Un cas de gale dans un troupeau de chèvres laitières - Le Point Vétérinaire expert rural n° 310 du 01/11/2010
Le Point Vétérinaire expert rural n° 310 du 01/11/2010

PARASITOLOGIE DE LA CHÈVRE

Cas clinique

Auteur(s) : Jacques Devos

Fonctions : Commission Parasitologie SNGTV
Clinique vétérinaire des Montagnes du matin
Route de Tarare
42360 Panissières

Ce cas de gale chorioptique isolé dans un troupeau de chèvres laitières met en évidence l’intérêt du raclage cutané et les difficultés de traitement des espèces dites mineures.

Les troubles cutanés sont relativement fréquents chez les animaux de rente. Le diagnostic est souvent établi cliniquement, dans la précipitation des visites et par méconnaissance des examens complémentaires nécessaires. Pourtant, certains d’entre eux sont aisés à réaliser et permettent de valoriser l’intervention du vétérinaire vis-à-vis d’une maladie dont l’impact économique peut être faible ou plus important.

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse

En avril 2008, un éleveur appelle son vétérinaire pour un trouble cutané chez une chèvre.

L’exploitation est une petite ferme d’une vingtaine de chèvres laitières et d’une quinzaine de brebis allaitantes, élevées dans le même bâtiment mais en lots séparés. Le bâtiment, récent, est bien éclairé et ventilé (photo 1). Le -dernier animal introduit a été le bouc, acheté 8 mois plus tôt. Les animaux sont de type tout-venant, sans sélection génétique. L’éleveur en prend soin. La production laitière, environ 2 litres par jour par animal, est correcte pour le statut génétique, et l’intégralité est transformée en fromages et vendue directement aux particuliers.

2. Examen clinique

La chèvre, âgée de 3 ans, présente depuis plusieurs semaines des lésions croûteuses, suintantes et prurigineuses sur les membres postérieurs, depuis l’onglon jusqu’au-dessus du jarret, ainsi que sur la face postérieure de la mamelle (photos 2, 3 et 4). Aucune autre chèvre ni aucune brebis ne présente de lésions similaires, ni d’autres troubles cutanés.

3. Diagnostic différentiel

Les hypothèses diagnostiques incluent une gale et, à un stade moins avancé, un ecthyma podal (photo 5), où des lésions croûteuses et suintantes sur la couronne et le bas du membre sont également observées.

Les lésions de la mamelle permettent d’envisager les hypothèses d’ecthyma, de teigne, de gale et de dermite staphylococcique.

4. Diagnostic

Ces lésions étant fortement évocatrices de gale, un raclage cutané est effectué en périphérie des lésions, sur les jarrets. Les plaies sont grattées jusqu’à la rosée sanguine avec une lame émoussée et le prélèvement est récolté dans un pot. Les croûtes obtenues sont écrasées et éclaircies avec du lactophénol, puis examinées entre une lame et une lamelle. L’examen au microscope met en évidence des chorioptes (photo 6).

5. Traitement

L’utilisation d’un acaricide systémique ou celle d’un topique sous forme de solution à pulvériser est envisageable [3]. Les endectocides incluent les acariens dans leur spectre d’activité, mais aucun ne possède d’autorisation de mise sur le marché (AMM) chez la chèvre. L’acaricide doit appartenir à une famille disposant d’une AMM pour la chèvre laitière.

L’absence de lésions chez les autres animaux et le fait qu’il n’y avait alors pas d’intérêt à traiter les strongyloses ont orienté notre choix sur l’amitraz, avec un délai d’attente pour le lait de deux traites. Deux applications ont été effectuées en aspersion (dilution à 1 pour 250) à 10 jours d’intervalle, avec un brossage des croûtes à l’aide de la solution lors de la première.

6. Évolution

Les lésions ont totalement disparu environ 2 semaines après ce traitement (photo 7). Un an plus tard, elles ne sont pas réapparues. Aucune lésion n’est apparue chez les autres animaux.

DISCUSSION

1. Gales caprines

Les gales psoroptiques et sarcoptiques sont très contagieuses, par contact direct. Un contact de quelques minutes suffit pour contaminer un individu sain.

La gale sarcoptique des caprins est une maladie généralisée. Elle débute souvent par une hyperkératose de la tête et du cou et s’étend rapidement. Sarcoptes scabei est la seule espèce de sarcopte, mais elle est constituée de souches différentes selon les hôtes. La contagion inte respèces est possible. Cependant, elle ne produit généralement que peu de lésions et la guérison est spontanée.

Chez les caprins, la gale psoroptique est due à Psoroptes cuniculi, agent pathogène de la gale auriculaire du lapin. Elle provoque un prurit intense localisé aux oreilles et peut entraîner une otite moyenne bactérienne [4]. Une autre espèce, Railliettia capræ, parasite également le conduit auditif.

Les conditions environnementales, la malnutrition et la surpopulation sont des facteurs aggravants des gales.

La gale chorioptique à Chorioptes bovis a un impact -clinique plus faible et peut souvent passer inaperçue, bien qu’elle soit la plus fréquente des gales caprines. Les lésions observées sont situées préférentiellement sur les membres postérieurs, la mamelle et le scrotum. Son épidémiologie reste mal connue.

Le cas présenté ici ne concerne qu’un seul individu. Le raclage cutané et l’examen microscopique ont permis de confirmer le diagnostic de gale chorioptique. L’épidémiologie de cette gale, pour laquelle de nombreuses formes non cliniques existent, est ici confirmée par l’unicité du cas. Aucun examen complémentaire n’a été pratiqué chez les autres chèvres pour vérifier la présence d’infestations subcliniques, les tests sérologiques n’étant pas disponibles en routine.

2. Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel doit être établi avec les principales affections dermatologiques de la chèvre (tableau). Le raclage cutané est un examen complémentaire relativement aisé à mettre en œuvre et peu coûteux, qui permet de confirmer facilement le diagnostic tout en valorisant notre prescription.

3. Choix du traitement

La confirmation du diagnostic permet de proposer un traitement raisonné, soit par un endectocide à large spectre, soit par un acaricide topique. Dans la mesure où nous connaissions la situation épidémiologique de l’élevage vis-à-vis des autres parasites, nous avons proposé à l’éleveur une solution thérapeutique peu coûteuse et efficace.

Cinq antiparasitaires externes, répartis dans trois familles, sont disponibles actuellement en productions animales : une formamidine, l’amitraz, avec une AMM caprine et un délai lait de deux traites ; deux organophosporés avec une AMM caprine, le dimpylate avec un délai lait de quatre traites et le phoxim, interdit en production laitière ; et deux pyréthrines sans AMM caprine, la deltaméthrine et le fenvalérate. Les autres formes (plaques auriculaires, pour-on ou aérosols) des antiparasitaires externes ne sont pas actives sur les gales [2]. Seuls l’amitraz et le dimpylate peuvent être utilisés dans ce cas clinique. Notre choix s’est porté sur l’amitraz en raison du délai d’attente plus court (deux traites au lieu de quatre). Cela illustre les difficultés qui se posent pour le traitement d’indications dites mineures dans des espèces dites également mineures, comme les caprins. Le panel de médicaments est plus restreint que chez les bovins, par exemple.

Conclusion

Les troubles dermatologiques chez les animaux de rente sont relativement fréquents. L’examen clinique permet généralement d’établir le diagnostic. Le recours aux examens complémentaires confirme ce dernier, voire l’affine (espèce de gale, par exemple). Ces examens sont faciles à réaliser au cabinet et valorisent notre prescription.

Références

  • 1. Chartier C. Gales des caprins. Dans : Pathologie caprine. Ed. du Point Vétérinaire. 2009 : 255-260.
  • 2. Dictionnaire des médicaments vétérinaires. Éd. Point Vétérinaire, Rueil-Malmaison. 2009 : 185.
  • 3. Forbes A, Alzieu JP, Dorchies P et coll. Actualités sur les gales des bovins. Bull. GTV. Hors-série Parasitisme des bovins. 2007 : 99-104.
  • 4. Losson B, Jemli MH, Lonneux JF. Gales et démodécies. Dans : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Ed. TEC&DOC. 2003 : 1255-1270.

Points forts

→ La gale chorioptique, la plus fréquente des gales caprines, peut se manifester cliniquement dans un cheptel chez un seul animal.

→ Le raclage cutané est un examen simple et rapide qui permet de valoriser la prescription du praticien.

→ Le choix du traitement est raisonné selon la situation épidémiologique de l’élevage vis-à-vis des autres parasites.

→ Le nombre restreint d’autorisations de mise sur le marché pour la chèvre met en évidence la difficulté du traitement d’une affection mineure dans une espèce dite mineure.

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