Un cas de diverticule œsophagien chez un chien - Le Point Vétérinaire n° 297 du 01/07/2009
Le Point Vétérinaire n° 297 du 01/07/2009

Chirurgie digestive canine

Pratique

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Guillaume de la Villéon*, Cyrill Poncet**

Fonctions :
*IMM-Recherche Institut mutualiste Montsouris 42, boulevard Jourdan 75014 Paris
**Centre hospitalier vétérinaire 43, avenue Aristide-Briand 94110 Arcueil

Un chien shih-tzu mâle âgé de 5 ans est présenté pour un abattement, des régurgitations d’aliments non digérés associées à des vomissements, qui se sont aggravés depuis quinze jours.

À l’âge de 5 ans, un shih-tzu est présenté en consultation pour des régurgitations régulières d’aliments non digérés quatre ou cinq fois par jour depuis son adoption et quelques vomissements associés. L’animal est en bon état général malgré ces troubles digestifs. Il pèse alors 6 kg. Les paramètres vitaux sont dans les normes et aucun autre dysfonctionnement digestif n’est observé ni rapporté. L’appétit est conservé. Une attention particulière est portée à l’examen respiratoire, qui se révèle normal. Le diagnostic différentiel inclut un mégaœsophage, un diverticule œsophagien, un corps étranger œsophagien ou un jabot œsophagien.

Un examen radiographique du thorax est réalisé. Des clichés sans préparation puis avec produit de contraste sont effectués (photo 1). Ils permettent de diagnostiquer un diverticule œsophagien de 4 cm de diamètre environ, s’abouchant à l’entrée du thorax et s’étendant jusqu’à la base du cœur. Un examen fibroscopique de l’œsophage est également pratiqué afin de repérer plus précisément la position anatomique du diverticule et d’identifier d’éventuelles lésions associées. L’abouchement d’un unique diverticule est identifié par fibroscopie, sans aucune autre anomalie constatée. Une intervention chirurgicale est proposée aux propriétaires pour la résection du diverticule, mais ceux-ci la refusent.

Cas clinique

1. Commémoratifs

Quatre ans après cette première consultation, le chien est revu pour les mêmes signes cliniques. Il a alors 9 ans. Son état général s’est notablement dégradé et son poids est passé de 6 kg à 4,4 kg. Les paramètres vitaux, ainsi que l’auscultation cardio-respiratoire sont normaux. Les régurgitations et vomissements sont devenus systématiques depuis 15 jours, et ils sont plus abondants.

2. Examens complémentaires

• Un transit baryté œsophagien est réalisé pour observer l’évolution des lésions. La taille du diverticule a augmenté de façon importante et il mesure alors 10 cm de diamètre (photo 2). Il est situé en région ventrale du thorax, au contact du sternum et de la base du cœur.

• Une fibroscopie œsophagienne permet de repérer la zone lésionnelle pour préparer l’intervention chirurgicale (photo 3). Elle confirme la taille conséquente du diverticule, et identifie un contenu alimentaire hétérogène et abondant. Des lésions d’œsophagite chronique sont également observées.

• Un examen biochimique sanguin ne révèle aucune anomalie. Une numération et une formule sanguines mettent en évidence une leucocytose importante, à 32,2 x 109/l (valeurs usuelles : 6 à 13x 109/l).

3. Traitement

L’intervention chirurgicale est à nouveau proposée. Elle est cette fois acceptée par les propriétaires, malgré un pronostic moins favorable en raison de l’état général altéré de l’animal, de l’aggravation et de l’ancienneté des lésions. La veille de l’opération, un traitement est instauré afin de limiter les conséquences des lésions gastro-intestinales observées. Il comprend du métoclopramide à la dose de 0,5 mg/kg par voie intraveineuse toutes les 4 heures, de la ranitidine à 2 mg/kg par voie intraveineuse toutes les 12 heures et de la smectite à 250 mg/kg par voie orale.

Protocole anesthésique

Le chien est prémédiqué avec du diazépam à la dose de 0,25 mg/kg et de la morphine à 0,2 mg/kg par voie intraveineuse. L’anesthésie est induite par du propofol à la dose de 4 mg/kg par voie intraveineuse et entretenue par un relais gazeux avec un mélange d’isoflurane et d’oxygène pur en ventilation contrôlée (10 ml/kg/insufflation à 20 insufflations par minute). L’antibioprophylaxie est réalisée par une injection de céfalexine à la dose de 30 mg/kg par voie intraveineuse à l’induction, puis toutes les 2 heures le temps de l’intervention chirurgicale.

Protocole opératoire

L’animal est placé en décubitus dorsal, puis le thorax est abordé par sternotomie à la scie oscillante de la première à la sixième sternèbre. Après la mise en place d’un écarteur de Finochietto, une exploration de la cavité thoracique est réalisée. Le diverticule est identifié comme une large poche tissulaire, adhérente aux différentes structures adjacentes (oreillette droite, lobes pulmonaires craniaux, vaisseaux thoraciques). L’absence de toute anomalie vasculaire qui pourrait être à l’origine d’une dilatation œsophagienne segmentaire est confirmée. Une dissection soigneuse du diverticule est entreprise jusqu’à la libération complète des adhérences, particulièrement celles avec le péricarde (photo 4). Une pince d’autosuture de type Gastro-Intestinal Anastomosis (EndoGIA®, TycoHealthcare) est mise en place autour de la base du diverticule et verrouillée dans cette position (photo 5). Lors de l’activation, elle dispose deux rangées d’agrafes de part et d’autre de la zone de section, et une lame effectue la section. La longueur de la recharge étant inférieure à celle du trait de section souhaité, l’opération est répétée avec une autre recharge GIA. Le diverticule est ainsi réséqué (photo 6). La cavité thoracique est abondamment rincée avec une solution tiédie de NaCl 0,9 %. Un drain thoracique de Redon CH 14 est mis en place et relié à un système d’aspiration sous vide, le sternum est suturé (fil polyamide décimale 4) et les plans superficiels sont fermés conventionnellement. Le système de collection du drain est vidé dès que nécessaire, au minimum deux fois par 24 heures.

4. Phase postopératoire

Le traitement postopératoire comporte une anti-biothérapie à l’aide de céfalexine pendant 7 jours, une prise en charge de la douleur réalisée par instillation de lidocaïne à la dose de 5 mg/kg toutes les 8 heures dans le drain thoracique et l’injection intramusculaire de morphine à 0,1 mg/kg trois fois par jour pendant 3 jours. Les traitements protecteurs gastro-intestinaux sont également prolongés pendant 7 jours. Un plan de réalimentation progressive est mis en place avec un aliment liquide (Fortol®), à partir de 36 heures postopératoires, à une fréquence initiale de 6 prises par 24 heures. À 2 jours postopératoires, la production du drain thoracique étant faible et stable (2,5 à 4 ml toutes les 4 heures), son retrait est décidé. À 4 jours, l’état général de l’animal est jugé en nette amélioration et une alimentation humide est progressivement réinstaurée.

5. Suivi

Lors du retrait des fils à 12 jours postopératoires, l’animal est en bon état général, a repris une alimentation humide et aucun trouble digestif n’est observé. Des entretiens téléphoniques réalisés à 1mois et à 6 mois postopératoires avec les propriétaires confirment cette bonne évolution.

Discussion

Un cas de diverticule œsophagien et son évolution sur une période de 4 ans sont décrits chez un chien. L’aggravation progressive des signes cliniques notés lors de la première consultation (vomissements, régurgitations) a entraîné une dégradation importante de l’état général de l’animal. Cette évolution est due à l’élargissement constaté du diverticule sur les clichés radiographiques, aux ulcérations muqueuses et aux œsophagites chroniques fréquemment rapportées dans de tels cas [7, 10, 14].

1. Épidémiologie

Moins de 30 cas de diverticule œsophagien sont rapportés dans la littérature vétérinaire, presque toujours chez des chiens de petite taille [1, 2, 4, 5, 7, 8, 10, 11, 12, 14]. Ils sont classés en diverticules congénitaux ou acquis selon différents critères (histologiques, anamnestiques). Une étude rétrospective qui porte sur 9 cas a estimé que 5 d’entre eux étaient vraisemblablement d’origine congénitale [14]. Dans le cas décrit, l’apparition précoce des signes cliniques après la naissance permet de supposer une telle cause. Chez l’homme, la description plus fréquente de cas de diverticule œsophagien a permis la mise en place d’une classification fondée sur plusieurs critères d’origine et de localisation. Le diverticule peut être congénital ou acquis. Les diverticules acquis sont divisés en diverticules par pulsion et par traction. Les diverticules par pulsion sont le résultat de la herniation de la muqueuse à travers la tunique musculeuse en raison d’une surpression localisée (obstruction œsophagienne mécanique ou fonctionnelle), alors que les diverticules par traction résultent de l’inflammation d’un organe adjacent et des adhésions ainsi formées avec l’œsophage, aboutissant à la déviation de la paroi œsophagienne sur toute son épaisseur et à la formation d’une poche [8, 9, 10]. Les diverticules par pulsion sont souvent localisés en région pharyngo-œsophagienne (diverticules de Zenker) ou au-dessus du diaphragme (diverticules épiphréniques). Les diverticules par traction sont en revanche en majorité trouvés dans la portion thoracique moyenne de l’œsophage. Chez le chien, tous les cas de diverticule œsophagien rapportés à notre connaissance étaient situés en zone prédiaphragmatique, sauf deux respectivement à l’entrée du thorax et en région thoracique moyenne [1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 15]. Le diverticule décrit dans ce cas présente donc une localisation particulière, très rarement décrite chez le chien, puisqu’il est situé dans la portion thoracique craniale de l’œsophage. Par analogie à l’homme, cette localisation pourrait correspondre à celle d’un diverticule par traction, même si cette association n’a pas été démontrée chez l’animal.

2. Affections associées

Chez l’animal, une association est rapportée entre les diverticules œsophagiens et les fistules broncho-œsophagiennes [1, 8, 11, 12, 14]. Une attention particulière aux signes cliniques d’atteinte respiratoire lors de diverticule œsophagien est donc requise, et un diverticule œsophagien associé à une fistule broncho-œsophagienne doit être envisagé en cas d’affection respiratoire persistante. Dans le cas décrit dans cet article, le diverticule n’est pas associé à une fistule broncho-œsophagienne. Différents schémas pathogéniques sont avancés à ce sujet : un corps étranger œsophagien pourrait être à l’origine d’une nécrose de la paroi, puis de la formation d’une fistule broncho-œsophagienne et d’un diverticule par traction [12]. Une autre chronologie des événements est proposée : présence d’un diverticule œsophagien congénital ou acquis, accumulation de corps étrangers œsophagiens menant à la nécrose pariétale et création d’une fistule [12]. Des fistules broncho-œsophagiennes congénitales sont également décrites [14].

3. Traitement

Le traitement est chirurgical pour toutes les formes de diverticules œsophagiens symptomatiques ou de tailles moyenne à importante. Chez le cheval, une technique d’inversion de la muqueuse du diverticule a été décrite [3]. La méthode chirurgicale la plus fréquemment rapportée chez le chien est une thoracotomie latérale intercostale (espace inter-costal repéré grâce à l’œsophagographie), suivie d’une diverticulectomie simple [4, 8, 10, 14, 15]. Certains diverticules de très grande taille ou multiples peuvent requérir une résection partielle ou complète d’une portion d’œsophage, suivie d’une reconstruction [7, 8, 14, 16]. La résection d’un segment d’œsophage doit être évitée aussi souvent que possible en raison des complications plus nombreuses et plus importantes [7, 14]. Le pronostic est considéré comme bon pour les animaux en bon état général et qui relèvent d’une diverticulectomie simple, mais est réservé dans les autres cas (résection/anastomose, état général altéré, diverticules œsophagiens associés à une fistule broncho-œsophagienne).

Dans notre cas, la dégradation de l’état clinique de l’animal, ainsi que la taille du diverticule observée sur les clichés avec préparation ont conduit à proposer l’intervention chirurgicale. Plusieurs adaptations par rapport à la technique décrite ont été mises en œuvre : en raison de la localisation craniale et ventrale du diverticule, un abord par sternotomie craniale a été préféré. La résection du diverticule a ensuite été réalisée grâce à des pinces d’autosuture, habituellement utilisées dans le contexte de la chirurgie abdominale. L’emploi de ces pinces permet de réduire de façon considérable le temps opératoire et le risque septique, en permettant la résection du diverticule sans communication de la lumière de celui-ci avec la cavité thoracique (technique fermée) [13].

Un cas de diverticule œsophagien chez un chien, dont la localisation est peu décrite, est traité de façon inhabituelle. En effet, l’abord chirurgical par sternotomie médiane et la résection au moyen de pinces d’autosuture sont originaux. Le suivi à moyen terme de l’animal fait état d’une bonne évolution. La sternotomie médiane semble être une voie d’abord intéressante lors de diverticules de ce type.

Références

  • 1 – Basher AW et coll. Surgical treatment of a congenital bronchoesophageal fistula in a dog. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1991;199(4):479-482.
  • 2 – Bone WJ. Diverticulum near the thoracic inlet. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1969;155(3):549-550.
  • 3 – Craig DR et coll. Esophageal disorders in 61 horses. Results of nonsurgical and surgical management. Vet. Surg. 1989;18(6):432-438.
  • 4 – Faulkner R et coll. Epiphrenic esophageal diverticulectomy in a dog : a case report and review. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 1981;17:77-81.
  • 5 – Hill FW et coll. An œsophageal diverticulum in a dog. Aust. Vet. J. 1979; 55(4):184-187.
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  • 8 – Kyles A. Esophagus. In: Small animal surgery. Slatter D, ed. 3rd ed. Saunders, Philadelphia. 2003;585-586.
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  • 10 – Lewis DT et coll. What is your diagnosis? An air-filled circular lesion within the caudodorsal portion of the thorax. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1990;196(9):1513-1514.
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  • 13 – Pavletic MM. Stapling in esophageal surgery. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 1994;24(2):395-412.
  • 14 – Pearson H, Gibbs C, Kelly DF. Oesophageal diverticulum formation in the dog. J. Small Anim. Pract. 1978;19(6):341-355.
  • 15 – Reed JH, Cobb LM. The diagnosis, radiographic study and surgical relief of a case of oesophageal diverticulum. Can. Vet. J. 1960;1(7):323-325.

POINTS FORTS

• Les diverticules œsophagiens touchent essentiellement les chiens de petite taille.

• Une association fréquente est notée entre les diverticules œsophagiens et les fistules broncho-œsophagiennes.

• Le traitement de choix est chirurgical lorsque les diverticules sont de taille moyenne à importante et responsables de signes cliniques.

• Un diverticule œsophagien non traité peut avoir des conséquences graves sur l’état général de l’animal.

• L’abord chirurgical doit être choisi en fonction des caractéristiques anatomiques du diverticule.

• Le pronostic, variable, doit prendre en compte différents critères, tels que l’état général de l’animal, la taille du diverticule et l’association avec d’autres affections.

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