Cysticercose du veau non sevré : revoir l’inspection ou mieux la prévenir ? - Le Point Vétérinaire expert rural n° 325 du 01/05/2012
Le Point Vétérinaire expert rural n° 325 du 01/05/2012

SANTÉ PUBLIQUE VÉTÉRINAIRE

Veille scientifique

Auteur(s) : Éric Dromigny

Fonctions : Oniris, École nationale vétérinaire,
agroalimentaire et de l’alimentation
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706, 44307 Nantes Cedex 03

Un débat en abattoir renvoie à l’importance des mesures de prévention de la dissémination des œufs de Tænia saginata dans les élevages.

La grande fréquence du téniasis humain (environ 2 % de la population européenne) souligne l’importance des mesures visant à prévenir la mise sur le marché de viandes bovines contenant des cysticerques [2]. Parmi ces dispositifs, la détection des carcasses infestées au cours de l’inspection post-mortem (grâce, notamment, à des incisions musculaires) est le moyen privilégié traditionnel de rompre le cycle du parasite.

Dans ce cadre, un débat a vu le jour dans les abattoirs : faut-il systématiquement inciser (et délabrer) le cœur et les masséters du veau d’abattoir, alors que persiste l’idée reçue que la cysticercose du veau non sevré est très majoritairement massive et généralisée, et détectable au seul examen visuel et aux palpations de l’ensemble des viandes au cours de l’inspection ? Répondre à cette question nécessite d’évaluer chacune des propositions de ce raisonnement :

– l’infestation du veau non sevré est toujours massive par transmission directe ;

– les oncosphères se transforment tous en cysticerques chez le veau ;

– les cysticerques sont confinés dans des sites anatomiques de prédilection ;

– des incisions à l’abattoir permettent une détection suffisante des cysticerques.

Cette démarche va être conduite en s’appuyant sur les travaux complets de Kyvsgaard et coll., accompagnés ici d’une brève discussion, si possible à la lumière des rares autres publications pertinentes [6]. Ces données seront utilisées comme points de départ à l’estimation du risque de ne pas détecter une cysticercose du veau à l’abattoir en abordant successivement ces quatre postulats relatifs à l’infestation parasitaire, de façon à révéler, dans une cinquième partie, l’efficacité des autres mesures visant à rompre le cycle parasitaire, et, en particulier, la grande pertinence des dispositifs de prévention en élevage.

L’INFESTATION DU VEAU PEUT-ELLE ÊTRE INDIRECTE ?

1. Le dogme de la transmission directe et de l’ingestion massive d’œufs

La cysticercose est considérée comme généralisée chez le veau non sevré car elle ferait systématiquement suite à une infestation massive par contact direct avec un excréteur humain d’oncosphères de Tænia saginata (figure 1). L’homme, en tant qu’hôte définitif du parasite,dissémine les quelque 150 000 œufs produits en moyenne quotidiennement (la quantité de proglottis et d’œufs émis varie beaucoup).

La transmission directe peut alors se produire quand un porteur humain élève des veaux de lait. Des oncosphères ont été trouvées dans la crasse des ongles, et dans l’eau de lavage des mains et des sous-vêtements. Le prurit anal lié au téniasis humain favorise la souillure massive des mains du porteur par les œufs, que le veau ingère en grandes quantités en suçant les doigts. Le réflexe de tétée est alors un facteur favorisant majeur. Hormis l’éleveur, sa famille ou ses employés, le porteur contaminant peut être un simple visiteur (par exemple, dans les fermes pour classes vertes ou qui comportent des chambres d’hôte).

2. Une transmission indirecte et une infestation discrète des carcasses de veaux cependant possibles

Toutefois, même chez le veau sans accès au pâturage, peut survenir une transmission indirecte quand les proglottis sont jetés par le porteur humain dans l’environnement de l’animal (étables, locaux de stockage d’aliments). La dispersion et une certaine inactivation des oncosphères dans le milieu extérieur se traduisent par une ingestion de quelques œufs par le veau et par une infestation discrète de la carcasse.

Dans le mode de transmission dit “indoor” indirect, en particulier via l’épandage d’eaux usées en provenance de l’homme, parfois même pour laver des étables, ou par l’intermédiaire des chaussures, le veau ingère peu de cysticerques à partir du sol ou sur la mamelle de sa mère [4].

Nettoyer les étables avec de l’eau des égouts est alors un facteur favorisant, de même que l’épandage des eaux usées humaines sur les sols des cultures fourragères. Du foin ou de la paille peuvent alors transmettre quelques oncosphères au veau qui les mâchonne.

Enfin, la manipulation de matériel de buvée par un porteur humain aboutit à l’ingestion de quelques oncosphères par l’animal, donc à une infestation larvaire discrète de la carcasse.

Ainsi, considérer comme superflues les incisions des viandes de veau diminue de façon non négligeable l’efficacité de l’inspection post-mortem et conduit aussi à ignorer des porteurs de Tænia dans les élevages d’origine du veau non sevré.

LA COLONISATION DE L’ORGANISME DU VEAU PAR LES LARVES PEUT-ELLE ÊTRE DISCRÈTE ?

1. Une éclosion des oncosphères peu efficace : une démonstration expérimentale

Des infestations expérimentales de veaux ont démontré que des ingestions d’œufs de Tænia par le veau en quantité très importante n’aboutissent pas toujours à des carcasses massivement infestées par les larves.

Toutefois, seuls les taux d’infestation par animal sur onze sites disséqués de Kyvsgaard et coll. permettent de répondre directement à cette question. Ils seront présentés ci-après, accompagnés d’une brève discussion [6].

Ainsi, après ingestion de 11 500 oncosphères par animal chez 23 veaux, Kyvsgaard et coll. constatent que :

– l’infestation larvaire maximale serait égale à 20 % de la dose ingérée (80 % des oncosphères ne donneraient pas de cysticerques) ;

– l’infestation larvaire minimale serait égale à un cysticerque pour 5 000 œufs de Tænia ingérés environ, soit 1 000 fois moins que le taux maximal ;

– en moyenne, quatre cysticerques seraient observés pour 100 œufs ingérés ;

– des infestations discrètes seraient fréquentes (quelques dizaines de cysticerques dans 40 % des cas) (figure 2) [6].

Cependant, ces résultats doivent être nuancés. Si le taux peu élevé de conversion des œufs en cysticerques peut être attribué à une faible vitalité des oncosphères de laboratoire, en revanche, les fréquentes infestations discrètes en cysticerques (veaux nos 1 à 9) à côté de carcasses portant plus de 1 000 larves (veaux nos 21 à 23) révèlent de grandes différences de sensibilité des animaux à l’infestation (un facteur 1 000 entre les veaux nos 1 et 23).

Cela signifie que la transformation des oncosphères en cysticerques risque d’être très variable d’un individu à un autre, ce qui remettrait en cause le dogme de l’infestation massive systématique du veau non sevré.

2. Des carcasses parfois indemnes, malgré une ingestion massive d’oncophères

De plus, de faibles doses infestantes réduisent le nombre d’animaux contaminés quand ils sont soumis à la même source humaine (tableau). À l’inspection d’un lot de veaux de même origine exposés à de faibles doses infestantes, la probabilité de détection de la cysticercose diminue beaucoup car, non seulement les carcasses sont peu contaminées par les cysticerques, mais encore certains veaux sont indemnes (jusqu’à 40 %) [14].

À l’inverse, un lot de veaux très infestés est facilement identifié (infestation massive de tous les animaux). Ainsi, 51 % des 851 bovins de quatre feedlots infestés ont été détectés à l’abattoir dans l’Ontario (cas liés à un employé de ferme resté moins de 4 mois) [9]. Autre exemple : dans l’Ontario en 1986, 233 cas sur 271 bœufs ont été confirmés histologiquement. Dix-neuf (8,2 %) présentaient des cysticerques viables, 87 (37,3 %) des formes dégénérées [1].

LES CYSTICERQUES SONT-ILS PRÉSENTS UNIQUEMENT DANS LES SITES RÉGLEMENTAIRES D’INSPECTION ?

1. Le dogme des sites de prédilection remis en cause

Le choix des sites d’élection traditionnels des incisions découle d’une revue effectuée par Pawlowski et Schultz en 1972, qui citent en premier lieu le myocarde, les masséters et les ptérygoïdiens comme régions de prédilection pour les cysticerques, auxquels ils ajoutent la langue et le diaphragme. C’est la raison pour laquelle l’inspection post-mortem comprend à l’abattoir des incisions de ces sites musculaires (myocarde, muscles masticateurs) et l’examen visuel des autres zones d’élection.

Toutefois, ces régions de prédilection musculaires semblent avoir été surestimées. En effet, des dissections systématiques d’un grand nombre de sites sur des carcasses ayant déjà subi une inspection post-mortem révèlent la représentativité très irrégulière de ces muscles, mais aussi l’existence d’autres localisations préférentielles (figure 3).

Ainsi, Kyvsgaardet coll. constatent que :

– l’organisme entier du veau est infesté, au moins deux cysticerques sur trois se situant hors des sites d’inspection, ce qui prive les zones d’incision d’un grand nombre de cysticerques ;

– même si le myocarde héberge beaucoup de cysticerques, l’ensemble constitué de la longe (filet y compris), du faux-filet, et des membres postérieurs et antérieurs en capte une quantité bien supérieure ;

– les masséters, le diaphragme et la langue sont faiblement infestés ;

– l’œsophage est un site d’inspection médiocre [6].

Ces résultats sont confirmés par d’autres auteurs qui signalent que les cysticerques sont significativement présents :

– dans l’ensemble des viandes, principalement les membres [17] ;

– en densité très élevée dans le cœur et les masséters [14] ;

– sous la forme de fortes infestations de l’épaule, du cœur, du foie, des masséters, de la longe et du faux-filet [7].

Ainsi, chez des bovins adultes, Lopeset coll. ont observé 5 à 15 % d’infestation dans des localisations aussi diverses que l’épaule, le foie, le paleron, l’échine, le filet, le jarret et les muscles intercostaux, c’est-à-dire autant que pour le cœur et les muscles masséters. Le parasitisme s’est révélé faible dans le cerveau, la rate, les muscles de la queue et les reins (tout autant que dans l’œsophage et le diaphragme) [7].

Plus étonnant, le foie et les poumons peuvent être infestés en cas d’infestation lourde [14].

Les incisions musculaires sont donc nécessaires pour détecter la cysticercose sur les carcasses de bovins, mais elles ne sont en aucun cas suffisantes.

2. Des sites de prédilection qui concentrent toutefois les cysticerques

La pertinence des incisions des masséters ne viendrait pas de leur plus grande fréquence d’infestation, mais des surfaces importantes mises à jour : jusqu’à 2 500 cm2 contre 250 cm2 seulement pour le cœur [10]. Cet organe pair concentre les cysticerques, en particulier près des sillons vasculaires, qui sont facilement observables, comme le montrent les densités de larves ou la charge relative de l’organe ou du groupe musculaire, rapportées à leur poids (figure 4) [6].

Le cœur serait, en définitive, le site anatomique le plus concentré en cysticerques, suivi des masséters. Les membres présentent des infestations plus “diluées”. Il convient de noter aussi que les cysticerques cardiaques dégénèrent plus vite et sont plus facilement détectés (petits abcès) [6].

Toutefois, pour d’autres auteurs, le cœur peut aussi être faiblement infesté : pour une dose infestante de 10 000 œufs de Tænia, un veau ne portait que 9 % des cysticerques dans cet organe (photo) [14].

Sont signalés aussi 7,45 % de cysticerques dans le foie, contre seulement 0,59 % dans les masséters et 0,26 % dans le cœur ou l’épaule [5].

Il existe donc un risque non négligeable que les sites de prédilection traditionnels ne soient pas représentatifs de l’infestation des carcasses.

QUELLE PROBABILITÉ DE NE PAS DÉTECTER LES CYSTICERQUES À L’ABATTOIR ?

Selon Kyvsgaard et coll., en procédant par modélisation de la détection des cysticerques au cours de l’inspection traditionnelle, la probabilité P de trouver au moins un kyste par l’inspection à l’abattoir peut être calculée et représentée sous forme graphique (figure 5 et encadré 1) [6].

En résumé, par l’inspection traditionnelle à l’abattoir, la probabilité estimée par Kyvsgaard et coll. de détecter un animal serait, avec :

– un cysticerque, de 4 % ;

– deux cysticerques, de 8 % ;

– trois cysticerques, de 12 % ;

– quatre cysticerques, de 15 % ;

– cinq cysticerques, de 18 %.

En raison du nombre moyen de kystes trouvés par animal lors d’infestation naturelle, moins de 15 % des carcasses infestées seraient ainsi détectées à l’abattoir, avec donc un taux d’échec de 85 % [6].

Des chiffres plus favorables sont également rapportés : de 27 à 51 % d’échecs à l’inspection et une sous-estimation d’un facteur 3 à 10 [5].

Cette insuffisance peut être palliée par une inspection renforcée du cœur : six incisions de plus du myocarde renforcent le taux de détection d’un facteur 2,66, par rapport à une ouverture superficielle de cet organe (technique suisse) [3].

De même, cinq ou six incisions dans un masséter de 3 cm d’épaisseur révéleraient la totalité de l’infestation de ces muscles, mais seraient très délabrantes [6].

DES MESURES POUR ROMPRE LE CYCLE PARASITAIRE

Pour prévenir le téniasis humain, le cycle de Tænia saginata peut être rompu à différents stades (figure 6).

L’ensemble de ces dispositifs de prévention ont été détaillés dans une thèse d’exercice vétérinaire de 2011 [11].

1. L’information sur la chaîne alimentaire : mieux la valoriser

Accroître les surfaces musculaires dégagées par incision et le nombre de sites d’inspection améliore l’efficacité de la détection. Toutefois, cette pratique est extrêmement délabrante pour des structures peu épaisses (la tête de veau est commercialisée entière, tout comme le cœur). Elle peut être envisagée en cas de risque avéré, comme cela est prévu dans le cadre de l’information sur la chaîne alimentaire (ICA) (voir ci-après).

Des options de maîtrise alternatives, comme l’immunisation des veaux ou le dépistage par immunodiagnostic chez l’animal vivant, existent, mais elles se heurtent à des limites pratiques ou économiques [13, 15, 16].

Restent donc des interventions dans le cadre de l’information sur la chaîne alimentaire, avec un point de départ à l’abattoir (figure 7).

2. Interventions des services d’inspection

À l’abattoir, la fiche de recensement de la cysticercose porte mention des formes et des localisations de la cysticercose dépistée (généralisée, sur les masséters, dans le myocarde, etc.), ainsi que des cas liés à une « information sur la chaîne alimentaire positive » (cas antérieurs signalés par l’éleveur).

Une enquête rétrospective est alors diligentée dans l’élevage, qui fait l’objet de la rédaction d’une fiche d’enquête (encadré 2). Le vétérinaire officiel peut se faire aider du vétérinaire sanitaire(1).

Dans le cadre de l’information sur la chaîne alimentaire, le vétérinaire officiel de l’abattoir s’assure de la transmission à l’exploitant du secteur alimentaire qui a envoyé l’animal concerné à l’abattoir de l’information relative à la présence d’une ou de plusieurs larves de cysticerques dans la carcasse (certificats de saisie).

3. Tarissement des sources d’oncosphères

Un élément important de la lutte contre la cysticercose est l’enquête portant sur les cas humains de téniasis dans la famille de l’éleveur ou son entourage.

L’expulsion des proglottis est spontanée, active et indépendante de la défécation (alors que, pour T. solium, elle est passive avec les selles). Les porteurs humains se rendent souvent compte de la présence d’un T. saginata (proglottis dans les sous-vêtements, les draps). Ils peuvent toutefois les confondre avec des nématodes tels qu’Enterobius vermicularis ou Ascaris lombricoides [12]. Une investigation en laboratoire est donc utile (trois échantillons de selles sur 3 jours consécutifs). L’efficacité de la thérapie (ténifuge) participe aussi au diagnostic (avec un contrôle coprologique au moins 3 à 5 jours après, mais pour lequel des faux négatifs sont rapportés).

Le niclosamide est un ténifuge par paralysie du scolex qui n’empêche pas le parasite de se fixer de nouveau en aval des intestins, en cas de transit ralenti. Depuis 2005, le praziquantel (ténicide à la posologie unique de 15 mg/kg per os) lui est préféré [8].

Les proglottis évacués doivent être détruits car les œufs sont encore viables après le traitement. Ainsi, s’ils sont sensibles à la chaleur, les œufs de Tænia sont, en revanche, très résistants dans les boues d’épuration (jusqu’à 3 mois) et aux thérapeutiques chimiques usuelles. Le traitement à la chaux permettrait de détruire de 95 à 100 % des œufs de Tænia présents dans ces boues [11].

4. Interventions de l’éleveur dans le cadre de l’ICA

L’arrêté ministériel du 18 décembre 2009 précise les obligations de l’éleveur en matière de déclaration de cas de cysticercose antérieurs à l’envoi d’un animal à l’abattoir.

Il est alors question d’“ICA positive” et mention de ce cas antérieur est faite par l’éleveur sur l’attestation sanitaire à délivrance anticipée (ASDA) jointe aux passeports qui accompagnent le bovin à l’abattoir.

Une note de service présente une proposition de rédaction qui peut figurer sur les ASDA, avec une partie à compléter dans tous les cas par l’éleveur :

« J’atteste que ce bovin présente un risque lié à la transmission d’informations sur la chaîne alimentaire. »

Le vétérinaire complète ces informations :

« J’informe que ce bovin provient d’un troupeau ayant eu, en 6 mois, trois saisies pour cysticercose, dont la dernière a eu lieu il y a moins de 6 mois »(2).

Au regard des informations disponibles dans le registre d’élevage, l’élément déclenchant est la réception du troisième certificat de saisie pour cysticercose sur une période de moins de 6 mois, la transmission devant se faire pendant les 6 mois qui suivent le troisième cas de cysticercose dépistée à l’abattoir.

Ainsi, la cysticercose figure en bonne place à côté d’autres risques (brucellose et tuberculose, botulisme, listériose clinique, salmonellose clinique, dangers à gestion particulière comme des contaminants environnementaux [dioxines, radionucléides, etc.]) dans le cadre de l’information sur la chaîne alimentaire.

Lorsque plusieurs individus sont concernés, l’éleveur informe par tous moyens à sa convenance l’abattoir qui les recevra, en supplément de la transmission des passeports et de l’ASDA des animaux. Toutefois, ces derniers transitent souvent, avant l’abattage, par un centre de rassemblement et l’éleveur ne connaît pas 24 heures à l’avance l’abattoir de destination de ses animaux, ce qui représente une limite majeure pour le fonctionnement de l’ICA dans la filière bovine.

De plus, les éleveurs font preuve de certaines réticences à divulguer des informations qui pourraient conduire à des pertes économiques, voire à engager leur responsabilité juridique primaire en tant qu’exploitants du secteur alimentaire, tels que référencés par le règlement n° 178/2002.

Ainsi, seulement 1,6 % des exploitations à cysticercose ont présenté au moins deux cas, le reste étant des cas déclarés comme uniques, ce qui est trop peu par rapport aux chiffres de l’épidémiologie animale [11].

5. Des mesures de biosécurité ciblées fort utiles

Des mesures ciblées doivent être mises en place (encadré 3).

En France, en 2002, 30 % de la population rurale n’était pas encore raccordée au tout-à-l’égout et utilisait une fosse septique [11].

Conclusion

Inciser ou pas les viandes de veau, telle n’est donc pas la question : l’inspection post-mortem, même renforcée, et les mesures alternatives sont entachées de risques importants de faux négatifs. La maîtrise en élevage par des mesures de biosécurité se révélera beaucoup plus efficace, si elle est réalisée sur la base de la transmission d’informations dans le cadre de l’ICA, elle-même fondée sur une inspection post-mortem renforcée.

Le praticien a alors un rôle à jouer dans ce dispositif, à travers sa fonction de conseil sur l’importance de l’information sur la chaîne alimentaire et par la mise en place de mesures de biosécurité.

Toutefois, tout espoir d’éradication du téniasis humain reste illusoire, au vu des limites des registres de lutte disponibles.

  • (1) Note de service Dgal/SDSSA n° 2010-8032 : « Mesures de lutte contre la cysticercose bovine en abattoir d’animaux de boucherie. »

  • (2) Note de service Dgal/SDSSA n° 2008-8211 : « Mise en œuvre au niveau français des dispositions relatives à l’information sur la chaîne alimentaire (ICA). »

Références

  • 1. Bundza A, Finley GG, Easton KL. An outbreak of cysticercosis in feedlot cattle. Can. Vet. J. 1988;29(12):993-996.
  • 2. EFSA. Opinion of the Scientific Panel on Biological Hazards on “Risk assessment of a revised inspection of slaughter animals in areas with low prevalence of Cysticercus”. EFSA J. 2004. Disponible à http://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/doc/biohaz_op_ej176_cysticercus_ en1.pdf
  • 3. Eichenberger RM, Stephan R, Deplazes P. Increased sensitivity for the diagnosis of Tænia saginata cysticercus infection by additional heart examination compared to the EU-approved routine meat inspection. Food Control. 2011;22:989-992.
  • 4. Gottstein B, Sager H. Recommandations concernant la cysticercose bovine (Tænia saginata). 2011. Disponible à http://www.ipa.vetsuisse.unibe.ch/pub/CysticercoseVET_F.pdf
  • 5. Kumar A, Tadesse G. Bovine cysticercosis in Ethiopia: a review. Ethiop. Vet. J. 2011;15(1):15-35.
  • 6. Kyvsgaard NC, Ilsoe B, Henriksen SA, Nansen P. Distribution of Tænia saginata cysts in carcases of experimentally infected calves and its significance for routine meat inspection. Res. Vet. Sci. 1990;49(1):29-33.
  • 7. Lopes WD, Santos TR, Soares VE et coll. Preferential infection sites of Cysticercus bovis in cattle experimentally infected with Tænia saginata eggs. Res. Vet. Sci. 2011;90(1):84-88.
  • 8. Magnaval JF. Traitement des parasitoses cosmopolites. Méd. Trop. 2006;66:193-198.
  • 9. McAninch NH. An outbreak of cysticercosis in feedlot cattle. Can. Vet. J. 1974;15(4):120-122.
  • 10. McLauchlan I. Bovine cysticercosis survey. Vet Rec. 1981;109(13):291.
  • 11. Morlot C. Étude épidémiologique et statistique de la cysticercose musculaire bovine en France en 2010. Propositions de mesures de contrôle. Thèse de doctorat vétérinaire, université Claude-Bernard-Lyon I, soutenue le 2 décembre 2011.
  • 12. OMS/FAO/OIE. WHO/FAO/OIE Guidelines for the surveillance, prevention and control of taeniosis/cysticercosis. 2005. Disponible à ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/011/aj005e/aj005e.pdf
  • 13. Rickard MD, Brumley JL. Immunisation of calves against Tænia saginata infection using antigens collected by in vitro incubation of T. saginata oncospheres or ultrasonic disintegration of T. saginata and T. hydatigena oncospheres. Res. Vet. Sci. 1981;30(1):99-103.
  • 14. Scandrett B, Parker S, Forbes L et coll. Distribution of Tænia saginata cysticerci in tissues of experimentally infected cattle. Vet. Parasitol. 2009;164(2-4):223-231.
  • 15. Silva CV, Costa-Cruz JM. A glance at Tænia saginata infection, diagnosis, vaccine, biological control and treatment. Infect. Disord. DrugTargets. 2010;10(5):313-321.
  • 16. Smith HJ, Snowdon KE, Finlay RC. Serological diagnosis of cysticercosis by an enzyme-linked immunosorbent assay in experimentally infected cattle. Can. J. Vet. Res. 1991;55(3):274-6.
  • 17. Wanzala W, Onyango-Abuje JA, Kang’ethe EK et coll. Control of Tænia saginata by post-mortem examination of carcasses. Afr. Health Sci. 2003;3(2):68-76.

Points forts

→ Un veau non sevré peut être infesté en “indoor”, mais donner une carcasse infestée discrètement.

→ Le cœur et les masséters concentrent les cysticerques, mais ils sont parfois peu infestés.

→ L’information sur la chaîne alimentaire est un outil indispensable, mais non suffisant de la rupture du cycle de Tænia saginata.

ENCADRÉ 1
Probabilité de trouver au moins un kyste lors de l’inspection à l’abattoir en fonction du degré d’infestation n des veaux

→ Mode de calcul

P = 1 – (1 – m)n, où m est la proportion de kystes détectés par l’inspection de routine. Cette valeur est une fonction de la proportion de kystes localisés dans chaque site anatomique inspecté (xi) et de la proportion de kystes révélés par dissection (yi) quand un nombre (m) de muscles est examiné :

m = Σ xixyi

avec i = 1

→ En attribuant une efficacité de 40 % aux deux incisions par masséter (c’est-à-dire 40 % des kystes détectés) et de 10 % à une incision unique dans le cœur, avec une détermination expérimentale de 6,5 % des kystes localisés dans les masséters et de 15,7 % dans le cœur, environ 4 % des kystes seraient présents sur les surfaces d’incision, ce qui donne :

P = 1 – 0,96n.

Adapté de [6].

ENCADRÉ 2
Principales mentions de la fiche d’enquête cysticercose

→ Cordonnées de l’éleveur et localisation de l’élevage.

→ Cas humains de téniasis : dans la famille de l’éleveur ou dans son entourage.

→ Fosse septique au domicile de l’éleveur ; si oui, description de la fosse.

→ Épandage du contenu de la fosse septique ; si oui, est-ce sur des cultures ou des paturages ?

→ Environnement

– Présence dans le voisinage de l’élevage d’une infrastructure potentiellement contaminante : camping, terrain mis à disposition des gens du voyage, aire d’autoroute ou de pique-nique, etc. À quelle distance ?

– Épandage de boues de station d’épuration.

Autres remarques.

ENCADRÉ 3
Mesures de biosécurité vis-à-vis de Tænia saginata

→ Se laver soigneusement les mains avant d’entrer dans l’étable.

→ Passage au pédiluve à l’entrée ou changement de chaussures.

→ Lutte raisonnable contre la population de mouches.

→ Ne pas se débarrasser du contenu des fosses septiques avant un minimum de 6 semaines.

→ Ne pas le disséminer sur les champs d’herbe ou de foin, ni sur les plantes fourragères.

→ Séparation des eaux d’égout provenant de la maison d’habitation et de celles de la ferme.

→ Ne jamais nettoyer les étables avec de l’eau d’égout.

→ Tous les membres de la famille, ainsi que les employés et les visiteurs doivent être au courant de ces mesures de prévention (hygiène personnelle et vestimentaire).

D’après [4].

REMERCIEMENTS

aux docteurs Claire Morlot et Claude Grandmontagne.

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