Méningo-encéphalites non infectieuses du chien : traitement - Le Point Vétérinaire n° 323 du 01/03/2012
Le Point Vétérinaire n° 323 du 01/03/2012

NEUROLOGIE CANINE

Dossier

Auteur(s) : Jérôme Couturier*, Laurent Cauzinille**, Kirsten Gnirs***

Fonctions :
*Azurvet,
Hippodrome de Cagnes-sur-Mer,
2, boulevard Kennedy, 06800 Cagnes-sur-Mer
couturierjerome@hotmail.fr
**CHV Frégis,
43, avenue Aristide-Briand, 94110 Arcueil
***Clinique Advetia, 5, rue Dubrunfaut 75012 Paris

Maladies chroniques du système nerveux, les méningo-encéphalites non infectieuses répondent souvent favorablement au traitement, mais la plupart des chiens ne peuvent être maintenus sans médicament.

Même si l’origine primitive ou secondaire du dysfonctionnement immunitaire associée aux méningo-encéphalomyélites non infectieuses (MENI) n’est pas complètement élucidée à ce jour, le traitement immunosuppresseur offre les meilleurs résultats(1) [4, 7]. La tendance actuelle repose sur l’association de la prednisolone à un autre immunosuppresseur. Cela permet de limiter les effets secondaires liés à la prednisolone et pourrait renforcer l’efficacité du traitement (photos 1 et 2) [5, 24]. Toutefois, deux études récentes n’ont pas confirmé le bénéfice de l’ajout d’un immunosuppresseur à la prednisolone [3, 8]. De nouvelles études sont nécessaires pour comparer les protocoles entre eux (prednisolone seule versus prednisolone associée à un autre immunosuppresseur) [4].

1 Prednisolone

Lors de suspicion de MENI à la suite des premiers examens (imagerie et/ou liquide cérébro-spinal [LCS] évoquant une affection inflammatoire), de la prednisolone doit être administrée à dose immunosuppressive. Idéalement, le résultat des tests infectieux (polymerase chain reaction notamment) doit être attendu, mais lorsque les examens sont très évocateurs et que l’état clinique du chien est instable ou en voie d’aggravation, le traitement immunosuppresseur est initié immédiatement. Si l’état du chien empêche d’utiliser la voie orale, de la dexaméthasone injectable est utilisée à la dose de 0,2 à 0,5 mg/kg [9]. Différents protocoles à base de prednisolone existent, la dose initiale allant de 1 à 3 mg/kg/j [1, 2, 5, 7, 9, 10]. La durée totale du traitement dépend de chaque animal. Les chiens entrant en rémission rapide (voire, rarement, en guérison) bénéficient d’un sevrage sur 4 à 6 mois, tandis que ceux en rémission partielle ou en récidive reçoivent de la prednisolone à vie à la dose efficace la plus faible possible. Le protocole proposé par les auteurs n’est pas à suivre à la lettre mais à moduler selon la réponse thérapeutique de chaque animal (tableau).

2 Immunosuppresseur

Il est actuellement recommandé d’ajouter un second immunosuppresseur, associé à la prednisolone [1, 2, 5, 7, 9, 10]. Il n’existe pas d’étude comparant les immunosuppresseurs entre eux. Ils sont choisis en fonction des préférences de chaque clinicien, de la disponibilité, du coût et des effets secondaires.

Cytosine arabinoside ou cytarabine

La cytosine arabinoside ou cytarabine est un agent de chimiothérapie analogue de nucléotide, ce qui lui confère des propriétés immunosuppressives et une bonne diffusion à travers la barrière hémato-méningée. Les effets secondaires décrits (digestifs notamment) sont surtout théoriques car ils ne sont pas rencontrés à la dose utilisée en pratique courante [5, 7, 8, 10]. Une dose supérieure (100 mg/m2 par injection, soit 400 mg/m2 sur 48 heures) peut être utilisée dans certains cas (récidive notamment). Une administration intratéchale est également possible [7]. Les injections doivent être réalisées à la clinique, mais cela garantit en contrepartie un suivi régulier.

Ciclosporine

La ciclosporine est disponible sous forme orale et est le seul immunosuppresseur proposé ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) vétérinaire. Cette molécule inhibe la prolifération et l’activation des lymphocytes T, qui sont incriminés dans la physiopathogénie de la méningoencéphalite granulomateuse (MEG) [1, 7]. Ses effets secondaires sont assez rares (2 cas sur 10 dans une étude) [1]. Ses deux inconvénients sont sa faible diffusion à travers la barrière hémato-méningée et son coût assez élevé.

Azathioprine

Utilisé dans le traitement de nombreuses maladies immunitaires, l’azathioprine a récemment été employé avec succès pour le traitement des MENI [9]. Analogue des purines, l’azathioprine diminue la production de lymphocytes et d’immunoglobulines, notamment à médiation cellulaire [7, 9]. Des effets secondaires sont rencontrés occasionnellement (leucopénie, anémie et thrombopénie notamment).

Lomustine

La lomustine est un agent de chimiothérapie nitrosurée qui a des propriétés immunosuppressives et qui diffuse bien à travers la barrière hémato-méningée. À la dose indiquée, une leucopénie a été observée dans 31 % des cas [3]. Son intérêt reste à prouver car une étude n’a pas montré une augmentation des temps de survie par rapport à la prednisolone seule [3].

Autres immunosuppresseurs

La procarbazine est également un agent de chimiothérapie alkylant qui traverse bien la barrière hémato-méningée. Ses fréquents effets secondaires sont une toxicité médullaire dans 19 % des cas et des troubles digestifs dans 15 % des cas [2].

Le mycophénolate et le léflunomide sont deux autres molécules qui ont été utilisées ponctuellement mais sans description détaillée [7].

3 Radiothérapie

La radiothérapie a été utilisée avec bénéfice dans des formes focales de MEG [6]. Son efficacité seule ou en complément d’un traitement immunosuppresseur n’a toutefois pas été évaluée. Cette modalité de traitement est plus lourde et moins disponible à l’heure actuelle en France.

4 Suivi

En cas de contrôle clinique satisfaisant, une ponction du LCS peut être réalisée au sevrage de la prednisolone, afin de déterminer si cette molécule peut être arrêtée.

En cas de signe(s) clinique(s) de récidive au cours ou après l’arrêt du traitement, un nouvel examen d’imagerie et une nouvelle ponction du LCS peuvent être conseillés. En cas de confirmation d’une récidive, la prednisolone doit à nouveau être administrée à dose immunosuppressive, associée au même immunosuppresseur que celui choisi initialement ou bien associée à une autre molécule. Un sevrage définitif n’est en général pas possible chez ces animaux. Ils doivent alors être maintenus sous traitement aux doses les plus faibles possibles (prednisolone à jours alternés si possible +/– immunosuppresseur).

5 Pronostic

Les avancées diagnostiques et thérapeutiques ont permis une amélioration du pronostic. Les études récentes (prednisolone associée à un autre immunosuppresseur) rapportent des médianes de survie oscillant entre 14 et 60 mois à partir du diagnostic [1, 2, 3, 5, 7, 9, 10].

Les animaux qui survivent le premier mois semblent avoir une chance relativement bonne de vivre plusieurs années sous traitement [3, 8]. Une amélioration clinique est ainsi observée dans 90 à 100 % des cas, la rémission clinique pouvant être totale (45 à 70 % des cas) ou seulement partielle [1, 5, 7, 9, 10]. Cependant, le risque de récidive est élevé (63 % des cas dans une étude), notamment lors de tentative de sevrage après plusieurs mois de traitement, si bien qu’une guérison clinique et biologique complète est rare [5].

Conclusion

Le diagnostic des MENI repose sur l’identification d’une inflammation du système nerveux central grâce à un examen d’imagerie avancée (imagerie par résonance magnétique ou examen tomodensitométrique) et à l’examen microscopique du LCS. L’exclusion de causes infectieuses est indispensable avant la mise en place d’un traitement associant la prednisolone à un autre immunosuppresseur. Le pronostic est réservé à satisfaisant. Une espérance de vie supérieure à un an après le diagnostic est possible dans de nombreux cas..

(1) Voir l’article “Méningo-encéphalites non infectieuses du chien : épidémiologie et signes cliniques” dans ce même dossier.

Références

  • 1. Adamo PF, Rylander H, Adams WM. Ciclosporin use in multi-drug therapy for meningoencephalomyelitis of unknown aetiology in dogs. J. Small. Anim. Pract. 2007 ; 48(9): 486-496.
  • 2. Coates JR, Barone G, Dewey CW et coll. Procarbazine as adjunctive therapy for treatment of dogs with presumptive antemortem diagnosis of granulomatous meningoencephalomyelitis : 21 cases (1998-2004). J. Vet. Intern. Med. 2007 ; 21(1): 100-106.
  • 3. Flegel T, Boettcher IC, Matiasek K. et coll. Comparison of oral administration of lomustine and prednisolone or prednisolone alone as treatment of meningoencephalomyelitis or necrotizing encephalitis in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2011 ; 238(3): 337-345.
  • 4. Granger N, Smith PM, Jeffery ND. Clinical findings and treatment of non-infectious meningoencephalomyelitis in dogs : a systematic review of 457 published cases from 1962 to 2008. Vet. J. 2010 ; 184(3): 290-297.
  • 5. Menaut P, Landart J, Behr S et coll. Treatment of meningoencephalomyelitis of unknown origin with a combination of prednisolone and cytosine arabinoside. Vet. Rec. 2008 ; 162(8): 241-245.
  • 6. Munana KR, Luttgen PJ. Prognostic factors for dogs with granulomatous meningoencephalomyelitis : 42 cases (1982-1996). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1998 ; 212(12): 1902-1906.
  • 7. Schatzberg SJ. Idiopathic granulomatous and necrotizing inflammatory disorders of the canine central nervous system. Vet. Clin. Small. Anim. Pract. 2010 ; 40(1): 101-120.
  • 8. Smith PM, Stalin CE, Shaw D et coll. Comparison of two regimens for the treatment of meningoencephalitis of unknown etiology. J. Vet. Intern. Med. 2009 ; 23 : 520-526.
  • 9. Wong MA, Hopkins AL, Meeks JC et coll. Evaluation of treatment with a combination of azathioprine and prednisone in dogs with meningoencephalomyelitis of undetermined etiology : 40 cases (2000-2007). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2010 ; 237(8): 929-935.
  • 10. Zarfoss M, Schatzberg S, Venator K et coll. Combined cytosine arabinoside and prednisone therapy for meningoencephalitis of unknown aetiology in 10 dogs. J. Small. Anim. Pract. 2006 ; 47(10): 588-595.
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