Frottis sanguin : évaluation des érythrocytes - Le Point Vétérinaire n° 305 du 01/05/2010
Le Point Vétérinaire n° 305 du 01/05/2010

Hématologie du chien et du chat

Mise à jour

LE POINT SUR…

Auteur(s) : Nicolas Pouletty

Fonctions : Département de pathologie et de microbiologie Faculté de médecine vétérinaire, université de Montréal CP 5000, Saint-Hyacinthe Québec, J2S 7C6 Canada

L’évaluation des érythrocytes est une étape importante de l’examen du frottis sanguin. Elle permet d’apporter un grand nombre d’informations si elle est systématique et ordonnée.

L’évaluation ordonnée des érythrocytes au frottis sanguin est une étape importante de la démarche diagnostique de nombreuses affections. Elle est complémentaire de l’analyse de la numération et de la formule sanguines. Dans certains cas, elle permet aussi d’établir directement le diagnostic.

Distribution

La distribution des érythrocytes est évaluée dans la couche mince du frottis sanguin (tableau). Dans cette zone, ces cellules sont le plus souvent disposées isolément et il est alors plus aisé d’estimer leur densité. Chez un animal qui présente une anémie modérée ou sévère, comparé à un animal sain, la densité des érythrocytes de la couche mince apparaît en général nettement diminuée (plus d’espace entre les cellules) (photos 1a et 1b). Dans cette zone, les érythrocytes peuvent aussi être agglutinés ou former des rouleaux (photos 2 et 3). Il est important de distinguer les rouleaux de l’agglutination car leur signification est différente. Lorsque les érythrocytes sont arrangés en rouleaux, à l’image de pièces de monnaie empilées, il est possible de les désolidariser grâce au test salin (encadré). La présence de rouleaux peut être secondaire à une augmentation des concentrations en protéines, en particulier les globulines, rencontrée lors d’un processus inflammatoire (péritonite infectieuse féline, ehrlichiose, etc.) ou néoplasique (myélome multiple ou lymphome) [13]. La formation de rouleaux est fréquente chez des chats sains, alors qu’elle est le plus souvent pathologique chez le chien. L’agglutination s’explique par la présence d’immunoglobulines (IgM surtout) liées à la surface des érythrocytes et se retrouve souvent lors d’anémie hémolytique à médiation immune (AHMI) [10].

Taille

1. Augmentation de taille

Les macrocytes (érythrocytes de taille augmentée) s’observent typiquement lors d’anémie régénérative en raison de la présence de polychromatophiles dont le volume cellulaire est supérieur à celui des érythrocytes matures (la variation du volume des érythrocytes s’appelle anisocytose). Les polychromatophiles sont reconnaissables à leur couleur légèrement basophile qui s’explique par la présence de ribosomes qui se colorent en bleu (photo 5) [4]. De façon pratique, chez un chien ou un chat anémié, et quel que soit le degré d’anémie, l’observation de deux à quatre polychromatophiles par champ (× 1 000) peut être considérée comme un signe de régénération. Le comptage des réticulocytes (globules rouges [GR] caractérisés, lors de la coloration au nouveau bleu de méthylène [NBM], par la présence d’inclusions bleu foncé agrégées ou isolées dans leur cytoplasme) est la méthode standard pour confirmer qu’une anémie est bien régénérative (photo 6). Toutefois, une très faible proportion de ces cellules peut être retrouvée en circulation chez des chiens et des chats sains, soit environ un polychromatophile pour 100 à 200 érythrocytes [11]. La macrocytose peut aussi être présente dans d’autres circonstances que l’anémie régénérative. Dans ce cas, seulement une anisocytose est rencontrée sans polychromatophilie. Les chats atteints par le virus de la leucose féline (FeLV) présentent souvent une macrocytose secondaire à une dysérythropoïèse provoquée par le virus. Une anémie peut accompagner cette maladie virale, et être régénérative ou non (en fonction du stade d’évolution de la maladie)[6]. De façon plus anecdotique, les macrocytes peuvent être présents de façon normale chez les lévriers et certains caniches miniatures [6].

2. Diminution de taille

Les microcytes (érythrocytes de taille diminuée) se retrouvent lors d’anémie par déficience en fer (déficit d’apport, fuite chronique de sang), de séquestration en fer (syndrome inflammatoire, bien que cette condition conduise souvent à une anémie normocytaire normochrome), de shunt porto-systémique et, de façon plus anecdotique, chez certaines races de chiens comme l’akita inu, mais sans conséquence pathologique[3].

Forme

1. Sphérocytes

Les sphérocytes sont des érythrocytes de petit diamètre qui apparaissent plus foncés et sans pâleur centrale, comparés à ceux de la couche mince (photo 7). Les érythrocytes en tête de frottis sanguin sont naturellement plus denses et sans pâleur centrale, et peuvent être confondus avec des sphérocytes.

Chez le chien, les sphérocytes se retrouvent typiquement lors d’AHMI et sont en général associés à une agglutination (plus de 80 % des chiens atteints présentent une sphérocytose significative et plus de 30 % une agglutination). La sphérocytose est significative lorsque plus de 20 % de sphérocytes par champsont observés [10].

Chez le chat, bien que l’AHMI soit très rare, les sphérocytes sont difficiles à différencier des érythrocytes car ces derniers ne présentent pas de pâleur centrale.

2. Acanthocytes

Les acanthocytes sont des érythrocytes qui possèdent des projections cytoplasmiques espacées, de longueur et de largeur inégales à la surface de la membrane (photo 8). Leur formation peut être secondaire à une augmentation du rapport cholestérol/phospholipides membranaires lors d’hypercholestérolémie, à une lipidose hépatique ou à une cholangiohépatite chez le chat, ou à un shunt porto-systémique chez le chien [8, 10]. Une microangiopathie, provoquant des dommages aux érythrocytes, peut également engendrer la formation d’acanthocytes (coagulation intravasculaire disséminée, hémangiosarcome, glomérulonéphrite, etc.) [4].

3. Kératocytes et schizocytes

Les kératocytes sont des érythrocytes qui possèdent deux projections pointues convergentes qui peuvent se réunir à leur extrémité (photo 9). Les schizocytes ont une morphologie fortement altérée et apparaissent comme des fragments d’érythrocytes aux extrémités pointues. Comme pour les acanthocytes, ces cellules sont observées le plus souvent à la suite de microangiopathies [4].

4. Échinocytes

Les échinocytes sont des érythrocytes hérissés de fines et courtes projections pointues de longueur égale, réparties uniformément à la surface de la membrane (photo 10). Habituellement, leur présence est un artefact morphologique secondaire à un excès d’EDTA, ou à un délai prolongé entre le prélèvement de sang et l’étalement du frottis. Leur présence est donc, le plus souvent, non significative.

Toutefois, leur nombre peut augmenter dans certaines conditions pathologiques, par exemple en cas d’azotémie [4].

Couleur

Les polychromatophiles et leurs circonstances d’apparition sont liés à la présence d’une anémie régénérative.

Les érythrocytes matures hypochromes présentent une pâleur centrale plus importante car ils possèdent une concentration en hémoglobine plus basse que la normale (photo 11). Leur présence est, en général, associée à une anémie par déficience en fer(hémorragie externe chronique par exemple) [4].

Structures anormales et érythroblastes

1. Structures anormales

Corps de Heinz et eccentrocytes

Les corps de Heinz (CH) comme les eccentrocytes surviennent à la suite d’un dommage oxydatif des érythrocytes.

Les CH correspondent à une protubérance rosée ou à une inclusion pâle près de la membrane (photo 12). Les eccentrocytes sont des érythrocytes coiffés d’une structure claire en forme de croissant, qui jouxte la membrane (photo 13).

Chez le chien et le chat, les causes d’anémie à CH et à eccentrocytes sont d’origine alimentaire (oignons par exemple), médicamenteuse (paracétamol, etc.) ou toxique (zinc, etc.) [1, 2]. Chez un chat normal, de rares érythrocytes peuvent présenter des CH (jusqu’à 5 %). Leur nombre peut augmenter chez un chat malade non anémique lors d’un diabète sucré, d’hyperthyroïdie ou de lymphome.

Corps d’Howell-Jolly

Les corps d’Howell-Jolly sont des fragments de noyau qui n’ont pas été éliminés des érythrocytes. Ils sont rencontrés lors d’anémie régénérative ou de splénectomie. Ils sont aussi observés à l’état normal, en faible pourcentage, surtout chez le chat [4].

Parasites

Des parasites peuvent être retrouvés au sein des érythrocytes. Deux le sont fréquemment : Babesia canis chez le chien et Mycoplasma hæmofelis (anciennement Hemobartonella felis) chez le chat (photos 14 et 15). Le premier a une forme de poire, se trouve souvent en paire et est incolore à bleu clair avec un noyau rouge à pourpre (coloration Wright-Giemsa®). Le second, Mycoplasma hæmofelis, est attaché à la surface des érythrocytes, se colore en bleu foncé (coloration Wright-Giemsa®), et peut prendre la forme d’une coque, d’un anneau ou d’un bâtonnet.

2. Érythroblastes

Les érythroblastes sont des GR nucléés qui représentent des stades immatures d’érythrocytes. En général, ils sont libérés par la moelle osseuse lors d’un important effort de régénération chez un animal anémique. Toutefois, Ils peuvent également indiquer un trouble de la moelle osseuse ou un désordre splénique (photo 16) [4, 5].

Le frottis sanguin est un outil diagnostique très utile et facile à mettre en œuvre. L’examen des GR peut fournir d’importantes informations qui contribuent grandement au cheminement diagnostique. Par exemple, une anémie hypochrome indique en général une déficience en fer, ce qui oriente vers des pertes de sang externes chroniques. La présence d’acanthocytes en circulation indique des dommages mécaniques aux érythrocytes, compatibles avec un hémangiosarcome, une hypertension rénale, etc. Parfois même, un diagnostic définitif peut être posé. Ainsi, une anémie régénérative associée à la présence de sphérocytes et d’une agglutination permet de poser le diagnostic d’AHMI.

Références

  • 1 – Desnoyers M. Anemias associated with Heinz bodies. In : Schalm’s veterinary hematology. 5th ed. Ed. Lippincott William & Wilkins, Baltimore. 2000: 178-184.
  • 2 – Harvey JW. Methemoglobinemia and Heinz-body haemolytic anemia. In : Kirk’s current veterinary therapy XII. Small Anim. Pract. Ed. WB Saunders, Philadelphia. 1995: 443-446.
  • 3 – Harvey JW. Microcytic anemias. In : Schalm’s veterinary hematology. 5th ed. Ed. Lippincott William & Wilkins, Baltimore. 2000: 200-204.
  • 4 – Harvey JW. Atlas of veterinary hematology : blood and bone marrow of domestic animals. Ed. WB Saunders. 2001: 228p.
  • 5 – Jain NC. Essentials of veterinary hematology. Ed. Lea & Febiger, Malvern. 1993: 417p.
  • 6 – Kociba GJ. Macrocytosis. In : Schalm’s veterinary haematology. 5th ed. Ed. Lippincott William & Wilkins, Baltimore. 2000: 196-199.
  • 7 – Stockham SL, Scott MA. Fundamentals of veterinary clinical pathology. 2nd ed. Ed. Blackwell Publishing. 2008: 908p.
  • 8 – Tvedten H, Weiss DJ. Erythrocyte Disorders. In : Willard MD, Tvedten H. Small Animal Clinical Diagnosis by Laboratory Methods. 3rd ed. Ed. WB Saunders, Philadelphia. 1999: 31-51.
  • 9 – Walker D. Peripherical blood smears. In : Cowell RL, Tyler RD, Meinkoth JH. Diagnostic cytology and hematology of the dog and cat, 3rd ed. Ed. Mosby, St Louis. 2008: 390-421.
  • 10 – Weiss DJ. Clinical hemorrheology. In : Schalm’s veterinary haematology. 5th ed. Ed. Lippincott William & Wilkins, Baltimore. 2000: 57-60.

Encadré : Test salin

Ce test simple consiste à mettre deux à quatre gouttes de soluté physiologique en contact avec une goutte de sang, puis à observer au microscope une petite quantité de ce mélange placée entre lame et lamelle, sans séchage ni coloration.

Si les érythrocytes se dispersent à la suite de ce test, il s’agit de rouleaux. S’ils restent attachés entre eux, en grappe, cela confirme qu’il s’agit d’une agglutination (photo 4).

POINTS FORTS

• Le test salin différencie un phénomène d’agglutination de la formation de rouleaux d’érythrocytes.

• Une anémie régénérative se caractérise par la présence de nombreux polychromatophiles au frottis sanguin.

• La présence de sphérocytes et d’agglutination est caractéristique d’une anémie hémolytique à médiation immune chez le chien.

• La présence d’échinocytes est souvent liée à un artefact dans la préparation du frottis.

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