Carence en zinc chez un bouc - Le Point Vétérinaire expert rural n° 313 du 01/03/2011
Le Point Vétérinaire expert rural n° 313 du 01/03/2011

ALIMENTATION DES CAPRINS

Cas clinique

Auteur(s) : Anne-Claire Legendre*, Bruno Polack**, René Chermette***, Karim Adjou****

Fonctions :
*Hospitalisation des grands animaux, Secteur ruminants
**Unité de parasitologie et dermatologie,
École nationale vétérinaire d’Alfort, 94704 Maisons-Alfort Cedex, France
***Unité de parasitologie et dermatologie,
École nationale vétérinaire d’Alfort, 94704 Maisons-Alfort Cedex, France
****Hospitalisation des grands animaux, Secteur ruminants

La carence en zinc se traduit par des signes cliniques caractéristiques. Peu recherchée, cette déficience est le plus souvent mise en évidence par un diagnostic thérapeutique.

Un bouc de race poitevine âgé de 9 mois est présenté à l’ENV d’Alfort (ENVA) pour un retard de croissance.

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse

Le bouc a été hospitalisé chez son vétérinaire traitant 2 mois auparavant pour une anémie dont la cause n’avait alors pas été déterminée. L’animal a été vermifugé avec de l’oxfendazole (Synanthic®), puis à deux reprises avec du fenbendazole (Panacur®) respectivement 2 mois, 1 mois puis 1 semaine avant son admission au service des hospitalisations des grands animaux de l’ENVA. La ration du bouc est identique à celle des chèvres (foin, concentrés et compléments minéraux riches en calcium et en phosphore).

2. Examen clinique

Le jour de son entrée dans les locaux, l’animal présente un retard de croissance important ainsi qu’une maigreur associée. Sa température rectale est de 38,4 °C, sa fréquence cardiaque de 96 battements par minute et sa fréquence respiratoire de 30 mouvements par minute. Des muqueuses bien roses et un pouls frappé et synchrone sont notés. L’examen de l’appareil respiratoire ne révèle aucune anomalie. L’animal a conservé son appétit pour le foin et les granulés, et présente une motricité digestive et des crottins normaux.

En revanche, une alopécie tronculaire symétrique non prurigineuse associée à un important squamosis est constatée (photo 1). Des stries sont également observées à la base des cornes (photo 2). Ces signes dermatologiques évoquent fortement une carence en zinc. Les testicules sont de petite taille, ce que la littérature décrit dans ce cas. La bibliographie rapporte également une maigreur ainsi qu’un retard de croissance dans ce type de carence [4, 6].

3. Hypothèses diagnostiques

Un retard de croissance domine le tableau clinique, avec un amaigrissement associé à une alopécie non prurigineuse squameuse, signes caractéristiques d’une carence en zinc. Toutefois, face à une alopécie, les hypothèses parasitaire, fongique, bactérienne puis auto-immune ne peuvent être écartées avec certitude.

4. Examens complémentaires

Dermatologie

Afin d’infirmer les hypothèses parasitaire, fongique et bactérienne, un raclage cutané avec un examen direct et une culture fongique, ainsi qu’un calque cutané sont réalisés. Tous ces examens reviennent négatifs du laboratoire.

Biochimie

L’analyse biochimique est effectuée afin d’évaluer les éventuelles conséquences d’une carence en cuivre. Elle n’a révélé aucune anomalie (tableau 1).

Numération et formule sanguines

Les numération et formule sanguines sont réalisées afin de déterminer une éventuelle anémie consécutive à une carence en fer ou en cuivre. Elles ne détectent aucune anomalie et permettent d’éliminer les hypothèses de carences en fer et en cuivre (tableau 2).

Dosage du zinc plasmatique

Le dosage du zinc montre une valeur de 9,9 µmol/l, dont les normes se situent entre 12 et 18 µmol/l. Une carence en zinc est donc mise en évidence.

5. Diagnostic

L’examen clinique (état kérato-séborrhéique, stries sur les cornes, alopécie non prurigineuse), associé à une valeur diminuée du zinc plasmatique confirme la présence d’une carence en zinc.

6. Pronostic

Le pronostic est favorable. En effet, la repousse des poils, la disparition du squamosis et une repousse normale des cornes peuvent être attendues dans les 6 mois dans le cas où la carence ne proviendrait pas d’un défaut d’absorption héréditaire [4]. L’excès de calcium dans la ration semble à l’origine du développement de la carence en zinc. Le bouc reçoit en effet la même que les chèvres en lactation [9].

7. Traitement

Une complémentation en zinc a été réalisée avec 20 mg/j de zinc (Ipaligo veau®) pendant une semaine puis une fois par semaine pendant un mois. L’animal ayant dans son historique une hospitalisation pour anémie, la spécialité choisie est également enrichie en fer, en cuivre, en sélénium et en vitamines afin de prévenir d’autres carences.

8. Suivi

Un suivi téléphonique à 15 jours a été effectué. Les propriétaires rapportent une reprise de poids et un début de repousse du poil, ainsi qu’une diminution du squamosis. Le suivi téléphonique à 6 mois nous informe d’une repousse complète du poil. L’animal a retrouvé un bon état général et il a également pu saillir.

DISCUSSION

1. Causes d’une carence en zinc

L’intestin grêle absorbe le zinc grâce à un transporteur protéique, en fonction des besoins de l’animal. En raison d’un faible stockage du zinc, un défaut d’apport engendre très rapidement une carence susceptible de s’accompagner de signes cliniques. L’apport recommandé en zinc correspond à une dose de 50 ppm par jour.

Alimentation

Lors d’un cas isolé, le dosage du zinc dans la ration ne reflète pas forcément ce qui est ingéré par l’animal. Même lorsque l’apport en zinc semble suffisant, un déséquilibre en oligo-éléments peut provoquer une carence. De plus, des chèvres nourries avec du fourrage cultivé sur des sols traités avec un excès de calcium et de phosphore développent une carence en zinc doublée de signes cliniques associés [9]. Le bouc reçoit la même alimentation que les chèvres de la ferme pédagogique, nourriture pour chèvre en lactation probablement riche en calcium. L’absence d’analyse de la ration et de dosage de la concentration plasmatique en zinc des chèvres est regrettable. Cependant, l’absence de signes cliniques chez ces dernières n’a pas encouragé les propriétaires à réaliser ces examens. Bien que la présence d’un cas isolé ne soit pas en faveur d’un problème de ration, des études ont montré que, à ration identique, les symptômes de carence en zinc ne sont pas toujours exprimés par les animaux de la même façon [6].

Malabsorption

Cependant, lors de cas cliniques de carence en zinc isolés dans un troupeau, avec une ration équilibrée en minéraux et apportant suffisamment de zinc, une malabsorption de ce dernier doit être suspectée. Une inflammation intestinale ou un processus tumoral peuvent provoquer celle-ci. Les signes de carence en zinc sont alors souvent liés à d’autres symptômes de malabsorption comme une hypoprotéinémie [12]. Toutefois, des malabsorptions du zinc uniquement, héréditaires, sont décrites chez le malamute, le husky, ainsi que chez des veaux holstein, simmental et angus [2, 4]. Deux cas de malabsorption du zinc non associée à un syndrome de malabsorption ont été décrits avec une forte suspicion de composante héréditaire [3].

2. Outils diagnostiques disponibles

Suspicion

La suspicion d’une carence en zinc repose avant tout sur des signes cliniques. Ces derniers sont similaires chez les ruminants et les carnivores domestiques. Une alopécie tronculaire, d’abord non prurigineuse, mais qui peut le devenir en cas de surinfection bactérienne, une hyperkératose, une hypoplasie testiculaire chez les mâles, un retard de croissance chez les jeunes ainsi que des stries sur les cornes sont notés [3, 5, 6, 8, 13]. Les signes peuvent toucher tout le troupeau lors de carence d’origine alimentaire ou bien des individus isolés en cas de trouble de l’absorption du zinc. Une fois l’hypothèse établie, plusieurs possibilités s’offrent au clinicien, et écarter une dermatose d’origine parasitaire ou bactérienne peut se révéler utile. En effet, les carences en zinc engendrent parfois des déficits immunitaires favorisant ce genre d’affection et l’administration de zinc n’offre alors pas la guérison totale de l’animal [2]. Dans ce cas, un raclage cutané avec examen direct, un calque cutané, ainsi qu’une culture fongique permettent d’écarter les principales maladies parasitaires et bactériennes [4, 5, 8, 13].

Confirmation

Plusieurs outils sont ensuite mis à la disposition du praticien pour confirmer une carence en zinc.

→ La méthode la plus utilisée en médecine humaine est le dosage du zinc plasmatique. Toutefois, elle manque de spécificité et de sensibilité. En effet, de nombreux mécanismes homéostatiques contrôlent le taux plasmatique de zinc et peuvent influencer sa valeur. Chez les petits ruminants, à ration égale, les mâles possèdent un taux plasmatique de zinc plus élevé que celui des femelles. L’âge, le stress, l’administration de glucocorticoïdes, une inflammation intestinale, un processus néoplasique, un taux de protéines plasmatiques diminué ou encore la production laitière sont autant de facteurs qui influent également sur le taux plasmatique de zinc [1, 3]. Les résultats doivent toujours être interprétés avec précaution et en tenant compte de la clinique (encadré). Dans le cas présenté ici, cette méthode a permis de confirmer la carence en zinc du bouc.

→ La biopsie cutanée montre une dermatite hyperplasique périvasculaire superficielle associée à une hyperkératose folliculaire diffuse, caractéristiques d’une carence en zinc [6]. Toutefois, ces lésions peuvent également être retrouvées lors de folliculite à staphylocoques, de dermatose à médiation immune ou encore d’érythème nécrolytique migratoire.

→ D’autres méthodes sont décrites en médecine humaine ou en médecine des carnivores domestiques pour confirmer une suspicion de carence en zinc, comme le dosage du zinc dans les phanères [11]. Cependant, un important recouvrement entre les valeurs physiologiques et les valeurs observées chez les animaux carencés est remarqué [3, 10]. L’évaluation de l’activité d’enzymes zinc-dépendantes serait possible, mais ces techniques sont onéreuses et très peu étudiées pour les petits ruminants.

Ainsi, bien souvent, le diagnostic est thérapeutique.

3. Traitement

Carences d’apport

Le traitement repose sur l’administration de zinc per os dans le cas des carences d’apport, à raison de 200 à 300 ppm pendant 10 à 20 jours. Les signes cliniques disparaissent rapidement et de façon durable si la ration apporte suffisamment de zinc par la suite. Différentes préparations existent à la disposition du praticien. L’idéal revient à trouver des préparations contenant le moins de cuivre ou de fer possible car ces derniers inhibent l’absorption du zinc. De nombreuses études ont été réalisées chez les bovins et les ovins sur la biodisponibilité de l’oxyde de zinc et du sulfate de zinc, qui démontrent soit une meilleure biodisponibilité du sulfate de zinc, soit aucune différence [4]. Le seul essai chez la chèvre ne montre aucune différence entre les formes organique et non organique de zinc. Il met également en évidence que, quelle que soit la forme de zinc utilisée, la teneur du lait pour cet élément ne varie pas [7].

Carences d’absorption

Lors de carence d’absorption, le traitement per os est souvent insuffisant et des rechutes sont observées. L’administration de zinc métal par voie parentérale est alors conseillée : 60 à 300 mg sont la plupart du temps suffisants pour obtenir une disparition rapide et durable des symptômes [3, 7, 8].

Conclusion

Le diagnostic d’une carence en zinc est avant tout clinique. Le dosage du zinc plasmatique constitue un examen complémentaire intéressant car il est facile à réaliser et peu onéreux. La découverte d’un cas isolé doit cependant amener le vétérinaire à proposer une analyse de la ration. L’expression clinique d’une déficience chez un animal peut alors permettre la mise en évidence d’une carence non exprimée chez tous les individus du cheptel. La complémentation obtenant de très bons résultats lors de carence d’apport, l’éleveur peut rapidement voir ses performances de troupeau améliorées.

Références

  • 1. Ahmed MM, Hamed TF, Barri ME. Variation of zinc and copper concentrations in the plasma of nubian goats according to physiological state. Small Ruminant Res. 2001;39(2):189-193.
  • 2. Colombini S. Canine zinc-responsive dermatosis. Vet. Clin. North Small Anim. Pract. 1999;29(6):1373-1383.
  • 3. Cummings JE, Kovacic JP. The ubiquitous role of zinc in health and disease. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2009;19(3):215-240.
  • 4. Krameter-Froetscher R, Hauseur S, Baumgartner W. Zinc-responsive dermatosis in goats suggestive of hereditary malabsorption : two field case. Vet. Dermatol . 2005;16:269-275.
  • 5. Mullowney PC, Baldwin EW. Skin diseases of goats. Vet. Clin. North Am. Large Anim. Pract. 1984;6(1):143-151.
  • 6. Nelson DR, Wolff WA, Blodgett DJ et coll. Zinc deficiency in sheep and goats : Three field cases. J. Am.Vet. Med. Assoc. 1984;184(12):1480-1485.
  • 7. Pechova A, Misurova L, Pavlata L et coll. The influence of supplementation of different forms of zinc in goats on the zinc concentration in blood plasma and milk. Biol. Trace Elem. Res. Mai 2009;5.
  • 8. Randon M. Dermatologie caprine : données actualisées. Thèse de doctorat vétérinaire, Lyon. Octobre 2004.
  • 9. Ray SK, Roychoudhury R, Bandopadhyay SK et coll. Studies on “Zinc deficiency syndrome” in black bengal goats (capra hircus) fed with fodder (andropogon gayanus) grown on soil treated with an excess of calcium and phosphorus fertilizer. Vet. Res. Commun. 1997;21(8):541-546.
  • 10. Scott DW. Large animal dermatology. WB Saunders Company. 1988:487p.
  • 11. Van den Broek AH, Stafford WL. Diagnostic value of zinc concentrations in serum, leucocytes and hair of dogs with zinc-responsive dermatosis. Res. Vet. Sci. 1988;44(1):41-44.
  • 12. Vergnat M, Suzanne J, Entraygues H et coll. Cutaneous manifestations of malabsorption diseases. Ann. Dermatol. Venereol. 1978;105(2):1009-1016.
  • 13. Weismann K, Hoyer H. Zinc deficiency dermatoses. Etiology, clinical aspects and treatment. Hautarzt. 1982;33:405-410.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Point Vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr