43 “mycotoxines” recherchées en réponse à une vraie demande de terrain - Le Point Vétérinaire expert rural n° 310 du 01/11/2010
Le Point Vétérinaire expert rural n° 310 du 01/11/2010

ANALYSES DE LABORATOIRE

Questions Réponses

Auteur(s) : Éric Marengue

Fonctions : Laboratoire de développement et d’analyses
Zoopole BP 54
22440 Ploufragan
marengueeric@cg22.fr

Une large gamme d’analyses mycotoxiques est disponible, notamment pour les praticiens confrontés à des symptômes qu’ils n’ont pu rattacher à une autre cause.

La recherche des mycotoxines est à la fois une demande des vétérinaires qui souhaitent rechercher la cause de certains symptômes enzootiques et de la filière alimentaire en général. Afin de répondre à cette demande, les laboratoires doivent développer leur offre. Éric Marengue répond à nos questions.

QUELLE EST L’ACTUALITÉ SUR LES ANALYSES DE MYCOTOXINES EN FRANCE ?

Au Laboratoire de développement et d’analyses situé à Ploufragan (LDA 22), jusqu’à présent, nous réalisions une recherche de vingt-huit molécules (mycotoxines ou métabolites de mycotoxines). Désormais, nous en proposons quinze de plus, cette extension ayant fait l’objet d’un audit Cofrac au début de mai (tableaux complémentaires 1 et 2 sur www.WK-Vet.fr). Nous avons ciblé les mycotoxines d’ensilage et les métabolites de mycotoxines, mais pas seulement. Nous avons ajouté à la liste un métabolite de l’ochratoxine, un traceur de la mycotoxine parente ingérée, ou encore des alcaloïdes des ergots. Cette dernière famille est prise en considération car elle contient des “armes biochimiques”, mais aussi parce que certains de ses membres contaminent aujourd’hui une grande variété de céréales.

Pour proposer la recherche d’une nouvelle molécule, un “standard pur” est nécessaire. Or certains ne sont pas encore disponibles, notamment pour les trichothécènes macrocycliques et les toxines d’endophytes. La France est à la pointe dans ce domaine, et sait répondre à une demande qui vient de toute la filière et de nombreux pays (États-Unis, Asie, etc.).

QUI EST À L’ORIGINE DU REGAIN D’INTÉRÊT POUR CES RECHERCHES ?

C’est une demande qui émane du terrain, avec une véritable prise de conscience des vétérinaires, qui s’interrogent sur la cause de certains symptômes enzootiques en élevage. La réglementation n’est venue qu’en accompagnement de cela, et l’extension de l’offre de notre laboratoire aussi. Il n’y a pas si longtemps, il était difficile de répondre aux questions, car notre gamme d’analyses était insuffisante.

Il est impossible d’établir un bon diagnostic si le tiers seulement des molécules connues pour leur toxicité est recherché. Différents articles font état de molécules émergentes dans ce domaine.

Plus largement, l’analyse mycotoxines est une demande de l’ensemble de la filière alimentaire. Elle concerne des aliments destinés à l’animal, mais aussi à l’homme. Nous gérons les plans de surveillance pour la Direction générale de l’alimentation (Dgal), conjointement avec le laboratoire situé à Mont-de-Marsan, dans les Landes(1).

QUEL POURCENTAGE DES ÉCHANTILLONS QUI VOUS SONT ENVOYÉS SONT POSITIFS ?

100 ?% des échantillons analysés apparaissent infectés par les mycotoxines, à des niveaux de contamination allant de quelques centaines de µg/kg ou ppb (partie par billion) pour la majeure partie d’entre eux à quelques dizaines de mg/kg ou ppm (partie par million) (photo 1).

COMMENT PROCÉDEZ-VOUS POUR L’AIDE AU DIAGNOSTIC ?

La réglementation ne nous aide pas car elle ne prend en compte que certaines molécules et à des niveaux qui correspondent à un risque de toxicité aiguë. Le risque de toxicité par synergie de mycotoxines n’est pas du tout intégré (par exemple, que penser d’une association fumonisines, zéaralénone et déoxynivalénone ?). L’ingestion chronique de faibles doses n’est pas non plus prise en compte, en particulier pour les seuils de toxicité.

Les valeurs réglementaires fixées servent néanmoins de base. Pour un résultat 100 fois en dessous des seuils réglementaires (de toxicité aiguë), nous avons tendance à conclure à l’absence de risque potentiellement lié à la présence de mycotoxines.

Les résultats analytiques obtenus sont recoupés avec les symptômes observés dans l’élevage, d’une façon certes assez empirique par manque de données scientifiques sur ces aspects : les troubles de la reproduction chez les ruminants ou encore les chutes de ponte en volaille sont pris en considération. Les déficits immunitaires entrent aussi dans la discussion. Ainsi, pour les mammites, le passage de mycotoxines dans l’organisme est perçu comme un facteur de fragilisation des défenses de l’animal.

En définitive, s’il convient de ne pas mettre en cause les mycotoxines de prime abord lors de tel ou tel trouble enzootique, celles-ci ne doivent pas non plus être oubliées.

EST-IL NÉCESSAIRE DE COUPLER RECHERCHE DE MYCOTOXINES ET ANALYSE MYCOLOGIQUE ?

Depuis 15 ans, tout en étendant progressivement notre gamme d’analyses, nous avons gardé l’esprit ouvert, et des certitudes d’alors sont tombées à l’eau. En particulier, il n’existe pas de corrélation entre la présence de moisissures et celle de mycotoxines(2). Selon notre expérience, les recherches mycotoxiques n’ont donc pas à inclure des analyses mycologiques.

Nous ne proposons pas davantage la recherche “ergostérol”, un élément de la paroi considéré comme un marqueur de la contamination fongique, mais pas de la présence de mycotoxines(3).

QUELS CONSEILS POUR LES PRÉLÈVEMENTS EN ÉLEVAGE ?

90 % des erreurs proviennent d’un mauvais échantillonnage. L’erreur la plus fréquente est celle qui consiste à prélever une grande quantité en un seul point. Dès lors, la consigne pour un ensilage, par exemple, est de prélever au front d’attaque en 10 à 20 points ou bien en quelques points sur plusieurs jours, au fur et à mesure de l’avancée du front.

La règle est de répartir les prélèvements sur l’ensemble du front d’attaque dans l’espace ou dans le temps.

Pour des vaches en ration complète, c’est le mélange distribué qui est prélevé dans son ensemble (photo 2). Ce n’est qu’après le résultat sur mélange qu’une analyse différentielle sur les ingrédients est envisagée.

De plus, ce n’est pas parce qu’un aliment est dit sec qu’il ne peut contenir des mycotoxines. La contamination s’est souvent produite au champ, lors de la croissance de la plante (en particulier, pour les toxines de Fusarium).

Les mycotoxines ne se voient pas non plus. Couleurs et odeurs atypiques ne sont pas significatives à coup sûr d’une contamination par ces substances.

Chez l’animal, les fluides corporels peuvent être prélevés. Selon la mycotoxine, une analyse est effectuée sur l’urine et/ou sur les w (fumonisines), sur le contenu intestinal ou ruminal, et sur gésier en volaille (photo 3).

Post-mortem, le foie et le rein sont à privilégier, plutôt que le muscle.

COMMENT CONSERVER LES PRÉLÈVEMENTS POUR L’ENVOI AU LABORATOIRE ?

Une mycotoxine résiste à tout (lumière, température, etc.). De plus, elle n’apparaît pas (synthèse) en quelques jours dans les conditions habituelles. Dès lors, par exemple, des prélèvements d’ensilage échelonnés sur une semaine peuvent être envoyés dans un même sachet, à température ambiante (double ensachage par précaution) (photo 4).

Pour une matière très humide et prélevée sur plusieurs semaines, une congélation ou une réfrigération peut néanmoins être utile.

POURQUOI LE CHOIX DE LA CHROMATOGRAPHIE AU LDA 22, ET NON DES KITS ELISA ?

Les kits (Elisa) donnent un résultat incomplet (une seule molécule) et empirique vis-à-vis de l’interprétation quantitative (résultat semi-quantitatif). Nous avons eu de mauvaises surprises avec cette technique : des faux positifs et surtout des faux négatifs (masquage d’anticorps ou erreur par excès).

La chromatographie associée à la détection par spectrométrie de masse est la seule méthode utilisable pour une recherche de résidus sous forme de traces. Elle permet de réaliser une séparation analytique parmi des centaines de molécules possibles, et d’obtenir l’identification et une quantification individuelle pour chacune d’entre elles, ainsi qu’une analyse différentielle au sein des aflatoxines (B1, B2, G1 et G2) (photo complémentaire 5 sur www.WK-Vet.fr). Une recherche de métabolites est également envisageable. Ainsi, pour la zéaralénone, la toxine T2 ou encore l’ochratoxine A, il est possible de travailler à partir de prélèvements organiques.

QUELS SONT VOS SOUHAITS POUR L’AVENIR ?

J’aimerais que la réglementation propose davantage de valeurs de conformité et de toxicité.

Il conviendrait de prendre en compte dans le diagnostic divers symptômes récemment rattachés à l’intoxication par les mycotoxines (œdèmes ou nécroses cutanées, par exemple).

Même s’il est récent, le rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses, ex-Afssa) aurait également besoin d’une mise à jour car les connaissances évoluent vite(4). En particulier, les notions de synergie pourraient être soumises à l’avis des experts.

(1) Voir l’article “Les mycotoxines dans les denrées animales” de C. Grastilleur, dans ce numéro.

(2) Voir l’article “Des mycotoxines dans les parties apparemment non moisies des ensilages” de F. Van Hove, dans ce numéro.

(3) Ce choix ne fait pas forcément l’objet d’un consensus au sein de la communauté scientifique. Voir l’article “Risque mycotoxique : principes pour son abord pratique”, de P. Guerre, dans ce numéro.

(4) Voir l’article “Risque mycotoxique : principes pour son abord pratique”, de P. Guerre, dans ce numéro.

Points forts

→ Il est impossible d’établir un bon diagnostic si le tiers seulement des molécules connues pour leur toxicité est recherché.

→ Chez les ruminants, les troubles de la reproduction, les mammites ou autres manifestations du déficit immunitaire sont pris en considération pour une suspicion de mycotoxicose à l’échelle d’un élevage.

→ La règle est de répartir les prélèvements d’ensilage sur l’ensemble du front d’attaque dans l’espace ou dans le temps.

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