Projet LUPA : le chien, modèle d’étude des maladies génétiques humaines - Le Point Vétérinaire n° 294 du 01/04/2009
Le Point Vétérinaire n° 294 du 01/04/2009

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FOCUS

Auteur(s) : Marie Abitbol

Fonctions : Unité pédagogique de génétique médicale et moléculaire, ENV d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex

LUPA est un consortium européen qui regroupe 22 partenaires répartis dans 12 pays dont l’objectif est d’identifier des gènes à l’origine de maladies canines et humaines.

L’objectif du projet LUPA est de découvrir, à l’aide du modèle canin, des gènes impliqués dans le déterminisme de maladies humaines complexes.

Étudier les maladies complexes

Au cours des 30 dernières années, le déterminisme de nombreuses maladies génétiques humaines et animales a été élucidé. Dans la plupart des cas, elles étaient dues à des mutations dans un seul gène. Ces maladies génétiques dites monogéniques s’accompagnent souvent de manifestations cliniques graves, mais ne touchent qu’une fraction minime de la population générale. Chez l’homme, c’est le cas de la mucoviscidose, chez le chien, des atrophies de la rétine, par exemple.

D’autres maladies, pour lesquelles une origine génétique est reconnue, présentent des caractéristiques différentes. Elles sont fréquentes dans la population générale et leur transmission ne suit pas les lois de Mendel.

De plus, des études épidémiologiques révèlent l’influence combinée de facteurs génétiques et environnementaux, comme le climat, les antécédents infectieux ou les habitudes alimentaires, dans leur déterminisme.

Pour rendre compte de la complexité de ce déterminisme, ces maladies sont qualifiées de multifactorielles ou complexes. L’identification des gènes dont les mutations sont responsables de leur apparition présente trois difficultés majeures : le nombre de gènes impliqués n’est pas connu ; l’effet de chacun sur le phénotype étudié peut être très variable ; ces gènes agissent généralement en interaction avec les facteurs environnementaux. C’est le cas, par exemple, de certaines formes d’épilepsie, d’allergie ou de cancer chez l’homme et le chien.

Le chien, meilleur ami de l’homme

Avec près de 400 races, le chien est l’espèce de mammifère qui possède la plus grande diversité morphologique et comportementale, ainsi que la prédisposition aux maladies génétiques la plus élevée. Tout cela tient à son histoire évolutive. Tous les chiens proviennent de la domestication des loups. Le faible nombre d’individus fondateurs, l’utilisation quasi systématique d’étalons champions, la sélection stricte de leurs descendants et l’usage répété de la consanguinité pour fixer des caractères morphologiques ou comportementaux ont abouti à l’homogénéité des animaux au sein d’une même race et à la diversité des races canines actuelles.

Cependant, en même temps que les allèles gouvernant les caractères désirés étaient conservés, des allèles délétères ont été involontairement cosélectionnés car ils se trouvaient physiquement proches sur les chromosomes.

Après l’homme, le chien est l’espèce qui bénéficie de la meilleure surveillance médicale. Plus de 450 maladies génétiques sont référencées dans cette espèce. La majorité est à déterminisme complexe et plus de 200 sont communes entre l’homme et le chien (http://omia.angis.org.au/). En raison de l’hétérogénéité génétique des humains et des paramètres d’environnement variés et non contrôlables, l’identification des gènes à l’origine des maladies complexes est globalement difficile à conduire chez l’homme. L’utilisation de lignées consanguines de souris a permis, et permet encore, de s’affranchir de la variabilité génétique, mais ce modèle est souvent trop divergent pour expliquer les maladies humaines (durée de vie courte, physiologie éloignée, facteurs d’environnement non partagés). Au contraire, la durée de vie, la taille, la physiologie et, depuis sa domestication, le partage des facteurs d’environnement font du chien un modèle pertinent en médecine comparée et en thérapeutique. Par son histoire, l’espèce canine est constituée d’une mosaïque de races représentant autant d’isolats génétiques, chacune avec ses caractéristiques et ses maladies. Cette structure populationnelle représente une situation idéale pour le décryptage des maladies complexes.

Stratégie du programme LUPA

Face à l’émergence de la génétique canine, la communauté scientifique a pris conscience de l’importance du chien pour la santé humaine. Le consortium LUPA (www.eurolupa.org) est né en janvier 2006 avec une proposition d’étude de maladies canines choisies sur les critères suivants : pertinence pour la santé humaine, définition rigoureuse du phénotype, composante génétique avérée et capacité de recrutement des cas.

Elles sont groupées en :

– cancers ;

– maladies du système cardiovasculaire ;

– maladies inflammatoires ;

– maladies nerveuses ;

– maladies monogéniques.

La liste initiale s’est enrichie de nouvelles affections d’intérêt (tableau). Le consortium regroupe 22 partenaires, dont 13 écoles vétérinaires, issus de 12 pays européens. L’objectif de LUPA est d’identifier des gènes qui participent au déterminisme de ces maladies chez le chien. Pour cela, les partenaires vont, durant 4 ans (2008-2011), collecter plus de 10 000 échantillons d’ADN de chiens de race sains et atteints. Les praticiens indépendants peuvent participer à la collecte des échantillons.

Une fois les groupes établis, les animaux seront génotypés pour un ensemble de marqueurs moléculaires appelés SNP (Single Nucleotide Polymorphism). Les génotypes seront analysés selon une stratégie “ cas ” (chiens atteints) et “ contrôle ” (chiens sains), appelée étude d’association sur tout le génome. Cette stratégie d’identification de gènes peut être utilisée pour les maladies complexes. Chez le chien, le nombre de cas à recruter pour ces études est faible : entre 100 et 300 et autant de contrôles suffisent à identifier des gènes de prédisposition pour une maladie multifactorielle.

La découverte de gènes de prédisposition est facilitée chez le chien car la structure et l’histoire de son génome permettent de réduire le nombre de marqueurs nécessaires aux études (15 à 50 fois moins par rapport à l’homme). La puissance de la génétique canine tient également à la diversité des races et à leur nombre.

Les races étant souvent récentes, les allèles de prédisposition qui préexistaient à leur séparation, peuvent être partagés entre elles. Ainsi, il devient possible de comparer la position des loci de prédisposition à une même maladie entre chiens atteints de différentes races.

La variabilité génétique entre ces chiens étant supérieure à celle des chiens de même race, cela augmente de façon significative la fiabilité de la position sur le génome du ou des loci identifiés.

Partenaires français

Les écoles vétérinaires européennes participant à cette opération travaillent ensemble pour collecter les échantillons d’ADN des cas et des contrôles. La dimension européenne du consortium et le suivi rigoureux de protocoles standardisés pour l’examen clinique des chiens et les prélèvements permettent de constituer une banque d’échantillons unique au monde.

Quatre des 22 partenaires européens de LUPA sont français. Il s’agit :

– du Centre national de génotypage (M. Lathrop, www.cng.fr) en charge du génotypage pour tous les projets ;

– du “ groupe chien ” de l’UMR 6061 CNRS-université Rennes-1 (C. André, http://www.umr6061.univ-rennes1.fr), responsable du projet “ mélanome ” et partenaire du projet “ épilepsie ” ;

– du laboratoire Antagène (A. Thomas, www.antagene.com), responsable du projet “ myocardiopathie dilatée ” ;

– et de l’ENV d’Alfort impliquée dans les maladies cardiaques (V. Chetboul), l’épilepsie (S. Blot), le mélanome (P. Devauchelle) et les variations de la pression artérielle (L. Tiret).

Bénéfices pour les deux espèces

Le séquençage du génome canin a permis de montrer que, sur les 22 000 gènes prédits chez l’homme, 19 300 possèdent un équivalent chez le chien. Les dérèglements de ceux-ci, dits homologues, entraînent souvent les mêmes maladies. Par ailleurs, dans l’hypothèse défavorable où ces gènes en cause ne sont pas identiques entre les deux espèces, les voies biologiques sont souvent conservées. Ainsi, l’identification d’un gène à l’origine d’une maladie canine peut permettre de révéler un processus biologique responsable d’une maladie humaine. Ce type de stratégie a déjà largement contribué à la recherche sur la narcolepsie humaine.

Le second bénéfice de LUPA sera pour l’espèce canine. La découverte de gènes impliqués dans les maladies génétiques du chien permettra le développement de nouveaux tests génétiques, auxquels de plus en plus d’éleveurs et de praticiens se fient pour faire diminuer la prévalence des maladies génétiques dans les races les plus touchées.

Enfin, LUPA devrait conforter la place de la génétique et de la génomique au sein de la pratique vétérinaire du futur en Europe. La découverte de gènes à l’origine de maladies canines permet de mieux comprendre la physiopathologie de celles-ci. Il s’agit d’une étape indispensable à l’identification de nouvelles cibles pharmacologiques géniques ou cellulaires permettant, à terme, de proposer des outils thérapeutiques innovants, dont certains seront, dans un premier temps, expérimentaux et d’autres directement utilisables en clientèle.

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