AUDITS EN ÉLEVAGE OVIN
Conduite à tenir
Auteur(s) : Bernard Leterrier
Fonctions : Membre de la commission ovine SNGTV
Avenue des Acacias
05200 Embrun
Faire participer l’éleveur ovin à la visite de son troupeau permet de l’impliquer, d’engager la discussion et de jouer un rôle didactique. Voici quelques clés pour y parvenir.
Généralement, les éleveurs ovins sont peu enclins à appeler le vétérinaire pour effectuer une visite dans leur élevage. Ils le contactent lorsque des prophylaxies sont à effectuer, ou viennent au cabinet pour un entretien ou l’examen d’un animal si besoin est. C’est par ce biais que le praticien peut proposer des autopsies ou une visite, des occasions trop rares d’entrer dans l’élevage. Pour cette raison, les visites obligatoires peuvent paraître contraignantes à l’éleveur (visite du bilan sanitaire, réalisée par un vétérinaire libéral, nécessaire pour l’établissement d’un protocole de soins autorisant la délivrance de médicaments hors examen clinique des animaux, et visite du plan sanitaire d’élevage [PSE], par le vétérinaire du groupement de producteurs). Cependant, elles permettent au praticien de mieux connaître les exploitations sur les plans technique et sanitaire, et ainsi de préconiser des mesures efficaces à travers des protocoles de soins et de prévention. Ainsi, rendre la visite d’élevage attrayante par une méthodologie dynamique et inventive est un facteur important de sa réussite (encadrés 1 et 2).
Les visites obligatoires du bilan sanitaire ou du plan sanitaire d’élevage doivent être planifiées, et, si possible, réalisées par un groupe pluridisciplinaire vétérinaire et technicien. La durée d’une visite ne doit pas dépasser 2 heures. Cependant, il s’agit d’un temps minimal à respecter. Le rendez-vous est pris lors de périodes à risque, de préférence l’agnelage, au cours de la journée, au moment de la distribution des repas. L’éleveur est alors moins disponible, en revanche, la visite est riche d’informations sur les difficultés rencontrées dans le troupeau et les conditions d’alimentation, et peut ainsi être plus didactique.
Ces raisons peuvent être expliquées à l’éleveur afin qu’il comprenne l’intérêt de fixer le passage du vétérinaire à ce moment-là.
Le praticien lui rappelle aussi de préparer cette visite, en rassemblant les documents et en complétant en partie ceux qu’il lui a envoyés, afin de ne pas perdre de temps.
L’objectif de la visite à la ferme est d’effectuer un bilan technique sur la productivité, la fécondité, la mortalité des agneaux et des adultes, les avortements et les maladies majeures rencontrées dans l’élevage au cours de la campagne écoulée (tableau 1). Différents renseignements sont notés sur la fiche “Visite d’élevage ovin effectuée dans le cadre de la prescription délivrance de médicaments hors examen clinique”.
Pour cela, le vétérinaire peut questionner l’éleveur pour engager la conversation. Toutefois, des informations objectives doivent être recherchées, en consultant les données enregistrées de façon informatique et notées dans le carnet d’agnelage, les bons d’enlèvement de l’équarrissage, le registre sanitaire(1) et les ordonnances vétérinaires (photo 1). Ces renseignements sont reportés sous forme de taux dans un tableau?qui établit le bilan technico-sanitaire de la campagne (tableau 2).
L’éleveur peut fournir les différents documents, les lire avec le praticien, aider à la conception du tableau et donner ses impressions sur les résultats. Il convient d’entamer la discussion et de le faire participer activement à cette phase de la visite.
C’est à ce stade que le vétérinaire peut partager un geste technique avec l’éleveur ou lui donner un conseil, différent à chaque nouvelle visite, au cours de telle ou telle étape, selon les besoins. Le praticien dispose d’une sorte de “jeu de cartes” dont il peut faire usage de manière ciblée à chaque fois. En effet, toutes les observations et tous les gestes ne peuvent être réalisés au cours d’une visite de 2 heures, mais les occasions sont nombreuses, à chaque phase, de capter l’attention de l’éleveur. Le vétérinaire choisit, à chacune de ses venues, d’aborder un point important.
Cette partie donne une ressource d’idées dans laquelle le praticien peut puiser.
→ Le matériel : le vétérinaire peut expliquer à l’éleveur l’utilité du matériel qu’il apporte, et des conseils sur son utilisation et sa désinfection peuvent lui être délivrés (photo 2).
→ La tenue vestimentaire : celle du praticien doit être irréprochable (blouse, bottes, surbottes) pour montrer l’exemple.
→ L’hygiène : les bottes sont désinfectées avant d’entrer dans la bergerie, ce qui permet de rappeler quelques règles d’hygiène importantes car elles sont liées à la transmission de maladies entre les cheptels. Il convient, notamment, de vérifier si un pédiluve est à disposition du visiteur à l’entrée de la bergerie, en se renseignant sur le produit choisi, sa fréquence de renouvellement et, surtout, sur l’exigence de l’éleveur quant à l’emploi de ce dispositif. En effet, celui-ci peut disposer du matériel sans pour autant faire respecter la pratique de la désinfection. C’est l’occasion de lui rappeler la prévention des maladies et d’en parler avec lui.
→ Les réserves d’aliments à disposition : leur examen permet d’engager une discussion sur leurs conditions de stockage et leur état de conservation (photo 3).
→ Il convient de montrer à l’éleveur l’intérêt d’entrer avec calme dans la bergerie, car examiner le troupeau au repos permet de détecter si les animaux sont stressés, s’ils ruminent calmement, s’ils se grattent, s’ils présentent de la diarrhée, si quelques-uns sont isolés, malades, etc. Les troubles notés sont signalés à l’éleveur.
→ Pour chaque parc d’élevage, l’état de la litière et le paillage, l’organisation de la bergerie, l’état général du bâtiment et sa propreté, la température, l’aération, la ventilation et la densité d’animaux sont autant d’occasions de rappeler à l’éleveur les conditions d’hygiène à respecter (brebis agnelées et leurs agneaux, brebis de réforme et béliers) (photo 4).
→ L’examen du mode de distribution des aliments, des mangeoires et de leur contenu, de la propreté des abreuvoirs peut être partagé avec l’éleveur (photo 5). Cette observation est facilitée lorsque la visite est réalisée au moment de la distribution de la nourriture, ce qui permet de détecter immédiatement des anomalies et de discuter des solutions envisageables.
→ La palpation lombaire de quelques brebis à différents stades physiologiques (lactation, gestation) est l’occasion de montrer à l’éleveur la grille de notation de l’état général des animaux, et de lui donner des explications sur ses conséquences et des préconisations sur la ration (photo 6).
→ Les motifs de réforme sont abordés dans le parc des brebis réformées.
→ Un prélèvement en vue d’une analyse coprologique sur un lot de brebis et un lot d’agnelles est l’occasion de faire un point sur l’opportunité d’un traitement antiparasitaire sur le lot incriminé ou le troupeau.
→ Montrer le geste technique de palpation des testicules des béliers à l’éleveur permet d’engager une discussion sur la recherche sérologique de l’épididymite à Brucella ovis, sur la préparation des brebis et des béliers à la lutte et l’intérêt de posséder un mâle vasectomisé pour stimuler la mise en lutte des brebis (photo 7).
→ Si une autopsie est réalisée, sur un agneau notamment, l’éleveur peut être impliqué [3].
L’état de propreté de la salle, les produits utilisés, le matériel, la réalisation de la traite, par exemple font l’objet d’un tour d’horizon sur l’hygiène et les dispositifs de traite [6].
La réalisation d’un CMT (California Mastitis Test) peut également être partagée et le vétérinaire informe alors l’éleveur sur le taux cellulaire, la prévention des affections mammaires, etc. (photo 8).
→ Le stock de médicaments, les dates de péremption, la nature et l’état du matériel d’injection sont examinés et peuvent donner lieu à des conseils ciblés, par exemple sur la nature des produits utilisés et leurs conditions de stockage, la posologie, les délais d’attente, l’élimination des déchets, etc. (photo 9).
→ La visite de la pharmacie est également l’occasion de rappeler que les médicaments ne résolvent pas tout, et d’insister sur la conservation des ordonnances et la tenue du registre sanitaire.
→ L’éleveur peut être questionné sur ses systèmes de repérage des animaux traités et l’application de l’isolement des malades.
→ Un bilan est effectué en sa présence sur les mesures d’asepsie lors des prélèvements à risque à la suite d’avortements et sur l’élimination des déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI) et des médicaments non utilisés (MNU) [4].
De retour à la ferme, le praticien effectue le bilan et rédige les protocoles de soins dans un rapport de visite (encadré 3) [1].
Cela permet de discuter immédiatement des points obscurs avec l’éleveur. La rédaction de ce compte rendu débute à la ferme, mais sa finalisation peut être différée si des résultats d’analyses complémentaires sont attendus ou que des documents manquent au moment de la visite (composition de l’alimentation, registre d’élevage, etc.).
Une visite spécifique peut être conseillée si un trouble grave est suspecté, et qu’il est confirmé par des analyses bactériologiques ou sérologiques.
Les actions proposées doivent être comprises et acceptées par l’éleveur, et applicables à un coût modéré (tableau 3). Elles ne doivent pas être supérieures à cinq. Les effets attendus à court, moyen et long termes doivent être expliqués.
Conservé 5 ans dans le registre sanitaire de l’élevage(2), un rapport clair, concis et de qualité, qui témoigne de la pertinence de l’analyse et donne la conduite à tenir, est la clé du succès de la visite.
Faire participer l’éleveur ovin à des gestes techniques et l’impliquer dans la visite, mais aussi préconiser des mesures à sa portée est essentiel. Ainsi, il peut reconnaître la capacité du vétérinaire à l’aider dans la compréhension de ses difficultés. Le praticien devient alors non plus seulement celui qui délivre un médicament ou qui est appelé pour les prophylaxies, mais un professionnel qui comprend la réalité des troubles sanitaires de son élevage et l’aide à les résoudre.
(1) Arrêté du 24 avril 2007 relatif à la surveillance sanitaire et aux soins régulièrement confiés au vétérinaire, pris en application de l’article L. 5143-2 du Code de la santé publique (JORF du 6 mai 2007).
(2) Loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 et arrêté du ministère de l’Agriculture et de la Pêche du 5 juin 2000 relatif à la tenue du registre sanitaire d’élevage.
(3) Organisateurs : Société nationale des groupements techniques vétérinaires, groupements de défense sanitaire, Reconquête ovine, Fédération nationale ovine, races de France et Coop de France.
→ Pour le vétérinaire
Le vétérinaire doit prendre du temps pour réaliser cette visite car elle lui permet de retourner dans l’exploitation ovine. Il a, en effet, de moins en moins l’occasion d’effectuer cette démarche depuis l’espacement des visites liées à la prophylaxie médico-sanitaire de la brucellose. De même, les vaccinations contre la fièvre catarrhale ovine, en raison de leur urgence, ne permettaient pas au praticien libéral d’effectuer des visites approfondies des exploitations.
Ces visites offrent également l’opportunité de recueillir des informations sur les données technico-économiques et sanitaires de l’élevage. Le vétérinaire peut connaître l’environnement dans lequel vit le troupeau et ainsi évaluer de façon globale son état sanitaire et proposer des plans de prévention adaptés.
C’est enfin l’occasion pour le praticien de partager son savoir.
→ Pour l’éleveur
Un éleveur impliqué dans la visite de son élevage a l’opportunité d’effectuer un bilan complet des affections qui le touchent, et ainsi de hiérarchiser les mesures correctives et préventives à appliquer.
Le vétérinaire peut également répondre à certaines de ses interrogations immédiates et lui apprendre quelques gestes techniques.
Mise en place depuis 2011, la formation éleveur infirmier de son élevage ovin(3) a pour objectif d’apprendre à l’éleveur à réagir face à un cas clinique et à mieux connaître l’usage des médicaments. Un groupe d’une dizaine d’éleveurs participe à une demi-journée en salle sur les scénarios des différentes maladies, suivie d’une demi-journée en élevage pour l’acquisition de gestes techniques et d’une autre pour l’emploi des médicaments. Les enjeux de la formation sont économiques, pour une meilleure maîtrise des coûts, notamment en traitant mieux et en prévenant davantage les affections. Cette formation permet de construire un partenariat entre vétérinaire et éleveur. Le praticien est ainsi impliqué dans le conseil et la formation de l’éleveur, ainsi que dans la sécurisation de l’utilisation du médicament.
→ Date de l’intervention.
→ Coordonnées de l’élevage.
→ Coordonnées de l’intervenant et de l’éleveur.
→ Présentation de l’élevage.
→ Motif initial de la visite, délimitations de la mission.
→ Résultats d’analyses complémentaires effectuées en préparation de la visite ou postérieurement à celle-ci.
→ Données relevées à la visite : observations.
→ Analyse des données, éventuellement diagnostic.
→ Hiérarchisation des éléments présentant un impact sur l’élevage.
→ Propositions immédiates de traitement des éventuelles affections observées.
→ Relevé des non-conformités au regard du principe de conditionnalité des aides de la politique agricole commune.
→ Hiérarchisation des mesures (cinq au maximum) à appliquer :
– plans de prophylaxie (parasitisme, maladies néonatales, mammites) ;
– amélioration du logement des animaux (bâtiments, hygiène) et des équipements (pédiluves, baignoires, etc.) ;
– adaptation de l’alimentation des animaux ;
– protection des humains en cas de zoonose.
D’après [5].
ÉTAPE 1 Moment du rendez-vous : le choix est expliqué.
ÉTAPE 2 À la ferme : recueil des données. L’éleveur est impliqué.
ÉTAPE 3 Dans la bergerie : partage d’observations et/ou d’un geste technique. Un inventaire d’idées est proposé au praticien, dans lequel il peut puiser à chaque visite, selon l’étape, pour faire participer l’éleveur à un acte ou lui donner un conseil spécifique à ses besoins :
– avant l’entrée à la bergerie ;
– dans la bergerie ;
– dans la salle de traite ;
– dans la pharmacie.
ÉTAPE 4 Rédaction du bilan sanitaire, de façon claire, et préconisation de mesures hiérarchisées et applicables par l’éleveur.
Leterrier B. La visite d’élevage chez les ovins. Comment l’animer et la rendre attrayante ? Proceedings Journées nationales GTV. Nantes. 2011:311-315.
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