Quarante mesures pour baisser de 25 % la consommation d’antibiotiques - Le Point Vétérinaire n° 321 du 01/12/2011
Le Point Vétérinaire n° 321 du 01/12/2011

ANTIBIORÉSISTANCE

Thérapeutique

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : Le Fougerais
44850 Saint-Mars-du-Désert

La mesure 29, la plus débattue, prévoit l’interdiction des remises arrières.

Après arbitrage du ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire, le plan national de lutte contre l’antibiorésistance vétérinaire a été rendu public en novembre (plan en intégralité disponible sur www.WK-Vet.fr). Certaines mesures sont d’application volontaire et pourraient être immédiatement mises en œuvre. D’autres, à l’inverse, nécessitent des modifications réglementaires.

Ce projet comprend quarante mesures (regroupées en cinq axes), avec pour objectif une réduction de 25 % des usages d’antibiotiques en 5 ans, de 2012 à 2017.

Axe I : bonnes pratiques et sensibilisation (mesure n° 1 à 13)

Mesures n° 1 et 14 : Sensibilisation et bonnes pratiques d’élevage

Les guides de bonnes pratiques d’élevage, la presse agricole, les plaquettes des groupements de défense sanitaire et des chambres d’agriculture sont considérés comme des « outils clairs et adaptés » de sensibilisation. Un chapitre sur l’antibiorésistance devrait être intégré aux nouveaux guides de bonnes pratiques ou à la mise à jour de ceux existants. La prophylaxie sanitaire et la conduite d’élevage au sens large (bâtiment, hygiène, asepsie, biosécurité) permettent de prévenir les infections et, par conséquent, le recours aux antibiotiques (mesure n° 14).

Mesures n° 2, 3, 7 et 8. Formation initiale et continue

La formation continue et initiale des éleveurs, des techniciens (mesures n° 2 et 3) et des praticiens (mesures n° 7 et 8) devra inclure ces thématiques.

Pour les vétérinaires sanitaires, le module “Pharmacie vétérinaire” comprendra l’antibiorésistance. Et dans les écoles nationales vétérinaires, un module “Antibiothérapie et pharmacie vétérinaire” sera mis en place à la fin du cursus des étudiants.

Mesure n° 4. Visite sanitaire bovine

La visite sanitaire bovine intégrera un chapitre sur les antibiotiques et l’antibiorésistance.

Mesure n° 5. Auto-évaluation des éleveurs et des vétérinaires

Des outils d’auto-évaluation seront développés et proposés aux praticiens et aux exploitants.

Mesures n° 6, 12 et 27. Guides de bonnes pratiques d’antibiothérapie

Pour les vétérinaires, le plan prévoit la rédaction de guides de bonnes pratiques d’antibiothérapie dans chaque filière (encadré), avec pour objectif de « dégager des consensus sur le traitement des maladies » et de « catégoriser les antibiotiques par indication  » :

– antibiotiques de choix (sont-ils administrés en première intention ?) ;

– antibiotiques d’utilisation restreinte et sous conditions (sont-ils donnés en seconde intention ?) ;

– antibiotiques déconseillés ;

– antibiotiques à ne jamais utiliser.

Mesure n° 9. Information des pharmaciens

Les pharmaciens seront sensibilisés aux spécificités de la pharmacie et de l’ordonnance vétérinaire (tous médicaments confondus) et aux risques associés à l’antibiorésistance.

Mesure n° 10. Communication des résistances

Les données collectées par le réseau de surveillance de l’antibiorésistance chez les agents pathogènes animaux (Resapath Anses, 24 000 antibiogrammes en 2009) seront mieux diffusées auprès des praticiens. La « différence fondamentale entre la résistance épidémiologique (reposant sur la distribution des concentrations minimales inhibitrices) et la résistance clinique (échec thérapeutique) » sera soulignée.

Axe II : les alternatives aux antibiotiques (mesures n° 14 à 22)

Mesure n° 15. Promotion des vaccins et des autovaccins

« Le recours à la vaccination doit être encouragé. Les freins financiers doivent être levés. L’importation de vaccin avec autorisation de mise sur le marché (AMM) dans un autre État membre sera favorisée (dans le cadre de la cascade). Sous réserve d’une validation scientifique de leur intérêt thérapeutique et en l’absence de vaccins autorisés, le recours aux autovaccins sera envisagé. »

Mesure n° 16. Les tests de diagnostic rapide

Le développement de tests “minute” est « une priorité  », car ils permettent de prévenir des traitements inutiles sur des infections virales, par exemple dans « le cas des diarrhées néonatales des veaux ou de certaines maladies respiratoires ».

Mesures n° 17 et 18. Antibiotiques anciens et recherche de nouvelles classes d’antibiotiques “non-critiques”

L’usage des molécules anti-infectieuses anciennes “non critiques” est présenté comme une alternative aux antibiotiques récents et “critiques” (en l’absence de résistance croisée ou de corésistance). « Les firmes seront incitées à collecter des informations sur l’efficacité des spécialités dont les AMM sont devenues caduques (ou abandonnées) en vue du dépôt d’une nouvelle demande d’AMM. »

De même, le remplacement des antibiotiques critiques est envisagé par le développement de nouveaux, non critiques, et « réservés à la médecine vétérinaire ».

Mesure n° 20. Espèces mineures

Le constat est toujours le même depuis 20 ans : une diminution des indications pour les espèces mineures en raison de l’accroissement des exigences AMM (et de la révision des dossiers) et de l’absence de limites maximales de résidus dans les espèces mineures. Le lien entre cette problématique des espèces mineures et l’antibiorésistance n’est pas clairement argumenté.

Mesure n° 21. Les pratiques à risque d’antibiorésistance

À court terme, les pratiques à risque de sélection de multirésistances (antibiothérapie, antibioprévention et métaphylaxie) seront précisées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

Mesure n° 22. Taxe sur les antibiotiques

Une taxe sur les antibiotiques pour financer les alternatives à ces médicaments (axe II) et les campagnes d’information sera mise à l’étude.

Axe III : éviter les pratiques à risque (mesures 23 à 33)

Mesure n° 23. Génériques et service médical rendu

Il est envisagé d’introduire la notion de « service médical rendu » pour ces médicaments. Le plan juge aussi « nécessaire de mieux prendre en compte l’antibiorésistance dans les dossiers d’AMM, en particulier pour limiter la mise sur le marché des génériques qui contribuent à accroître la consommation ». Toutefois, une telle mesure nécessite de modifier la réglementation européenne.

Mesure n° 24. Améliorer les étiquetages, encadrer la publicité

Le projet prévoit l’ajout d’un message sur les notices, les étiquetages et les publicités des antibiotiques, de type : « L’usage inapproprié d’antibiotiques provoque l’apparition de résistances. » Un contrôle plus strict de la publicité pour les antibiotiques est prévu, avec un assouplissement de celle pour les vaccins.

Mesures n° 25, 26 et 27. Les anti-biotiques critiques

La liste « évolutive » des antibiotiques critiques comprend les fluoroquinolones et les céphalosporines de troisième et quatrième générations (à l’exception des pommades intramammaires). La prescription de ces médicaments est conditionnée par la réalisation d’un examen complémentaire (par exemple, un antibiogramme). Les groupes de travail par filière étudient « en priorité » l’usage de ces molécules critiques.

Mesure n° 28. Plans sanitaires d’élevage et bilans sanitaires d’écurie

L’Anses devra réévaluer le maintien de certains antibiotiques dans la liste positive des médicaments délivrés sur ordonnance par les groupements agréés dans le cadre des plans sanitaires d’élevage. En outre, l’agence réévaluera s’il convient de restreindre le dispositif de prescription hors examen clinique pour plusieurs molécules, notamment celles considérées comme critiques.

Mesure n° 29. La fin des contrats commerciaux

Le projet annonce la fin des contrats commerciaux qui « incitent » les praticiens à l’achat (contrats de coopération commerciale et/ou sur objectifs), donc à la prescription et à la revente. C’est une des mesures phares de ce plan. « Les vétérinaires doivent être affranchis des pratiques commerciales qui peuvent influencer leurs approvisionnements.

« À cette fin, de nouvelles dispositions seront adoptées par décret pour s’assurer que les ayants droit ne s’approvisionnent pas par un contrat qui conditionnerait le bénéfice d’avantages à la quantité de médicaments acquis, ni ne souscrivent à des contrats de coopération commerciale avec les laboratoires pharmaceutiques. » Une mission d’inspection sera mise en place sur les contrats existants.

Mesure n° 30. Haro sur les grands conditionnements

Les laboratoires seront « incités à adapter leurs conditionnements aux quantités délivrées et à ne pas pénaliser, dans leurs tarifs, les petits conditionnements ».

Mesure n° 32. Lutter contre les usages illégaux

« La répression contre les usages et les importations illégales de médicaments vétérinaires sera une priorité. »

Mesure n° 33. Contrôle des ordonnances

Le « circuit de l’ordonnance » (diagnostic, prescription, délivrance) sera contrôlé, y compris pour les aliments médicamenteux. « L’inspection examinera en priorité le contenu des ordonnances pour s’assurer qu’elles n’autorisent ni l’automédication, ni l’utilisation des antibiotiques en tant que facteurs de croissance, ni un accès non justifié aux médicaments. »

Axe IV : observatoire des consommations d’antibiotiques et de la résistance (mesures n° 34 à 37)

Ces suivis, parfois déjà en place, devraient permettre d’évaluer l’impact des mesures précédentes, notamment sur la consommation d’antibiotiques (et l’objectif de – 25 %). Le plan ne précise d’ailleurs toujours pas sur quel critère devrait être évaluée cette réduction. Mais, il indique néanmoins, le niveau d’exposition (indice d’exposition aux antibiotiques ou aléa) est « l’indicateur le plus fiable car directement corrélé au taux d’animaux traités par rapport à la population totale ».

Mesures n° 34 et 35. Observatoire de l’utilisation des antibiotiques

« Un observatoire de l’utilisation des antibiotiques » sera créé au sein de l’Agence nationale du médicament vétérinaire pour renforcer le suivi des ventes des antibiotiques déjà en place depuis 10 ans. La transmission des données deviendra obligatoire et sera intégrée dans un suivi européen des consommations par l’European surveillance of veterinary antimicrobial consumption (Esvac). L’observatoire devra aussi évaluer les usages, par exemple à travers des enquêtes pharmaco-épidémiologiques sur des échantillons représentatifs, et les utilisations hors AMM. À terme, une collecte informatisée des informations des ayants droit sur les prescriptions et les délivrances de médicaments vétérinaires (en exploitant leurs codes-barres) « pourrait être envisagée »,dansles filières porcines et avicoles dans un premier temps. Les facteurs de risque liés aux élevages « gros consommateurs d’antibiotiques » seront identifiés pour mettre en place des actions correctives ciblées.

Mesure n° 36. Suivi de la résistance

Les plans nationaux de surveillance de la résistance des agents pathogènes (Resapath), des bactéries zoonotiques (réseau Salmonella) ou commensales seront renforcés. Ces données seront comparées aux expositions.

ENCADRÉ
Recommandations par filière

Les recommandations des premières réunions pour les bovins et les animaux de compagnie sont les suivantes.

Recommandations pour les bovins

→ Vaccins. Favoriser la vaccination, notamment pour l’allotement (veaux et taurillons).

→ Métaphylaxie et antibioprévention respiratoire. En engraissement, pour limiter les traitements de groupe sur les lots de bovins entrants (antibioprévention et métaphylaxie), mettre en place une analyse de risques par élevage.

→ Fluoroquinolones. Limitation actuelle de leur usage fréquent dans les diarrhées néonatales, en redéfinissant les bonnes pratiques d’élevage (et en prévoyant un examen complémentaire préalable, comme un antibiogramme).

→ Tarissement. Promouvoir les traitements différenciés (comme les obturateurs) sans antibiothérapie systématique. L’antibiothérapie serait réservée aux animaux dépistés infectés ou à ceux présentant des risques particuliers de nouvelle infection pendant le tarissement.

Recommandations pour les animaux de compagnie

→ Métronidazole. Saisine de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) sur son usage chez les animaux de compagnie.

→ Pharmacovigilance. Intégrer les cas d’échecs thérapeutiques et les succès hors AMM (autorisation de mise sur le marché) chez les NAC.

→ Guides. Rédiger des guides de prescription à l’image des travaux engagés en dermatologie.

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