Les affections de la peau et du tissu sous-cutané des doigts - Le Point Vétérinaire n° 305 du 01/05/2010
Le Point Vétérinaire n° 305 du 01/05/2010

Les maladies du pied des bovins

Mise à jour

LE POINT SUR…

Auteur(s) : Nora Grasmuck

Fonctions : Cabinet vétérinaire 14, rue du Gey 25440 Quingey

Panaris, dermatite digitale et fourchet sont les principales maladies de la peau et du tissu mou des doigts des bovins. Les affections virales sont associées à d’autres lésions et signes généraux.

Les boiteries des bovins sont un motif fréquent de visite du vétérinaire praticien. Les maladies spécifiques du pied, selon leur stade d’évolution, ne sont pas toujours responsables de boiteries, alors que des lésions podales peuvent être les seuls signes d’appel d’affections systémiques. Pour cette raison, le diagnostic est parfois complexe et requiert une connaissance des diverses maladies spécifiques ou non des doigts.

Trois articles traiteront des affections susceptibles de provoquer des lésions sur le pied des bovins, avec ou non une boiterie. Cette première partie est consacrée aux affections de la peau et du tissu sous-cutané des doigts. Les deux prochains volets porteront sur les maladies, d’une part de la corne et du pododerme, et d’autre part des organes profonds des doigts.

L’objectif est de décrire les éléments utiles au diagnostic sur le terrain. Pour les principales affections podales, l’étiologie, la pathogenèse et les facteurs favorisants sont rappelés, afin de repérer leur contexte de suspicion. Ensuite, les symptômes et les lésions observables sont décrits, selon le stade d’évolution et la localisation sur le pied.

Les maladies de la peau et du tissu sous-cutané des doigts sont présentées dans cet article selon que la cause est d’origine bactérienne ou virale. Le panaris, la dermatite digitale et le fourchet sont des affections podales bactériennes. Les verrues et les affections virales comme la maladie des muqueuses et la fièvre catarrhale ovine sont systémiques, mais entrent dans le diagnostic différentiel des maladies du pied.

Maladies bactériennes

1. Panaris interdigital

• Le panaris est une infection nécrosante aiguë ou subaiguë des tissus mous de l’espace interdigital.

• Les bactéries responsables de l’infection sont présentes dans l’environnement. Fusobacterium necrophorum, bacille à Gram- anaérobie, est isolé dans 93 % des cas. Il est souvent associé à d’autres bacilles et coques, tels que Porphyromonas livii, Arcanobacterium pyogenes, Spirochaeta penortha, Bacteroides sp., Streptococcus sp. et Staphylococcus sp., de façon plus anecdotique [3, 11].

Après avoir bénéficié d’une lésion de la peau de l’espace interdigital, les bactéries se multiplient, agissant seules ou en synergie au sain du derme pour donner des lésions caractéristiques.

• Le panaris interdigital est très fréquemment observé sur le terrain, responsable de 15 à 25 % des boiteries [19]. Il concerne les membres postérieurs dans 3 cas sur 4 [1]. Il survient chez des bovins des deux sexes et toutes les races y sont sensibles, même si les vaches laitières sont plus fréquemment atteintes [2, 49]. Un animal peut présenter un panaris plusieurs fois dans sa vie : l’immunité acquise semble insuffisante. La majorité des panaris affectent des animaux âgés de moins de 4 ans dans les 30 à 50 jours post-partum [1]. La maladie revêt une importance économique en raison des pertes de production laitière.

Le pronostic du panaris est très favorable si le traitement est précoce (le premier jour d’évolution), mais des troubles graves peuvent s’installer s’il est tardif.

• Tout élément de l’environnement extérieur pouvant provoquer un traumatisme mécanique sur le derme dans la région interdigitale est déterminant dans l’apparition du panaris : chaumes, pierres, briques, ardoises sur les chemins, fétus de paille, boue séchée ou gelée, objet vulnérant (clous, aiguilles, lames, barbelés, etc.) [11]. La sécheresse comme l’humidité dans des zones d’accès (aux auges, aux pâtures), souvent piétinées par les animaux, augmentent le risque de traumatisme cutané.

Dans les bâtiments, les facteurs favorisants sont relatifs au manque d’hygiène générale des sols : humidité permanente, défaut de curage et/ou de paillage. Les accès obligatoires aux auges ou à la salle de traite, humides et régulièrement contaminés par les animaux malades, deviennent des relais environnementaux de bactéries (formes enzootiques).

Une carence en zinc et/ou en vitamine A est décrite comme un facteur de risque qui accroît l’incidence du panaris dans un troupeau.

Des infections septicémiques ou virales à l’origine de dommages vasculaires pourraient également prédisposer au panaris [1].

Certains auteurs décrivent la lésion de la dermatite digitale comme un facteur qui augmente la vitesse d’évolution et la sévérité du panaris.

• Le panaris est le plus souvent une affection sporadique et n’atteint qu’un seul pied. Très douloureux, il se manifeste par une boiterie intense et soudaine avec suppression d’appui au repos comme en mouvement, le pied en avant sur la pointe des onglons, le boulet fléchi (photo 1). L’anamnèse rapporte une chute brutale de la production laitière, voire un amaigrissement.

L’animal présente souvent une hyperthermie dans les premières heures qui suivent la boiterie, avec une diminution de l’appétit.

La lésion initiale du panaris interdigital est une petite plaie non spécifique mais constante. Dans les 18 à 36 premières heures d’évolution, l’espace interdigital n’est que légèrement gonflé et une “fausse membrane” apparaît sur la peau [17].

Une tuméfaction chaude, douloureuse à la palpation et souvent symétrique de l’extrémité du membre (centrée sur l’espace interdigital) et un gonflement du bourrelet coronaire apparaissent 36 à 72 heures après les premiers symptômes. Tout le paturon, voire le boulet sont parfois atteints [3, 11]. Au fond de l’espace interdigital, la plaie est surmontée de tissus mous décolorés et nécrosés (la nécrose apparaît 24 à 48 heures après les premiers symptômes). Une exsudation incolore d’odeur fétide caractéristique (bactéries anaérobies) est toujours décrite [11, 13] (photos 2 photos 3 photos 4jpg"/> photos 5 à 6).

Un corps étranger, responsable du panaris, peut être retrouvé. À ce stade, l’abcès est localisé. Si celui-ci reste circonscrit, une fistule se forme et la lésion cicatrise, remplacée par une fibrose.

Le plus souvent, un tissu de granulation exubérant, formant une “limace”, se développe. Des complications locales apparaissent rapidement si l’infection et la nécrose gagnent de proche en proche les ligaments, les tendons, puis le cartilage, les articulations, les os, transformant le panaris en phlegmon. À ce stade, le pus est jaunâtre et peu abondant.

La complication la plus grave reste l’arthrite septique de l’articulation interphalangienne distale. Un décollement de la couronne, et des emboles septiques responsables d’abcès hépatiques, pulmonaires ou cardiaques sont possibles.

2. Dermatite digitale

Diagnostiquée pour la première fois en 1974 par Mortellaro et coll. dans le nord de l’Italie, la dermatite digitale est souvent appelée “maladie de Mortellaro” [22].

La dermatite digitale est une inflammation subaiguë, contagieuse et superficielle de la peau de la couronne ou de l’espace interdigital.

• L’étiologie est multifactorielle, probablement infectieuse, mais encore discutée.

L’allure contagieuse et l’efficacité des inoculations expérimentales sont en faveur d’une origine infectieuse. L’hypothèse virologique n’a jamais été prouvée, et le succès de traitements antibiotiques tentés sur le terrain a fait suspecter une cause bactérienne. De nombreux micro-organismes anaérobies strictes ont été isolés et associés à la dermatite digitale. L’intervention de bactéries anaérobies comme agents de surinfection est fréquente, expliquant l’odeur de certaines lésions avancées. De fortes présomptions sont portées sur une bactérie du genre Treponema qui a été isolée, mise en culture, puis détectée par différentes techniques immunologiques. L’association entre la dermatite digitale et l’agent Borrelia burgdorferi a été suggérée [1, 5]. Au regard des hypothèses évoquées, la cause de cette maladie semble être multifactorielle. Cependant, des spirochètes de type Treponema sont actuellement fortement suspectés [13, 15], associés à différentes bactéries ou virus, à l’origine d’une infection opportuniste.

• Le mode de transmission reste indéterminé. Cependant, tout équipement contaminé contribue à l’introduction de la maladie.

La dermatite digitale est due à une conjonction de facteurs tels que l’environnement, les conditions d’hygiène, le microbisme ambiant et l’individu. Les ambiances humides et les températures douces sont propices à son développement, ainsi que le rassemblement des animaux dans les étables. La maladie se rencontre plus souvent dans les stabulations libres ou sur une aire paillée que dans les bâtiments à logettes [3]. Le contact permanent du pied dans un milieu humide et pauvre en oxygène est un facteur important. L’accumulation des bouses et d’urine, associée au confinement des vaches, crée un environnement opportun. Si le paillage est insuffisant ou que l’aire de couchage est trop exiguë par rapport au nombre d’animaux, ces derniers restent plus longtemps debout dans la litière humide, sans possibilité de se sécher les pieds.

Tous les âges sont concernés. Les bovins laitiers sont presque exclusivement atteints. Les formes de maladie à répétition touchent souvent les mêmes exploitations, dans lesquelles 52 % des cas recensés sont des récidives. La prévalence de l’infection est accrue lors des premières et deuxièmes lactations, le premier mois de lactation étant à plus haut risque [1, 5]. La maladie est plus fréquente chez les génisses qui rejoignent le troupeau avant la mise bas, moment clé dans la prévention [1].

L’introduction d’un nouveau bovin est le facteur le plus fréquemment responsable de l’entrée de l’agent dans un élevage sain [3]. L’infection se propage ensuite par contamination de l’environnement. Après l’entrée de l’agent infectieux dans l’élevage la propagation est rapide et peut atteindre 90 % du cheptel.

• L’observation des lésions n’est possible qu’après un nettoyage minutieux, tout particulièrement au-dessus de la jonction épiderme-corne du talon. Sans avoir levé le pied, il est rare d’observer des lésions de dermatite digitale.

Une perte de poids et une chute de production laitière de 20 à 50 % sont relatées, mais ces signes d’alerte sont inconstants et discutés [1, 2, 4, 8].

Le symptôme le plus évident et le plus précocement remarqué par l’éleveur est une boiterie franche avec appui (non constante). Elle est due à la douleur très vive provoquée par la lésion située en général sur le talon. L’animal reporte l’appui en pince lors du mouvement et le paturon est en semi-flexion au repos [22]. La vache “marche généralement sur des œufs”, mais la boiterie peut être plus fruste. Les lésions sont souvent observées chez plusieurs vaches en lactation d’un même élevage.

L’examen rapproché du pied montre des lésions souvent caractéristiques. Deux types de dermatite digitale sont recensés : la forme érosive et la forme proliférative [21].

• La lésion classique de dermatite digitale est érosive (“framboise”). L’examen rapproché met en évidence une inflammation circonscrite et superficielle de la peau (photos 7 à 12). Le stade initial de la lésion passe souvent inaperçu car les symptômes sont absents et le pied est rarement observé. Les poils sont hérissés et agglomérés. Cette lésion unitaire est plus ou moins circulaire ou ovale, de 1 à 5 cm [5, 22]. Elle débute par une hyperhémie et une exsudation séreuse de l’épiderme superficiel [1]. L’exsudat, abondant, agglutine des poils longs et hérissés, disposés sur le pourtour de la lésion [21]. Ensuite, la lésion devient caractéristique : ulcérative, concave, dépilée au centre ou peu poilue, à la surface rugueuse et proliférative, avec un aspect charnu ou d’éponge, de couleur brun-rouge foncé à rouge vif (aspect d’une framboise), entourée d’un liseré épithélial, souvent blanchâtre [1, 22].

L’aspect granuleux est la conséquence d’une prolifération de pics de kératine en réponse à une irritation de la couche germinative [1].

La lésion est singulièrement douloureuse au toucher et l’intensité de la réaction est variable selon les individus. L’aspect de la lésion est sans rapport avec le degré de boiterie et un saignement survient au moindre contact [1, 22].

L’odeur est aigrelette [22]. Elle correspond à celle de l’exsudat muqueux, vraisemblablement composé de kératine dégénérée [6].

La lésion de dermatite digitale est simple ou multiple. Elle est dite multiple lorsque les lésions unitaires sont deux ou trois, côte à côte et de tailles diverses. Ces dernières peuvent devenir coalescentes et envahir notamment la face palmaire, en constituant de larges plaies superficielles et irrégulières. Elles touchent un ou plusieurs pieds, avec le plus souvent une atteinte des membres postérieurs. La lésion de dermatite digitale est localisée au derme ; si elle s’étend, elle ne progresse que rarement en profondeur [21].

• La forme proliférative de la dermatite digitale donne une lésion plus ou moins papilliforme, circonscrite et moins exsudative. La surface est alors convexe et projette des doigts filamenteux durs. La prolifération peut prendre en masse, avec une surface rugueuse et une couleur grise à blanchâtre (photo 13).

La lésion peut être particulièrement étendue. Elle est douloureuse, saigne facilement et est parfois considérée comme un stade avancé de la forme érosive [1]. La distinction entre les deux formes est difficile à établir et aucune publication ne traite ce sujet.

Les lésions peuvent affecter toutes les zones qui entourent les onglons à la jonction peau-corne, le plus fréquemment à la limite entre la peau poilue et la peau glabre de l’espace interdigital. 80 à 90 % des lésions sont observées sur le bulbe du talon. La lésion bulbaire (localisation typique de la forme proliférative) peut aussi être décalée du côté d’un des onglons.

Les lésions en face dorsale sont souvent à proximité de l’espace interdigital. La forme ulcérative y est observée et peut occasionner des seimes ou des ondulations de la corne. Dans l’espace interdigital, un tyloma peut en être le support. En revanche, un espace interdigital sain, sans excroissance, semble ne jamais être atteint par la maladie, bien que des érosions non caractéristiques, mais circonscrites, rosées, très discrètes et douloureuses aient été observées en Normandie, dans des élevages atteints par la maladie [observations personnelles].

Une lésion typique est parfois observée sur la corne du talon (localisation exceptionnelle). L’infection peut aussi atteindre les doigts accessoires.

En fin d’évolution, la lésion devient un tissu cicatriciel, gris brunâtre et hyperkératosique [8, 21, 22]. En été, après cicatrisation de la forme érosive de dermatite digitale, le tissu fibreux est épais, cratériforme et sec, en forme de petit fer à cheval à l’envers [1, 3].

Dans certains cas, la maladie atteint le pododerme. Un excès de corne ou une diminution de croissance cornée sont alors possibles. C’est le cas lorsque la dermatite siège sur le talon ou bien en région latérale du pied, dans la paroi axiale. Elle provoque ainsi une fissuration verticale de la muraille ou des ondulations de la corne si elle atteint le bourrelet coronaire [22], ou encore une érosion de la corne du talon endommageant le chorion lorsque la jonction peau-corne est concernée.

Les stades terminaux des dermatites digitales non traitées se traduisent par une fissuration ou une nécrose de la corne des bulbes du talon, un décollement de l’onglon, voire une désongulation [21].

3. Fourchet ou dermatite interdigitale

• Le fourchet est une infection, aiguë ou chronique, superficielle et contagieuse de l’épiderme sur la peau interdigitale, qui s’étend ensuite aux talons, sans extension aux tissus profonds [3, 10].

Pour éviter toute confusion, les termes de fourchet ou de dermatite interdigitale sont utilisés pour décrire la maladie, et l’expression d’érosion du talon décrit une des lésions du fourchet.

• L’affection est très répandue à la fois en élevage laitier et chez les bovins allaitants, bien qu’elle passe souvent inaperçue. Les femelles hautes productrices seraient plus réceptives. Le retentissement clinique et les pertes économiques sont faibles. Toutefois, le nombre d’animaux malades dans un troupeau est élevé et la maladie prédispose à d’autres troubles podaux, comme l’hyperplasie interdigitale, le panaris, la dermatite digitale et les complications septiques de l’érosion de la corne du talon. Au sein d’un élevage atteint de dermatite digitale, les lésions sont observées sur le même pied [1].

• Cette maladie infectieuse résulte de l’action synergique de deux bactéries anaérobies. Dichelobacter nodosus érode progressivement l’épiderme déjà fragilisé par une irritation de la peau interdigitale [14]. Fusobacterium necrophorum, une bactérie opportuniste, s’infiltre dans les tissus sous-cutanés par la lésion préexistante. Ensuite, les deux bactéries se multiplient et progressent dans les couches épidermiques vers la membrane kératogène, entraînant une pododermatite [10]. Le fourchet est étroitement lié à une humidité importante et à de mauvaises conditions d’hygiène.

Le risque est accru lors de déséquilibres alimentaires, en particulier autour du part : rations insuffisamment énergétiques, carences en cuivre, en zinc, en vitamine A. Une supplémentation en zinc permettrait une plus grande résistance de la peau interdigitale. Les caractéristiques des sols des bâtiments qui contribuent à augmenter la charge sur les onglons postérieurs sont aussi des facteurs aggravants [10].

• Le diagnostic est fondé sur l’observation de lésions caractéristiques superficielles de l’épiderme interdigital. Les quatre membres peuvent être atteints, mais les postérieurs sont plus souvent concernés. Par définition, les lésions du fourchet sont sur la corne du bulbe du talon et sur la peau de l’espace interdigital des faces palmaires ou dorsales. Une phase débutante et une phase de complications peuvent être distinguées (encadré).

Maladies virales avec atteinte podale occasionnelle

1. Papillomatose ou verrue

• La maladie n’apparaît pas spécifiquement sur les pieds des bovins, mais, lorsque c’est le cas, elle doit être différenciée d’autres affections. Elle se rencontre essentiellement chez des individus jeunes, de moins de 2 ans, en contact les uns avec les autres, sans influence de race ni de sexe [19].

Les verrues sont dues à des virus de la famille des Papovaviridæ, genre Papillomavirus, qui se multiplient dans les cellules épithéliales. Les types viraux qui affectent la peau du pied sont les Papillomavirus bovins 1 et 2 (BPV1 et BPV2). Ils sont à l’origine de fibropapillomes (cutanés). Les virus sont transmissibles d’un individu à un autre par des moyens mécaniques tels que les gobelets trayeurs, des fils barbelés, des seringues hypodermiques et la litière [19].

• L’observation de lésions en relief, volumineuses et irrégulières, dans un élevage où plusieurs animaux sont porteurs des mêmes lésions (plutôt des génisses) suggère une papillomatose. L’animal ne présente pas de symptômes (aucune boiterie n’est notée dans les localisations podales) [19, 24]. Chez les bovins, les lésions cutanées de papillomatose sont observables à n’importe quel endroit du corps. Les lésions podales apparaissent sur la peau interdigitale.

Les lésions sont de différentes tailles et formes. Elles sont blanches à grises, très en relief, et leur surface est sèche et d’aspect corné. Les lésions sont simples ou multiples [24].

Les fibropapillomes dus aux virus BPV1 sont filamenteux, et ceux provoqués par le BPV2 sont volumineux (de 0,5 à 30 cm de diamètre) et pédiculés. Ces lésions persistent entre 3 et 12 mois [24].

2. Maladies à déclaration obligatoire

Des maladies qui entrent dans le diagnostic différentiel des maladies à déclaration obligatoire (MDO) se traduisent parfois par des lésions dont la localisation podale peut dérouter le praticien. Seules les affections pour lesquelles une telle localisation est possible sont résumées ici, même si, pour certaines, l’atteinte podale est rare (tableaux 1 et 2).

MDO autochtones

• La maladie des muqueuses prend différentes formes, dont une présentation cutanéo-muqueuse sévère. La caractéristique lésionnelle de ce trouble est un ulcère “en coup d’ongle”. L’inflammation du bourrelet coronaire et la présence d’un ulcère dans l’espace interdigital correspondent à la forme grave de la maladie des muqueuses. Les ulcérations sont vastes et leurs contours sont irréguliers. Les ulcères sont superficiels ou profonds. Des lésions congestives et érosives peuvent être observées sur le mufle, la langue, les gencives et le palais. Elles sont rares sur les trayons.

Parfois, seul un processus congestif se manifeste ; un hérissement des poils est alors observé dans la zone lésée. L’évolution vers la chute de l’onglon est possible [16].

• Lors de rhinotrachéite infectieuse bovine, les symptômes respiratoires (jetage, sialorrhée, râles respiratoires) dominent. Les lésions sont le plus souvent des ulcères à fond plat de la langue, du nez, de la cavité buccale, du larynx et de la trachée. Les lésions interdigitales sont rares [20].

• Les symptômes caractéristiques du coryza gangreneux sont une hyperthermie soudaine avec prostration et une adénomégalie généralisée. À l’examen clinique, une nécrose, des exulcérations et une congestion sont observées sur les muqueuses buccales, oculaires et nasales. Les atteintes podales sont des inflammations du bourrelet coronaire et des pododermatites aseptiques (bleimes diffuses) pouvant provoquer des boiteries [23].

• Seuls les sérotypes 1, 6 et 8 de la fièvre catarrhale ovine affectant les bovins sont pris en compte dans le tableau 1. Lors de l’épizootie de fièvre catarrhale ovine de l’été 2007, les premiers foyers (Ardennes) ont développé des symptômes variés, dominés par des lésions de la tête (yeux, mufle et naseaux) : congestion, érythème péri-oculaire, larmoiements, érosions et ulcérations. L’hyperthermie est fugace. Le sérotype 8 identifié s’est révélé plus pathogène chez les bovins, comparativement à ce qui été décrit jusqu’alors [5].

Lors d’atteinte podale, la congestion (bourrelet coronaire) et les bleimes diffuses sont plus fréquentes que les ulcérations [16].

MDO exotiques

La fièvre aphteuse provoque fréquemment des lésions vésiculeuses sur les pieds, alors que les localisations podales sont exceptionnelles en cas de peste et de stomatite vésiculeuse.

• La fièvre aphteuse, extrêmement contagieuse, est absente actuellement en France. Elle occasionne une hyperthermie en début d’évolution, une sialorrhée intense et une bave filante, ainsi que des boiteries et une anorexie. Les lésions sont des vésicules blanches opaques légèrement en relief (les vésicules rompues laissent place à des ulcères parfois confluents). Elles sont localisées sur la langue, les gencives, les trayons, les bourrelets coronaires des onglons et les espaces interdigitaux de plusieurs membres à la fois [20].

• La peste bovine et la stomatite vésiculeuse sont fortement contagieuses et encore exotiques. Leurs lésions podales sont rares et se présentent seulement par des ulcères (pour la peste) ou des vésicules suivies d’ulcères (pour la stomatite vésiculeuse) dans l’espace interdigital [18, 20].

Qu’elles soient à l’origine de boiteries brutales ou d’installation progressive, associées ou non à des symptômes généraux, les maladies bactériennes et virales affectant le tissu mou et la peau des doigts de bovins nécessitent toutes une approche diagnostique globale. En effet, l’examen clinique de l’animal, l’examen rapproché du (ou des) pied(s) atteint(s), une connaissance minimum de la conduite d’élevage, sont utiles au diagnostic de ces maladies. Même si certaines lésions sont caractéristiques, certaines affections des tissus mous (comme le fourchet), non traitées, engendrent d’autres lésions liées à l’inflammation chronique des jonctions peau-corne. La production cornée excessive et sa répartition à la surface de la sole entraînent des modifications d’aplombs entraînant d’autres affections (abcès, décollement de la sole, cerise). Certaines seront décrites dans un prochain article traitant des maladies de la corne et du pododerme.

Références

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POINTS FORTS

• Les maladies affectant la peau et le tissu sous-cutané des doigts les plus fréquentes sont le panaris interdigital, le fourchet et la dermatite digitale.

• Les affections virales à manifestation podale sont plus rares et liées à des contextes cliniques et épidémiologiques évocateurs.

• Il convient d’examiner le pied levé et nettoyé pour identifier les lésions car les animaux atteints ne boitent pas toujours.

• Les conditions d’hygiène et d’entretien des sols (litières et chemins d’accès) sont des facteurs déterminants dans l’apparition de ces affections.

• Dans le cas du panaris, un traumatisme, même minime, de la peau est toujours présent.

Encadré : Les deux phases du fourchet

Phase initiale

Le plus souvent, aucun signe clinique n’est présent. La boiterie est absente tant que l’érosion du talon n’entraîne pas un excès de production de corne et des modifications d’appui sur le pododerme. À ce stade, d’ailleurs, la boiterie reste inconstante et discrète. Ce sont plutôt des piétinements. Tout au plus, une fièvre ou une anorexie ont été signalées [1].

L’affection débute par une inflammation exsudative de la peau interdigitale qui prend vite un aspect grisâtre, suintant, avec une odeur aigrelette caractéristique. Mais la lésion reste superficielle et le pododerme n’est pas atteint. Une hyperhémie peut être observée.

Lorsque l’inflammation devient chronique, elle progresse vers la corne du talon de la partie axiale vers la partie abaxiale. La corne du talon semble alors “grignotée” et le fourchet forme des fissures en V plus ou moins profondes (photos 14 et 15). La corne produite est de mauvaise qualité et noirâtre : c’est la lésion d’érosion du talon caractéristique du fourchet. L’hyperkératose est spécifique de la chronicité de la maladie.

Phase de complications

Des complications apparaissent si les facteurs de risque relatifs aux bâtiments, aux sols, aux conditions d’hygiène et à l’alimentation ne sont pas pris en compte. L’infection s’auto-entretient.

L’inflammation de l’épiderme perturbe la production de corne sur le talon, alors qu’elle a tendance à l’activer dans le reste de l’onglon. Les fissures en talon et les rebords abrupts de la corne modifient la répartition des pressions sur le pododerme. De plus, l’excès de corne accentue ce phénomène et le pododerme réagit en produisant toujours plus de corne, et ainsi de suite. Le processus d’auto-entretien est alors en marche davantage sur les onglons postéro-externes par l’effet de la surcharge qu’ils supportent [10].

• Lésions sur la sole. La contusion du pododerme se traduit par de la corne jaune sale, puis par des bleimes le plus souvent circonscrites. Ces deux dernières lésions disparaissent après environ 2 mois d’évolution. Mais le pododerme subit encore des pressions anormales : la thrombose et l’ischémie à “l’endroit typique de la sole” entraînent une ulcération. Et les rebords de corne entretiennent contusions et réactions de l’ulcère par production cornée. Enfin, l’ulcère typique est comblé par un tissu de granulation et la cerise apparaît [10]. Si le processus nécrotique se perpétue, compliqué ou non par l’entrée de corps étrangers, l’infection peut gagner les tissus profonds. La lésion alors visible est l’ulcère compliqué de la sole.

• Lésions en talon. Le talon fissuré est enflé et douloureux. La corne se décolle et devient fragile. À ce stade, les aplombs sont modifiés et la boiterie est nette [10]. Les complications les plus graves sont les ténosynovites, les arthrites suppurées et l’ostéomyélite de la troisième phalange [10]. À long terme, les tylomes (ou limaces) présentent toujours le risque d’une érosion et d’une infection par les bactéries responsables du panaris.

EN SAVOIR PLUS

– Berry SL. Research Update on Papillomatous digital dermatitis (Footwarts) in dairy cattle. In: Annual Meeting and National Conference on Animal Health Emergency, Washington, USA. 1998

– Delacroix M. Boiteries des bovins : les affections du pied. Supplément technique. La Dépêche vétérinaire. 2000; 73: 48-66.

– Greenough PR, Mac Callum FJ, Weaver AD. Les boiteries des bovins. 2nd éd. Le Point Vétérinaire, Maisons-Alfort. 1995; 474.

– Greenough PR, Weaver AD. Lameness in cattle. 3rd ed. W.B. Saunders Compagny, Philadelphia. 1997; 336.

– Gourreau JM, Ville J. Dermatite digitée, existe-t-elle en France ? Sem. Vet. 1992; 640: 30.

– Hauptmeier LD. Foot rot in beef cattle [en-ligne] Iowa, Beef Center Organisation, [ibc.iastate.edu/content/library.htm] (consultée le 02/05/04) 1997.

– Laven RA. The environment and digital dermatitis. Cattle Pract. 1999; 7: 349-354.

– Mahin L, Addi A. Les maladies digitées des bovins. Ann. Méd. Vét. 1982; 126: 597-620.

– Sheldon IM. Digital and interdigital dermatitis in dairy cattle. Vet. Rec. 1994; 21(134)559-560.

– Stamm LV, Bergen HL, Walker RL. Molecular typing of papillomatous digital dermatitis-associated treponema isolates based on analysis of 16S-23S Ribosomal DNA Intergenic Spacer Regions. J. Clin. Microbiol. 2002; 40: 3463-3469.

– Vanmetre DC, Guard CL. Large Animal Internal Medicine, 2nd ed. Mosby, Davis. 1996: 1414-1417.

– Villemin M. Les affections des doigts chez les bovins. 1re ed. Vigot Frères, Paris. 1969: 103.

– Walker RL, Read HR, Loretz KJ et coll. Humoral response of dairy cattle to spirochetes isolated from papillomatous digital dermatitis lesions. Am. J. Vet. Res. 1997; 58: 744-748.

– Watson CL. Digital dermatitis. current clinical problems and lesions involved. Cattle Pract. 1999; 7(4): 341-344.

– Wooward MJ. Digital dermatitis. What role Spirochaetes Cattle Pract. 1999; 7: 345-348.

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