Mesures complémentaires et suivi chez le chien et le chat diabétique - Le Point Vétérinaire n° 319 du 01/10/2011
Le Point Vétérinaire n° 319 du 01/10/2011

ENDOCRINOLOGIE CANINE ET FÉLINE

Dossier

Auteur(s) : Brigitte Siliart*, Myriam Burger**, Laëtitia Jaillardon***

Fonctions :
*École nationale vétérinaire
Unité de nutrition et d’endocrinologie
LDHV, Oniris
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 03
**École nationale vétérinaire
Unité de nutrition et d’endocrinologie
LDHV, Oniris
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 03
***École nationale vétérinaire
Unité de nutrition et d’endocrinologie
LDHV, Oniris
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 03

L’insuline ne permet pas à elle seule de traiter un diabète : prise en compte des maladies intercurrentes, de l’espèce et réalisation d’un suivi méthodique… Autant de clés qui potentialisent le traitement.

Lorsqu’un diabète est diagnostiqué chez un chien ou un chat, il est indispensable de mettre au point une thérapie (le plus souvent grâce à l’insuline) afin de traiter cette maladie. Il est aussi nécessaire d’appliquer d’autres mesures, afin d’assurer l’efficacité du traitement mis en place. Aussi il convient de ne pas se focaliser sur l’insulinothérapie, mais de tenir compte de l’animal dans sa globalité, en gardant à l’esprit que pour le chat, obtenir un diabète équilibré est plus compliqué. Le propriétaire joue un rôle important dans la suite du traitement, car c’est au quotidien qu’il peut évaluer l’état de santé de son animal. Des bilans de santé complets sont à effectuer chez le vétérinaire, tous les trimestres environ, afin de contrôler le diabète et prévenir ses complications.

1 Mesures adjuvantes à mettre en place

Les mesures hygiéniques et diététiques sont très importantes dans le traitement du diabète sucré afin de limiter les fluctuations de la glycémie et de la lipémie, et de maintenir un poids optimal.

Alimentation

Si l’animal est obèse, un aliment hyperprotéique (plutôt qu’une nourriture hypocalorique avec des fibres) s’impose [1]. Il permet un amaigrissement préservant la masse musculaire au détriment de la masse grasse. Si l’animal est maigre, un aliment physiologique de très bonne qualité(type produit vétérinaire avec vitamines et oligoéléments) est plus intéressant, car l’animal doit recouvrer un bon état général. Plusieurs publications en médecine humaine proposent d’enrichir la ration en vanadium et en chrome, qui augmenteraient la sensibilité des tissus périphériques à l’insuline, donc l’efficacité de l’insulinothérapie. Ces oligo-éléments peuvent être présents dans certains aliments de bonne qualité, mais les teneurs sont rarement mentionnées dans les compositions.

Stérilisation des femelles

La stérilisation des femelles est souhaitable, mais pas systématiquement. Il convient d’en évaluer l’intérêt en fonction de la motivation du client. Dans le cas d’une chatte sous progestatifs ou d’une chienne pléthorique en bon état général, la stérilisation doit être proposée : d’une part, parce que les stéroïdes peuvent être responsables du diabète, et elle favorise alors une guérison, au moins transitoire (Le cycle sexuel de la chienne entraîne une acromégalie lors de production de progestérone(1)). D’autre part, cela évite que l’équilibre du traitement ne soit perturbé par les sécrétions de stéroïdes gonadiques (chez la chienne, les ovaires sont fréquemment polykystiques) ou des infections utérines.

En revanche, chez une femelle très âgée et en mauvais état général, avec un bilan biologique comportant des anomalies sérieuses en plus de l’hyperglycémie, il n’est pas souhaitable de proposer une castration. Le risque peropératoire est élevé, et l’intervention chirurgicale pourrait être fatale ou n’apporter qu’une amélioration transitoire. Il convient donc d’éclairer le propriétaire sur la balance bénéfices/risques.

Traitement des affections intercurrentes et gestion des maladies associées

Selon un cercle vicieux, de nombreuses maladies endocriniennes ou inflammatoires favorisent le diabète, et vice versa. Un bilan clinique et biologique, éventuellement endocrinien, dès la fin de la période d’initiation de l’insulinothérapie est donc indispensable. Il convient de rechercher systématiquement une hypertension, une insuffisance rénale (attention cependant, une légère protéinurie peut être due à l’hyperfiltration), une cystite (surtout chez le chat) et une stéatose hépatique. En cas de forte augmentation des phosphatases alcalines (PAL), de signes cutanés et d’amaigrissement insuffisant, un hypercorticisme est éventuellement à suspecter. Les signes d’acromégalie (développement anormal des tissus conjonctifs) sont aussi à rechercher.

Toutes ces maladies risquent d’être plus ou moins présentes, mais leurs traitements ne s’imposent pas toujours en première intention. Elles peuvent se stabiliser et même régresser avec la prise en charge du diabète. Il s’agit avant tout de faire le point, pour assurer une surveillance appropriée lors du suivi, en particulier si l’état général se dégrade alors que l’insulinothérapie semblait bien adaptée.

2 Suivi du traitement à moyen et long terme

Après 2 mois d’insulinothérapie correctement équilibrée, les effets délétères sur l’ensemble de l’organisme se sont estompés et une stabilisation est atteinte. Cependant, cet équilibre thérapeutique peut se dégrader à tout moment et il est important d’assurer un suivi régulier de l’animal.

Rôle important du propriétaire

Pour minimiser le coût de ce suivi, il convient de recourir à la vigilance du propriétaire, qui est censé repérer les variations de l’état général de son animal et surveiller son comportement, en particulier l’appétit. Inutile d’insister sur la polyuro-polydipsie (PUPD) qui est plurifactorielle (hypertension, stéatose hépatique, insuffisance rénale, hypercortisolisme) et reflète mal l’équilibre thérapeutique.Si le propriétaire est lui aussi diabétique, il faut le dissuader de réaliser des autocontrôles car cela conduit à une automédication souvent très mal équilibrée. Pour cela, il convient de lui expliquer que la pharmacologie des insulines retard est différente, que leurs dosages ne s’adaptent pas plusieurs fois par jour et que les apports glucidiques réalisés par les aliments pour animaux sont beaucoup plus réguliers que ceux des repas variés de l’homme. La surveillance médicale n’intervient qu’en seconde intention, après l’alerte du propriétaire.

Rôle du vétérinaire

Même si le traitement semble satisfaisant, des contrôles vétérinaires réguliers s’imposent, si possible tous les 3 à 4 mois. Le praticien procède à un examen clinique systématique : l’état général est le meilleur indicateur de l’adéquation du traitement en raison des multiples rôles de l’insuline. La pression artérielle est mesurée, la vision évaluée (cataracte chez le chien, rétinopathie), et, surtout, des signes de cystite ou de neuropathie périphérique sont recherchés chez le chat. Un bilan biologique classique est nécessaire, qui est comparé aux précédents pour évaluer les répercussions de la maladie (cholestérol, urée, créatinine, PAL/Alat [alanine aminotransférase], potassium, protéines totales et albumine, numération et formule sanguines et bicarbonates). Si les examens clinique et biologique sont satisfaisants, l’équilibre glycémique peut être évalué par une mesure de fructosamine, qui permet de rassurer le propriétaire au moindre coût. Dans le cas contraire, il convient de réaliser quatre prélèvements entre les deux administrations d’insuline, afin de mesurer la glycémie et, éventuellement, l’insulinémie(1) pour raisonner la modification de l’insulinothérapie (dose ou type d’insuline).

3 Difficultés particulières du traitement du diabète chez le chat

Chez le chat, la mise en place de l’insulinothérapie n’est pas toujours aussi facile que chez le chien en raison d’un certain nombre de difficultés supplémentaires.

Insulines mal adaptées au chat

Sur le marché, il n’existe pas d’insuline dont la structure serait identique à l’insuline féline, ce qui compromet a priori l’efficacité de l’insulinothérapie. De plus, la présentation des insulines est de 40 à 100 U/ml. Étant donné le poids d’un chat, les administrations sont nécessairement inférieures à 0,1 ml (photo 1). Comme les suspensions d’insuline ne sont pas homogènes, il est quasi impossible, même avec de l’expérience et de l’application, de réaliser régulièrement des administrations constantes de quelques unités. Chez le chat, des stylos injecteurs réglables facilitent l’administration de doses constantes à condition d’utiliser des aiguilles de taille adaptée (8 mm) permettant de mieux traverser la peau du chat (photo 2).

Particularités alimentaires

Contrairement au chien, le chat est un carnivore strict, qui n’a pas besoin de glucides, alors que l’alimentation industrielle en contient des quantités notables. Son activité glucokinase hépatique est faible et il a du mal à métaboliser rapidement une nourriture riche en glucides. Physiologiquement, la réponse insulinique à une hyperglycémie est plus lente et moins efficace que chez le chien. Lorsqu’un chat est diabétique, il est particulièrement important de lui fournir une nourriture hyperprotéique, qui limite les hyperglycémies postprandiales [2, 3].

Contrôles glycémiques difficiles

Le chat peut être plus rétif et plus agressif que le chien, au point que, dans cette espèce, il peut être impossible de réaliser de multiples contrôles journaliers dans des conditions sereines, indispensables pour que les glycémies soient représentatives des effets de l’insuline (photo 3). Il convient alors de faire du mieux possible, en sachant que le traitement parfait est alors difficile à obtenir. Une solution alternative est de réaliser une prise de sang unique pour doser les fructosamines et d’adapter le traitement selon le résultat (entre 400 et 600 mmol/l, le résultat est tolérable ; si les valeurs sont hors de ces normes, le traitement doit être réajusté en baissant ou en augmentant l’insuline). Dans ces cas, il convient de traiter l’animal dans sa globalité : mesures diététiques, traitements des maladies sous jacentes (cystite). L’animal ne doit pas être anesthésié pour réaliser des prises de sang de contrôle car les résultats obtenus seraient faussés, donc ininterprétables. Mieux vaut se fier à l’état général, décrit par le propriétaire, pour savoir si le traitement est correct.

Diabète transitoire, insulinorésistance

Le risque de déclencher une hypoglycémie par l’insulinothérapie est plus élevé chez le chat car il peut facilement présenter une glucotoxicité qui mime le diabète, mais qui régresse rapidement avec la baisse de la glycémie sous insulinothérapie. En cas d’augmentation de la glycémie pour une raison extra-hépatique (inflammation le plus souvent), le pancréas est incapable de produire une quantité d’insuline adéquate et l’hyperglycémie permanente induit l’apoptose des îlots β : un diabète s’installe. L’insulinothérapie, en abaissant la glycémie, restaure l’activité des îlots β, en quelques jours ou en quelques semaines, et le traitement provoque une hypoglycémie. De plus, chez le chat, surtout en cas d’obésité, une insulinorésistance se développe, entraînant une hypersécrétion d’insuline et d’une autre protéine, l’amyline, qui se polymérise (processus voisin de l’amyloïdose rénale) autour des îlots β et induit leur atrophie. Dans ce cas, les îlots se régénèrent mal et le diabète s’installe plus sûrement.

Conclusion

La mise en place du traitement du diabète sucré requiert soin et patience, autant pour le vétérinaire que pour le propriétaire. Si des règles simples et systématiques sont adoptées, dans la majorité des cas (surtout chez le chien), de bons résultats sont envisageables, sur les plans clinique et biologique. Il est possible d’assurer une longue survie à l’animal dans de bonnes conditions de confort pour lui et son propriétaire (tableau). Cependant, même en appliquant scrupuleusement ces mesures, des échecs patents sont rapportés, qui requièrent des protocoles plus sophistiqués, afin de traiter l’animal pour lequel le diabète sucré n’est qu’une composante de la maladie.

(1) Voir l’article “Conduite à tenir en cas d’échec de l’insulinothérapie” du même auteur, dans ce numéro.

Références

  • 1. Fleeman LM, Rand JS, Markwell PJ. Lack of advantage of high-fibre, moderate-carbohydrate diets in dogs with stabilised diabetes. J. Small Anim. Pract. 2009; 50(11): 604-614.
  • 2. Mori A, Lee P, Takemitsu H et coll. Comparison of insulin signaling gene expression in insulin sensitive tissues between cats and dogs. Vet. Res. Commun. 2009; 33(3): 211-226.
  • 3. O’Brien TD. Pathogenesis of feline diabetes mellitus. Mol. Cell. Endocrinol. 2002; 29; 197(1-2): 213-219.
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