Onab, vous avez bien dit Onab ? - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

GÉNÉTIQUE

Management, économie

Auteur(s) : Coralie Danchin-Burge

Fonctions : Institut de l’élevage,
149, rue de Bercy,
75012 Paris

Depuis 15 ans, l’Onab a permis d’identifier de nombreuses anomalies génétiques en élevage bovin. La poursuite de ces travaux est conditionnée par la remontée des cas de terrain.

Onab… Derrière ce sigle se cache l’Observatoire national des anomalies bovines. Cette structure, souple (sans statut juridique officiel), a été créée en 2002 à la suite d’une succession de crises majeures en élevage bovin dues à l’apparition d’animaux porteurs de tares, avec une fréquence élevée. Son objectif majeur est de mettre en place un dispositif qui ressemble à une épidémiosurveillance, mais dont le terme exact est “hérédosurveillance”, à savoir un programme de surveillance de l’émergence des anomalies d’origine génétique [3].

TOUS TARÉS

Tout animal est porteur de tares. L’analyse des données de séquences a montré que, pour tout individu, le nombre de mutations délétères avoisine la centaine, dont une vingtaine affectent directement la synthèse des protéines. Face à ce constat inquiétant, il faut relativiser immédiatement : à l’échelle de la population, la fréquence de ces mutations est extrêmement faible et la probabilité qu’un individu soit porteur deux fois de la même mutation “à problème” (individu dit “homozygote”) est donc rarissime. Malgré tout, la situation des animaux d’élevage est un peu différente : il s’agit de populations fermées (concept de race pure) et fortement sélectionnées (surtout dans la filière laitière). La taille génétique de ces populations est donc réduite à quelques centaines d’individus au maximum [2]. L’effet des ancêtres majeurs de chaque race est très important car, s’ils sont porteurs d’une ou de plusieurs anomalies ayant des répercussions fortes sur la santé des animaux, des individus homozygotes porteurs de ces mutations vont apparaître à des fréquences visibles. Par exemple, le taureau holstein Elevation représente 12,8 % des gènes de la population française actuelle (Institut de l’élevage). La fréquence des anomalies dont il est porteur va être augmentée de 6,4 % (soit 12,8 %/2 %) dans la population. Des phénomènes de ce type ont été à l’origine, dans les années 1990, de crises majeures en race holstein, telles que l’émergence du syndrome Blad (bovine leukocyte adhesion deficiency) et du SHGC (syndrome d’hypoplasie généralisée capréoliforme) en race montbéliarde (photo 1). Ces crises ont incité les professionnels de la génétique à créer l’Onab.

DÉTECTER LES MUTATIONS À L’ORIGINE DES ANOMALIES

Aujourd’hui, les progrès fulgurants des outils de la génomique font qu’une région proche d’une mutation à déterminisme simple (un codon remplacé par un autre, par exemple) peut être localisée en quelques mois seulement (voire en quelques semaines) à partir de moins de dix cas [1]. À partir de cette identification, des tests génétiques peuvent être mis au point, pour permettre aux acteurs de la génétique de gérer l’anomalie (encadré 1). Actuellement, le facteur limitant principal reste l’identification et la caractérisation phénotypique de l’anomalie, et donc le recensement des cas.

Or le sujet reste tabou. Est-il utile de rappeler que certains éleveurs affirment encore que lorsqu’un veau naît porteur d’une anomalie “il est enterré dans un coin” ? Néanmoins, ces derniers ne sont pas les seuls responsables, d’autres raisons font que les remontées sont limitées. Fort heureusement pour les éleveurs, au niveau individuel, la naissance d’un animal porteur d’une anomalie reste exceptionnelle. Ils n’ont donc pas toujours le réflexe d’informer les instances de l’apparition d’un veau anormal, surtout s’il n’en apparaît qu’un au cours de leur carrière. Autre point, les signes d’appel sont parfois difficiles à distinguer d’autres affections. Par exemple, en cas d’anomalie génétique de déficience en cholestérol en race holstein, le veau s’étiole peu à peu vers l’âge de 2 mois, avec un retard de croissance associé à une perte d’appétit et à de la diarrhée ne répondant à aucun traitement. Il est donc clair que le vétérinaire joue un rôle essentiel dans la détection des anomalies en élevage, la bonne caractérisation clinique et, surtout, la remontée des cas vers l’Onab (très facile à faire).

QU’EST-CE QUE L’ONAB ?

L’Onab regroupe, pour la génétique, Allice (fédération des entreprises de sélection, anciennement UNCEIA), Races de France (fédération des organismes de sélection), France Conseil élevage (contrôle de performances), l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et l’Institut de l’élevage, et, pour les vétérinaires, la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), le groupement de défense sanitaire (GDS) France et les quatre écoles vétérinaires. Le ministère chargé de l’Agriculture est également présent. La cheville ouvrière du système est constituée d’un duo Inra-Institut de l’élevage, appuyé par Races de France. L’ensemble est régi par une charte depuis 2014. Les missions principales de l’Onab sont de trois ordres.

→ Le cœur du système : la surveillance de l’émergence des anomalies. L’objectif est d’inciter tout le réseau de terrain à recueillir systématiquement en élevage des informations détaillées sur les anomalies constatées. Les remontées sont effectuées via une fiche type disponible dans sa version papier ou à remplir en ligne, sur le site de l’Onab(1), et centralisées dans une base de données (encadré 2).

→ La gestion de l’émergence quand un cas est suspecté. Dans cette phase, il s’agit de mieux caractériser l’anomalie sur les plans phénotypique et génétique. L’organisme et les entreprises de sélection de la race concernée sont alertés et incités à réaliser un recueil ciblé de cas, souvent avec l’appui, pour la caractérisation phénotypique, des écoles vétérinaires, voire de vétérinaires experts praticiens (qui peuvent d’ailleurs avoir joué le rôle de sentinelle au départ). Dans le meilleur des cas, un test génétique sur la zone du chromosome porteuse de la mutation (test sur “haplotype”) ou, encore mieux mais plus rarement, sur la mutation elle-même (test sur mutation) peut être mis au point par des laboratoires, publics ou privés. La commercialisation de ce test n’est pas du ressort de l’Onab, mais des équipes qui l’ont mis au point.

→ La communication vers tous les déclarants possibles : éleveurs eux-mêmes, inséminateurs, contrôleurs laitiers ou de pesées, agents de recherche en fermes expérimentales et vétérinaires.

Tout l’enjeu de la mission de l’Onab consiste à mobiliser suffisamment d’acteurs pour être en mesure de détecter l’émergence d’une anomalie. Pour fonctionner, l’Onab a longtemps fait de la science participative sans le savoir… En effet, ses remontées dépendent uniquement des bonnes volontés de terrain qui acceptent de transmettre de l’information malgré tous les tabous qui existent sur le sujet(2).

DES RÉSULTATS CONCRETS

Ces 5 dernières années, l’Onab a émis des avis d’émergence pour de nombreuses anomalies grâce aux déclarations qu’il a reçues (tableau). Pour toutes les études en cours, des déclarations et des prélèvements sont encore requis pour identifier la mutation à l’origine des maladies.

ET EN PRATIQUE, COMMENT AGIR ?

Dans un élevage, comment savoir si un phénotype anormal est dû à une anomalie génétique ? Il convient alors de procéder de façon classique, en vérifiant si certaines causes peuvent être exclues :

– des facteurs alimentaires (intoxication par des polluants, pesticides, plantes, etc.) ;

– des troubles métaboliques de l’animal ou de sa mère pendant la gestation ;

– des carences ;

– des facteurs traumatiques ou des blessures ;

– des facteurs infectieux : la fièvre catarrhale ovine (FCO), la diarrhée virale bovine (BVD) et surtout l’infection par le virus Schmallenberg ont été, au cours de ce printemps 2017, responsables de la naissance de veaux déformés faisant suspecter des anomalies génétiques comme des veaux de type bulldog.

Lorsque plusieurs animaux naissent avec des phénotypes semblables, l’analyse de leur généalogie permet parfois de se faire une idée d’une origine génétique éventuelle. Si des animaux malades ont le même ancêtre commun que des élevages voisins qui, eux, ne sont pas affectés, il est probable que l’affection ne soit pas génétique, en particulier chez les bovins laitiers dont les origines varient peu d’un élevage à l’autre.

Des sites riches d’informations et actualisés comme la plateforme collaborative de Vetofocus ou le site de l’Onab peuvent vous aider dans votre recherche. Dans l’incertitude, il faut déclarer les cas en utilisant la fiche de l’Onab en envoyant, autant que possible, un prélèvement d’oreille ou de sang du ou des animaux, et mieux encore, de leurs parents. Si dans une même fratrie (père et/ou mère en commun), plusieurs animaux sont disponibles, qu’ils soient atteints ou sains, il est intéressant de prélever également les individus sains et leurs mères, avec des informations de phénotype et de pedigree pour chacun (dans un tableau récapitulatif, par exemple). La réalisation de photos ou de films (à envoyer par mail(3)) aide à discriminer le phénotype et peut servir pour une publication potentielle (ne pas oublier de signaler les conditions d’utilisation). Les organes anormaux d’autopsie sont aussi des éléments pertinents à envoyer, à conserver dans du formol pour examen histologique (encadré 3).

Conclusion

La détection des anomalies génétiques est en train de changer de paradigme. Avec le formidable bond des outils de la génomique, il devient beaucoup plus facile de les trouver. Ainsi, à partir des données de séquence, il est arrivé qu’un seul prélèvement d’animal malade suffise pour trouver la mutation responsable des dysfonctionnements. Une des missions urgentes de l’Onab est la sensibilisation de tous les acteurs de la génétique au fait que les anomalies sont inhérentes à la vie. À court terme, du moins dans les races bovines laitières, le statut des reproducteurs sera connu pour plus d’une dizaine d’anomalies. Il va donc falloir apprendre à mieux gérer cette connaissance et ne plus avoir systématiquement le réflexe d’éradiquer les tares (à moins d’un impact économique majeur), mais plutôt de chercher à contrôler leur fréquence à un niveau acceptable, sur le plan économique, pour les éleveurs. Malgré tout, comme pour la sélection génomique, le génotypage d’échantillons d’ADN n’est pas tout : il faut avant tout que l’Onab accède à des phénotypages de qualité et dispose de suffisamment d’échantillons pour pouvoir travailler. À ce titre, les vétérinaires de terrain sont des partenaires indispensables au bon fonctionnement de ce projet collectif. Depuis la création de l’Onab, ils ont été des sentinelles efficaces : il est donc nécessaire de continuer à faire avancer ensemble la recherche !

  • (1) http://www. onab.fr

  • (2) Pourtant, tous les éleveurs à l’état civil bovin sont tenus de " déclarer les données relatives aux anomalies observées " (arrêté du 27 novembre 2007, chapitre III, article 6, relatif à l’enregistrement et à la certification de la parenté des bovins).

  • (3) Cecile.grohs@inra.fr, Coralie.danchin@ idele.fr

Références

  • 1. Duchesne A, Grohs C, Michot P et coll. Du phénotype à la mutation causale : le cas des anomalies récessives bovines. In : Anomalies génétiques. Boichard D (éd.). Dossier Inra Prod. Anim. 2016;29:319-328.
  • 2. Leroy G, Mary-Huard T, Verrier E et coll. Estimating the effective population size using pedigree data: what method in practice? Examples in Dog, Sheep, Cattle and Horses. Genet. Sel. Evol. 2013;45:1.
  • 3. Sartelet A, Tamma N, Chapon S, Charlier C. Rilouke, une cellule de surveillance des défauts génétiques dans la race blanc bleu belge. Point Vét. 2013;339(Expert rural):54-59.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Émergence, découverte et éradication progressive du syndrome d’hypoplasie généralisée capréoliforme en race montbéliarde

C’est la première success story de l’Observatoire national des anomalies bovines (ONAB). Le syndrome d’hypoplasie généralisée capréoliforme (SHGC) a émergé dans les années 1990 et sa fréquence d’apparition a fortement augmenté à partir de 2001.

L’animal porteur homozygote de la mutation se caractérise par une croissance et un développement très limités, des anomalies de coloration des poils et une tête allongée dite de “chevreuil”.

L’anomalie est non invalidante pour l’animal, mais engendre des pertes économiques non négligeables pour l’éleveur, en raison du manque à gagner dans la production de lait et la valorisation en viande (l’animal faisant 50 % du poids normal).

Avant l’éradication de la mutation, 5 à 8 % des taureaux d’insémination artificielle (IA) étaient considérés comme porteurs. Les entreprises de sélection ainsi que l’organisme de sélection se sont fortement impliqués pour remonter des cas (230 déclarations). Cela a permis la localisation de la mutation (autosomale récessive) par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), puis la mise au point d’un test génétique en 2011. Tous les taureaux d’IA ont été génotypés et, après un temps de latence permettant la création de fils non porteurs de taureaux porteurs, l’organisme de sélection a interdit la mise sur le marché de taureaux d’IA porteurs de la mutation. Aujourd’hui, il n’est plus signalé de naissances d’animaux malades SHGC, mais il reste des femelles porteuses hétérozygotes de la mutation. Ce n’est pas un souci tant qu’elles sont accouplées avec des taureaux non porteurs.

Points forts

→ Tous les animaux sont porteurs de mutations génétiques délétères.

→ Au niveau racial, la fréquence de ces mutations est en général très faible. Il est cependant nécessaire de vérifier qu’elle n’augmente pas, et l’Onab a été créé pour opérer cette surveillance.

→ Grâce aux outils de la génomique, il est de plus en plus facile de détecter ces mutations à partir de prélèvements biologiques (sang, biopsie, poils).

→ Le point d’achoppement à la détection de ces mutations est la remontée de phénotypes fiables, associés à des prélèvements, auprès de l’Onab. À ce titre, le vétérinaire praticien joue un rôle essentiel.

ENCADRÉ 2
Comment déclarer une anomalie ?

→ Pour déclarer une anomalie, il suffit d’aller sur le site http://www.onab.fr, à l’onglet “Déclarer une anomalie”. Cette page propose deux possibilités : télécharger une fiche imprimable qui peut être envoyée par courrier classique ou bien déclarer directement en ligne. La fiche paraît longue à première vue, mais il ne s’agit pas de remplir tous les items, juste d’être précis dans la description du phénotype. Il est d’ailleurs conseillé aux primodéclarants de regarder l’intégralité des rubriques avant de remplir la fiche pour limiter les redondances dans la déclaration… et gagner du temps.

→ Il est indispensable d’inscrire le numéro complet de l’animal (ou de ses géniteurs s’il ne possède pas encore de boucle). Qui dit génétique dit généalogie, et le seul moyen de retrouver un animal est de tout connaître de son numéro. Il est impossible de travailler avec des mentions du type “holstein 1856”…

→ Toujours sur le site de l’Observatoire national des anomalies bovines (Onab), la rubrique “Anomalies en cours d’étude” est régulièrement mise à jour : dans certains cas figure une fiche de déclaration simplifiée pour un phénotype particulier.

L’envoi des prélèvements biologiques pour extraire l’ADN qui va servir aux analyses génétiques est une étape essentielle. Cela peut être du sang (tubes de sang EDTA à bouchon violet, bien remuer pour prévenir la coagulation) ou du tissu (biopsie d’oreille), à envoyer par La Poste à température ambiante (voir contacts, ci-dessous).

→ Une précision importante : l’Onab n’est pas un laboratoire de tests des anomalies. Lorsqu’un prélèvement est envoyé, il ne faut pas s’attendre à recevoir un résultat de tests. L’échantillon va bien être stocké, mais ce n’est que dans certains cas, finalement rares, qu’un programme de recherche va valoriser ce prélèvement. Le transfert de la découverte d’une mutation vers des tests génétiques commercialisables n’est pas la prérogative de l’Onab. C’est l’unité mixte technologique (UMT) eBis (Inra/ Idele/Allice) qui a en charge ce processus. Face à un animal porteur d’une anomalie génétique caractérisée, afin de confirmer le diagnostic ou plutôt, en général, le statut de ses parents, le plus simple est de prendre contact avec l’organisme de sélection de la race afin de savoir comment les tests génétiques sont commercialisés.

Contacts

– Pour l’envoi d’une fiche avec prélèvements :

Cécile Grohs, Inra, bâtiment 211, domaine de Vilvert, 78352 Jouy-en-Josas

Cecile.grohs@inra.fr

– Pour l’envoi d’une fiche sans prélèvements :

Coralie Danchin, Institut de l’élevage, 149, rue de Bercy, 75595 Paris Cedex 12

Coralie.danchin@idele.fr

Pour plus d’informations, consulter le site : http://www.onab.fr

ENCADRÉ 3
Comment conseiller un éleveur en monte naturelle quand un test génétique pour une maladie génétique récessive est disponible ?

Pour plusieurs maladies récessives (veau tourneur, ataxie du charolais, axonopathie de la blonde d’Aquitaine, etc.), des tests génétiques ont été mis en place par les équipes de recherche liées à l’observatoire national des anomalies bovines (Onab) et valorisés par différents laboratoires de diagnostic.

Quand un éleveur suspecte que son taureau est porteur d’une maladie à la suite de la naissance de veaux anormaux, il est conseillé de le faire génotyper pour l’affection suspectée. Le mieux dans ce cas est de contacter l’organisme de sélection de la race pour connaître les laboratoires qui peuvent réaliser les tests.

Si l’éleveur ne souhaite pas faire typer toutes ses femelles pour une question de coût, il est assez simple de prévenir l’apparition de nouveaux cas. Il suffit pour cela d’acheter un taureau de statut “non porteur”. Peu importe le statut des vaches quand l’anomalie est récessive : des taureaux de statut sain sont croisés avec des vaches de statut inconnu. Ces accouplements raisonnés vont permettre d’éradiquer progressivement l’anomalie du troupeau tout en conservant la génétique femelle.