants à l’échelle nationale à partir des données de la Base de données nationale d’identification (BDNI). L’objectif est de cibler plus efficacement les actions prioritaires et de proposer des outils pour améliorer la maîtrise de cette mortalité. La description du phénomène est une première étape indispensable pour mieux comprendre ses facteurs de variation et identifier ainsi les dispositifs permettant le gain de productivité le plus important grâce à un appui ciblé.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

L’analyse des données de la BDNI a été réalisée pour les veaux nés dans les troupeaux allaitants entre le 1er août 2005 et le 31 Juillet 2009. Cette période correspond à quatre campagnes de vêlage, définies du 1er août de l’année n au 31 Juillet de l’année n + 1. Seules les exploitations présentes durant les quatre campagnes ont été conservées pour cette étude. La production de ces élevages a été caractérisée selon une typologie à dire d’experts qui prend en compte la combinaison des différents ateliers et activités de l’exploitation [4]. Cette typologie distingue, en particulier, les ateliers naisseurs des naisseurs engraisseurs, ou les ateliers de veaux sous la mère, moins nombreux. Pour chaque troupeau, la répartition des vêlages a été caractérisée en utilisant la convention décrite par Belvèze et coll. pour définir les périodes de vêlage des bovins allaitants (communication personnelle, 2010). Cette convention à dire d’expert, établie à partir des données du contrôle de performances, distingue des vêlages d’automne, d’hiver ou de printemps lorsque 60 % des mises bas ont lieu durant les 4 mois de la saison concernée. Dans notre analyse, les vêlages ne satisfaisant pas ces conditions sont considérés comme étalés.

Une analyse de la survie (Proc Lifetest, SAS) des veaux entre 0 et 6 mois a été réalisée, en la limitant aux individus des huit principales races allaitantes françaises : aubrac, salers, limousine, charolaise, rouge des prés, parthenaise, gascone, blonde d’Aquitaine, et à ceux issus d’un croisement de races. Ce travail permet de modéliser la probabilité de mort des veaux par semaine durant les 6 premiers mois et de comparer ces modèles dans différentes catégories d’animaux. Après élimination des bêtes perdues de vue (sorties de la base de données pour des raisons autres que la mort), l’analyse a porté sur 8 248 152 veaux nés entre 2005 et 2009 dans 33 982 exploitations. Les courbes de survie ont été calculées en fonction de plusieurs variables : la campagne de vêlage, le sexe du veau, sa race, le type de production de l’atelier, le rang de vêlage de l’animal et le type de répartition des vêlages dans le troupeau. Pour tester l’effet des facteurs significatifs identifiés grâce à l’analyse de la survie et de leurs interactions sur le taux de mortalité global des veaux, une étude de variance a été effectuée (Proc Glimix, SAS). Les traitements ont été instaurés sans ajustement de l’effet aléatoire “élevage”.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

1. Forte hétérogénéité de la mortalité

Le taux de mortalité moyen des veaux est de 8,36 %, ce qui correspond à 715 526 veaux morts en quatre campagnes. Cependant, ce pourcentage présente une très forte variabilité.

2. Selon la race

L’un des principaux facteurs de variation de la mortalité est la race (tableau). Sont essentiellement distinguées les races dites “rustiques”, pour lesquelles peu de diffi-cultés de vêlage sont observées, des races dont l’aptitude au vêlage est moindre ou chez lesquelles les naissances gémellaires sont plus fréquentes (photo 2). L’aptitude génétique et morphologique des femelles au vêlage est un facteur déterminant des difficultés au vêlage qui explique en grande partie les écarts relevés. La variabilité entre les troupeaux pour une même race est cependant importante.

3. Augmentation en 2007

L’analyse de la survie durant les quatre campagnes de vêlage montre une dégradation significative de la survie des veaux à partir de 2007. Les mortalités sont similaires en 2005-2006 et en 2006-2207 (respectivement 7,97 % et 7,75 %), ainsi qu’en 2007-2008 et 2008-2009 (respectivement 8,91 % et 8,76 %), avec une différence significative entre les deux groupes. Celle-ci est à mettre en relation avec l’effet connu de la fièvre catarrhale ovine (FCO) sur la mortinatalité des veaux, confirmé par les études récentes menées sur l’impact de l’épizootie de 2007 sur la baisse des naissances des veaux dans les élevages allaitants à partir de 2008 [3]. Chaque campagne a donc été analysée séparément.

4. Surtout dans les premiers jours

Quelle que soit la campagne de vêlage ou la race, l’analyse de la survie des veaux indique une plus forte mortalité durant la première semaine de vie (6,57 % en moyenne), ce qui indique l’importance de la mortinatalité liée aux difficultés pendant le vêlage ou aux maladies néonatales [2].

5. Selon le sexe

Cependant, une différence est observée entre les sexes, conduisant à un écart de 2 points de mortalité globale (figure 1). Cette différence varie selon la race, mais, dans toutes les races analysées, dès la première semaine de vie, les femelles présentent une meilleure survie que les mâles, et l’écart entre les deux courbes s’accentue plus ou moins ensuite. Le poids des veaux mâles à la naissance, qui est supérieur à celui des femelles, entraîne un plus grand risque de troubles de vêlage, donc de mortinatalité. Cependant, l’augmentation des écarts durant les 6 mois semble indiquer que les différences selon le sexe sont liées à d’autres facteurs de risque. Les résultats de l’analyse de la morbidité devraient permettre d’apporter des informations complémentaires sur ce point.

6. Selon la parité de la mère

Plusieurs facteurs de variation ont pu être associés de façon significative à des différences de la probabilité de survie des veaux. La parité de la mère présente un effet significatif sur la survie des veaux et leur mortalité moyenne (figure 2). Ainsi, la mortalité est plus importante chez les veaux issus de mères primipares (9,72 % en moyenne), mais également chez ceux qui proviennent d’un second vêlage (7,58 % en moyenne), par rapport aux individus nés de vaches plus âgées (6,58 % en moyenne). Les écarts sont visibles dès la première semaine et s’accentuent légèrement par la suite. Si la plus grande fréquence des anomalies au vêlage des primipares est connue, en revanche, la moindre survie des veaux de rang de vêlage 2 est plus inattendue. Elle peut être mise en relation avec la moins bonne qualité du colostrum des vaches en début de carrière, la concentration en immunoglobulines augmentant avec l’âge de la vache. Ces résultats incitent à une surveillance des vêlages, y compris après la première mise bas, et renforcent les recommandations sur l’importance de la prise de colostrum dans les jours qui suivent la naissance.

7. Selon le bassin de production

La différence de survie entre les veaux issus de primipares et ceux nés de femelles plus âgées explique une partie des variations de la mortalité moyenne par troupeau observées pour une même race dans plusieurs bassins de production. En effet, selon les pratiques régionales de renouvellement des femelles, une plus ou moins grande proportion de génisses sont mises à la reproduction. Une meilleure survie est également observée chez les veaux nés dans des exploitations de naisseurs stricts, par rapport à des animaux qui proviennent d’élevages comportant un atelier d’engraissement où la fréquence de renouvellement des femelles est souvent plus importante [6].

8. Selon la répartition des vêlages

Un autre effet significatif a été observé en relation avec le type de répartition des vêlages : les vêlages non groupés présentent une probabilité de survie moindre comparativement aux vêlages groupés. Une meilleure probabilité de survie des veaux est observée lorsque les vêlages sont réalisés au printemps, que les animaux sont à l’extérieur, dans des conditions où les facteurs de risque sanitaires sont réduits par rapport aux mises bas réalisées en bâtiment. L’effet de la répartition des vêlages présente des déclinaisons différentes selon la race, en relation avec des pratiques de groupage des vêlages caractéristiques. C’est, par exemple, le cas de la forte proportion de vêlages d’hiver dans les troupeaux de race gascone, ou d’automne dans ceux de race limousine, par rapport aux autres types de groupage. Se trouve confirmé l’intérêt de la gestion de la reproduction, avec une conduite par lots des animaux pour mieux maîtriser les risques, en particulier sanitaires. En revanche, la taille du troupeau a peu d’impact sur la survie des veaux.

9. Facteurs de variation confirmés à l’échelle nationale

Cette étape descriptive de la survie des veaux dans les élevages allaitants fournit des éléments de compréhension des principaux facteurs de variation de leur mortalité et confirme l’impact de ces derniers à l’échelle nationale. Ce résultat peut être d’ores et déjà valorisé en termes de conseil, en particulier concernant la gestion de la reproduction, avec une surveillance accrue des vêlages et le soin des veaux nouveau-nés.

Conclusion

Cette étude constitue la première analyse de la survie des veaux des races allaitantes à l’échelle française, à partir de la valorisation des données de la BDNI. Les résultats obtenus seront utilisés pour identifier les cibles d’actions prioritaires pour augmenter la productivité numérique des troupeaux allaitants au niveau national. Les taux de mortalité calculés indiquent des marges de progrès possibles qui pourront être valorisées pour accroître la production de viande bovine et améliorer ainsi la productivité de la filière viande.

Ce travail d’analyse descriptive sera complété par les autres volets de l’étude en cours (analyse de la morbidité des veaux et synthèse des démarches de maîtrise existantes) (encadré 2).

  • (1) Pour faire suite à cette analyse descriptive de la mortalité des veaux en France, un article, actuellement en cours de rédaction, paraîtra dans les mois qui viennent pour présenter une méthodologie pour réduire cette mortalité.

  • 1. Assié S, Bouet JM, Seegers H et coll. Troubles respiratoires des veaux non sevrés : évaluation de l’impact économique en système allaitant naisseur-engraisseur de race charolaise des Pays-de-la-Loire. Épidémiol. Santé anim. 2001;40:1-6.
  • 2. Bendali F. Épidémiologie des gastro-entérites néonatales chez le veau. Thèse de doctorat. 1998:137p et les annexes.
  • 3. Mounaix B, Ribaud D, David V. Impact de l’épizootie de FCO sur le nombre des naissances de veaux dans les élevages allaitants français. Renc. Rech. Rumin. 2011;18:272. www.FCOinfo.fr
  • 4. Perrot C. Document de travail : l’utilisation de la BDNI pour la mise en place d’une typologie d’élevage bovin. 2005:33p. www.idele.fr
  • 5. Réseaux d’élevage pour le conseil et la prospective. Les pratiques sanitaires dans les élevages bovins allaitants. Coll. Théma. 2010:18p.
  • 6. Réseaux d’élevage pour le conseil et la prospective. Résultats 2009 des exploitations bovins viande. Résultats annuels. 2011:38p.
  • 7. Richard M, Denoyelle C, Monniot C et coll. Adéquation entre offre et demande en viande bovine en France. Renc. Rech. Rumin. 2008;15:227-234. www.journees3R.fr

OBJECTIFS

→ Analyser la mortalité des veaux dans les élevages allaitants en France à partir de la Base de données nationale identification (BDNI) afin de proposer des actions pour améliorer sa maîtrise.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

→ L’analyse des données de la BDNI a été réalisée pour 8 248 152 veaux des huit principales races allaitantes nés entre le 1er août 2005 et le 31 juillet 2009 dans 33 982 exploitations.

→ La survie de ces animaux a été étudiée jusqu’à l’âge de 6 mois.

RÉSULTATS

→ Le taux de mortalité moyen est de 8,36 %, mais plusieurs facteurs de variation existent à l’échelle nationale.

→ La mortalité, qui a augmenté en 2007, est plus importante chez les mâles, durant la première semaine de vie, chez les veaux issus de primipares, lorsque les vêlages ne sont pas groupés.

→ Des conseils doivent être délivrés sur la gestion de la reproduction, par lots, et la surveillance des mises bas et du veau dans les premiers jours de vie.

ENCADRÉ 1
Présentation de l’UMT “Maîtrise de la santé des troupeaux bovins”

L’unité mixte technologique (UMT) “Maîtrise de la santé des troupeaux bovins” est coanimée par l’unité mixte de recherche (UMR) BioEpAR Oniris-Inra (Institut national de la recherche agronomique) et l’Institut de l’élevage (photo 1). Elle permet d’associer en réseau des équipes de recherche et de développement pour aborder les sujets relatifs à la santé des troupeaux bovins et élaborer des réponses appliquées. Les équipes impliquées varient selon les axes de travail. L’étude présentée s’inscrit dans un axe d’action qui a pour objectif d’explorer les démarches innovantes dans la maîtrise des troubles majeurs dans les troupeaux bovins. Elle réunit en un groupe de travail des équipes de l’Institut de l’élevage, de l’Inra, de l’Union bretonne des groupements de défense sanitaire (GDS) et les GDS des Pays-de-la-Loire et de la Creuse, les unions régionales des groupements techniques vétérinaires (GTV) de Bretagne et des Pays-de-la-Loire, la Fédération régionale des GTV de Midi-Pyrénées, la Fédération régionale des GDS de Bourgogne, le Réseau Cristal et la chambre régionale d’agriculture des Pays-de-la-Loire.

Points forts

→ La mortalité est la plus élevée durant la première semaine de vie (6,57 %). Elle est plus faible dans les races dont l’aptitude au vêlage est bonne.

→ Les veaux mâles sont plus touchés que les femelles.

→ La mortalité est plus forte chez les veaux issus de mères primipares et lorsque les vêlages ne sont pas groupés. Cela expliquerait ses variations selon les bassins de production, en fonction des pratiques d’élevage régionales, et sa plus faible prévalence en ateliers de naisseurs.

ENCADRÉ 2
Autres volets de l’étude en cours

→ Cette description de la survie des veaux dans les élevages allaitants est la première étape de l’étude réalisée au sein de l’UMT “Maîtrise de la santé des troupeaux bovins”.

→ Elle va permettre d’identifier des cibles prioritaires pour l’amélioration de la productivité numérique des troupeaux. Cette phase descriptive est complétée par l’analyse en cours des relations entre la morbidité et la mortalité des veaux, fondée sur plus de 200 enquêtes réalisées en élevages durant le bilan sanitaire, avec l’appui des vétérinaires des groupements de défense sanitaire et du Réseau Cristal. Cette analyse a pour objectif de mieux interpréter les courbes de survie par rapport aux causes principales de mortalité des veaux et d’identifier les principaux facteurs de risque. Elle permettra aussi à préciser l’importance relative des mortalités liées aux différentes maladies du veau, en particulier les diarrhées néonatales et les troubles respiratoires, dont l’incidence peut être très variable selon les élevages et les types de conduite des troupeaux [1, 6]. En complément, l’analyse des démarches de maîtrise de la mortalité mises en place ou en cours de développement dans plusieurs bassins de production allaitants, voire en élevages laitiers, permettra d’identifier les leviers et les freins de ces méthodes, pour proposer, à l’échelle nationale, des démarches innovantes visant à améliorer la maîtrise de la mortalité des veaux dans les troupeaux allaitants.

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