Traitement d’une omphalo-artérite chez le veau - Le Point Vétérinaire expert rural n° 315 du 01/05/2011
Le Point Vétérinaire expert rural n° 315 du 01/05/2011

CHIRURGIE DU VEAU

Cas clinique

Auteur(s) : Pierre Bruyère*, Julien Olive**, Karine Portier***, Véronique Guérin****, Pierre Bergeron*****, Samuel Buff******, Pierre Guérin*******

Fonctions :
*Biotechnologies et pathologie
de la reproduction
**1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile Cedex
***Imagerie médicale
****1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile Cedex
*****Anesthésiologie
******1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile Cedex
*******Infectiologie
********1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile Cedex
*********Clinique rurale de l’Arbresle,
Campus vétérinaire,VetAgro Sup
Université de Lyon, Université Lyon 1
**********1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile Cedex
***********Biotechnologies et pathologie
de la reproduction
************1, avenue Bourgelat,
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*************Biotechnologies et pathologie
de la reproduction
**************1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile Cedex

L’échec du traitement antibiotique impose le plus souvent le recours à la chirurgie, avec un bon pronostic. L’échographie et la rachianesthésie sont utilisables en routine pour cette affection.

Les atteintes ombilicales constituent, en termes d’incidence, la troisième affection du veau après les maladies digestives et pulmonaires [1, 3, 5, 7, 9]. Les hernies et les hématomes sont visibles de l’extérieur (gros nombril) alors que les infections du canal de l’ouraque (40 % des infections), de la veine ombilicale (35 %), des artères ombilicales (5 %) ou les infections mixtes (20 %) ne se traduisent pas toujours par un gros nombril [5] (encadré). Le traitement médical présente des limites qui rendent le recours à la chirurgie souvent indispensable.

CAS CLINIQUE

1. Commémoratifs

Un veau femelle de race montbéliarde pure est né par hystérotomie à 285 jours de gestation, environ. Pour des raisons pédagogiques, l’intervention a été programmée 18 heures après une injection de dexaméthasone (Voren solution®, 20 mg par voie intramusculaire). Cette administration permet d’induire la mise bas, ainsi que la maturation finale des organes du fœtus et notamment celle du poumon (synthèse de surfactant, prévention de l’anoxie néonatale). En effet, la mise bas n’ayant pas commencé, le veau est légèrement prématuré.

Lors de l’intervention, le cordon ombilical est ligaturé à 10 cm de la paroi abdominale du veau après élimination de la gelée de Wharton par pression. La ligature est rendue nécessaire en raison de l’hémorragie du cordon qui a suivi l’extériorisation du veau. Puis le cordon est soigneusement nettoyé et immergé dans de la teinture d’iode. La ligature est ôtée le lendemain.

2. Examen général

L’état général du veau est satisfaisant, mais s’altère au cinquième jour, avec une perte d’appétit et une hyperthermie à 40 °C. La région ombilicale est hypertrophiée et douloureuse à la palpation externe.

3. Palpation et échographie

Le diagnostic d’affection ombilicale est confirmé par palpation, puis par échographie des artères ombilicales.

La palpation transabdominale du cordon est réalisée chez le veau en décubitus latéral. Cette position est, en effet, plus facile car elle tend à libérer la région ombilicale du poids des intestins. Une dilatation des deux artères ombilicales de 2 à 3 cm de diamètre est mise en évidence en direction de la vessie, avec impossibilité de la suivre manuellement sur plus de quelques centimètres. Aucune anomalie n’est observée sur la veine ombilicale et le canal de l’ouraque.

L’échographie transabdominale est réalisée chez le veau debout à l’aide d’une sonde sectorielle (fréquence de 8 MHz) [8]. Positionnée, dans un premier temps, juste en arrière de l’ombilic, la sonde est déplacée en direction de la vessie. De part et d’autre de celle-ci, les deux artères ombilicales sont visualisées et une nette dilatation est observée. Les diamètres respectifs de 3 et 2 cm des artères droite et gauche signent la présence d’une omphalo-artérite (photo 1). En effet, à 1 semaine chez le veau, le diamètre des artères ombilicales doit être inférieur à 1 cm à la vessie (tableau). Réalisée en région craniale de l’ombilic, l’échographie confirme aussi l’absence d’infection de la veine ombilicale (diamètre de 6 mm, conforme aux mesures de Watson) et du canal de l’ouraque (diamètre quasi nul) [12].

4. Traitement médical

Les bactéries le plus fréquemment responsables d’omphalite chez le veau sont Arcanobacterium pyogenes, Escherichia coli, Streptococcus sp., Staphylococcus aureus et des bactéries anaérobies [7]. Des antibiotiques à large spectre (bactéries à Gram négatif et à Gram positif) et bactéricides ont été choisis. Le cinquième jour après la naissance, le veau est traité pendant sept jours à l’aide d’amoxicilline (Clamoxyl®, 10 mg/kg/j par voie intramusculaire). Une amélioration de l’état général ainsi qu’une reprise de l’appétit sont observées au troisième jour du traitement. Puis, 3 jours après l’arrêt de celui-ci, une rechute avec, de nouveau, une altération de l’état général est notée. Une nouvelle antibiothérapie est mise en place pendant 15 jours à l’aide de triméthoprime (1,4 g par animal) et de sulfadimidine (280 mg par animal) (Amphoprim Solution®, par voie intramusculaire).

À la suite de la mise en place du traitement antibiotique, l’évolution de l’omphalo-artérite est suivie cliniquement et, à titre pédagogique, par échographie. Cette dernière permet, en effet, de suivre le diamètre des artères afin de vérifier si l’amélioration clinique est concomitante d’une rémission de l’omphalo-artérite. L’échographie transabdominale, réalisée tous les 4 jours jusqu’à 3 semaines, n’a pas montré de régression de l’omphalo-artérite. Constatant les échecs répétés des traitements médicaux, une intervention chirurgicale est programmée.

5. Traitement chirurgical

Anesthésie

La chirurgie est réalisée sous neuroleptanalgésie. L’animal est sédaté avec une injection intraveineuse de xylazine à la dose de 0,1 mg/kg (Rompun® 2 %) et de butorphanol à 0,1 mg/kg (Torbugesic® 1 %).

Une anesthésie locorégionale subarachnoïdienne (aiguille spinale 7/10°) est réalisée à l’aide de lidocaïne à 4 mg/kg (Xylovet® 2 %). Une perfusion intraveineuse de 500 ml (10 ml/kg/h) de Ringer de lactate à 30 °C est mise en place pendant la durée de l’intervention.

Manuel opératoire

Après une tonte, un rasage et une asepsie de la région ombilicale, une incision cutanée autour de l’ombilic permet d’accéder puis de disséquer le cordon (photo 2). L’examen de la veine ombilicale et du canal de l’ouraque ne montre aucun signe pathologique. Une ouverture en arrière de l’ombilic sur la ligne blanche isole les artères ombilicales de part et d’autre de la vessie. Les zones dilatées de ces dernières sont extériorisées (photo 3). Les deux artères sont ensuite ligaturées en région saine (suture à base d’acide polyglycolique déc. 6, Safil®). Une zone d’adhérence des artères à la vessie requiert leur dissection soigneuse afin d’éviter une perforation vésicale. C’est le temps le plus délicat de l’intervention. Les parties abcédées peuvent être réséquées (photos 4a et 4b). Les moignons des artères sont cautérisés à l’aide d’une compresse imbibée de teinture d’iode. La paroi abdominale est suturée en un seul plan à base d’acide polyglycolique déc. 8 (Safil®, points en U). Une suture cutanée à points séparés (soie déc. 6) est effectuée.

Soins postopératoires et évolution

Une couverture antibiotique de 5 jours est mise en place à l’aide de triméthoprime-sulfadimidine, à la même dose que précédemment. La gestion de la douleur postopératoire est réalisée avec un antalgique anti-inflammatoire pendant 3 jours (flunixine, 100 mg par voie intramusculaire, Finadyne®).

Un examen bactériologique est réalisé à titre pédagogique. Il permet d’isoler Arcanobacterium pyogenes du pus présent dans les artères ombilicales. Les suites du traitement sont favorables, avec une reprise de l’appétit dès le lendemain de l’intervention (photo 5). Les points cutanés sont ôtés 10 jours plus tard et l’animal est rendu à son propriétaire. Aucune rechute ne survient dans les semaines qui suivent.

DISCUSSION

1. Échographie

L’échographie des portions intra-abdominales des vaisseaux ombilicaux permet d’établir un diagnostic précis des affections ombilicales du veau. Elle est plus fiable que la simple palpation transabdominale. De plus, par la mesure précise des diamètres des vaisseaux atteints, un suivi de l’amélioration ou de l’aggravation au cours du traitement médical (augmentation ou diminution du diamètre des vaisseaux infectés, organisation plus échogène du contenu) est possible. Cet examen constitue une aide précieuse au diagnostic et au suivi des omphalites chez le veau. Le matériel utilisé en routine tant chez les carnivores que chez les ruminants (échographe portable avec une sonde de 5 à 8 MHz) permettant de réaliser une échographie ombilicale chez le veau, cette technique devrait être employée plus souvent en pratique rurale.

Dans ce cas, l’absence d’images hyperéchogènes à l’examen échographique a permis d’écarter la présence de bactéries anaérobies.

2. Traitement médical

Les traitements médicaux seuls se sont révélés insuffisants pour maîtriser le processus infectieux. Les échecs de l’antibiothérapie peuvent être dus soit à un défaut d’accessibilité aux bactéries, enfermées dans l’abcès, soit à une résistance de celles-ci aux molécules utilisées. La stérilisation complète de l’abcès est sans doute difficile à obtenir, notamment dans le cas des omphalo-artérites. La bactérie isolée (A. pyogenes) correspond bien aux lésions observées (pus épais blanchâtre). La résistance à l’amoxicilline n’est pas décrite chez A. pyogenes. Un défaut d’accessibilité de l’antibiotique aux bactéries peut être évoqué ou l’intervention d’autres bactéries, comme des anaérobies strictes souvent naturellement résistantes à l’amoxicilline. L’association triméthoprime-sulfamide a été choisie en seconde intention en raison de sa bonne diffusion tissulaire. Mais, là encore, elle est peu active sur les anaérobies stricts. Rappelons que ces bactéries sont rarement isolées dans les conditions d’analyse de routine. Au vu des bactéries le plus souvent isolées dans les omphalites du veau, l’association amoxicilline-acide clavulanique peut être envisagée en première intention (actifs sur staphylocoques et E. coli), et le triméthoprime-sulfamide en seconde intention. Cependant, la fréquence des échecs thérapeutiques (pas de chiffre disponible dans la littérature, mais, pour les omphalo-artérites, le taux de guérison est certainement inférieur à 50 % lorsque l’infection est installée) requiert souvent le recours à la chirurgie.

3. Traitement chirurgical et anesthésie

Les données de la littérature suggèrent que, lors d’omphalo-artérite, l’ablation du ou des abcès est souvent indispensable [2, 3]. Différents types de procédures chirurgicales ont été proposés, notamment en cas d’omphalophlébite compliquée ou non d’abcès hépatiques [2, 4, 6]. Concernant l’omphalo-artérite, seule l’ablation de la zone artérielle abcédée est envisageable [5, 6, 9-11].

Dans le cas rapporté ici, le traitement chirurgical s’est révélé efficace. La technique en est simple, mais une anesthésie adaptée est indispensable. Dans ce cadre, la rachianesthésie lombo-sacrée s’est révélée particulièrement performante. Elle a permis d’opérer l’animal dans de bonnes conditions d’analgésie pendant 1 heure environ. Au-delà de 60 minutes, une sensibilité est réapparue. Les derniers points cutanés ont pu être effectués grâce à une injection de 0,5 ml de xylazine 2 % (Rompun®) par voie intraveineuse.

Conclusion

La fréquence et l’importance des infections ombilicales chez le veau requièrent un diagnostic précoce. À ce titre, l’examen échographique des vaisseaux ombilicaux intra-abdominaux facilite le diagnostic et permet de réaliser un suivi lors de traitement médical. Ce dernier doit viser les bactéries à Gram positif et à Gram négatif. Les échecs thérapeutiques sont fréquents, notamment lors d’omphalo-artérite et lorsque l’infection est installée depuis plusieurs jours. En cas d’échec, le recours à la chirurgie est indispensable. La rachianesthésie permet d’opérer dans de très bonnes conditions d’analgésie avec un minimum de risques pour le veau.

Références

  • 1. Baxter GM. Pathologie ombilicale du veau : diagnostic, traitement et complications. Point Vét. 1990;22:17-24.
  • 2. Belbis G, Ravary-Plumiöen B. Marsupialisation de la veine ombilicale. Point Vét. 2009;300:52-55.
  • 3. Bohy A, Moissonnier P. Pathologie ombilicale chez les veaux charolais : étude rétrospective sur 115 opérés. Point Vét. 1990;22:542-555.
  • 4. Bouckaert JH, De Moor A. Surgical treatment of umbilical infections in calves. Vet. Rec. 1965;77:771-774.
  • 5. Chastant-Maillard S. Conduite à tenir devant une masse ombilicale chez le veau. Point Vét. 1998;29:49-56.
  • 6. Grunwald P. Traitement chirurgical des omphalites chez le veau. Bull. GTV. 2010;55:49-56.
  • 7. Labadens C. Les omphalophlébites du veau : diagnostic, pronostic et traitement. Thèse de doctorat vétérinaire, ENV Alfort. 2002:99p.
  • 8. O’Brien R, Forest LJ. A retrospective study of ombilical sonography in calves. Vet. Radiol. Ultrasound. 1996;37:141-145.
  • 9. Pietremont JL. Affections ombilicales du veau. Bull. GTV. 1994;1:25-33.
  • 10. Smith DF. Clinical assessment and surgical management of umbilical masses in calves. Bovine Pract. 1985;20:82-84.
  • 11. Trent AM. Surgical management of umbilical masses in calves. Bovine Pract. 1987;22:170-173.
  • 12. Watson E, Mahaffey MB, Crowell W et coll. Ultrasonography of the umbilical structures in clinically normal calves. Am. J. Vet. Res. 1994;55:773-780.

ENCADRÉ
Rappels anatomiques

Le cordon ombilical est constitué de la veine et des artères ombilicales, et du canal de l’ouraque entourés d’un tissu conjonctif lâche appelé “gelée de Wharton” (figure). La veine ombilicale rejoint le foie en se portant en direction craniale, attachée par un méso sur la ligne médiane de la paroi abdominale. Elle véhicule le sang oxygéné placentaire vers le fœtus. Après la naissance, elle donne le ligament rond du foie. Les artères ombilicales naissent des artères iliaques internes et passent de part et d’autre de la vessie avant de rejoindre le cordon. Elles sont unies par un méso à la vessie et à l’ouraque. Elles véhiculent le sang carbonaté fœtal en direction du placenta. Après la naissance, elles donnent les ligaments latéraux de la vessie. De plus petit diamètre que les vaisseaux ombilicaux, le canal de l’ouraque se situe entre les deux artères ombilicales. Il prolonge la vessie en direction de l’allantoïde qui collecte l’urine fœtale.

Points forts

→ L’échographie transabdominale permet de visualiser la dilatation des artères ombilicales.

→ La rachianesthésie lombosacrée permet d’obtenir une bonne anesthésie pour ce type d’intervention.

→ Lors d’omphalo-artérite, l’ablation chirurgicale de la zone artérielle abcédée est souvent indispensable.

→ L’échec du traitement antibiotique peut être expliqué par un défaut d’accessibilité des médicaments aux bactéries ou la présence de bactéries anaérobies strictes.

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