Les protocoles de vaccination chez le furet - Le Point Vétérinaire n° 314 du 01/04/2011
Le Point Vétérinaire n° 314 du 01/04/2011

MÉDECINE PRÉVENTIVE DES NAC

Dossier

Auteur(s) : Émilie Tessier

Fonctions : Clinique vétérinaire du caducée
57, rue Salvador-Allende
Parc Eurasanté-Epi de Soil
59120 Loos-lez-Lille

À l’égal du chien et du chat, le furet fréquente de plus en plus les salles d’attente pour son bilan de santé vaccinal annuel. Certaines précautions sont impérativement à respecter.

Chez le furet, les produits et les protocoles vaccinaux s’apparentent à ceux qui sont employés pour les autres carnivores domestiques.

1 Contre quelles maladies vacciner le furet ?

Maladie de Carré

La maladie de Carré est mortelle à 100 %, avec comme symptômes principaux une hyperthermie et des signes respiratoires et dermatologiques. Les troubles digestifs et nerveux sont moins fréquents chez le furet que dans l’espèce canine [3]. L’incubation est de 7 à 10 jours. Le virus se transmet de manière :

– directe par contact avec un individu contaminé ;

– indirecte par les liquides physiologiques infectés, notamment lors de leur aérosolisation (jetage, salive) ou via des vecteurs passifs (matériels).

Le virus est peu résistant dans l’environnement et les méthodes de désinfection classiques suffisent à l’éliminer [4].

Rage

Bien que soumis aux mêmes mesures légales que le chien ou le chat pour la vaccination (identification, transport intracommunautaire, passeport européen pour la certification du vaccin antirabique, dispositions particulières, etc.) et d’autres situations (contact avec un animal suspect ou enragé, morsure, etc.), le furet semble moins sensible au virus de la rage (photo 1) [7]. Le principal mode de transmission reste la morsure par un individu contaminé, et, à un moindre degré, les griffures et le léchage de plaies préexistantes ou des muqueuses.

Autres

Le furet est sensible à la grippe. Cependant, le vaccin humain est déconseillé car le risque allergique est important et aucune étude n’a été réalisée à l’heure actuelle.

Le parvovirus de la maladie aléoutienne (le vaccin de la parvovirose du chien n’est pas efficace) et le coronavirus de l’entérite catarrhale épizootique (ECE) restent actuellement sans vaccin.

Le furet n’est pas sensible au calicivirus du chat, ni aux virus canins de la panleucopénie, de la rhinotrachéite, de l’hépatite de Rubarth et de la parvovirose [8].

2 Qui vacciner ?

Il convient de vacciner tous les furets contre la maladie de Carré, qu’ils aient accès à l’extérieur ou non. En effet, la possibilité de portage du virus par les chaussures, les vêtements, les autres animaux (chiens et mustélidés sauvages) est importante.

Pour la rage, le furet est vacciné en fonction des conditions réglementaires auxquelles il est soumis (tableau).

Seuls des animaux en bonne santé et qui ne présentent pas de contre-indications générales (immunodépression, glucocorticoïdes, etc.) ni particulières (cf. fiche signalétique du résumé des caractéristiques du produit [RCP] du vaccin utilisé) peuvent être vaccinés. Le furet est un animal un peu délicat car il présente souvent des affections intercurrentes peu visibles dans un premier temps (ECE, maladie aléoutienne, insulinome, lymphome, maladie surrénalienne, etc.). Des précautions sont à prendre chez cette espèce afin de prévenir de nombreuses complications.

3 Quels protocoles vaccinaux ?

Il existe plusieurs types de vaccins, qui diffèrent quant à leur efficacité et à leur protocole, ainsi que pour leurs effets secondaires (encadré 1).

Maladie de Carré

Pour la maladie de Carré, des vaccins canins sont utilisés car il n’existe aucun vaccin disposant d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le furet en France actuellement.

Deux règles sont à respecter pour limiter le risque vaccinal : choisir un vaccin contenant le moins de valence possible et qui a été atténué sur des cellules aviaires [9]. Seuls deux vaccins, disponibles en France, correspondent à ces critères :

– Canigen CH® (maladie de Carré et hépatite de Rubarth) ;

– Nobivac Puppy CP® (maladie de Carré et parvovirose).

La primovaccination est réalisée à partir de l’âge de 6 à 8 semaines (photo 2). Un rappel est nécessaire toutes les 3 à 4 semaines jusqu’à l’âge de 14 semaines [1]. Traditionnellement, le rappel est annuel, mais il pourrait être pratiqué uniquement tous les 2 à 3 ans à partir de la troisième année en cas de bon protocole primovaccinal [2].

Un vaccin recombinant contre la maladie de carré est utilisé aux États-Unis (Purevax Ferret Distemper®), mais il n’est pas disponible en France. En théorie plus sûr et plus efficace, l’emploi de ce vaccin ne serait cependant pas dénué de réactions.

Rage

Concernant la vaccination antirabique, tous les vaccins disponibles pour les carnivores domestiques pourraient être utilisables. Néanmoins, seul le Rabisin® possède une AMM mustélidés.

La primovaccination se réalise à l’âge de 3 mois et le rappel est annuel.

En raison des risques encourus chez le furet, il est déconseillé d’associer les deux vaccins (maladie de Carré et rage) lors de la première injection de primovaccination. Si le furet réagit bien, il est ensuite possible de les regrouper à la condition de toujours pratiquer les injections en deux endroits différents.

4 Quels sont les risques de la vaccination ?

Le propriétaire doit être prévenu des risques, notamment lors de la primovaccination, et l’animal être mis au repos dans les 48 heures qui suivent le vaccin (encadré 2).

Réaction vaccinale

Une réaction vaccinale peut survenir, notamment avec les vaccins contenant un adjuvant. Elle est fréquente, bénigne et peut être locale (inflammation, douleur) ou générale (apathie, dysorexie, hyperthermie légère). Elle n’est pas à traiter et doit disparaître en 2 à 3 jours au maximum.

Accident vaccinal

Les accidents vaccinaux sont plus rares et plus graves. Ils doivent être traités rapidement et déclarés (encadré 3).

Ils sont de deux sortes :

– l’hypersensibilité de type 1 ou choc anaphylactique ;

– la maladie vaccinale [5].

HYPERSENSIBILTÉ DE TYPE 1

L’hypersensibilité de type 1 est une réaction fréquemment rencontrée chez le furet. Les premiers résultats d’une étude en cours aux États-Unis estimeraient à 10 % les réactions chez les furets vaccinés.

L’hypersensibilité de type 1 peut mettre jusqu’à 24 à 48 heures à apparaître, mais elle survient, en général, dans les 30 minutes après l’injection. Le tableau clinique comporte un prurit, un érythème cutané, des vomissements, une diarrhée, une pilo-érection, une hyperthermie, voire un choc cardiovasculaire et la mort de l’animal.

Le plus souvent, ce type de réaction est dû à une allergie à l’adjuvant. Elle se reproduit donc à chaque rappel si le même vaccin est utilisé [7].

MALADIE VACCINALE

La maladie vaccinale est moins fréquente. Elle est liée à une atténuation insuffisante du virus lors de la fabrication du vaccin (virulence résiduelle) ou à l’utilisation d’une souche non avianisée. L’animal déclenche la même maladie que celle qui est provoquée par la souche virale sauvage. L’issue est donc fatale à 100 %. Elle est donc potentiellement à craindre lors de la vaccination contre la maladie de carré chez le furet.

Fibrosarcome postvaccinal

Bien que moins sensible que le chat, le furet est sujet au fibrosarcome postvaccinal. La relation entre cette affection et la vaccination pose les mêmes questions que celles concernant le fibrosarcome félin. Ainsi, la fréquence de cette tumeur pourrait croître dans les années à venir en raison de la médicalisation de plus en plus fréquente de cette espèce. Les mêmes mesures de prévention sont donc à mettre en œuvre : changement régulier du site d’injection (si possible pauvre en tissu adipeux), établissement d’un protocole vaccinal raisonné, utilisation d’une aiguille neuve et fine, vaccin à température ambiante.

Conclusion

Une bonne connaissance des protocoles de vaccination chez le furet permet de profiter plus sereinement de la visite annuelle afin de réaliser un véritable bilan de santé. Un bon examen clinique et une écoute attentive des remarques éventuelles du propriétaire permettent de dépister, de manière précoce, bon nombre d’affections.

Références

  • 1. Carpenter JW. Proposed schedule of vaccinations and routine prophylactic care for ferrets. In : Carpenter JW. Exotic animal formulary. Ed. Saunders, Philadelphia. 2005:468.
  • 2. Doumerc G. La vaccination du furet. In : Proceedings des cours de base du Genac : Aspect pratique et nouveautés. Paris. 2009:69-74.
  • 3. Fox JG, Pearson RC, Gorham JR. Viral diseases. In: Fox JG. Biology and diseases of the ferret. Ed. Carroll C. Cann, Philadelphia. 1998:355-369.
  • 4. Langlois I. Virales diseases of ferrets. Vet. Clin. Exot. Anim. 2005;8:139-160.
  • 5. Lewington JH. Viral, bacterial and mycotic diseases. In: Lewington JH. Ferret husbandry, medicine and surgery. Ed. Elsevier, Philadelphia. 2000:107-110.
  • 6. Quesenberry KE, Carpenter JW, Orcutt C. Basic approach to veterinary care. In : Quesenberry KE, Carpenter JW. Ferrets, rabbits and rodents clinical medicine and surgery. Ed. Elsevier, Philadelphia. 2004:15-16.
  • 7. Quinton JF. Prophylaxie et interventions de convenance, vaccination du furet. Dans : Quinton JF. Atlas des nouveaux animaux de compagnie, petits mammifères. Ed. Masson/PMCAC, Paris. 2003:176-178.
  • 8. www.ferret.org/read/vaccinations.html
  • 9. www.infofuret.com/pdf/VaccinscontrelamaladiedeCarrechezlefuret.pdf

ENCADRÉ 1
Comparaison entre les trois catégories de vaccins existants

→ Les vaccins inactives versus vivants. Par rapport aux vaccins inactivés, les vaccins vivants protègent mieux, plus rapidement et plus longtemps par leur bonne stimulation de l’immunité. Par conséquent, ils présentent plus de risques, notamment de maladie vaccinale.

→ Les vaccins attenues versus tues. Relativement aux vaccins atténués, la protection engendrée par les vaccins tués est moins bonne et de plus courte durée car ils stimulent moins l’immunité. Ils présentent donc une sécurité d’emploi plus importante car l’agent viral ne se réplique pas dans l’organisme.

→ Les vaccins recombines versus vectorises. Les vaccins recombinés provoquent une bonne stimulation du système immunitaire, et cela presque sans risque puisque seule la partie du génome du virus codant pour les immunogènes est présente.

À rappeler qu’un vaccin n’est jamais efficace ni sûr à 100 %.

ENCADRÉ 2
Précautions à prendre pour minimiser le risque vaccinal chez le furet

→ Utiliser un vaccin contre la maladie de Carré issu de souche avianisée et comportant le moins de valences possible, soit Canigen CH® ou Nobivac Puppy CP®.

→ Toujours prévenir le propriétaire du risque de réaction, surtout lors de la primovaccination.

→ Ne pas mélanger deux produits qui ne sont pas spécifiquement prévus à cet effet et les injecter en deux endroits séparés.

→ Lors de la première injection de primovaccination, il convient de commencer par la maladie de Carré uniquement. Si aucune réaction vaccinale n’est observée, il est alors possible d’associer la valence rage (lorsque celle-ci est nécessaire) lors de la seconde injection de primovaccination maladie de Carré. Cela permet de tester indépendamment la réaction du furet à chaque produit. Lors du rappel annuel, les deux injections peuvent être pratiquées en même temps.

→ Garder le furet 30 minutes en salle d’attente lors de la primovaccination et ne pas hésiter à l’hospitaliser une journée en cas de vaccination à risque (pour un animal qui a déjà fait une réaction, par exemple).

ENCADRÉ 3
Gestion de la réaction anaphylactique

→ Injection de 1 à 2 mg/kg par voie intraveineuse ou intramusculaire de corticoïdes à action rapide (dexaméthasone ou hémisuccinate de méthylprednisolone, à renouveler au besoin) et mise sous oxygénothérapie +/– bronchodilatateurs (terbutaline, Bricanyl®(1), 0,01 mg/kg voie sous-cutanée ; aminophylline, Aminophylline®(1), 4 mg/kg voie sous-cutanée).

→ Antihistaminiques (chlorphéniramine, Histacalmine®, 2 mg/kg per os ), surtout en début de réaction ou en prévention en cas de revaccination s’il est impossible de changer de produit. Une administration de diphenhydramine (Benadryl®(1)), 2 mg/kg par voie orale ou sous-cutanée, est réalisée 15 minutes avant le vaccin à risque.

→ Adrénaline 20 µg/kg par voie intraveineuse, intramusculaire, sous-cutanée ou intratrachéale, et mesures de réanimation pour les cas graves.

Le pronostic est souvent bon si les mesures sont prises à temps.

(1) Médicament humain. D’après [6].

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