Modélisation de la croissance du chiffre d’affaires - Le Point Vétérinaire n° 296 du 01/06/2009
Le Point Vétérinaire n° 296 du 01/06/2009

Gestion en clientèle canine

Mise à jour

CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Philippe Laravoire

Fonctions : 16, allée des Fausses-Reposes
92370 Chaville

Lors de la création d’un cabinet ou d’une clinique, l’estimation du chiffre d’affaires potentiel et de son évolution les premières années est un point clé. Un modèle de prévision est proposé ici.

Tout projet de création d’entreprise doit commencer par la construction d’un business plan (un compte de résultat prévisionnel) qui compte deux grands volets : le prévisionnel de chiffre d’affaires et le prévisionnel des dépenses. Prévoir ses dépenses est relativement facile ; les loyers, les remboursements de prêts, les salaires, les assurances, les abonnements, etc., sont essentiellement des sommes fixes et mensualisées. Seules les dépenses d’achats de médicaments, d’aliments et de consommables sont variables car elles dépendent de l’activité future.

En revanche, évaluer ce que sera le chiffre d’affaires d’une activité pas encore créée reste la partie la plus délicate. En effet, un prévisionnel sous-évalué risque de montrer un retour sur investissement trop faible pour séduire un banquier et obtenir le prêt bancaire nécessaire au démarrage du projet. Et un prévisionnel surévalué peut, à l’inverse, laisser s’engager le praticien dans une entreprise qui se révélera moins rémunératrice que prévu, augmentant les risques financiers, surtout pendant les premiers mois d’activité, là où l’équilibre est encore fragile. Le prévisionnel de chiffre d’affaires doit, par conséquent, être le plus réaliste possible, ni trop optimiste, ni trop pessimiste. Pour le construire, un certain nombre de données (la taille du marché, les concurrents en place) doivent être réunies, les flux de clientèle estimés et les comportements de celle-ci compris.

Étape 1 : évaluer le marché local

La première hypothèse émise concerne la taille du marché. L’implantation d’une clinique dans une zone n’augmente pas celui-ci. Dans notre modèle, la nouvelle structure se développe aux dépens des cliniques existantes. C’est un “jeu à somme nulle” : la taille du gâteau est la même quel que soit le nombre de convives qui s’invitent à table. Les sommes dépensées sur une zone de chalandise par les propriétaires d’animaux domestiques sont constantes, y compris lors de l’ouverture d’une nouvelle clinique. Nous négligeons donc le fait que, dans certaines zones à faible densité de structures canines, une création puisse, d’une part, attirer des clients locaux qui étaient obligés de se déplacer dans la ville d’à côté et, d’autre part, augmenter le taux de médicalisation des animaux. Pour déterminer la taille du marché, il convient de connaître à la fois le nombre de foyers qui possèdent un chien ou un chat dans la zone concernée et le montant moyen dépensé pour leurs animaux de compagnie chez leur vétérinaire par an et par foyer.

1. Zone de chalandise

• Le premier élément à évaluer est la zone d’attraction commerciale de la future clinique. Il convient de déterminer où habitent les clients potentiels de la nouvelle implantation. Pour approcher cette valeur, deux sources sont disponibles : d’une part, une estimation faite en 1997 par Samy Bader dans sa thèse sur la zone d’attraction d’un cabinet vétérinaire, soit un cercle de 3 km de rayon en ville, de 6,5 km en périphérie et de 8 km dans les villages, et, d’autre part, les données Qualivet qui permettent de connaître la répartition d’une clientèle selon le critère d’éloignement entre le domicile et la clinique (tableau 1) [1, 3]. Une moyenne de 6,3 km avec 4,1 km pour la région parisienne et 6,9 km hors région parisienne est retenue, ce qui correspond à peu près à une zone de 50 000 habitants en zone urbaine [3]. Par la suite, dans notre modèle, nous prendrons comme deuxième hypothèse que la nouvelle clinique s’installe au milieu d’une zone de chalandise de 50 000 habitants.

• D’après l’Institut national de la statitisque et des études économique (Insee), la France compte 23,8millions de foyers, dont 51 % possèdent au moins un chien ou un chat, soit 12,1 millions de foyers propriétaires d’un chien ou d’un chat [2]. Cela représente 19 % des 63,753 millions d’habitants que compte la France. Nous en déduisons la règle de détermination du nombre de foyers d’une zone :

Nombre de foyers où vit un animal = 19 % du nombre d’habitants.

En moyenne, 9 500 foyers possèdent au moins un chien ou un chat dans une zone de 50 000 habitants.

2. Valeur du marché local

La valeur du marché local correspond à la somme dépensée chaque année chez leur vétérinaire par les foyers qui possèdent un animal de compagnie. Selon Panelvet, chaque client dépense 209 € par an en moyenne [3]. Cette somme varie avec le niveau de vie de chaque région et de chaque ville. Il convient donc d’introduire un coefficient correctif pour tenir compte du pouvoir d’achat local.

La formule pour estimer la valeur du marché local devient :

Montant dépensé chez les vétérinaires de la zone = CC x 209 x 19 % du nombre d’habitants x TM,

où TM est le taux de médicalisation des animaux de compagnie de la zone et CC le coefficient correctif du niveau de vie local.

Comment calculer ou obtenir ce coefficient ? Une bonne source pour connaître le revenu moyen, le prix de l’immobilier ou le niveau d’imposition des ménages, ville par ville, est de parcourir le site de l’Insee ou www.journaldunet.com à la rubrique “management/ville”. CC est égal à 1 si le niveau de vie local équivaut à la moyenne nationale. Il est inférieur à 1 si le niveau de vie local est inférieur à la moyenne nationale et supérieur à 1 si ce niveau de vie lui est supérieur. Pour estimer la décote ou la surcote à appliquer, quelques appels téléphoniques et des visites à des confrères dans des zones de niveaux de vie très différents nous ont enseigné que les prix pratiqués sur des actes courants (vaccination, stérilisation, consultation, radiographie, anesthésie, etc.) correspondent à un CC variant entre 0,7 et 1,3. Dans notre exemple, nous considérerons que nous nous implantons sur une zone de 50 000 habitants qui présente un niveau de vie moyen français (CC= 1). Selon notre formule, il s’y dépense chaque année au maximum 1,985 million d’euros chez les praticiens si nous estimons que tous les foyers médicalisent leur animal de compagnie, ce qui n’est pas la réalité. Nous devons appliquer une décote sur ce montant pour tenir compte des animaux non médicalisés. Nous prendrons un TM égal à 70 %. Cette moyenne nationale n’a pas de valeur en local car plus le niveau de vie est élevé, plus le taux de médicalisation l’est également. Pour notre zone type de 50 000 habitants, le montant du marché des soins vétérinaires est estimé à 1,39 million d’euros.

Étape 2 : évaluer le nombre de vétérinaires sur la zone de chalandise

Pour ce faire, le plus simple et le plus efficace est de prendre le bottin et l’Annuaire vétérinaire ROY, et de rechercher toutes les structures vétérinaires installées dans la zone de chalandise prédéfinie en notant le nombre de praticiens qui y exercent, mais aussi celui de cabinets et de cliniques. Il convient de les appeler pour connaître ceux qui sont, de par leur activité, des concurrents directs de la structure envisagée. Pour notre exemple, nous allons évaluer le nombre moyen de vétérinaires dans une zone de 50 000 habitants.

En France, 6 777 vétérinaires canins et 4 777 praticiens mixtes sont recensés [2]. En faisant l’hypothèse qu’un vétérinaire mixte effectue 50 % de son activité en clientèle canine, nous pouvons calculer le nombre d’équivalents vétérinaires canins exerçant en France, soit 9 165. Pour une zone donnée, la formule pour déterminer le nombre moyen de vétérinaires canins est :

Nombre de vétérinaires canins = 0,144 x nombre d’habitants/1 000.

En moyenne, 7 vétérinaires canins exercent dans une zone de 50 000 habitants. Sachant qu’une structure vétérinaire canine compte en moyenne 1,6 praticien (en équivalent temps plein), ces 7 vétérinaires se répartissent sur 4 ou 5 structures, 4 dans notre exemple chiffré [6].

Étape 3 : évaluer le flux de clientèle

Grâce aux 69 cliniques étudiées dans l’outil Panelvet, qui collecte toutes les transactions de 153 000 clients, le taux de renouvellement annuel d’une clientèle est évalué à 29 % [4]. Ce qui signifie que sur notre zone type de 50 000 habitants, 29 % des 8 000 foyers qui médicalisent leur animal de compagnie (85 % des 9 500 foyers possédant au moins un animal) changent de vétérinaires chaque année. Autrement dit, tous les ans, 2 320 foyers cherchent et choisissent une nouvelle clinique pour soigner leur animal.

1. Comportement du client

Ces 2 320 foyers vont sélectionner leur nouvelle clinique vétérinaire selon quatre modalités [5]. En passant devant la clinique pour 24,7 % d’entre eux, en cherchant dans l’annuaire pour 23,3 %, en tenant compte de ce qu’ils ont entendu dire sur les praticiens de la zone (bouche à oreille spontané) dans 20,2 % des cas et, enfin, en questionnant leur entourage (bouche à oreille sollicité) dans 27 % des cas (tableau 2). Pour notre modélisation, ces deux derniers cas seront regroupés en une seule catégorie : la sélection par recommandation dans 40,7 % des cas.

2. Modélisation

Pour modéliser la croissance du chiffre d’affaires d’une clinique nouvellement créée, nous allons analyser ce qu’il se passe dans chacun des trois cas ci-dessus en considérant que la zone de chalandise de 50 000 habitants compte, avant la nouvelle implantation, 7 vétérinaires répartis sur 4 cliniques pour 8 000 clients (encadrés 1 et 2).

Choix du vétérinaire par recherche dans l’annuaire

Nous faisons l’hypothèse que les clients potentiels qui cherchent une clinique vétérinaire ont autant de chance de choisir le nouveau praticien que ceux déjà implantés.

Donc, dans notre exemple chiffré, ce vétérinaire a une chance sur huit d’être choisi.

Choix du vétérinaire par passage devant la structure

Nous faisons ici l’hypothèse que les clients potentiels qui cherchent une clinique vétérinaire ont autant de chance de passer devant la nouvelle que devant les autres. Le choix de l’implantation de la structure est primordial, mais nous supposons que les vétérinaires déjà installés ont essayé de trouver de bons emplacements, que les meilleurs sites sont rares et que, s’ils se libèrent, ils seront chers. Donc, dans notre exemple chiffré, la nouvelle structure vétérinaire a une chance sur cinq d’être choisie.

Choix par recommandation

Nous faisons l’hypothèse que la probabilité de se voir recommander la nouvelle structure est proportionnelle au nombre de clients de la clinique sur la période précédente, comparé à la totalité de la clientèle de la zone de chalandise.

Étape 4 : calculer l’évolution du chiffre d’affaires

À partir de ces éléments, l’évolution de la clientèle d’une clinique nouvellement implantée dans une zone de chalandise peut être calculée. Dans le cas particulier de la première année, personne ne peut avoir un avis, donc pas de bouche à oreille. Les premiers clients de cette clinique sont donc arrivés jusqu’à elle, soit après avoir consulté un annuaire, soit après l’avoir remarquée. Puis, petit à petit, au fur et à mesure que la clientèle se constitue, le bouche à oreille prend de l’importance, et ainsi de suite. Nous construisons le modèle année par année (tableau 3 et figure).

À partir de cette courbe, nous pouvons établir une tendance (avec un R2 = 0,9843), dont la formule est :

Nombre de clients = 67 603 x Ln (âge de la clinique) + 3 054.

Notons qu’au bout de 5 ans, la clientèle représente 47 % de la taille qu’elle aura après 30 ans d’activité (évolution asymptotique) ; après 15 ans, 88 % de cette valeur est atteinte.

Références

  • 1 - Bader S. L’étude d’implantation d’une clinique vétérinaire. Thèse Vét. Lyon. 1997;130p.
  • 2 - Burg C. La profession vétérinaire au Salon international de l’agriculture 2007. Communiqué de presse du Conseil de l’Ordre des vétérinaires. Presse contacts n° 17, février 2007.
  • 3 - Laravoire P. Rôles et mécanismes du bouche-à-oreille dans le développement d’une clientèle canine. Thèse Vét. Alfort. 2007;194p.
  • 4 - Laravoire P, Poubanne Y. Enquêtes radiographie des flux de clients en pratique canine. Point Vét. 2007;281:18-19.
  • 5 - Laravoire P. Comment les clients recherchent-ils leur vétérinaire ? Point Vét. 2008;286:14-15.
  • 6 - Poubanne Y. Quelques résultats de l’Observatoire économique vétérinaire. Prat. Vét. Anim. Comp. 2004;5.

Encadré 1 : Corps d’hypothèses de la modélisation

• Zone de chalandise : 50 000 habitants.

• Nombre de foyers possédant au moins un chien ou un chat : 9 500.

• Nombre de foyers possédant un animal médicalisé : 8 000.

• Nombre de vétérinaires avant la nouvelle implantation : 7.

• Nombre de cliniques avant la nouvelle implantation : 4.

• Probabilité d’être trouvé dans un annuaire : 0,233/nombre de vétérinaires.

• Probabilité d’être trouvé en passant devant la structure : 0,247/nombre de cliniques.

• Probabilité d’être recommandé : 0,472 x nombre de ses clients/nombre de foyers possédant un animal médicalisé.

Encadré 2 : Recevez la modélisation qui correspond à votre situation

Deux cas de figure sont possibles :

- vous souhaitez vous installer et vous voudriez simuler votre chiffre d’affaires à venir pour les 10premières années d’activité de votre future structure ;

- vous êtes installé depuis 3 à 15 ans et vous souhaitez confronter le modèle proposé ici à vos premières années d’activité.

Dans ces deux cas, n’hésitez pas à nous communiquer les données suivantes : zone de chalandise estimée, nombre de vétérinaires et nombre de structures avant implantation, à l’adresse suivante : p.laravoire@laposte.net.

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