Les pancréatites félines : actualités diagnostiques et thérapeutiques - Le Point Vétérinaire n° 300 du 01/11/2009
Le Point Vétérinaire n° 300 du 01/11/2009

GASTRO-ENTÉROLOGIE FÉLINE

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FOCUS

Auteur(s) : Fabienne Wyssmann

Fonctions : D’après la conférence de Patrick Lecoindre (dipl. ECVIM(CA)) à l’ENV d’Alfort, le 2 avril 2009

Le diagnostic des pancréatites félines est réputé difficile en raison d’un tableau clinique peu caractéristique et d’examens d’imagerie d’interprétation délicate.

Chez le chat, les pancréatites ont longtemps été considérées comme peu fréquentes et avec des répercussions cliniques limitées. Cela s’explique par des signes cliniques frustes et non spécifiques et par l’existence de maladies concomitantes dont le diagnostic est plus aisé à établir que celui de la pancréatite. De ce fait, cette affection est largement sous-diagnostiquée.

Pathogénie

La pancréatite correspond à une inflammation de la glande due à l’activation in situ des enzymes, appelées pro-enzymes, contenues sous forme inactive dans les cellules acineuses. Cette inflammation serait la réponse à une hypoxie du pancréas qui peut être secondaire à de nombreuses causes : traumatisme abdominal (accident de la voie publique, parachutisme, etc.), maladies infectieuses (virus de l’immunodéficience féline, ou FIV, virus de la leucose féline, ou FeLV, toxoplasmose), etc.

D’autres affections évoluent souvent de façon concomitante. Les plus fréquentes sont les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), et les pathologies hépatique et biliaire (lipidose, cholangio-hépatite, hépatite, cholécystite ou obstruction des voies biliaires extrahépatiques) (photo 1).

Une trilogie d’affections regroupant une cholangite, une MICI et une pancréatite, appelée “triade”, est spécifique de l’espèce féline en raison d’un rapport anatomique étroit entre les systèmes biliaire, pancréatique et digestif.

En effet, chez le chat, le conduit cholédoque s’associe au canal pancréatique principal avant de regagner, via la papille duodénale, le duodénum descendant, 3 à 4 cm après le pylore. Lorsque l’atteinte inflammatoire évolue depuis plusieurs années et qu’elle entraîne une atrophie sévère du pancréas, un défaut de sécrétion d’insuline (diabète) et, plus occasionnellement, une insuffisance pancréatique exocrine (IPE) peuvent être observés.

Épidémiologie

Une étude anatomopathologique menée sur 115 chats morts de causes variées a mis en évidence que 67 % d’entre eux présentaient des lésions de pancréatite. Si la population étudiée se réduit à des chats “apparemment” sains, le pourcentage s’élève à 45 %. Cette étude relève une incidence élevée de la maladie. Cette incidence ne doit pas être confondue avec la prévalence puisque toutes ces pancréatites n’ont pas de répercussions cliniques.

Classification

Deux présentations cliniques sont connues chez le chat : une forme chronique et une forme aiguë. La première est de loin la plus fréquente (60 % versus 15 %). La distinction clinique entre les deux formes est difficile et est surtout anatomopathologique.

Forme aiguë

Lors de forme aiguë, les signes cliniques sont peu spécifiques, mais souvent de forte intensité : abattement marqué, anorexie, hyperthermie, déshydratation et amaigrissement. Contrairement au chien, les vomissements et la diarrhée sont rares. D’autres symptômes (poly-uropolydipsie, ictère, etc.), liés à une maladie concomitante, peuvent être observés. À l’histopathologie, des lésions de pancréatite aiguë nécrotique sont retrouvées.

Cette forme aiguë peut se chroniciser.

Forme chronique

Lors de forme chronique, les signes cliniques sont également peu spécifiques mais moins marqués : abattement modéré, épisode d’anorexie, vomissements intermittents, amaigrissement. Ils constituent le “syndrome digestif félin chronique”. À l’histopathologie, des lésions de pancréatite chronique non suppurée son observées.

Diagnostic

La pancréatite doit faire partie du diagnostic différentiel lorsqu’un chat présente un abattement, une anorexie, un amaigrissement ou un syndrome digestif chronique.

Bilan hématobiochimique

Un bilan hématobiochimique (une numération et une formule sanguines et un bilan biochimique de base complété par le dosage des lipases, des amylases et du calcium) est conseillé, bien que le dosage des lipases et des amylases n’ait aucun intérêt diagnostique car il est souvent normal, même lors de pancréatite sévère. Cet examen peut être, en revanche, le révélateur d’une maladie associée, à l’origine de la pancréatite ou qui en est la conséquence.

41 % des chats atteints d’une pancréatite aiguë présentent une diminution de la calcémie totale.

Lors de suspicion de cholestase, un bilan de l’hémostase est requis car des troubles de la coagulation sont souvent observés.

Imagerie médicale

• La radiographie ne présente pas d’intérêt pour diagnostiquer une pancréatite. Elle permet toutefois d’explorer certaines hypothèses du diagnostic différentiel.

• L’échographie du pancréas n’est pas facile à mettre en œuvre dans l’espèce féline. De plus, des chats atteints de pancréatite ne présentent pas toujours des signes échographiques de maladie pancréatique (sensibilité de 24 à 60 % selon les cas) (photo 2). Cet examen est toutefois indispensable pour rechercher des affections associées, comme une cholestase, une cholangite, etc.

• La tomodensitométrie, qui est l’examen de choix pour le diagnostic et le suivi de la pancréatite humaine, est décevante chez le chat car sa sensibilité est faible.

Tests biologiques

• La mesure de la concentration sérique en fTLI (trypsine-like immunoreactivity) est spécifique de la fonction exocrine du pancréas. C’est le test de choix pour dépister une IPE. Sa sensibilité et sa spécificité sont respectivement de 28 % et de 75 % lors de pancréatite. De nombreuses affections peuvent entraîner une élévation de la TLI sans atteinte pancréatique.

• Le dosage de la lipase pancréatique féline par radio-immuno-essai (fPLI) correspond au “gold standard”. La sensibilité de ce test varie de 100 à 91 % lors respectivement de pancréatites modérées à sévères et de pancréatites légères. La spécificité est de 91 %. Ce test n’est pas disponible en France. Toutefois, le dosage de la lipase féline par la méthode Elisa (Spec fPL) possède une très bonne corrélation avec le fPLI (98 %). Ce test s’effectue sur 0,5 ml de sérum.

Traitement

La forme aiguë de pancréatite nécessite une réanimation médicale précoce fondée sur la fluidothérapie (afin de restaurer la perfusion du pancréas), la restauration des équilibres acido-basique et électrolytique (le traitement des vomissements est indispensable ; le maropitant est plus efficace chez le chat que le métoclopramide) et une réalimentation entérale précoce afin de prévenir le développement d’une lipidose.

Lors de forme chronique, le traitement dépend des affections associées, comme le diabète, les MICI, les cholangites.

Une antibiothérapie efficace contre les Gram+, les Gram– et les anaérobies est conseillée. La gestion de la douleur, indispensable, peut être réalisée à l’aide d’un patch de fentanyl.

Une carence en vitamine B12 est fréquemment observée lors de MICI et une supplémentation à la dose de 250 µg par semaine est conseillée. Lors de maladie cholestatique (cholangite ou stéatose), une administration systématique de vitamine K est indiquée pendant 3 semaines en raison des troubles de la coagulation souvent observés. Les anti-inflammatoires stéroïdiens ne sont plus contre-indiqués. Ils trouvent une indication lors de “triade” et de pancréatite chronique car ils limitent le développement de la fibrose. Enfin, l’administration d’un antioxydant comme la silimarine ou la S-adénosyl-méthionine (SAMe) est décrite.

Le dosage Spec fPL devient le test incontournable lors de suspicion de pancréatite car il permet un diagnostic de certitude non invasif, contrairement à l’examen anatomopathologique qui est très fiable (test de référence), mais qui requiert plusieurs biopsies. Il est également d’une grande utilité dans le suivi du traitement.

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