PROPHYLAXIE BOVINE
Étude
Auteur(s) : Jean-Louis Moyen*, Laure Brugère**, Sandy Faye***, Maria-Laura Boschiroli****
Fonctions :
*Laboratoire départemental d’analyse et de recherche
161, avenue Winston-Churchill
24660 Coulounieix-Chamiers
**Laboratoire départemental d’analyse et de recherche
161, avenue Winston-Churchill
24660 Coulounieix-Chamiers
***Laboratoire départemental d’analyse et de recherche
161, avenue Winston-Churchill
24660 Coulounieix-Chamiers
****Anses, Laboratoire de santé animale de Maisons-Alfort
23, avenue du Général-de-Gaulle
94706 Maisons-Alfort
Le test PCR est un très bon complément aux autres méthodes de diagnostic de la tuberculose utilisées actuellement, grâce à sa rapidité et ses bonnes sensibilité et spécificité.
La polymerase chain reaction (PCR) a progressivement trouvé une place importante dans le diagnostic direct de la plupart des maladies infectieuses animales. Sa sensibilité, sa spécificité et sa rapidité en font un outil fiable et apprécié.
Dans le domaine des mycobactérioses, son utilisation s’est généralisée pour la paratuberculose.
Face à la recrudescence de cas de tuberculose bovine, utiliser un test PCR a permis de vérifier ses caractéristiques et son utilité en situation de terrain.
La France est officiellement indemne de tuberculose et la prévalence reste inférieure aux seuils communautaires lui permettant de conserver ce statut [7]. Cependant, quelques zones présentent une augmentation inquiétante du nombre de cas, ce qui justifie la mise en place de nouveaux schémas décisionnels adaptés pour la gestion sanitaire et s’appuyant sur les tests diagnostiques classiques (intra-dermo-tuberculinations, histologie et bactériologie) et les nouveaux tests, sur animal vivant (test à l’interféron Γ ou IFN-Γ) et post-mortem (PCR) [6, 9].
Mycobacterium bovis est recherché à partir de tissus à la suite d’une découverte fortuite de lésions à l’abattoir ou d’un abattage diagnostique.
La mise au point d’un test PCR rapide, spécifique et sensible est donc venue compléter le dispositif existant (encadré 1).
Un nombre extrêmement réduit de bacilles suffit à provoquer la réponse à médiation cellulaire. Parfois, en début d’infection, l’animal réagissant n’héberge que ces quelques bacilles dans un seul nœud lymphatique, et sans lésion visible à l’inspection d’abattoir ou même à la dissection fine (photo 1). La multiplication et le choix des nœuds lymphatiques prélevés, même en l’absence de lésion, améliorent donc fortement la sensibilité du dispositif, mais des animaux infectés continuent à ne pas être confirmés. Ces derniers peuvent cependant être excréteurs et leur abattage est donc utile [8].
Cela explique l’absence de lésions visibles chez plus de 50 % des animaux récemment infectés et réagissant aux tests tuberculiniques (figure 1) [3]. Cette caractéristique associée à la très faible prévalence de la majorité des cheptels infectés en élevage traditionnel a conduit à la non-détection de certains foyers. L’utilisation du test IFN-Γ permet un diagnostic plus précoce ce qui augmente encore la proportion d’animaux abattus non porteurs de lésions [2].
Ce faible taux de confirmation des lésions sur les animaux abattus à la suite d’une réaction positive IDS ou IFN-? est souvent attribué à des tests faussement positifs alors même que les animaux seraient réellement infectés [3, 4, 11, 14].
L’utilisation large de la PCR n’a été rendue possible que par la validation des principes techniques, de la méthode de traitement de l’échantillon et d’une étude comparative entre les différentes techniques diagnostiques sur des échantillons terrain.
La PCR groupe tuberculosis (Taqvet Mycobacterium tuberculosis complex LSI®) détecte la présence de la séquence d’insertion IS6110 commune à l’ensemble du complexe tuberculosis (MTBC) (encadré 2).
Sa sensibilité analytique a été testée vis-à-vis des souches MTBC(2) (liste d’inclusion) et sa spécificité analytique vis-à-vis de bactéries pouvant interférer (liste d’exclusion). La liste d’exclusion reprend les micro-organismes qui pourraient provoquer une réaction PCR faussement positive (principalement des bactéries possiblement à l’origine de lésions chez les bovins, bactéries d’environnement trouvées sur les prélèvements et bactéries ayant dans leur génome une séquence d’insertion proche de la cible détectée par le test PCR, dans le cas présent la séquence d’insertion IS6110).
Sa limite de détection a également été évaluée.
Cette première étape validée, la méthode de préparation de l’échantillon a été adaptée pour assurer une sensibilité méthode optimale (encadré 3 complémentaire sur www.WK-Vet.fr). Une partie du broyat est traitée pour la PCR, l’autre pour la bactériologie. Cela limite au minimum le biais d’échantillonnage et permet donc de mieux -comparer les techniques. Un broyage complémentaire est ensuite réalisé. Une problématique proche de celle de la paratuberculose est retrouvée (amas de mycobactéries distribués de façon hétérogène et parfois en quantité très faible). Cette étape est donc essentielle pour garantir la sensibilité du test [5, 10, 12, 15].
Des études de terrain ont été mises en place pour valider les caractéristiques opérationnelles du test :
– étude A de sensibilité comparative entre la bactériologie, l’histologie et la PCR sur différents nœuds lymphatiques provenant de 67 bovins infectés porteurs de lésions et issus de cheptels déclarés infectés ;
– étude B de sensibilité comparative entre la PCR et la culture sur plus de 2 090 bovins abattus (plus de 5 000 nœuds lymphatiques) avec ou sans lésion, dont 219 ont été reconnus infectés ;
– étude C de spécificité opérationnelle sur 38 animaux porteurs de lésions évocatrices mais non infectés par MTBC ;
– étude D de spécificité opérationnelle sur 68 animaux porteurs de bactéries n’appartenant pas au groupe MTBC.
Les analyses histologiques réalisées sur des prélèvements formolés ont été effectuées soit par le LDA22 (Ploufragan), soit à VetAgro Sup Lyon.
La culture a été réalisée selon la méthode NF U 47-104 (accréditée) au laboratoire départemental d’analyse et de recherche de Dordogne (LDAR 24).
La PCR a été réalisée à partir du même broyat que la culture, pour obtenir les échantillons les plus homogènes possible, et après broyage en microbilles, digestion et extraction sur colonnes au LDAR 24.
Les confirmations et le génotypage sont effectués au laboratoire national de référence (Anses).
Les sensibilités respectives des techniques obtenues dans l’étude A sont de 88 % pour l’histologie, 87 % pour la PCR et 82 % pour la culture (incertitude +/– 10 %) (tableau 1 et tableau 2 complémentaire sur www.WK-Vet.fr).
L’étude B, de sensibilité terrain portant sur des animaux avec ou sans lésion, a permis de mettre en évidence 219 animaux infectés(3) en utilisant la PCR et la bactériologie sur 5 283 nœuds lymphatiques (figure 2). Cet essai montre que, dans les deux groupes, la PCR a apporté un gain de sensibilité (10 % d’animaux supplémentaires détectés en utilisant les deux techniques au lieu de la seule culture) (figure 3).
L’étude C donne 100 % de spécificité pour la culture, méthode de référence, 77 % pour l’histologie et 97 % pour la PCR.
Ces résultats doivent cependant être pondérés car l’animal positif en PCR l’a également été avec la technique histologique la plus spécifique (mise en évidence de bacilles acido-alcoolo-résistants [BAAR]) et est a posteriori considéré comme infecté (photo 2). Ainsi, la spécificité de la PCR serait aussi de 100 %.
En histologie, le recours à l’immunohistochimie améliore la sensibilité, mais la spécificité serait moins bonne.
L’étude D qui porte sur les tissus de bovins ayant permis l’identification de bactéries n’appartenant pas au groupe MTBC ne donne aucun résultat positif en PCR. La spécificité est ainsi dans cet essai de 100 %.
La spécificité de la PCR est considérée comme parfaite au vu des résultats des études (spécificité analytique, spécificité opérationnelle des études C et D) et des confirmations de PCR positives réalisées à l’Anses.
La très bonne sensibilité de la PCR permet de détecter plus d’animaux infectés que la culture seule.
La très bonne sensibilité de la PCR associée à l’histologie permettrait d’obtenir une très bonne valeur prédictive négative lorsque ces deux analyses fournissent un résultat négatif en milieu faiblement infecté. Ces deux premiers résultats sont rendus sous environ 10 jours. Obtenir une culture positive après 3 mois alors que les deux premiers tests sont négatifs est en effet très rare. Cette information est utile pour les services vétérinaires et rassurante pour les éleveurs.
La PCR participe à l’amélioration globale du dépistage en prophylaxie comme en abattoir. Cette amélioration a contribué à rendre possible, sous des conditions strictes, le recours en abattage partiel dans les départements de la Côte-d’Or et de la Dordogne.
La sensibilité accrue des contrôles en abattoir incluant l’analyse systématique par PCR et la culture des nœuds lymphatiques sans lésion permet également d’améliorer fortement le taux de confirmation des suspicions à la suite de la prophylaxie (IDS et IDC ou IFN-Γ).
Cela participe donc à une meilleure détection des foyers et redonne de la crédibilité aux dépistages en prophylaxie et à leurs acteurs sur le terrain. Un taux de confirmation de l’infection de 40 % a été obtenu à la suite d’un test IFN-Γ positif pour la campagne de prophylaxie réalisée en Dordogne en 2009-2010. Ce taux, excellent, s’explique par le gain de spécificité apporté par l’usage de l’IFN-Γ en confirmation des IDS positives et par le gain de sensibilité des contrôles directs (bactériologie + PCR) après abattage diagnostique. Il est également lié à la prévalence de l’infection et n’est donc pas transposable systématiquement à d’autres contextes.
En théorie des réactions croisées existent (M. microti, membre du groupe tuberculosis ou M. xenopi, porteur d’une séquence d’insertion de type IS6110), mais elles n’ont pas été rencontrées chez les bovins au cours de cette étude. La distinction peut alors être effectuée par d’autres tests au laboratoire national de référence.
La culture reste toutefois indispensable pour suivre avec précision les souches et réaliser les enquêtes épidémiologiques. Les typages moléculaires à partir des extractions réalisées pour la PCR sur organe peuvent également être effectués, mais de façon limitée car ces extraits sont moins concentrés que ceux obtenus à partir des cultures.
Pour prendre en compte les difficultés de mise en évidence des bacilles en début d’infection (animaux sans lésion), il a été décidé en Dordogne et en Côte-d’Or d’analyser systématiquement par bactériologie et PCR trois nœuds lymphatiques lors des abattages diagnostiques des animaux ne présentant pas de lésion. Ce dispositif a également été retenu pour tous les abattages partiels qui interviennent dans ces deux départements à titre expérimental en dérogation à l’abattage total. Ils s’appuient sur des contrôles renforcés, une expertise préalable des cheptels par la direction départementale de la protection des populations (DDPP), le recours aux tests IFN-Γ et IDS de façon répétée et un contrôle systématique de tous les bovins abattus.
Cette PCR est également utilisée pour l’analyse des prélèvements de la faune sauvage (photos 3 et 4). Dans cette utilisation, le nombre encore réduit de tests réalisés ne permet pas d’avoir une évaluation aussi précise de ses caractéristiques. Une perte de sensibilité sur certaines espèces et, par ailleurs, des résultats faux positifs par détection de M. microti, agent de la tuberculose de rongeurs peuvent être redoutés dans certains cas. Ce cas n’a cependant pas encore été rencontré, mais justifie le recours à d’autres tests de confirmation.
Cette PCR a été utilisée sur un nombre réduit de carnivores domestiques. Deux chats ont été trouvés positifs au LDAR24, infection confirmée par la suite par culture et typage au laboratoire national de référence.
L’impact éventuel de M. microti ne peut être éliminé, de même qu’une tuberculose à M. tuberculosis. Il convient donc de confirmer impérativement ce test, de première intention, au laboratoire national de référence. Son emploi permet en revanche d’apporter une information complémentaire très rapide.
Cette technique PCR est également utilisée au laboratoire pour le contrôle de l’environnement des analyses (contrôle systématique de la non-contamination de l’environnement de travail lors des manipulations).
Son utilisation requiert les mêmes mesures de sécurité que la culture car plusieurs étapes sont potentiellement génératrices d’aérosols.
Les très bons résultats obtenus sur le terrain grâce au test PCR Taqvet MTBC® (LSI) ont permis de l’utiliser en confiance et d’en intégrer l’emploi dans les textes réglementaires(4).
La complexité de cette analyse, la classe de l’agent infectieux et l’importance des répercussions des résultats requièrent cependant un bon entraînement des équipes techniques pour obtenir des résultats optimaux. La prise d’essai et le traitement de l’échantillon sont deux étapes critiques pour obtenir une sensibilité optimale.
La reproductibilité des analyses sur des nœuds lymphatiques présentant des lésions est excellente. Lorsque la charge bactérienne est très faible la reproductibilité est moins bonne. Cela est dû à la prise d’essai qui peut contenir ou non les bactéries. Ce phénomène est également observé pour la bactériologie. De la même manière les extraits d’ADN très faiblement concentrés sont moins répétables. Ce point est pris en compte dans l’étude de spécificité analytique de la PCR.
(1) Taqvet Mycobacterium tuberculosis complex LSI®.
(2) À l’exception de M. canetti, non disponible et cause rarissime de tuberculose humaine.
(3) Le statut infecté dans cette étude est caractérisé par une PCR ou une bactériologie positive.
(4) Arrêté du 19 août 2009 modifiant l’arrêté du 15 septembre 2003 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la tuberculose des bovins et des caprins.
OBJECTIFS
→ Tester la sensibilité et la spécificité de la PCR pour le diagnostic de la tuberculose bovine.
→ Déterminer si la PCR peut compléter les autres méthodes de diagnostic de l’infection.
MATÉRIEL ET MÉTHODE : 4 ÉTUDES DE TERRAIN
→ Étude A de sensibilité comparative entre culture, histologie et PCR sur 67 bovins porteurs de lésions.
→ Étude B de sensibilité comparative entre culture et PCR sur 2 090 bovins avec ou sans lésions.
→ Étude C de spécificité sur 38 bovins non infectés porteurs de lésions.
→ Étude D de spécificité sur 68 bovins porteurs de bactéries n’appartenant pas au complexe tuberculosis.
RÉSULTATS
→ La sensibilité de la PCR est de 87 % dans la population connue infectée (animaux à lésion).
→ Elle augmente la sensibilité de 10 % par rapport à la culture seule.
→ Sa spécificité pratique est de 100 % chez les bovins.
Les méthodes utilisées avant l’introduction de la PCR étaient l’histologie et la bactériologie.
→ L’histologie est une méthode sensible et rapide. Sa spécificité n’est cependant pas parfaite, ce qui ne permet pas de l’utiliser comme seul outil lors de découverte d’abattoir et impose l’attente du résultat de la culture. En cas d’abattage diagnostique à la suite d’une intra-dermo-réaction comparative (IDC) positive, une histologie positive suffit à déclarer l’infection, mais cela engendre des contestations surtout en zone “indemne de tuberculose”. Il a été en effet également démontré que certaines IDC sont parfois faussement positives à la suite de réactions à des mycobactéries non tuberculeuses (M. non chromogenicum par exemple).
→ La culture, méthode assez sensible, à la spécificité parfaite, permet tous les tests de typage moléculaire, mais présente l’inconvénient majeur de requérir un délai très long (2 à 4 mois avec la confirmation).
→ M. bovis
→ M. tuberculosis
→ M. microti
→ M. caparæ
→ M. pinnipedii
→ M. africanum
→ M. canetti
Le test PCR est rapide (48 heures). Associé à l’examen histologique, il permet de disposer très vite d’indicateurs utiles pour évaluer la probabilité de l’infection du bovin testé.
→ Dans les études réalisées, il montre une sensibilité de 87 % et une spécificité de 100 %.
→ Il permet d’augmenter le nombre d’animaux infectés détectés lors de découvertes fortuites en abattoir ou d’abattages diagnostiques.
→ Il a une bonne sensibilité sur les animaux sans lésion visible.
→ Il peut être utilisé pour la faune sauvage et les carnivores, en complément d’autres tests.
→ La culture reste indispensable pour réaliser le génotypage de souches de M. bovis et compléter les enquêtes épidémiologiques classiques.
– Anses, laboratoire national de référence de la tuberculose bovine, notamment à Bruno Garin-Bastuji ;
– LSI, développement technique du kit, à Eric Sellal, à Sandrine Moine-Bouley, à Lise Rieger ;
– ENV d’Alfort, au professeur Jean-Jacques Bénet ;
– Feder, financement par la communauté européenne ;
– LDCO, à Eric Gueneau ;
– LDA22, à Hervé Morvan ;
– VetAgro Sup, à Patrick Belli pour l’histologie ;
– DDCSPP 24 et DDPP 21.
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