PARASITOLOGIE DES BOVINS
Étude
Auteur(s) : Arnaud Delafosse
Fonctions : Groupement de défense sanitaire de l’Orne
76-78, chemin des Maures
BP 138, 61004 Alençon
Bien que la besnoitiose bovine ne semble pas émergente dans l’Orne, la surveillance doit être intensifiée, notamment par le dépistage sérologique à l’introduction de bovins provenant de la zone à risque.
L’achat de bovins contaminés en provenance d’une zone infectée semble être le principal mode d’introduction de la besnoitiose dans une région indemne [1] (encadré).
La maladie est peu connue au nord de la Loire alors que cette aire géographique comprend une forte densité d’élevages bovins et que les flux commerciaux en provenance de la zone d’enzootie sont réels, aussi bien pour l’achat d’animaux destinés à des ateliers d’engraissement que pour la constitution ou le renouvellement de troupeaux allaitants en races pures (photo 1). Par exemple, 1 148 bovins (dont 936 femelles) ont été introduits dans l’Orne en 2009, issus de 10 départements du Sud-Ouest connus pour être infectés (Ariège, Aude, Haute-Garonne, Gers, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Tarn-et-Garonne) (Delafosse, observation personnelle) (figure 1).
L’installation de la besnoitiose dans le grand-ouest de la France, principal bassin laitier du pays, aurait des conséquences économiques fortes. Le principal risque tenant à l’introduction de bovins infectés, les premiers élevages contaminés seraient très probablement des acheteurs réguliers d’animaux provenant de la zone d’enzootie.
Une étude sérologique a été menée dans l’Orne (Basse-Normandie, 480 000 bovins) sur un échantillon représentatif d’élevages à risque pour l’introduction de la besnoitiose et contrôlés au cours de l’hiver 2009-2010 dans le cadre de la prophylaxie obligatoire de la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR).
L’objectif est d’identifier, avec un niveau de certitude défini, un cheptel fortement contaminé (prévalence intra-cheptel supérieure à 10 %) dans la population ciblée.
La population cible est constituée d’élevages bovins de l’Orne :
– qui ont introduit, avant le 31 décembre 2009, au moins 10 bovins (source BDNI) nés dans les départements cités précédemment, particulièrement à risque pour la besnoitiose ;
– pour lesquels le nombre total de jours passés dans -l’exploitation par des bovins nés dans la zone à risque est supérieur à 35 000 (en bovins-jours) ;
– qui ont été contrôlés dans le cadre de la prophylaxie bovine 2010 avec un minimum de 13 bovins prélevés.
À partir de ces critères, une base de sondage de 47 cheptels a été constituée. Un tirage aléatoire simple a permis de retenir 32 troupeaux correspondant à 1 774 prélèvements de prophylaxie. Avec l’hypothèse qu’un cheptel sur 47 est fortement infecté, la probabilité de l’identifier dans l’échantillon est de 68 % (32/47).
Dans chaque cheptel retenu, le nombre de bovins à tester a été plafonné à 30, ce qui représente un total de 930 prélèvements. La taille de l’échantillon à tester dans chaque élevage a été choisie afin de détecter, avec un niveau de certitude de 95 %, la maladie lorsque plus de 10 % des animaux sont atteints [5].
Les sérums ont été prélevés après centrifugation des tubes secs et conservés au congélateur avant d’être testés avec un kit Elisa indirect (ID Screen® Besnoitia Indirect Elisa kit, IDVET, Montpellier, France) au Laboratoire départemental de l’Orne. La sensibilité et la spécificité de ce test ont été évaluées, respectivement, à 90 % et à 97 % [2].
Trente et un cheptels (sur 32 demandés) ont pu être analysés pour un total de 893 bovins (sur 930 commandés). Ces élevages sont répartis sur l’ensemble du département de l’Orne (20 cantons sur 35) (tableau 1).
Sur les 893 animaux analysés, 356 (40 %) sont nés dans la zone à risque pour la besnoitiose. Dans cette région, les principaux départements contributeurs sont les Pyrénées-Atlantiques (319 bovins) et les Landes (19 bovins). Quatre cent cinquante-cinq bovins de l’échantillon sont nés dans l’Orne (51 %).
Plusieurs races sont représentées dans l’échantillon : blonde d’Aquitaine (607, soit 68 %), croisés (78, soit 9 %), prim’holstein (57, soit 6 %), normande (48, soit 5 %), charolais (46, soit 5 %), limousin (25, soit 3 %) et divers (32, soit 4 %). Les femelles représentent 97 % de l’échantillon (862 sur 893).
Cent vingt-neuf bovins sur 893 (14 %) sont âgés de moins de 2 ans, 624 (70 %) ont entre 2 et 5 ans et 140 (16 %) plus de 5 ans.
Trois bovins sur 893 (0,33 %) sont positifs ou douteux (tableau 2 et figure 2).
La spécificité du test Elisa indirect a été estimée à 97 % [2]. Avec cette hypothèse, le nombre de faux positifs attendus dans l’échantillon analysé devrait s’établir à 27 (893 × 0,03), ce qui est très supérieur à l’effectif de bovins positif et douteux dans cette étude.
Les 3 animaux non négatifs sont répartis dans trois cheptels différents, eux-mêmes installés dans trois cantons. De plus, 2 sont nés dans l’Orne. Dans l’hypothèse où ces animaux seraient de vrais positifs, ils auraient été contaminés dans l’Orne à partir d’un réservoir primaire. Cette conjecture paraît peu vraisemblable car elle supposerait une circulation du parasite dans les cheptels introducteurs avec probablement d’autres animaux réagissant au test.
Ainsi, ces 3 bovins non négatifs marquent probablement un défaut de spécificité du test, qui s’établirait toutefois à 99,7 % (IC95 %(1) = 99,3 – 100) dans la population étudiée.
Cette étude permet de conclure, avec un niveau de certitude de 66 %, qu’il n’existe pas de troupeau fortement contaminé par la besnoitiose bovine (prévalence intra-cheptel supérieure à 10 %) parmi les 47 élevages de la population cible.
La faible taille de l’échantillon, qui s’explique par le coût du dépistage, limite la précision de l’enquête. De plus, les critères de définition de la population cible peuvent être discutés, notamment pour la nature des départements à risque, car la prévalence de la maladie dans chaque département est inconnue en l’absence de dépistage généralisé. Des observations de terrain tendraient à montrer que les Pyrénées-Atlantiques et les Landes sont moins à risque pour la besnoitiose que l’Ariège, l’Aude, le Tarn, les Hautes-Pyrénées et la Haute-Garonne (Jean-Pierre Alzieu et Philippe Jacquiet, communication personnelle). Dès lors, comme l’essentiel des animaux importés dans l’Orne depuis la zone d’enzootie proviennent de ces deux départements, cela pourrait expliquer le faible nombre d’individus positifs trouvés dans cette étude.
Certains auteurs considèrent qu’une généralisation du dépistage de la besnoitiose à l’achat doit être encouragée pour limiter la diffusion de la maladie dans les régions encore indemnes [3].
Dans l’Orne, le budget à consacrer à ce dépistage peut être évalué à 250 000 € par an (30 000 achats contrôlés, environ 8,5 € HT par bovin) [4]. Au-delà de l’importance de l’investissement, qui peut être considéré comme raisonnable au regard de l’enjeu, l’efficacité d’une telle mesure paraît discutable. Ainsi, la valeur prédictive positive (VPP) d’un test dépend de ses qualités intrinsèques (couple sensiblité-spécificité) et de la prévalence de l’affection à dépister [5]. Pour la besnoitiose, la VPP d’un test Elisa (hypothèses : sensibilité = 0,90, spécificité = 0,97) serait ainsi de 23 % pour un animal provenant d’un département de faible prévalence (1 %) et de 84 % lorsque le département d’origine est fortement touché (15 %). Dans le cas de l’Orne, dont le négoce s’effectue principalement avec des zones indemnes ou faiblement infectées, la majorité des réactions seraient faussement positives, avec la nécessité d’une confirmation par une méthode a priori plus spécifique (Western blot).
Une solution alternative serait de limiter les contrôles sérologiques à l’achat aux seuls bovins provenant de la zone infectée, ce qui permettrait d’améliorer le rapport coût/efficacité du dépistage. Cependant, cette méthode nécessiterait de pouvoir caractériser la région infectée sur des bases objectives (données de séroprévalence par département).
Enfin, les jeunes bovins dérogataires au contrôle d’achat introduits dans des ateliers d’engraissement, environ 50 000 par an dans l’Orne, resteraient une voie de contamination pour les cheptels reproducteurs élevés sous le même toit ou à proximité [4].
Les résultats de cette étude tendent à montrer que la besnoitiose bovine n’est pas une parasitose émergente dans l’Orne, même si des importations sporadiques d’animaux infectés sont probables. Cette conclusion est confortée par l’absence de cas clinique remonté du terrain malgré la sensibilité élevée de ce mode de surveillance pour la besnoitiose, au moins lorsque les malades sont en phase de sclérodermie.
Pour protéger ce statut favorable, il paraît indispensable d’intensifier la surveillance clinique, par l’information des éleveurs et des vétérinaires, de confirmer tout cas suspect le plus précocement possible et de maintenir une surveillance sérologique en renouvelant ce type d’enquête ciblée sur les élevages à risque à intervalles réguliers, par exemple tous les 3 ans. Dans le cas d’éleveurs sélectionneurs s’approvisionnant dans la zone d’enzootie, un dépistage sérologique chez tous les bovins âgés de plus de 6 mois pourrait aussi être envisagé (photo 2).
Le rapport coût/efficacité d’une généralisation du dépistage à l’introduction ne milite pas pour l’adoption de cette mesure dans l’immédiat.
(1) IC95 % : intervalle de confiance à 95 %.
La besnoitiose bovine est une maladie parasitaire qui se transmet principalement par des insectes piqueurs. Lorsqu’elle est déclarée, le tableau clinique se caractérise par des œdèmes et une atteinte de la peau (sclérodermie). Il n’existe pas de vaccin ni de traitement médicamenteux efficace. La besnoitiose est connue de longue date dans le sud de l’Europe et, en France, dans plusieurs départements pyrénéens. À partir de 1995, l’affection s’est propagée dans de nombreuses autres régions françaises, et particulièrement dans le Massif central et les Alpes. Quelques foyers ont été décrits dans les Pays-de-la-Loire à partir de 2005, et, plus récemment, en Allemagne du Sud, en Espagne et en Italie.
→ La besnoitiose bovine n’est pas émergente dans l’Orne.
→ La maladie est peu connue au nord de la Loire malgré une forte densité d’élevages et l’introduction de bovins de la zone d’enzootie.
→ La surveillance clinique doit être intensifiée, en confirmant tout cas suspect le plus précocement possible.
→ Pour protéger ce statut favorable, le dépistage sérologique systématique à l’achat de bovins de plus de 6 mois provenant de la zone à risque pourrait être envisagé.
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