Objectifs de croissance des génisses laitières - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

ZOOTECHNIE

Management, économie

Auteur(s) : Gilbert Laumonnier

Fonctions : Les Boissières,
53500 Ernée

Le vêlage à 24 mois augmente la rentabilité des élevages laitiers. Atteindre cet objectif nécessite un suivi précis de la croissance des génisses dès la naissance.

Toutes les études économiques sont concordantes : le vêlage à 24 mois augmente la rentabilité des élevages laitiers. Cependant, tous les cheptels ne peuvent pas atteindre cet objectif pour diverses raisons :

- il s’agit d’un troupeau de vaches d’une race peu précoce (normande, montbéliarde), comparativement aux prim’holsteins. L’objectif d’âge au vêlage est alors plutôt de 26 à 28 mois ;

- l’éleveur rencontre des difficultés pour nourrir ses animaux selon les recommandations à certaines périodes (pâtures éloignées, stock fourrager trop juste, etc.) ;

- l’éleveur manque de technicité en la matière.

Dans ce cas, mieux vaut choisir des objectifs moins ambitieux pour ne pas mettre en péril la carrière des vaches (longévité et production laitière).

DE 0 À 6 MOIS : CROISSANCE MAXIMALE

Au cours de cette période, la croissance doit être maximale quel que soit l’âge au vêlage et la race.

De nombreuses études montrent qu’une croissance minimale de 900 g/j entre 0 et 6 mois va conditionner le poids au vêlage, la production laitière, la longévité et le poids de carcasse à la réforme [citées par 2]. La période allant de 0 à 4 mois est la plus décisive. Au cours de cette période, le principe général est de nourrir le veau tout d’abord avec une alimentation lactée (lait entier ou aliment d’allaitement appelé communément “poudre de lait”) jusqu’au sevrage (8 à 9 semaines), puis avec une alimentation sèche comportant une part importante de concentrés.

Avant le sevrage, pour couvrir les besoins de croissance du veau, il convient de distribuer 3 l de lait entier la première semaine matin et soir, et, dès la deuxième semaine, 4 l de lait entier à 4 % de matières grasses matin et soir (3,5 l pour un lait à 4,5 g de matières grasses) ou 1 kg/j d’aliment d’allaitement en deux repas de 4 l. Dès les premiers jours, le veau doit avoir à sa disposition un aliment concentré appétent et de l’eau pour favoriser le développement du rumen et des papilles ruminales. Cet aliment peut être un concentré fermier à base de tourteau de soja (220 g/kg), de maïs grain (750 g/kg) et d’aliment minéral vitaminé (30 g/kg), mais c’est le plus souvent un concentré du commerce à 17 % de matières azotées totales adapté à cet âge. Le foin ou la paille ne sont mis à disposition qu’à partir de 3 semaines d’âge. Le concentré est distribué à volonté, et les refus sont retirés matin et soir.

Le sevrage a lieu en général vers 8 à 9 semaines, lorsque le veau consomme au moins 2 kg de concentré et pèse plus de 90 kg (plus de 1 m de tour de poitrine). Pour préparer le sevrage et inciter l’animal à consommer des concentrés, il ne reçoit qu’un repas par jour au cours de la dernière semaine d’allaitement. Si le poids de 90 kg n’est pas atteint à l’âge de 8 semaines, l’alimentation lactée est poursuivie le temps nécessaire pour qu’il le soit avec un repas par jour (4 l de lait ou 500 g d’aliment d’allaitement).

Après le sevrage, les rations à base de concentrés et de fibres (foin dur ou paille) sont privilégiées. Pour un gain de poids de 900 g/j, il faut 3 kg de concentrés à 16 à 17 % de matière azotée totale (MAT) de 3 à 6 mois avec du foin et 3 kg à 3 mois et 4 kg à 6 mois avec de la paille.

À 6 mois, la génisse doit peser plus de 210 kg, qu’il s’agisse d’une prim’holstein, d’une normande ou d’une montbéliarde. Ces objectifs peuvent être atteints avec d’autres méthodes (encadré 1).

DE 6 MOIS À LA PUBERTÉ

L’âge à la puberté est diminué lorsque la luminosité augmente, mais il dépend surtout du poids de la génisse. Il est aussi dépendant de la race (tableau 1).

De 6 mois à la puberté, la croissance doit être modérée pour éviter un engraissement de la mamelle qui diminuerait la production laitière et favoriserait l’œdème mammaire (photo 1). Pour un objectif de vêlage à 24 mois, l’objectif de croissance est de 700 g/j et, pour un vêlage à 30 mois, il est de 500 à 600 g/j. Une croissance trop faible retarde la puberté. Or, dans la mesure où il est souhaitable que deux cycles au minimum se soient déroulés avant la mise à la reproduction pour obtenir une bonne fertilité, il convient que la puberté ait lieu au minimum 10,5 mois avant l’âge du vêlage espéré. Une puberté vers 12 mois, permettant une insémination après au moins deux cycles vers 14 à 15 mois, permet d’atteindre l’objectif d’un vêlage à 24 mois en race prim’holstein.

DE LA PUBERTÉ À L’INSÉMINATION

Une croissance un peu plus soutenue est souhaitée de la puberté à l’insémination pour un vêlage à 24 mois (800 g/j). En revanche, pour un vêlage à 30 mois, la croissance est maintenue de 500 à 600 g/j. Lors d’une croissance inférieure à 500 g/j, certaines génisses pubères interrompent leur cyclicité (figure 1).

Pendant longtemps, pour améliorer la fertilité, une suralimentation énergétique (flushing) a été proposée avant l’insémination artificielle (IA) (apport de 1 à 2 unités fourragères lait [UFL] supplémentaires). Chez des génisses dont l’état d’engraissement est satisfaisant (supérieur à 2), le flushing est inutile, voire pénalisant. En revanche, il est favorable chez des génisses trop maigres. En pratique, une cure d’oligo-éléments (cuivre, zinc, sélénium, iode) et de vitamines A et E semble augmenter la fertilité.

DE L’INSÉMINATION À 7 MOIS DE GESTATION

Pour un vêlage à 24 mois, la croissance doit être soutenue pendant la gestation pour atteindre l’objectif minimal de poids au vêlage (630 kg) : un gain moyen quotidien (GMQ) de 800 g/j au moins est nécessaire. En revanche, pour des vêlages plus tardifs, un GMQ de 600 g/j est suffisant, un GMQ plus important pouvant entraîner un engraissement excessif au vêlage (photo 2).

DE 7 MOIS DE GESTATION AU VÊLAGE

À partir de 7 mois de gestation, les besoins de croissance du veau augmentent. En fin de gestation, le GMQ est supérieur à 500 g/j, quelle que soit l’alimentation apportée à la génisse et, au cours de la dernière semaine de gestation, l’appétit de celle-ci chute de 30 %, voire plus en cas de gestation gémellaire ou d’obésité. La ration de fin de gestation doit donc être suffisamment concentrée pour limiter l’amaigrissement prépartum responsable d’une stéatose.

BILAN : PLAN DE CROISSANCE

Quel que soit l’âge au vêlage, le GMQ dans les 2 derniers mois de gestation doit être de 800 à 900 g/j. Deux plans de croissance de la génisse prim’holstein existent, selon que l’objectif est un premier vêlage à 24 mois ou à 30 mois (figures 2 et 3). La croissance effective peut, voire doit, être suivie par la prise de poids, la hauteur au garrot et la simple mesure du périmètre thoracique des femelles (photo 3 et tableau 2). Ces plans peuvent être adaptés aux deux autres races principales (normande et montbéliarde) pour l’âge au vêlage souhaité.

DES APPORTS AZOTÉS SOUVENT NÉGLIGÉS

Pour atteindre ces objectifs de croissance sans engraissement excessif, un apport de matières azotées est indispensable : un rapport PDI [protéines digestibles dans l’intestin]/UFL supérieur à 100 est nécessaire, avec suffisamment d’azote dégradable (PDIE [PDI correspondant à l’énergie de l’aliment fermentée dans le rumen]-PDIN [PDI correspondant à l’azote de l’aliment fermentée dans le rumen]/UFL <  5).

Pour des femelles prim’holsteins, il est possible d’atteindre des croissances un peu plus élevées sans surengraissement, mais, dans ce cas, les apports azotés doivent être plus importants, avec un rapport PDI/UFL supérieur à 110. Il est alors possible, dans cette race, d’envisager des vêlages avant 24 mois avec des gabarits satisfaisants sans engraissement excessif.

CROISSANCE COMPENSATRICE ET FUTURE CARRIÈRE DE LA VACHE

Après une période d’alimentation restreinte mais restant supérieure à 80 % des besoins pendant 3 à 4 mois, une alimentation supérieure de 20 % aux besoins pendant 2 mois permet de compenser le déficit de croissance grâce à une meilleure efficacité alimentaire [1]. Le poids au vêlage est équivalent et la production laitière est même supérieure à celle obtenue avec une alimentation à 100 % des besoins grâce à une proportion moindre de graisse dans la mamelle.

Pour des vêlages à 30 mois, il est économiquement intéressant d’utiliser la croissance compensatrice. Cette stratégie est plus risquée avec un objectif de vêlage à 24 mois, mais, même dans ce cas, elle permet de compenser des accidents de parcours. Pour bien utiliser la croissance compensatrice, il convient de respecter certaines règles (encadré 2).

Conclusion

L’alimentation des génisses est souvent négligée par les éleveurs, mais c’est pourtant dans cette période que se construit la carrière de la future vache laitière. Le vétérinaire peut devenir un conseiller de ces derniers dans ce domaine car, lorsqu’il est appelé pour des maladies, des retards de croissance, une infécondité, etc., il apporte des solutions aux troubles observés, mais doit également être en mesure d’identifier, avec des connaissances de base en nutrition, les interactions entre l’alimentation et les symptômes observés, sans oublier les autres facteurs favorisants tels que le logement.

Références

1. Capuco AV, Smith JJ, Waldo DR, Rexroad CE. Influence of prepubertal dietary regime on mammary grouth of Holstein heifers. J. Dairy Sci. 1995;78:2709-2725. 2. Laumonnier G. Influence de la croissance des génisses sur la précocité, la production et la longévité. Journées GTV Nantes. 2012:323-329. 3. Le Cozler Y et coll. Pratiques d’élevage et performances des génisses laitières : état des connaissances et perspectives. Inra Prod. Anim. 2009;22 (4):303-316.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Respecter l’objectif plus que la méthode

Les recommandations alimentaires proposées dans cet article permettent d’atteindre les objectifs de croissance nécessaires même chez des éleveurs moins performants. Si, dans un élevage, des résultats semblables sont obtenus avec d’autres méthodes (un repas de lait par jour, par exemple), la technique de l’éleveur ne doit pas être mise en cause. Les objectifs sont essentiels !

Points forts

→ Le vêlage à 24 mois est possible pour les races précoces. Dans les races plus tardives (normande, montbéliarde), l’objectif est plutôt fixé à 26 à 28 mois.

→ Dans les 6 premiers mois de la vie, la croissance doit être maximale (gain moyen quotidien [GMQ] de 900 g/j).

→ Avant la puberté, une croissance trop forte risque d’entraîner un engraissement de la mamelle.

→ Une puberté vers 12 mois, permettant une insémination après au moins deux cycles vers 14 à 15 mois, permet d’atteindre l’objectif d’un vêlage à 24 mois en race prim’holstein.

→ Quel que soit l’âge au vêlage, le GMQ dans les 2 derniers mois de gestation doit être de 800 à 900 g/j.

ENCADRÉ 2
Règles à respecter pour exploiter la croissance compensatrice après une phase de restriction alimentaire

→ Les phases de restriction ne doivent pas dépasser 4 mois et il convient que le niveau alimentaire couvre au moins 80 % des besoins requis pour la période considérée.

→ Les phases de suralimentation ne doivent pas dépasser 2 mois et le niveau alimentaire ne doit pas couvrir plus de 120 % des besoins requis pour la période considérée. Le risque encouru est un surengraissement.

→ Les périodes de sous-alimentation ne doivent pas intervenir pendant :

- les 6 premiers mois de vie ;

- les 2 mois précédant l’insémination ;

- les 2 mois précédant le vêlage.

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