Conduite à tenir lors d’avortements attribuables à la fièvre Q - Le Point Vétérinaire expert rural n° 311 du 01/12/2010
Le Point Vétérinaire expert rural n° 311 du 01/12/2010

MALADIES INFECTIEUSES DES BOVINS

Questions Réponses

Auteur(s) : Raphaël Guatteo*, Alain Joly**, Anne-Frieda Taurel***, François Beaudeau****

Fonctions :
*École nationale vétérinaire,
de l’agroalimentaire et de l’alimentation
Nantes Atlantique-Oniris
UMR Oniris – Inra 1300 BioEpAR
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 3
**École nationale vétérinaire,
de l’agroalimentaire et de l’alimentation
Nantes Atlantique-Oniris
UMR Oniris – Inra 1300 BioEpAR
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 3
***École nationale vétérinaire,
de l’agroalimentaire et de l’alimentation
Nantes Atlantique-Oniris
UMR Oniris – Inra 1300 BioEpAR
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 3
****École nationale vétérinaire,
de l’agroalimentaire et de l’alimentation
Nantes Atlantique-Oniris
UMR Oniris – Inra 1300 BioEpAR
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 3

La vaccination du prétroupeau et des mesures hygiéniques simples préviennent la transmission de Coxiella burnetii au sein des troupeaux bovins atteints de fièvre Q clinique.

COMMENT ÉTABLIR LE DIAGNOSTIC DE FIÈVRE Q ?

Il est conseillé de choisir la PCR (polymerase chain reaction) comme méthode de diagnostic [2, 9, 10, 16]. Elle peut être réalisée à partir des prélèvements suivants : placenta et/ou mucus vaginal et/ou prélèvement foetal (type contenu stomacal). Compte tenu de l’absence fréquente d’excrétion concomitante dans le lait et sur mucus vaginal, le prélèvement du seul lait de la vache ayant avorté pour la réalisation d’une PCR est contre-indiqué chez les bovins. De plus, de nombreux animaux sains excrètent Coxiella dans le lait. La matrice lait est donc à proscrire lors de diagnostic d’avortement, de même qu’un échantillon de lait de tank [14]. Pour les mêmes raisons, un résultat PCR positif sur lait de tank ne confirme pas l’implication de Coxielladans l’avortement, tout comme un résultat négatif n’écarte pas sa présence ni son rôle.

Les échantillons doivent être acheminés sous 24 à 48 heures, sous couvert du froid positif. Une étude récente conclut à un risque non négligeable de résultats faussement négatifs si l’analyse est différée par rapport au jour du prélèvement [13]. Lors de diagnostic d’avortement, ce risque de faux négatifs est plus faible car la charge bactérienne excrétée est généralement très élevée sur placenta ou mucus vaginal de vache ayant avorté. La sérologie présente un intérêt pour un diagnostic de troupeau si elle est appliquée sur un échantillon d’au moins 6 vaches suspectes, ayant avorté depuis au moins 3 semaines et/ou à problèmes de reproduction (métrites incurables). Un échantillon est composé de primipares et de multipares si possible [9, 14].

Le diagnostic de fièvre Q est établi ou non à l’aide des résultats des examens complémentaires, la PCR tranchant le plus souvent, notamment lors de la mise en évidence de forte charge bactérienne (ce qui correspond à des valeurs de Ct faibles en PCR temps réel, de l’ordre de 15 à 30).

Selon les résultats obtenus, une grille d’interprétation proposée par nos soins a été proposée par le groupe de travail Acersa (Association de certification en santé animale) (figure 1) [14].

QUELLES SONT LES MESURES MÉDICALES ENVISAGEABLES ?

En ce qui concerne le recours aux antibactériens, que ce soit chez les ovins ou les bovins, quatre études seulement ont étudié l’impact de traitements à base d’oxytétracyclines au tarissement principalement sur la prévention d’avortements et l’excrétion [3, 4, 5, 7]. Aucune étude n’a démontré à ce jour de bénéfice permettant de supporter ou conseiller un schéma posologique pertinent [17]. Toutefois, les études ont été menées dans des conditions parfois éloignées du terrain et sur un nombre restreint d’individus/troupeaux. Une étude multicentrique est actuellement en cours dans le Grand-Ouest sur plus de 120 élevages, afin d’évaluer la pertinence ou non de différentes modalités de traitement, notamment les différentes stratégies de traitement antibiotique. Les résultats seront disponibles courant 2012.

L’utilisation d’un vaccin composé de coxielles en phase I administré sur des ruminants (bovins, ovins, caprins) encore non infectés a démontré une très grande efficacité pour prévenir l’excrétion (risque de devenir excréteur divisé par cinq), et ce d’autant plus que la vaccination a été pratiquée avant la mise à la reproduction [8, 15]. Ces résultats obtenus dans 6 troupeaux bovins infectés confirment les excellents résultats obtenus en conditions expérimentales chez les caprins [1]. Les génisses représentent la cible prioritaire de la vaccination en raison de leur profil quasi systématiquement “sensible” à l’infection, résultats confirmés récemment sur un échantillon d’une centaine de troupeaux infectés [18]. La vaccination du reste du troupeau, à savoir les adultes, doit s’effectuer en fonction de l’étendue de l’infection au sein des vaches laitières. Afin d’estimer à moindre coût la prévalence de l’infection au sein du troupeau adulte laitier, un test Elisa peut être réalisé sur lait de tank. Plus le nombre de bovins séropositifs dans le troupeau est grand, plus la densité optique du test Elisa appliqué au lait de tank augmente. De manière semi-quantitative, pour des valeurs d’Elisa inférieures à 100 (soit < 2 croix), la prévalence intratroupeau est considérée comme faible à modérée et justifie le recours à la vaccination du troupeau adulte [18]. Un schéma de vaccination débuté sur les plus jeunes âgés de 36 mois et plus, permet donc de pratiquer le rappel annuel juste avant la mise à la reproduction, dans les conditions idéales pour une efficacité maximale.Le vaccin Coxevac® de phase I a obtenu son AMM bovins et caprins le 30 septembre 2010.

QUELLES SONT LES MESURES NON MÉDICALES ENVISAGEABLES ?

Peu de données s’avèrent disponibles pour les mesures non médicales. La majeure partie des recommandations (exemple des recommandations de l’Acersa) s’appuient sur le bon sens et la biologie de l’organisme (figure 2).

→ En raison de la potentielle excrétion fécale et de la grande résistance de Coxiella burnetiidans l’environnement, la litière doit être considérée comme une source de contamination [6, 11, 12, 17]. Or, actuellement, aucun modèle expérimental n’est disponible pour permettre d’évaluer l’efficacité de différentes substances susceptibles d’être mélangées à la litière afin d’inactiver Coxiella. Ainsi, la meilleure mesure de précaution reste de proscrire l’épandage de fumier par vent fort. Des résultats d’études récentes menées aux Pays-Bas semblent toutefois confirmer que les températures atteintes dans le fumier sont peu propices à la survie de Coxiella [17].

→ Du fait de l’excrétion massive de bactéries lors d’avortements et des vêlages (chez des vaches saines), une attention toute particulière doit être portée à la gestion/destruction des placentas. Dans le même ordre d’idée, un nettoyage/désinfection des cases de vêlage après chaque parturition est préconisé, sans favoriser un produit plutôt qu’un autre [17].

D’autres mesures correspondent à des facteurs identifiés comme associés à une éventuelle infection (versus ne pas contracter la maladie : facteur de risque d’occurrence) ou associés à un risque d’infection accru (séroprévalence plus forte versus séroprévalence moindre : facteur de risque de diffusion intratroupeau). Au sein de ces facteurs coexistent des pratiques ou caractéristiques de deux ordres.

→ Les caractéristiques et pratiques constitutives de l’élevage, difficilement modifiées/modifiables : la taille de troupeau élevée souvent décrite comme facteur à risque plus élevé, ou le regroupement des vêlages sur une saison resserrée (choix de l’éleveur).

→ Les pratiques à risque et modifiables, parmi lesquelles sont retrouvées principalement l’introduction de bovins et la gestion des cases de vêlage [18].

Les recommandations du groupe Acersa vont dans le même sens avec des mesures principalement orientées vers l’hygiène autour du vêlage, ainsi que sur la gestion des épandages.

Toutefois, l’efficacité de chacune de ces mesures ou de leur combinaison dans des troupeaux infectés et atteints cliniquement pour prévenir la transmission de l’agent reste inconnue à ce jour.

QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES RÉGLEMENTAIRES ?

Actuellement, la fièvre Q n’appartient pas aux maladies à déclaration obligatoire (Mado) en France (à l’inverse de nombreux pays). L’ensemble des experts français s’accordent pour ne pas la placer dans la liste des Mado afin d’éviter l’effet inverse de celui souhaité, provoqué par une sous-déclaration des avortements.

La seule réglementation relative à la fièvre Q concernait et concerne toujours la commercialisation du lait cru dans les élevages atteints cliniquement de fièvre Q. Ce dernier terme compte énormément parce que seuls les élevages atteints cliniquement de fièvre Q sont soumis à cette réglementation. Dans l’absolu, une PCR positive sur lait de tank en dehors de tout contexte clinique ne correspond pas à la définition du cas d’élevage atteint cliniquement. Cela constitue une raison supplémentaire pour proscrire l’analyse de la matrice lait en contexte clinique ou non, autre que pour des études épidémiologiques visant à décrire la prévalence ou la circulation de l’agent.

Historiquement, la réglementation en matière de fièvre Q est sous-tendue par la note de service DGAL(1)/ SDHA(2)/N.97/N° 8019 et concerne uniquement la sécurité sanitaire des aliments. Elle n’autorise la commercialisation du lait cru de vache destiné à la consommation humaine que s’il provient d’une exploitation sans signes cliniques de fièvre Q.

À la suite de nombreux travaux scientifiques, des rapports des différents groupes d’experts mandatés par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) et le rapport Acersa, la réglementation en matière de lait cru a été assouplie en raison du risque nul à négligeable que représente l’ingestion de lait cru contaminé (encadré). Les récentes conclusions du panel européen EFSA (European food safety autority) abondent dans ce sens.

Conclusion

Le vétérinaire praticien, en plus de jouer un rôle clé du début à la fin du processus en termes de santé animale, peut également informer l’éleveur et sa famille des risques liés à cette maladie, afin de dépister le plus rapidement possible les prémices des formes potentiellement dommageables (endocardite, avortement, fatigue chronique, pneumonie, hépatite).

(1) DGAL : Direction générale de l’alimentation.

(2) SDHA : Sous-direction de l’hygiène alimentaire.

(3) SDSSA : Sous-direction de la sécurité sanitaire des aliments.

Références

  • 1. Arricau-Bouvery N, Souriau A, Bodier C et coll. Effect of vaccination with phase I and phase II Coxiella burnetii vaccines in pregnant goats. Vaccine 2005;23(35):4392-4402.
  • 2. Arricau-Bouvery N, Souriau A, Moutoussamy A et coll. Étude de l’excrétion de Coxiella burnetii dans un modèle expérimental caprin et décontamination des lisiers par la cyanamide calcique. Renc. Rech. Ruminants 8. 2001:153-156.
  • 3. Astobiza I, Barandika JF, -Hurtado A et coll. Kinetics of Coxiella burnetii excretion in a commercial dairy sheep flock after treatment with oxytetracycline. Vet. J. 2010;184(2):172-175.
  • 4. Behymer DE, Biberstein EL, Rieman H et coll. Q fever (Coxiella burnetii) investigations in dairy catlle : persistence of antibodies after vaccination. Am. J. Vet. Res. 1975;36(6):781-784.
  • 5. Behymer DE, Biberstein EL, Rieman H et coll. Q fever (Coxiella burnetii) investigations in dairy catlle : challenge of immunity after vaccination. Am. J. Vet. Res. 1976;37(6):631-634.
  • 6. Berri M, Rousset E, Champion JL et coll. Ovine manure used a garden fertiliser as a suspected source of human Q fever. Vet. Rec. 2004;153:269-270.
  • 7. Berri M, Souriau A, Crosby M et coll. Shedding of Coxiella burnetii in ewes in two pregnancies following an episode of Coxiellaabortion in a sheep flock. Vet. Microbiol. 2002;85(1):55-60.
  • 8. Biberstein EL, Riemann H, Franti CE et coll. Vaccination of dairy cattle against Q fever (Coxiella burnetii): results of field trials. Am. J. Vet. Res. 1977;38(2):189-193.
  • 9. Collectif Acersa. Comment faire le diagnostic d’un élevage cliniquement atteint de fièvre Q. Dans : Proceeding Journées nationales des GTV, Nantes. 2007:8p.
  • 10. European food safety autority panel on animal health and welfare. Scientific opinion on Q fever. EFSA journal 2010;8(1595):114p.
  • 11. Guatteo R, Beaudeau F, Berri M et coll. Shedding routes of Coxiella burnetii in dairy cows : implications for detection and control. Vet. Res. 2006;37(6):827-833.
  • 12. Guatteo R, Beaudeau F, Joly A et coll. Coxiella burnetii shedding by dairy cows. Vet. Res. 2007;38(6):849-860.
  • 13. Guatteo R, Beaudeau F, Ledoux D et coll. Risk of false-negative results when delaying pcr from sampling for Coxiella burnetii’s detection in dairy cows. Rev. Méd. Vét. 2006;158,12:641-644.
  • 14. Guatteo R, Joly A, Beaudeau F. Fièvre Q : quels prélèvements et quelles vaches ? Point Vét. 2005;36(260):40-42.
  • 15. Guatteo R, Seegers H, Joly A et coll Prevention of Coxiella burnetii shedding in infected dairy herds using a phase I Coxiella -burnetii inactivated vaccine. Vaccine. 2008;26(34):4320-4328.
  • 16. Maurin M, Raoult D. Q fever. Clin. Microbiol. Rev. 1999;12(4):518-553.
  • 17. Saegerman C, Czaplicki G, Porter SR. La fièvre Q ?: actualités épidémiologiques. Point Vét. 2010;304:23-29.
  • 18. Taurel AF, Guatteo R, Joly A et coll. Within-herd oxiella burnetii seroprevalence in naturally infected dairy herds : description and estimation using an Elisa applied to the bulk tank milk. 2009. European Buiatrics Forum, Marseille. 1-3 december 2009.

Points forts

→ Le diagnostic de fièvre Q lors d’avortements répétés repose principalement sur une PCR réalisée à l’aide d’un ou de plusieurs produits de parturition. Le lait est à proscrire.

→ Le prétroupeau constitue la population cible minimale pour la vaccination, dès le plus jeune âge, de façon à effectuer un rappel avant la mise à la reproduction.

→ Un vaccin phase I est privilégié.

→ En l’état actuel des connaissances, l’efficacité des antibactériens n’est pas connue.

→ Des mesures hygiéniques simples sont systématiquement associées aux mesures médicales.

→ La réglementation lait cru a été assouplie en juin 2007.

ENCADRÉ
Note de service DGAL(1)/SDSSA(2)/N2007-8151

Cas de fièvre Q : conduite à tenir par les fabricants de fromages au lait cru titulaires d’une marque de salubrité communautaire lorsque leurs cheptels sont atteints de fièvre Q

→ Le lait des animaux ayant avorté ne doit pas être utilisé lors de la collecte, du traitement, de la transformation et de la vente en vue de la consommation humaine.

→ Le lait provenant des autres animaux peut être utilisé en vue de la transformation. Toutefois et conformément à l’article 14.8 du règlement (CE) n° 178/2002, s’il existe des soupçons de dangerosité sur les produits laitiers issus de l’exploitation, une pasteurisation systématique du lait à 72 °C pendant 15 secondes, ou tout barème temps/température d’effet au moins équivalent s’impose. Ce peut être le cas notamment si un lien épidémiologique est suspecté entre la consommation de produits et des cas humains de fièvre Q.

Ces dispositions sont applicables dans le cas de la vente directe ou de la dispense d’agrément de produits laitiers au lait cru. Dans le cas de la vente de lait cru destiné à la consommation en l’état, l’interdiction de la vente de ce lait cru pendant 1 an après l’apparition d’un cas clinique de fièvre Q, conformément à l’arrêté ministériel du 6 août 1985, reste applicable.

(1) DGAL : Direction générale de l’alimentation.

(2) SDSSA : Sous-direction de la sécurité sanitaire des aliments.

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