Vers une détection automatisée des chaleurs en élevage laitier - Le Point Vétérinaire expert rural n° 317 du 01/07/2011
Le Point Vétérinaire expert rural n° 317 du 01/07/2011

REPRODUCTION BOVINE

Article de synthèse

Auteur(s) : Marie SaintDizier*, Delphine Aubriot**, Sylvie ChastantMaillard***

Fonctions :
*AgroParisTech, UFR génétique, élevage,
reproduction, 16, rue ClaudeBernard,
75231 Paris Cedex 05
**AgroParisTech, UFR génétique, élevage,
reproduction, 16, rue ClaudeBernard,
75231 Paris Cedex 05
***École nationale vétérinaire de Toulouse,
Pathologie de la reproduction,
23, chemin des Capelles,
31076 Toulouse Cedex 3
UMR 1198 Inra/ENVA Biologie du développement et reproduction

Quelques outils automatisés de détection de l’œstrus pour l’élevage bovin ont été mis récemment sur le marché ou seront prochainement disponibles.

La détection des chaleurs est une composante importante de la rentabilité en élevage bovin pratiquant l’insémination (encadré 1). Le contexte actuel a favorisé l’émergence d’outils de monitoring des chaleurs minimisant les interventions chez les animaux et permettant une gestion plus automatisée de la reproduction. L’objectif de cet article est de faire le point sur les outils automatisés de détection de l’œstrus actuellement disponibles, ou qui le seront prochainement en élevage bovin laitier.

QU’ESTCE QU’UN BON OUTIL DE DÉTECTION DES CHALEURS ?

Demander à un éleveur de consacrer plus d’une heure par jour à la seule détection des chaleurs n’est pas réaliste (encadré 2).

La mise au point de méthodes automatisées de détection de l’œstrus a donc pour objectif de dépister spécifiquement un taux élevé de vaches en chaleurs, de libérer du temps pour l’éleveur, tout en gardant un troupeau économiquement rentable.

Les outils actuellement disponibles s’appuient sur la détection automatisée des chevauchements, de l’activité motrice ou du taux de progestérone dans le lait. Le suivi automatisé de la température corporelle pourrait également servir d’outil de détection.

Le délai optimal d’insémination se situe entre 6 et 18 heures après le début des chaleurs [30]. Un bon outil de détection des chaleurs doit donc être capable de déceler le début de l’œstrus à 12 heures près, avec idéalement un suivi des animaux en continu. Il doit satisfaire à trois critères essentiels :

– la sensibilité, ou taux de détection (pourcentage de vaches dépistées parmi celles en chaleurs) ;

– la spécificité (pourcentage de vaches non détectées parmi celles en phase lutéale ou en anœstrus) ;

– la précision, ou valeur prédictive positive (pourcentage de vaches réellement en chaleurs parmi celles détectées).

Dans la plupart des études, les faux positifs et les faux négatifs sont repérés par des dosages sériés de progestérone plasmatique et/ou par des échographies ovariennes répétées pour détecter les ovulations.

DÉTECTION AUTOMATISÉE DES CHEVAUCHEMENTS

1. Diode sur la croupe ou message radio

Les chevauchements acceptés par la vache en œstrus peuvent être détectés par des capteurs électroniques de pression collés sur la croupe. Il en existe deux types :

– les premiers sont munis d’ampoules à diode électroluminescente (LED) qui émettent un signal lumineux (par exemple Mount Count® de la firme CowChips). Le même type d’appareil était auparavant commercialisé en France sous le nom de DEC ®par IMV Technologies (encadré 3 complémentaire sur www.WKVet.fr) ;

– les seconds transmettent par ondes radio à une antenne relais l’identité de l’animal chevauché, l’heure et la durée des chevauchements enregistrés (par exemple HeatWatch®, de CowChips) (figure 2).

Dans le second cas, les informations sont transmises à un ordinateur central. Un logiciel analyse les données collectées et alerte l’éleveur lorsqu’une période d’œstrus est identifiée. Par exemple, trois chevauchements d’au moins 2 secondes en moins de 4 heures sont nécessaires pour déclencher une alerte avec le système HeatWatch®. Le taux de détection des chaleurs avec ce système varie de 72 à 94 % avec une bonne spécificité [2, 4, 5, 34].

2. Perspectives

→ Les puces électroniques pour l’identification des bovins (disponibles pour tous les éleveurs depuis 2010) pourraient être mises à profit pour la détection automatisée des chaleurs. En effet, la lecture de l’identifiant électronique lors du chevauchement par le bélier a été utilisée avec succès pour dépister et décrire le comportement sexuel chez les ovins [3, 22]. Le principe, breveté par l’Institut national pour la recherche agronomique (Inra), est simple : la puce RFID (pour Radio Frequency IDentification) est placée à la base de la queue de la brebis, et le bélier est équipé d’un détecteur RFID (fixé sur le dos) et d’une antenne entre les membres antérieurs. Seul le chevauchement par le bélier déclenche la lecture de la puce électronique. À chaque lecture, l’identifiant de la femelle, la date et l’heure du chevauchement sont enregistrés par l’appareil. Ce système est envisageable chez les vaches laitières, mais nécessite toutefois l’utilisation d’un taureau vasectomisé ou à pénis dévié. De plus, la puce RFID, pour l’instant placée dans la boucle auriculaire, devrait l’être dans la région caudale des vaches pour en permettre la lecture lors d’un chevauchement accepté.

→ Des systèmes automatisés peuvent aussi s’envisager en complément des systèmes mécaniques actuellement disponibles en France (comme Kamar® ou Œstruflash®). Ainsi, le dépôt de peinture sur le sacrum est une pratique couramment utilisée pour aider à la détection des acceptations du chevauchement en NouvelleZélande, mais la disparition partielle ou totale du badigeon sur la croupe nécessite de répéter l’opération et de renouveler les observations. L’automatisation de cette lecture est actuellement en développement dans ce pays pour en faciliter le suivi. Il s’agit d’une caméra située audessus du robot de traite, reliée à un logiciel d’analyse d’images, qui permet de détecter la disparition partielle de la peinture sur la croupe des vaches marquées [33].

DÉTECTION AUTOMATISÉE DE L’ACTIVITÉ MOTRICE

1. Détecter les pas ou les mouvements d’encolure

Parmi les comportements secondaires de l’œstrus, l’augmentation de l’activité motrice est celui qui a suscité le plus d’intérêt pour le développement d’outils automatisés. Deux types d’appareils sont actuellement disponibles :

– des podomètres placés sur l’un des membres et qui enregistrent le nombre de pas de la vache par unité de temps (par exemple AfiTag®, AfiMilk) ;

– des activitémètres portés en collier qui enregistrent les mouvements de l’encolure dans les trois dimensions (par exemple Heatime®, Créavia ; HeatPhone®, Médria ; HeatBox®, Gènes Diffusion ; Alpro®, DeLaval) (figure 3).

Certains de ces instruments peuvent être fixés indifféremment autour du membre ou du cou de l’animal (par exemple Nedap Lactivator®, Nedap Agri ; Rescounter II®, WestfaliaSurge).

2. Transmission et exploitation de l’information

Les informations motrices sont enregistrées par ces outils en continu et transmises par ondes radio ou infrarouges à intervalles de temps réguliers (toutes les 5 minutes pour le système HeatPhone® ou toutes les 2 heures pour le système Rescounter II®) ou au moment de la traite à une antenne réceptrice. Cette antenne communique les informations à un ordinateur central et/ou par SMS à un téléphone portable via le réseau GSM. Un logiciel fourni avec chaque appareil modélise la courbe d’activité obtenue et un algorithme calcule l’écart d’activité de l’animal par rapport à la moyenne des jours précédents et à l’activité moyenne du troupeau. Par exemple, le système DairyPlan® de WestfaliaSurge déclenche une alerte pour une vache en œstrus lorsque l’activité enregistrée pendant trois périodes consécutives de 2 heures augmente d’au moins deux écartstypes par rapport à la moyenne d’une période équivalente au cours des 10 jours précédents [19].

3. Résultats attendus

Le taux de détection des chaleurs par les podomètres et les activitémètres est le plus souvent supérieur à 75 % et peut atteindre 94 % [8, 19, 21, 24, 29]. Il dépend du seuil choisi dans l’algorithme pour définir le pic d’activité (le taux de détection augmente avec la diminution du seuil) et de l’intervalle de temps entre deux enregistrements pour déceler ce pic (meilleure détection avec des intervalles courts, inférieurs à 6 heures) [27]. La spécificité de ces outils de détection est en général élevée, comprise entre 90 et 100 %, mais leur précision peut varier considérablement selon les appareils et les algorithmes, de 40 à 94 % [19, 24, 29] (encadré 4).

4. Aspects financiers

La mise en place du système Heatime®, commercialisé depuis 2008 par Créavia, implique un investissement d’environ 6 000 € pour un troupeau de 50 vaches.

Les colliers HeatPhone®, lancés en septembre 2010 par Médria, valent environ 100 € par animal, auxquels s’ajoutent l’achat de la base radio (2 900 €) et l’abonnement au logiciel d’analyse (Daily Web Services, 29 € par mois).

Le système HeatBox®, lancé en France par Gènes Diffusion en septembre 2010, mais commercialisé depuis 3 ans dans le monde, représente un investissement d’environ 4 600 €, installation comprise, pour un troupeau de 40 vaches.

DÉTECTION AUTOMATISÉE DE LA TEMPÉRATURE CORPORELLE

1. Principe et limites théoriques

La température corporelle de la vache (38,6°C) chute légèrement environ 2 jours avant les chaleurs, puis augmente en moyenne de 0,5°C au moment du pic d’hormone lutéinisante (LH, pour luteinizing hormone), au début de l’œstrus [8, 9] (figure 5). En mesurant la température vaginale chez 12 vaches et pour un total de 21 œstrus induits, Fisher et coll. ont enregistré des augmentations variant de 0,40 à 3,22 °C au moment du pic de LH selon les individus et pour une même vache selon les cycles [9]. Dans cette étude, le pic de LH a pu être prédit à 6 heures près pour 16 des 21 cycles en modélisant la courbe de température et en prenant en compte les variations diurnes de la température extérieure (de 0 à 20 °C) [9]. Sachant que l’intervalle entre le pic de LH et l’ovulation est de 29 heures en moyenne, la prédiction de ce pic à 6 heures près permettrait d’assurer une insémination avant l’ovulation [31]. Cependant, ces résultats doivent être vérifiés sur un plus grand nombre de vaches et en conditions d’élevage. La température extérieure, une hyperthermie ou un processus inflammatoire local seraient susceptibles de fausser la détection des chaleurs par cette méthode [8].

2. Aucun système commercialisé pour l’œstrus

Actuellement, plusieurs systèmes automatisés d’enregistrement et de transmission par ondes radio de la température corporelle peuvent être utilisés chez la vache, mais leur mise en œuvre pour la détection de l’œstrus reste à valider.

→ Certains appareils sont ingérés sous forme de bolus et mesurent la température dans le réticulorumen (par exemple Thermobolus®, Médria). Ces outils seront prochainement disponibles en élevage pour le monitoring de la santé et de l’alimentation en élevage bovin.

→ D’autres sont placés dans le vagin (par exemple Vel’Phone®, Médria ; Radco®, Verdor SA). Ces instruments sont actuellement commercialisés pour la détection du vêlage.

→ La mesure de la température du lait via un robot de traite a également été proposée pour détecter l’œstrus, mais ce procédé n’est pas encore commercialisé [8].

VIDÉOSURVEILLANCE ET ANALYSE SEMIAUTOMATISÉE DES IMAGES

Le concept a été décrit dans cette revue en 2008, après une année d’essai par Thierry Hétreau, mais le recul technique sur ce système est désormais plus important (encadré 5) [17].

1. Principe et résultats

La vidéosurveillance automatisée est un procédé intéressant pour l’éleveur qui veut gagner du temps et qui maîtrise assez bien l’outil informatique. Elle permet de repérer le début des chaleurs, donc d’optimiser le moment de l’insémination.

Des caméras sont reliées à un ordinateur équipé d’un logiciel de gestion de séquences vidéo. Le système décrit par Hétreau et coll. génère des icônes toutes les 60, 10 ou 1 minutes et, selon le seuil de détection des mouvements choisi, les séquences où les animaux sont pas ou peu actifs sont éliminées (photos 1a et 1b) [18]. Ainsi, seules les séquences vidéo intéressantes sont visionnées en mode normal ou accéléré. Dans un essai mené sur un troupeau expérimental de 80 vaches laitières, la seule vidéosurveillance a permis de détecter 81 % des chaleurs avec ovulation (décelées par dosage de la progestérone dans le lait, n = 168 chaleurs) [18]. En moyenne, 20 minutes ont été nécessaires pour dépouiller les enregistrements de 24 heures la première année de l’essai, mais le temps de dépouillement a pu être réduit à 5 minutes par jour en abaissant le seuil de détection du logiciel sans pour autant pénaliser la sensibilité de dépistage. La détection de la même proportion d’animaux en chaleurs (82 %) par la seule observation a nécessité entre deux et huit fois plus de temps (40 minutes par jour), mais a permis de dépister les chaleurs de certaines vaches non repérées par les caméras [18].

2. Limites

→ La vidéosurveillance, comme les détecteurs des chevauchements, ne repère que les chaleurs qui s’expriment bien. Elle n’est pas d’un grand secours pour les chaleurs discrètes.

→ L’identification des animaux est parfois difficile, en raison de la faible résolution des images obtenues par les caméras à large champ (initialement conçues pour la surveillance des parkings et des aéroports). Il est ainsi impossible de lire le numéro de la boucle auriculaire. Le seul essai actuellement décrit a été réalisé avec des animaux à robes bicolores dont l’identification à distance pose moins de difficultés, comparativement à une robe uniforme. Les caméras de surveillance les plus récentes (à mégapixels) offrent une meilleure résolution et la possibilité de zoomer sur l’image, tout en couvrant un champ très large, mais le coût du système s’en trouve augmenté.

3. Investissement requis

La mise en place de la vidéosurveillance dans un élevage représente un investissement de l’ordre de 3 500 à 5 000 € HT pour deux à quatre caméras (suffisantes pour environ 50 vaches) et le système informatique associé, le nombre de caméras variant selon la superficie et la conformation de la stabulation. Un système dédié à la détection des chaleurs par la vidéosurveillance sera très bientôt disponible en France (T. Hétreau, communication personnelle).

DOSAGE AUTOMATISÉ DE LA PROGESTÉRONE

1. Différentes modalités de dosage

Le dosage répété de la concentration plasmatique de progestérone (P4) est très peu utilisé en France pour détecter les chaleurs (encadré 6).

Il présente plusieurs inconvénients : la nécessaire répétition des prélèvements et leur stockage, le prix des dosages en laboratoire (au minimum 6 € HT) et l’absence de système de dosage rapide en ferme. Récemment, un appareil portable de dosage semiquantitatitif de la P4 dans le lait ou le sérum par la méthode Elisa a été mis sur le marché (eProCheck®, Minitüb), mais les premiers tests effectués par l’Union nationale des coopératives d’élevage et d’insémination animale (Unceia) pour le suivi du cycle œstral ne sont pas concluants [14].

Un système entièrement automatisé de dosage de la P4 par la technologie des biocapteurs (bandelettes colorimétriques) est disponible en France depuis fin 2010 et commercialisé au Danemark depuis 2009 (Herd Navigator®, Lattec). Il peut être associé à un robot ou à une salle de traite conventionnelle de marque DeLaval (photo 2).

2. Développement d’un système intégré

Pour le suivi de la reproduction, le système Herd Navigator® (HN) prélève quelques millilitres de lait lors de la traite, y dose la P4 et modélise la courbe obtenue sur plusieurs jours. L’éleveur choisit la période où débutent les prélèvements en fonction de ses objectifs. Par exemple, pour un intervalle vêlagepremière insémination artificielle d’environ 60 jours, les dosages de P4 peuvent commencer dès 30 jours postpartum. Le système ajuste la fréquence des dosages selon le stade physiologique pour minimiser leur nombre. Espacés de 3 ou 4 jours en début de prélèvement ou de phase lutéale, les dosages sont de plus en plus fréquents lorsque la fin de celleci approche. En moyenne, six ou sept dosages de P4 sont effectués par cycle œstral. À partir de la courbe lissée de P4, l’algorithme développé pour HN classe les vaches traites de l’élevage en trois catégories : celles en anœstrus postpartum, celles cyclées et celles présumées gestantes (figure 7) [12].

Lorsqu’une vache est cyclée, une alerte en “œstrus” s’affiche en direct dès que la P4 chute en dessous d’une valeur seuil (de 4 ng/ml), ce qui laisse à l’éleveur 24 à 36 heures pour inséminer ou non cet animal (encadré 7) [11, 12].

Deux versions du système HN sont proposées : l’une locale, où l’éleveur gère seul sa base de données, et l’autre centrale, actuellement privilégiée par Lattec, où les informations relatives au troupeau sont mises à disposition de conseillers dédiés (vétérinaires, zootechniciens, nutritionnistes, etc.) via Internet [15].

Testé pour sa validation dans un élevage expérimental, le système HN a permis de détecter 99 % des chaleurs confirmées par une insémination suivie d’une gestation (n = 121 œstrus) et 93 % des chaleurs présumées (identifiées par comparaison de leur profil de P4 au profil moyen des œstrus confirmés, n = 679 œstrus) avec une spécificité de 94 % [11, 15]. Un taux moyen de détection de 95 % a été par la suite confirmé dans des élevages commerciaux au Danemark [1, 15].

3. Rentabilité

Lors d’une simulation dans un troupeau de 120 vaches laitières, le gain de productivité avec un dosage automatisé de la P4 dans le lait a varié de 3 à 81 € par vache et par an en fonction des performances de reproduction initiales (rentabilité d’autant plus élevée que les performances de reproduction sont mauvaises) et du taux de détection des chaleurs réellement obtenu dans l’élevage (étude réalisée en 2004) [23]. En prenant en compte les coûts d’investissement, d’amortissement et de consommables (coût moyen de 100 €/vache/an), le gain de productivité du système global HN atteindrait jusqu’à 150 € par animal et par an compte tenu de l’amélioration des performances de reproduction (bénéfice moyen estimé de 150 €/vache/an), et du traitement plus précoce des mammites et des cétoses subcliniques (bénéfice moyen estimé de 100 €/vache/an) [1, 15]. Le système HN, prochainement installé dans une dizaine d’élevages en France (d’après DeLaval SNC), représente un investissement important : 40 000 € pour un troupeau d’environ 120 vaches et un forfait de 50 € par vache et par an pour les consommables (réactifs de dosage). Il s’adresse plutôt aux cheptels de grande taille (plus de 120 vaches laitières) et devrait faire considérablement évoluer le suivi de reproduction.

Conclusion

Certains des outils de détection automatisée des chaleurs ici décrits doivent encore faire leurs preuves sur le terrain. Ils ne remplacent pas l’observation des vaches, mais réduisent le temps à y consacrer, tout en permettant à l’éleveur de mieux détecter les chaleurs dans les plus grands troupeaux. Mais l’investissement de départ ne sera valorisé que si l’éleveur accorde du temps à l’exploitation des données fournies par le système. Le temps dévolu à la détection des chaleurs est donc en partie transformé en un temps d’analyse des données, comme l’a notamment objectivé Thierry Hétreau dans son travail sur la vidéosurveillance.

Encore au stade de la validation expérimentale, d’autres outils automatisés permettront bientôt de détecter précocement les boiteries ou de suivre en continu le bilan énergétique des animaux [26]. Les vétérinaires pourront accompagner et conseiller les éleveurs laitiers dans le choix de ces systèmes intégrés de monitoring, et utiliser les données enregistrées pour améliorer le suivi et la gestion de la reproduction et de la santé en élevage.

Références

  • 7. Disenhaus C, Cutullic E, Freret S et coll. Vers une cohérence des pratiques de détection des chaleurs : intégrer la vache, l’éleveur et le système d’élevage. Renc. Rech. Rumin. 2010 ; 17 : 113-120.
  • 9. Fisher AD, Morton R, Dempsey JM et coll. Evaluation of a new approach for the estimation of the time of the LH surge in dairy cows using vaginal temperature and electrodeless conductivity measurements. Theriogenology. 2008 ; 70(7): 1065-1074.
  • 11. Friggens NC, Bjerring M, Ridder C et coll. Improved detection of reproductive status in dairy cows using milk progesterone measurements. Reprod. Domest. Anim. 2008 ; 43(Suppl2): 113-121.
  • 13. Gatien J. Repronews 2. BTIA. 2009 ; 133 : 36.
  • 15. Gérard O. Management proactif dans les grands troupeaux : le cas danois. BTIA. 2009 ; 131 : 37-39.
  • 17. Hétreau T. Vidéosurveillance des chaleurs assistée par ordinateur. Point Vét. 2008 ; 283 : 75-78.
  • 18. Hétreau T, Giroud O, Ponsart C et coll. Simplifier la détection des chaleurs des vaches laitières grâce à la vidéosurveillance : une étude dans les races montbéliarde et abondance. Renc. Rech. Rumin. 2010 ; 17 : 141-144.
  • 19. Hockey C, Morton J, Norman S et coll. Evaluation of a neck mounted 2-hourly activity meter system for detecting cows about to ovulate in two paddock-based Australian dairy herds. Reprod. Domest. Anim. 2010 ; 45(5): 107-117.
  • 21. Lovendahl P, Chagunda MG. On the use of physical activity monitoring for estrus detection in dairy cows. J. Dairy Sci. 2010 ; 93(1): 249-259.
  • 23. Ostergaard S, Friggens NC, Chagunda MG. Technical and economic effects of an inline progesterone indicator in a dairy herd estimated by stochastic simulation. Theriogenology. 2005 ; 64(4): 819-843.
  • 29. Roelofs JB, van Eerdenburg FJ, Soede NM et coll. Pedometer readings for estrous detection and as predictor for time of ovulation in dairy cattle. Theriogenology. 2005 ; 64(8): 1690-1703.

ENCADRÉ 1
La détection des chaleurs, une problématique d’actualité en élevage bovin laitier

→ La taille des troupeaux augmente. Les exploitations produisant plus de 600 000 l de lait annuels sont en forte progression en France (6 000 cheptels en 2010 ; + 168 % depuis 2005) [10]. La même tendance est observée dans le reste de l’Europe, aux États-Unis, au Canada et au Japon. Le temps disponible par animal et par unité de main-d’œuvre tend à diminuer. Le manque de disponibilité pour la détection des chaleurs est le problème majoritairement exprimé par les éleveurs français [25].

→ Les formes sociétaires d’exploitations regroupant plusieurs éleveurs (groupement agricole d’exploitation en commun [Gaec] et exploitation agricole à responsabilité limitée [Earl]) sont en plein essor (+ 3,9 % par an depuis 1988 en France ; 54 % des exploitations laitières et 69 % de la production laitière en 2010), avec un recours accru au salariat, ce qui multiplie les intervenants impliqués dans la détection des chaleurs [10, 32].

→ L’expression des chaleurs diminue, en lien avec la sélection de femelles de plus en plus productrices, notamment en race holstein. Les chaleurs des vaches laitières sont de plus en plus courtes : elles ne durent que 4 à 8 heures entre la première et la dernière acceptation du chevauchement, et 14 heures en moyenne si tous les signes des chaleurs sont pris en compte (figure 1) [7]. Ces derniers sont également de plus en plus discrets et une proportion importante d’ovulations (40 %) ne s’accompagnent d’aucune acceptation du chevauchement chez la vache de race holstein [7]. Dans les élevages à fort niveau de production, l’étalement des vêlages et le zéro-pâturage ne favorisent pas non plus l’expression des chaleurs. De plus, la fréquence des anomalies de cyclicité a augmenté et l’intervalle entre deux œstrus est de plus en plus variable [16].

→ Alors que l’induction hormonale de l’œstrus a été largement adoptée dans les grands troupeaux nord-américains (dont la taille est largement supérieure à celle de nos cheptels) pour s’affranchir de la détection des chaleurs, les vétérinaires européens doivent faire face à une réglementation qui s’annonce de plus en plus restrictive vis-à-vis des hormones et à des consommateurs davantage attentifs à leur utilisation en élevage.

ENCADRÉ 2
Les comportements d’œstrus et leur détection sans outil

Le seul comportement exprimé spécifiquement pendant l’œstrus est l’acceptation du chevauchement, où la vache reste immobile pendant quelques secondes sous le poids d’une congénère.

Les signes d’œstrus secondaires, exprimés plus intensément pendant l’œstrus mais observables à d’autres phases du cycle œstral, sont l’activité motrice augmentée, le signe du flehmen et des interactions plus fréquentes avec certaines congénères (intérêt pour la zone génitale, poser du menton sur la croupe, chevauchements, etc.) [27].

En ne prenant en compte que l’acceptation du chevauchement et avec deux ou trois observations de 30 minutes par jour, seules 12 à 19 % des vaches en chaleurs sont détectées [8, 27]. Lorsque l’ensemble des comportements d’œstrus est pris en compte, le taux de détection peut atteindre 74 à 90 %, mais avec trois observations quotidiennes d’au moins 30 minutes [8, 27].

ENCADRÉ 4
Activité motrice et fertilité

Les liens entre l’activité motrice, l’ovulation et la fertilité ont pu être précisés à l’aide de ces outils : l’ovulation a lieu en moyenne de 29 à 33 heures après le début du pic d’activité et de 17 à 19 heures après la fin de ce pic d’activité chez les vaches de race holstein en lactation [19, 29] (figure 4). L’analyse de plus de 5 800 chaleurs suivies d’une insémination artificielle chez des vaches laitières hautes productrices a montré que plus l’activité motrice pendant les chaleurs est élevée, plus le taux de gestation à J38-J45 l’est aussi. Il existerait donc une corrélation positive entre l’activité motrice au cours de l’œstrus et la fertilité [20].

ENCADRÉ 5
Intérêt de la vidéosurveillance des chaleurs en France

L’enquête Detœstrus menée en France en 2008 a montré que le nombre de passages quotidiens spécifiquement dédiés à la détection des chaleurs n’est en moyenne que de 1,3 ± 1,1 dans les troupeaux bovins laitiers français (contre 2,5 ± 1,3 dans les élevages allaitants) [25]. D’où l’intérêt de la vidéosurveillance pour les cheptels en stabulation libre : les animaux sont filmés en permanence (y compris la nuit pour les caméras avec un éclairage infrarouge), mais seules les séquences vidéo où ils se déplacent et interagissent sont observées.

Points forts

→ Les outils de mesure de l’activité motrice sont aujourd’hui les plus nombreux sur le marché.

→ La spécificité des podomètres et activité-mètres est en général élevée, comprise entre 90 et 100 %, mais leur précision varie, selon les outils et les algorithmes, de 40 à 94 %.

→ L’utilisation des systèmes automatisés de transmission par ondes radio de la température corporelle chez la vache n’est pas validée pour la détection de l’œstrus.

→ Un système dédié à la détection des chaleurs par la vidéosurveillance sera bientôt commercialisé.

→ Le dosage entièrement automatisé de la progestérone dans le lait est disponible en France depuis fin 2010.

ENCADRÉ 6
Principe d’une détection des chaleurs fondée sur un dosage de P4

→ La chute de P4 dans la circulation marque l’imminence de l’œstrus. À la fin de la phase lutéale (18e jour du cycle), en l’absence d’embryon dans l’utérus, une décharge de prostaglandine F par l’endomètre entraîne la lyse du corps jaune, avec pour conséquence une chute de la concentration plasmatique de progestérone (P4). La P4 exerçant un rétrocontrôle négatif sur l’axe gonadotrope, la lutéolyse marque le début d’un pic de LH à l’origine d’une nouvelle ovulation.

→ La baisse de P4 peut également être mesurée dans le lait, où sa concentration est bien corrélée au dosage plasmatique [28].

→ 98 heures, 80 heures et 71 heures avant l’ovulation, le taux de P4 dans le lait chute en moyenne sous le seuil de respectivement 15 ng/ml, 5 ng/ml et 2 ng/ml, avec cependant une forte variabilité entre les vaches (écart-type de 11 à 18 heures selon le seuil de progestérone, n = 20) (figure 6) [28].

ENCADRÉ 7
Le système Herd Navigator® au-delà de la détection des chaleurs

→ Le système Herd Navigator® (HN) propose, par des dosages automatisés dans le lait, un suivi global incluant non seulement la reproduction (dosage de P4), mais aussi l’inflammation mammaire (mesure du lactate déshydrogénase) et le métabolisme (dosage de l’urée et du β-hydroxybutyrate, ou BHB) [1].

Le suivi de la reproduction ne se limite pas à la détection des chaleurs.

L’accès à la courbe de P4 permet de différencier plusieurs types de vaches à problèmes :

– celles en anœstrus post-partum ;

– celles cyclées mais n’exprimant pas leurs chaleurs (chaleurs dites silencieuses) ;

– celles inséminées au mauvais moment ;

– celles avec des kystes folliculaires lutéinisés ;

– celles qui ont présenté une mortalité embryonnaire précoce ou tardive.

En cas d’œstrus, le logiciel calcule également une probabilité de réussite à l’insémination (entre 0 et 90 %) fondée sur la longueur de la phase lutéale précédente et la cinétique de chute de la P4 [12] (figure 8). En cas d’allongement anormal de la phase lutéale, une alerte « risque de kyste ovarien » s’affiche [12]. Si une insémination artificielle (IA) est pratiquée, le système effectue des dosages de P4 tous les 5 jours jusqu’à 55 jours post-IA pour diagnostiquer une non-gestation, ou une mort embryonnaire précoce ou tardive [15]. Plusieurs données zootechniques sont intégrables par l’éleveur pour affiner les calculs du logiciel (date de vêlage, parité, état corporel, maladies, détection visuelle de l’œstrus), mais le système peut fonctionner avec uniquement les dates d’insémination.

Grâce aux dosages complémentaires (urée, BHB), la reproduction est abordée plus globalement, en lien avec le métabolisme et la nutrition.

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