Étape 6 : Diagnostic radiographique de la dysplasie coxo-fémorale - Le Point Vétérinaire n° 314 du 01/04/2011
Le Point Vétérinaire n° 314 du 01/04/2011

En 10 Étapes

Auteur(s) : Sylvain Manville*, Marion Fusellier**

Fonctions :
*Service d’imagerie médicale
CHUV Oniris
Atlanpole La Chantrerie
BP 40706 Nantes
**Service d’imagerie médicale
CHUV Oniris
Atlanpole La Chantrerie
BP 40706 Nantes

Que ce soit par radiographie conventionnelle, officielle ou une autre méthode, le dépistage de la dysplasie coxo-fémorale repose sur des critères très précis.

La dysplasie des hanches est une laxité de l’articulation coxo-fémorale de degré variable, autorisant une subluxation qui provoque une mauvaise conformation de l’articulation (comblement de l’acétabulum et aplatissement de la tête fémorale) à l’origine inévitablement d’une arthrose.

Il s’agit d’une anomalie héréditaire, non congénitale, multifactorielle, qui entraîne une incapacité progressive de l’animal à se déplacer. Ce dernier présente alors une douleur à la manipulation des hanches, des difficultés à se relever, une démarche anormale, voire une boiterie des membres pelviens.

Bien que ces symptômes soient fortement évocateurs, seule la radiographie est diagnostique.

De plus, en raison du caractère héréditaire, il existe, depuis plusieurs années, un dépistage officiel dans certains clubs de race afin d’éradiquer cette maladie.

Cet article a pour objectif de présenter les techniques radiographiques de diagnostic de la dysplasie coxo-fémorale, ainsi que les conditions à respecter dans le cadre du dépistage officiel.

RADIOGRAPHIE CONVENTIONNELLE

La technique radiographique la plus utilisée et la plus ancienne, considérée comme conventionnelle en France, correspond à la vue ventro-dorsale des hanches en extension.

Pour cette incidence, l’animal est positionné en décubitus dorsal, les fémurs en extension et parallèles l’un à l’autre avec une rotation interne des grassets (photo 1).

Le centrage est réalisé sur le pubis, et le cadrage doit être suffisamment large pour rendre visibles les ailes iliaques et l’épiphyse proximale des tibias. Le bassin et la colonne vertébrale doivent être parfaitement de face, avec des foramens obturés, des ailes iliaques de mêmes taille et forme, et les processus transverses des vertèbres lombaires symétriques. Les fémurs doivent être parallèles entre eux et au rachis, avec les patelles au centre des condyles fémoraux (patelles au zénith). Pour obtenir ce cliché, une tranquillisation ou une anesthésie générale est souvent nécessaire.

Aucun élément (notamment la queue) ne doit être superposé aux articulations coxo-fémorales.

Une fois un cliché de bonne qualité obtenu, l’interprétation vise à détecter les anomalies de conformation des hanches et leurs conséquences (arthrose) (photo 2).

Tout d’abord, la conformation des articulations, des têtes et des cols fémoraux est examinée.

Une tête fémorale normale est régulièrement arrondie (hormis sur l’attache du ligament rond), bien différenciée du col. De plus, il existe un angle bien marqué entre le col et la diaphyse fémorale. Une tête d’aspect triangulaire ou aplatie est anormale, un angle trop ouvert ou un col fémoral très court également.

La forme des acétabulums doit être étudiée pour s’assurer qu’ils sont bien creusés, non aplatis, et pour estimer le recouvrement acétabulaire ainsi que la congruence articulaire.

Le recouvrement acétabulaire s’évalue en assimilant la tête fémorale à un disque sur lequel se superpose l’acétabulum délimité par sa lèvre dorsale (photo 3). Un recouvrement inférieur à 50 % (c’est-à-dire lorsque le centre de la tête fémorale est situé latéralement au bord dorsal de l’acétabulum) est considéré comme un signe de dysplasie.

La congruence articulaire correspond au parallélisme de la surface de la tête fémorale avec les bords internes de l’acétabulum. L’interligne articulaire ne doit pas présenter de pincement, de forme en croissant, ni être très élargie avec le centre de la tête qui s’éloigne du centre de l’acétabulum, ce qui révèle une subluxation, voire une luxation complète (photo 4).

Pour déterminer de manière objective cette subluxation, l’angle de Norberg-Olsson est calculé. Il s’agit de l’angle formé par l’entrecroisement de la droite passant par les centres des têtes fémorales et la droite qui relie le centre de la tête fémorale et l’extrémité cranio-latérale de la lèvre acétabulaire dorsale. Pour le mesurer, les centres des têtes fémorales doivent être déterminés précisément à l’aide d’un coxomètre (règle qui comporte différents cercles destinés à s’ajuster sur la tête fémorale pour en trouver le centre). Une hanche normale présente un angle supérieur à 105°. Un angle inférieur à 105° correspond à une subluxation plus ou moins importante. Cette valeur ne peut être utilisée seule car certains chiens présentent un angle inférieur sans être atteint de dysplasie. Il convient donc de prendre en compte les différents critères de conformation.

Dans un second temps, l’analyse de la radiographie passe par la recherche des lésions dégénératives dues à la dysplasie et des signes d’arthrose. Un des premiers symptômes visibles est la ligne de Morgan, dépôt d’enthésophytes au niveau de l’insertion de la capsule articulaire sur le col fémoral. Une sclérose sous-chondrale de la tête fémorale et de l’acétabulum est aussi recherchée, notamment de son bord cranial, ainsi que d’autres ostéophytes localisés aux bords des acétabulums, aux têtes et aux cols fémoraux.

Ainsi, en prenant en compte l’ensemble de ces critères radiographiques, il est aisé de diagnostiquer une dysplasie des hanches.

Cependant, la radiographie conventionnelle permet d’observer seulement les anomalies osseuses tardives, qui apparaissent en moyenne vers 6 mois, parfois même au-delà de 2 ans. De plus, l’extension des hanches, réalisée lors de la radiographie conventionnelle, provoque une torsion des fibres de la capsule articulaire qui entraîne un raccourcissement de la capsule à l’origine d’une réintégration artéfactuelle de la tête fémorale dans l’acétabulum. La laxité ligamentaire, définition même de la dysplasie, peut alors être masquée.

Le diagnostic précoce devrait passer par la détection des premières lésions : une augmentation du volume synovial, une hypertrophie ligamentaire, une abrasion des cartilages. Seule l’anatomopathologie permet cette mise en évidence, mais elle n’est pas réalisable en pratique courante. Cependant, certaines techniques radiographiques révèlent précocement la laxité ligamentaire, qui est l’anomalie initiale.

AUTRES TECHNIQUES RADIOGRAPHIQUES

Les autres techniques radiographiques sont fondées sur le même principe : appliquer une force sur l’articulation afin de provoquer la subluxation et de mettre en évidence la laxité articulaire. Elles créent une distraction de l’articulation.

Les deux procédures les plus connues sont la technique de Flückiger et la méthode PennHIPP. La première consiste à positionner le chien en décubitus dorsal avec les fémurs parallèles formant un angle de 60° avec le bassin, puis à appliquer une pression cranio-dorsale en utilisant les tibias comme leviers.

La méthode PennHIPP se rapproche de la radiographie conventionnelle. Le chien est en décubitus dorsal, les hanches en extension. Un système mécanique est placé entre les fémurs pour que, lorsque le manipulateur impose une abduction des grassets, un écartement des têtes fémorales en découle. L’utilisation de l’appareil nécessite une formation payante et les clichés obtenus sont obligatoirement traités par un lecteur aux États-Unis. Ce procédé est la base du dépistage officiel par la Orthopedic Foundation for Animals (OFA), aux États-Unis.

Ces deux types de radiographies permettent d’objectiver la laxité de l’articulation coxo-fémorale en mesurant un indice de distraction, ou indice de subluxation (rapport de la distance entre le centre de la tête fémorale et celui de l’acétabulum sur le rayon de la tête fémorale). Plus il est élevé, plus la laxité est importante. Au-delà de 1, il correspond à la luxation de l’articulation. Certaines études indiquent 0,3 comme valeur limite entre un chien sain (inférieure à 0,3) et un chien dysplasique (supérieure à 0,3), notamment pour le golden retriever. Mais d’autres publications tendent à montrer que cette valeur dépend de la race et de l’âge du chien. D’autres essais sont donc requis pour déterminer une valeur limite fiable afin de dépister les animaux atteints et de les écarter de la reproduction.

RADIOGRAPHIE OFFICIELLE DE DÉPISTAGE

Un dépistage officiel de la dysplasie coxo-fémorale a été mis en place dans une cinquantaine de clubs de race afin d’éradiquer cette maladie. Il utilise la radiographie conventionnelle, et s’accompagne de règles strictes de mise en œuvre.

Pour conseiller les éleveurs dans ce dépistage, le vétérinaire se doit de connaître parfaitement les techniques de réalisation, les critères de qualité des clichés demandés, les obligations associées et le parcours des radiographies jusqu’au classement de l’animal.

Avant la réalisation des images, le vétérinaire vérifie que l’animal est suffisamment âgé, au moins 12 mois pour la majorité des races, mais au moins 18 mois pour les chiens de races de taille géante (encadré 1). L’animal doit également être identifié (tatouage lisible sans ambiguïté et/ou puce électronique fonctionnelle).

Depuis juillet 2007, une sédation ou une anesthésie générale est obligatoire pour la réalisation des radiographies. Elle facilite l’obtention d’un cliché de bonne qualité, selon la technique d’incidence ventro-dorsale avec les hanches en extension, comme pour la radiographie conventionnelle, et optimise, malgré le placement non adapté, la détection d’une éventuelle anomalie de laxité ligamentaire en relâchant la tension musculaire du chien.

Les critères de qualité du cliché radiographique sont également ceux de la radiographie conventionnelle. Il convient de les respecter sous peine de se voir refuser l’interprétation de la radiographie par le lecteur officiel.

Un certain nombre d’informations doivent figurer de manière infalsifiable sur chacune des radiographies : nom du vétérinaire et numéro d’ordre, nom de la structure vétérinaire, date de prise des clichés, nom et affixe de l’animal, numéro du Livre des origines françaises (LOF), sexe, race, numéro d’identification et date de naissance de l’animal, latéralisation du cliché (encadré 2).

Une lettre datée et signée, attestant que l’identification de l’animal a été vérifiée et que les clichés ont été réalisés sous sédation ou anesthésie, est remise au propriétaire, avec ces derniers.

Certains clubs de race demandent également une photocopie de la carte d’identification et/ou du pedigree. Les propriétaires doivent se renseigner à ce propos auprès de leur club.

La radiographie ainsi obtenue, accompagnée de tous les renseignements nécessaires, de l’attestation du vétérinaire et des autres documents susceptibles d’être réclamés, est envoyée par le propriétaire à un lecteur officiel désigné par le club de race de l’animal. Chaque club possède un à trois lecteurs officiels. Certains lecteurs sont juges pour plusieurs races.

L’interprétation de la radiographie, qui prend en compte les critères précédemment cités, permet au lecteur de classer le chien selon la grille d’évaluation donnée par la Fédération cynologique internationale, en lui attribuant une lettre :

– A : aucun signe de dysplasie ;

– B : état sensiblement normal ;

– C : dysplasie légère ;

– D : dysplasie moyenne ;

– E : dysplasie sévère.

Les deux hanches sont jugées séparément, mais l’articulation coxo-fémorale estimée comme la plus dysplasique est à l’origine du classement de l’animal.

Il est hasardeux de vouloir donner une estimation du classement de l’animal aux propriétaires car la tolérance vis-à-vis des anomalies radiographiques est différente pour chaque race.

Chaque club de race définit ensuite les stades au sein desquels les animaux peuvent devenir reproducteurs. Dans la plupart des cas, seuls les individus classés A et B sont jugés aptes à la reproduction.

Conclusion

Le diagnostic de la dysplasie coxo-fémorale du chien nécessite une radiographie des hanches. Le plus souvent, une vue ventro-dorsale du bassin avec les membres pelviens en extension est réalisée, mais d’autres techniques existent, qui mettent en évidence plus notablement la laxité ligamentaire en créant une distraction de l’articulation. De nombreux essais sont en cours pour en étudier la fiabilité et, surtout, la capacité à dépister précocement la dysplasie afin d’écarter le plus tôt possible de la reproduction les animaux atteints. En France, le dépistage officiel est fondé sur la radiographie conventionnelle et soumet le vétérinaire à de nombreuses règles, qu’il doit connaître et appliquer. Ce dépistage existe depuis plusieurs années, mais n’a cependant pas réussi à éradiquer cette maladie héréditaire. D’autres moyens de dépistage sont à l’étude (échographie, scanner, IRM) pour, peut-être, le remplacer un jour.

Points forts

→ L’évaluation de la dysplasie tient compte de la conformation des articulations mais également de la présence de lésions dégénératives.

→ Trois méthodes de diagnostic sont disponibles : la radiographie conventionnelle la technique de Flückiger et la méthode PennHIPP.

→ Une certaine laxité ligamentaire peut être masquée lors de la réalisation de la radiographie conventionnelle par extension des hanches.

ENCADRÉ 1
Exemple des races chez lesquelles l’âge du dépistage radiographique de la dysplasie coxo-fémorale doit être de 18 mois minimum(1)

→ Berge Maremmo des Abruzzes.

→ Bullmastiff.

→ Dogue Allemand.

→ Dogue de Bordeaux.

→ Landseer.

→ Leonberg.

→ Mastiff.

→ Matin Napolitain.

→ Montagne des Pyrénées.

→ Saint Bernard.

→ Terre-Neuve.

(1) d’après le compte rendu du séminaire international de la Fédération cynologique internationale des 18 et 19 mars 2006.

ENCADRÉ 2
Eléments devant figurer sur les clichés de manière indélébile

→ Nom du vétérinaire et numéro d’ordre.

→ Nom de la structure vétérinaire.

→ Date de prise des clichés.

→ Nom et affixe de l’animal.

→ Numéro de LOF.

→ Sexe.

→ Race.

→ Identification de l’animal.

→ Date de naissance.

→ Latéralisation.

LOF : Livre des origines françaises.

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