Livraison et paiement du lait - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

REVENUS DES ÉLEVEURS

Management, économie

Auteur(s) : Gaël Gounot

Fonctions : Clinique vétérinaire
des Marches de Bretagne
4, rue Pierre-Harel
35133 Lécousse

L’arrêt des quotas laitiers a marqué un tournant dans la méthode de paiement du lait aux éleveurs et dans le droit à produire. Cet article fait le point sur la situation actuelle.

La livraison et le paiement du lait étaient organisés de façon très claire depuis l’instauration des quotas laitiers en 1984. Le retrait de l’Union européenne (année 2000) dans le versement de certaines subventions aux laiteries a vu naître pour les producteurs l’aide directe laitière (ADL), qui s’est retrouvée incluse dans les droits à paiement unique (DPU). Et, depuis le début des années 2010, l’arrivée des contrats entre producteurs et laiteries, la création d’organisations de producteurs, l’instauration du « paquet hygiène » européen et la fin des quotas, en avril 2015, ont chamboulé la mécanique établie (encadré 1).

Comment le prix du lait est-il établi actuellement ? Quels volumes les producteurs peuvent-ils livrer ? Existe-t-il encore une règle de paiement claire pour les producteurs, interprétable par chacun et comparable d’une laiterie à une autre ?

COLLECTE

→ Les vaches sont traites deux fois par jour en général (certains éleveurs ne traient qu’une fois par jour et, au robot, les vaches sont traites en moyenne 2,6 fois par jour).

→ Après chaque traite, le lait est stocké dans un tank (encadré 2), où il est conservé à une température allant de 0 à 4 °C (froid positif) (photo 1). Il est collecté, en général, tous les deux à trois jours par la laiterie en agriculture conventionnelle (pour la fabrication de produits au lait cru, la collecte est quotidienne) : un camion-citerne vient le chercher chez le producteur (photo 2).

→ Le volume du lait (quantité de lait livré) contenu dans le tank est mesuré à chaque collecte (photo 3) par le chauffeur laitier (aussi dénommé ramasseur de lait) à l’aide d’une jauge (encadré 3). Parallèlement, un échantillon de lait de tank est réalisé au cours du remplissage de la citerne (photo 5) à chaque collecte (encadré 4). Cet échantillon est identifié par un code-barres.

→ De retour en laiterie, une recherche d’inhibiteurs (test rapide) est réalisée sur le lait du camion-citerne avant dépotage (transfert du lait de la citerne du camion vers l’usine). En cas de résultat positif à l’usine avant dépotage, le lait de la citerne est écarté (encadré 5). Si le résultat est négatif, ce lait de mélange est dépoté en vue de sa transformation dans l’usine concernée ou de son transfert vers une autre entreprise (échange entre usines du même groupe ou vente vers un tiers : le lait “spot”) (encadré 6).

ANALYSE DES ÉCHANTILLONS DE LAIT DES ÉLEVEURS

→ Des analyses sont réalisées systématiquement sur les échantillons de lait de tank. De même, à chaque collecte, l’échantillon est automatiquement dirigé vers un laboratoire interprofessionnel qui va rechercher les inhibiteurs, quel que soit le résultat du test rapide effectué sur la citerne (photo 6).

→ De plus, depuis le 1er janvier 2017, un échantillon en vue d’analyses pour paiement est réalisé chaque semaine : certains constituants du lait sont dosés, pour évaluer la matière utile (matière grasse [MG] et matière protéique [MP]) et la qualité sanitaire (cellules somatiques, cryoscopie, lipolyse, germes, butyriques). Ces analyses (encadrés 7 et 8) servent à établir le paiement à l’éleveur en fonction de la qualité du lait livré (photo 7). Il existe de fortes différences entre régions (le critère lipolyse, strict en Bretagne, l’est moins en Normandie).

→ L’analyse des laits des éleveurs est donc réalisée par les laboratoires interprofessionnels et celle des laits de mélange (dans les citernes), par les laiteries.

→ Il arrive que des résultats paraissent aberrants aux éleveurs (résultat de cryoscopie anormal, taux cellulaire élevé, taux de matière utile effondré par rapport au précédent contrôle, etc.). Ils peuvent alors demander une contre-analyse, qui n’est pas toujours acceptée par le laboratoire interprofessionnel, car elle ne peut pas être réalisée sur l’échantillon premier (en général détruit si les laits témoins l’encadrant lors de l’analyse de routine ne révélaient aucune déviation dans les analyses).

→ Lorsque cette contre-analyse a lieu à partir d’un autre échantillon, provenant donc d’une autre collecte, elle peut valider le résultat précédent (dans ce cas, l’éleveur est pénalisé) ou l’invalider (d’autres analyses en routine sont alors réalisées et le lait de l’élevage est surveillé). Ces contre-analyses ne concernent jamais les inhibiteurs.

→ Au dépotage (lorsque les laitiers viennent vider les citernes collectées), chaque laiterie analyse sa citerne pour rechercher les inhibiteurs, mais également pour doser les matières utiles, afin d’orienter vers telle ou telle production le lait acheminé et de réduire au maximum les coûts de transformation.

→ Au final, quand le lait de la citerne est analysé en laiterie, le résultat en MG et MP peut être différent de celui attendu par la moyenne pondérée des livraisons de chacun des producteurs, car :

- les intercorrections retenues par le laboratoire interprofessionnel ne sont pas toujours connues des laiteries ;

- le volume mesuré par le chauffeur peut être légèrement différent du réel.

MISE EN PLACE DES CONTRATS ET FIN DES QUOTAS

À la suite de l’adoption au niveau européen, en 2012, du “paquet lait”, chaque laiterie a rédigé son propre contrat - une obligation initiée par Bruno Le Maire, alors ministre de l’Agriculture, et dont le non-respect est soumis à pénalité. Le “paquet lait” « vise à renforcer la position des producteurs de lait dans la chaîne d’approvisionnement et à préparer le secteur à un avenir durable et davantage orienté vers le marché, en tentant notamment de tirer des leçons de la crise du marché du lait de 2009 » [3]. Il avait été anticipé en France par le décret du 30 décembre 2010 relatif aux contrats avec mention d’organisations de producteurs (OP) [2]. Chaque éleveur devait l’avoir signé avant la fin des quotas (mars?2015) de façon individuelle ou au sein d’une OP.

Fixation du droit à produire

→ Certaines laiteries se sont appuyées sur le volume historique attribué à chaque élevage (dans l’exemple de l’encadré 1,500 000 litres, indépendamment de la référence en matière grasse) ; d’autres ont tenu compte de cette référence en matière grasse et ont soustrait ou rajouté du droit à produire (encadré 9). Certaines ont également intégré des quotas (A, B, voire C), avec un paiement du lait différent selon l’appellation (le quota A est en général équivalent à 85 % du quota historique, valorisé au prix de base du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière [Cniel], le quota B est équivalent à 15 % du quota historique valorisé au prix du lait “spot” [donc très fluctuant] et le quota C est du supplément produit payé à bas prix [en mai 2016, il était payé 56 €/1 000 l]). Par comparaison, les coûts alimentaires les plus faibles observés en élevage avoisinent 45 €/1 000 l ; ils sont considérés comme bons à 85 €/1 000 l.

→ L’objectif est de ne pas concentrer totalement la collecte et de permettre aux usines d’être régulièrement approvisionnées en lait. Les coûts de collecte entre les fermes et l’usine peuvent être importants si les camions font beaucoup de kilomètres pour peu de lait collecté et une laiterie peut décider de répartir à sa guise son quota de transformation aux différents éleveurs. Depuis avril 2015, toutes les laiteries ont passé un contrat avec chacun de leurs producteurs de lait. Un transfert de propriété a donc lieu, le livreur s’étant engagé à fournir à la laiterie une quantité de lait définie contractuellement chaque année. Cette propriété s’est renforcée à partir de novembre 2016, date à laquelle les ventes de droits à produire entre éleveurs ont été interdites.

→ Depuis, chaque laiterie se réserve le droit d’attribuer selon ses propres critères les volumes de lait non produits par les éleveurs arrêtant la production laitière (départ à la retraite, reconversion, décès, etc.). Ainsi, au sein d’une même laiterie d’envergure nationale, certains bassins n’auront pas les mêmes avantages que d’autres, le volume des droits à produire répartis étant plus ou moins important selon les exigences de la laiterie.

→ Chaque laiterie ayant un volume de lait à gérer, elle peut, selon ses marchés, l’augmenter ou non, en attribuant des allocations supplémentaires temporaires ou définitives, à tout ou partie de ses fournisseurs. Par exemple, les jeunes installés bénéficient, s’ils le souhaitent, d’une allocation supplémentaire gratuite et définitive, depuis avril 2015, allant jusqu’à 200 000 litres de droit à produire (avec des différences selon les laiteries). Dans certaines régions de France où l’élevage laitier se délite rapidement, des laiteries proposent des compléments de droits à produire très importants aux structures qui restent, pour assurer un approvisionnement de l’usine locale. Autre exemple : après avoir laissé certains producteurs adhérer à la sous-réalisation temporaire de 5 % de leur droit à produire au cours du dernier trimestre 2016 (versus la livraison du dernier trimestre 2015, ce lait non produit étant payé 294 € la tonne), des laiteries proposent à ces mêmes producteurs une allocation supplémentaire temporaire de 5 % pour le premier trimestre 2017.

→ En cas de déficit de livraison sur l’année contractuelle ou d’excès, des pénalités sont applicables (avant 2015, si l’éleveur livrait trop de lait, il était pénalisé pour cet excédent, et s’il livrait moins de 95 % de sa référence deux ans de suite, celle-ci était alors réajustée au réel livré) et s’élèvent à 284 € la tonne de lait (dépassement ou sous-réalisation).

→ Dans certains contrats, l’obligation d’une livraison régulière a également été rajoutée (livraison de 23 à 28 % de son droit à produire annuel par trimestre, sous peine de pénalités). Les pénalités ne sont pas appliquées par toutes les laiteries.

Calcul du prix du lait

→ Le prix de base, à proprement parler, a disparu, car la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) interdit toute entente sur les prix. Actuellement, le prix du lait se fonde :

- sur des recommandations du Cniel ;

- sur des accords interprofessionnels propres à chaque région (document complémentaire 2 sur http://www.lepointveterinaire.fr) ;

- sur des critères propres à chaque laiterie pour une même région, selon le bassin de production (pour un même lait, selon la laiterie, voire selon la zone d’approvisionnement au sein d’une même laiterie, les prix peuvent différer).

Même si le prix de base du lait est fixé nationalement, puis par région, il peut donc y avoir de grosses différences par producteur, à droit à produire équivalent et pour des laits de qualités organoleptique et sanitaire équivalentes [1].

→ Au final, le prix du lait payé au producteur est le produit du volume livré (mesuré par le chauffeur) par le prix unitaire qualitatif (encadrés 10 et 11). Celui-ci s’établit chaque mois à partir :

- de la recommandation du Cniel comme base de calcul ;

- de l’analyse hebdomadaire d’un échantillon de lait. La moyenne arithmétique mensuelle des taux de matière utile, moins les pénalités à la suite du déclassement sanitaire (mouillage du lait, lipolyse, taux de cellules somatiques supérieur à 250 000/ml de lait, butyriques, germes, inhibiteurs), est réalisée. Les analyses, théoriquement hebdomadaires, ne le sont pas toujours, et sont plutôt de l’ordre de trois à six par mois ;

- de critères propres à chaque entreprise : prime spéciale qualité sanitaire supérieure à 1 an ; prime qualité matière utile ; prime tank (si l’éleveur est propriétaire de son tank), prime qui est défalquée si l’éleveur loue son tank à la laiterie (le plus souvent) ; prime complémentaire selon le volume livré (certains gros quotas historiques touchent une prime s’ils livrent un volume élevé chaque mois, la laiterie étant gagnante pour les frais de transport : moins d’arrêts pour le chauffeur, plus de lait transporté au kilomètre parcouru, etc.) ; prime complémentaire selon l’historique de la zone de collecte et les rachats d’usines ; depuis 2006, une “flexibilité additionnelle”, qui devait être temporaire, propre à chaque entreprise selon des calculs intégrant les prix de vente beurre/poudre de lait sur le marché mondial, sans tenir compte cependant des produits à forte valeur ajoutée ; la mise en place d’un “prix tunnel” par rapport aux Allemands, pour rester dans des écarts de prix payé aux producteurs de +/- 10 € la tonne de part et d’autre de la frontière ; une prime d’“ajustement conjoncturel” dans certaines laiteries ; une prime concernant l’adhésion à la charte des bonnes pratiques d’élevage (CBPE) ; une prime d’adhésion à un organisme de contrôle de performances ; une prime de “soutien temporaire”, quelquefois reprise quelques mois plus tard, etc.

Pour les laiteries ayant instauré des quotas différents (A, B, voire C), il est demandé au producteur, en début d’année civile, de prévoir sa répartition mensuelle entre volume A et volume B, le total annuel devant respecter la proportion des 85/15 (par exemple, il peut indiquer que sa livraison en janvier sera orientée en quota A en totalité s’il le souhaite, sous réserve qu’à la fin de l’année, le volume de lait A ne soit pas dépassé). Par ailleurs, chaque trimestre, l’éleveur doit prévoir ses livraisons pour les 3?mois à venir (une plus-value allant jusqu’à 5 €/1 000 litres lui est attribuée s’il respecte son engagement).

Certaines laiteries continuent à payer les factures qu’elles rédigent elles-mêmes par transfert de compétences, comme par le passé. Dans ce cas, c’est le client qui édite les factures de son fournisseur. Celles-ci sont toutefois parfois incomplètes : certaines laiteries incluent dorénavant dans leur prix de base la flexibilité additionnelle, d’autres ont pris comme critères de base une MP à 33 et une MG à 41 (au lieu des 32 et 38 traditionnelles).

Conclusion

En France, le prix du lait payé au producteur repose sur des facteurs complexes et, surtout, volatils : une laiterie peut décider ou non d’appliquer une prime de soutien temporaire, voire des pénalités, puis récupérer cette prime quelques mois plus tard. Il est difficile de comparer les prix payés entre deux producteurs voisins et sensiblement identiques en volume de production, lorsqu’ils ne livrent pas à la même laiterie. Il est intéressant et étonnant de constater qu’au sein même des laiteries, leurs propres représentants ont parfois du mal à expliquer les modalités du calcul pour établir “la paie de lait”. La sémantique est, sur ce point, en défaveur des éleveurs : bien que fournisseurs de produits, ils sont considérés comme des “employés” des laiteries, qui les “rémunèrent”. Le lait lui-même est qualifié d’or blanc, alors qu’il ne suffit pas de creuser le sol pour le produire (à la différence du pétrole ou des diamants). La loi Sapin 2 devait permettre un peu plus de clarté dans l’établissement du prix de base du lait, mais à l’heure actuelle, rien n’est appliqué. Ce prix pourrait, à terme, inclure un indice lié au prix d’achat des moyens de production agricole.

  • (1) Ces accords ont pu subsister et être toujours d’actualité après l’arrêt des quotas, en avril 2015.

Références

  • 1. Comment est fixé le prix du lait ? Paysan Breton, Semaine du 18 au 25 mai 2007:7.
  • 2. Décret n° 2010-1753 du 30 décembre 2010 pris pour l’applicationde l’article L. 631-24du Code rural et de lapêche maritime dansle secteur laitier. JORF.31 décembre 2010; n° 0303 (texte112):23590.
  • 3. http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-674_fr.htm?locale=FR

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
La situation avant avril 2015

→ Le prix de base suivait une recommandation du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) fondée sur trois critères majeurs : l’évolution des cotations trimestrielles « produits industriels », l’index des produits grande consommation export (PGC export) et un index compétitivité France-Allemagne. Le prix de référence était celui de l’année passée.

→ La quantité produite par l’éleveur et achetée par la laiterie était fixe en volume (quota de production), dépendant du taux de matière grasse (référence en matière grasse). Prenons l’exemple d’un élevage possédant un quota de 500 000 litres de lait/an, avec une référence en matière grasse de 41 g/l. L’éleveur avait donc un droit à produire de 500 000 × 41 = 20,5 × 106 grammes de matière grasse. Si l’éleveur produisait 500 000 litres de lait avec un taux butyreux (TB) de 38 en moyenne sur l’année, alors il avait produit en réalité 19 × 106 grammes de matière grasse, et avait encore le droit de livrer (20,5 × 106 - 19 × 106)/38 = 39 473 litres supplémentaires (à 38 g/litre de matière grasse). S’il produisait un lait à 44 grammes de TB en moyenne, il n’avait en réalité droit de ne livrer que 465 909 litres au total sur l’année (à 44 g/litre).

→ Des accords propres à chaque laiterie(1) pouvaient faire varier le paiement :

- surprime si plus de 1 an sans dépassement des 250 000 cellules/ml de lait par exemple, ou pas de “butyriques” sur 1 an de collecte, etc. ;

- surprime si volume important livré sur une période définie ;

- indices de saisonnalité (le prix du lait était généralement moindre au printemps, car l’offre de production est plus importante), etc. ;

- depuis 2006, indice “flexibilité additionnelle” appliqué par les laiteries dont la production de produits industriels était supérieure à 20 % de leur production totale (flexibilité négative très forte si la part de produits industriels était élevée) ;

- différence du prix de base selon la région, pour une même laiterie ;

- différences entre éleveurs : lorsqu’une petite laiterie fonctionnant avec des paiements à la qualité en plus de ceux formulés par le Cniel était rachetée par une plus grosse entité, ces accords pouvaient ou non subsister pour le groupe d’éleveurs concernés. Au sein d’une même laiterie, à qualité et volume équivalents, des différences de paiement aux éleveurs étaient donc possibles.

ENCADRÉ 2
Propriété du tank

Le tank appartient en règle générale à la laiterie, qui paie le producteur. Si le producteur est propriétaire de son tank, la laiterie lui verse une prime de compensation. Un producteur peut être payé par une laiterie donnée, et son lait collecté par une autre (en raison d’arrangements entre laiteries par zone de collecte, pour diminuer les coûts). La mauvaise qualité du lait (lipolyse, bactéries, mouillage) peut être attribuée au tank ou/et au reste de la machine à traire (important en cas de litige).

ENCADRÉ 3
Mesure du volume du tank

La lecture de la jauge, normée elle aussi, n’est pas toujours bien faite (les conditions de lecture ne sont pas optimales, et l’œil du chauffeur peut avoir du mal à s’adapter à l’éclairage ambiant, parfois défaillant) (photo 4). À quand un système volumétrique homologué et contrôlé par l’État, sur les camions (comme pour les pompes à essence) ?

ENCADRÉ 4
À propos du nombre d’échantillons prélevés

→ En Espagne, les échantillons sont réalisés en double et l’un d’eux est laissé dans l’élevage ; en cas de réaction positive aux inhibiteurs, le laboratoire interprofessionnel récupère le second prélèvement pour une contre-expertise.

→ En France, un seul échantillon est réalisé en ferme, lors de la collecte. Cet échantillon unique pose un problème pour la recherche des causes d’inhibiteurs. Lorsque le résultat est transmis à l’éleveur, l’échantillon est déjà détruit, ce?qui empêche toute réclamation de l’éleveur, mais également toute possibilité de recherche approfondie des molécules, pour une éventuelle déclaration de pharmacovigilance et la mise en place d’une procédure de bon protocole de traitement.

ENCADRÉ 5
Si le test rapide est positif pour cette citerne

Une recherche d’inhibiteurs est réalisée en laboratoire interprofessionnel (figure 1). Si le résultat est négatif, le contenu de la citerne est transformé pour l’alimentation humaine. Si le résultat est positif (présence d’inhibiteurs), le contenu de la citerne est détruit (les éleveurs doivent s’assurer contre ce risque : la pénalité en cas de positivité de la citerne est de l’ordre de 380 € la tonne ; si le tank est positif, mais pas la citerne, l’éleveur est seulement pénalisé sur la base de ce volume). D’autre part, tous les échantillons prélevés chez les éleveurs dont le lait constituait la collecte incriminée sont systématiquement testés au sein du laboratoire interprofessionnel (document complémentaire 1 sur www.lepointveterinaire.fr), quel que soit le résultat de la citerne. Dans une citerne négative en inhibiteurs, il peut donc y avoir un lait de tank positif.

ENCADRÉ 6
Le lait “spot”

Le lait “spot” est le surplus, par rapport aux besoins du moment, de certaines entreprises lors de la collecte. Il est vendu à d’autres laiteries, à un prix généralement inférieur à celui payé aux éleveurs, sauf en cas de déficit de production, donc de forte demande. Par exemple, en juillet 2006, le prix payé aux producteurs était d’environ 350 € la tonne et le lait “spot” se négociait aux alentours de 200 € la tonne ; en septembre 2016, le prix du lait payé aux producteurs était d’environ 280 € la tonne, alors que le prix du lait “spot” était de 340 € la tonne.

ENCADRÉ 7
Analyse de la qualité du lait

Chaque laboratoire interprofessionnel est accrédité par le Comité français d’accréditation (Cofrac) pour le paiement du lait. Chaque analyseur est calibré avec des kits standards expédiés par un seul fournisseur : le laboratoire Actalia Cecalait, installé à Poligny dans le Jura. Tous les 3 mois, chaque laboratoire vérifie et règle ses machines : les analyseurs sont calibrés avec les laits standards pour les cellules et la matière utile (matière protéique [MP] et matière grasse [MG]). Toutes les 48 heures, le laboratoire interprofessionnel réalise également des analyses de référence (MP : méthode Noir amido et MG : méthode Gerber) en interne, pour affiner le réglage (en prenant des laits moyens représentatifs de la région d’implantation du laboratoire) et gérer le biais propre à chaque analyseur. Pour ce faire, chaque laboratoire se fournit en lait représentatif de sa zone d’analyse (un lait de mélange venant de plusieurs citernes issues de différentes laiteries présentes sur le secteur). Une intercorrection est réalisée chaque mois entre les laboratoires professionnels. Enfin, toutes les 20 minutes pendant les analyses en routine, un lait témoin (lait à teneurs connues en MG et MP par le laboratoire) est intercalé dans les échantillons à tester pour vérifier qu’aucune dérive n’apparaît dans les analyses.

Concernant la représentativité de ce lait servant aux analyses de référence, deux problèmes se posent aux laboratoires :

- si historiquement, les laboratoires interprofessionnels étaient assez nombreux sur le territoire français (au moins un par région), ils ne sont plus que 15 actuellement (figure 2), et pour certains, la zone de collecte est importante (plusieurs départements) ;

- les conditions d’élevage ne sont pas homogènes sur une même zone (comme elles pouvaient l’être il y a 40 ans), avec des systèmes d’alimentation très différents, allant du tout herbe (élevage bio ou non) au conventionnel intensif hors-sol, sans affouragement en vert (alimentation à base d’ensilage ou de produits déshydratés essentiellement), en passant par les appellations d’origine protégée (AOP). Les profils des spectres des laits seront alors différents, avec des protéines plus ou moins « fromageables », des chaînes d’acides gras différentes, etc.

Des tests de répétabilité et de reproductibilité sont également réalisés en interne au sein d’un même laboratoire, entre tous les analyseurs. Tous les 15?jours, Cecalait envoie un lait test aux teneurs inconnues des laboratoires interprofessionnels, mais connues de l’expéditeur Cecalait, en vue d’une analyse par chaque laboratoire, pour estimer leur précision dans les analyses MP et MG. Cecalait envoie ensuite à tous un compte rendu anonymisé des résultats. Tous les laboratoires analysant du lait, même hors paiement, peuvent participer à ces tests. Les laboratoires sont accrédités une fois par an.

ENCADRÉ 8
Les élevages “hors normes”

Les élevages “hors normes” sont des élevages dont le lait est déclaré impropre à la consommation humaine. Un arrêt (interdiction) de collecte est prononcé par la direction départementale (de la cohésion sociale) et de la protection des populations (DD[CS]PP). Deux paramètres peuvent déclencher le retrait : le taux cellulaire, qui doit être inférieur à 400 000/ml de lait, et le dénombrement des bactéries, au maximum de 100 000/ml de lait. Chaque région applique ses propres méthodes de calcul pour qualifier la qualité du lait. En Bretagne, ce sont des moyennes géométriques bimensuelles pour les bactéries et trimestrielles pour les cellules qui sont calculées, et qui sont comparées deux à deux tous les 2 mois pour les bactéries (moyennes non glissées) et tous les mois (moyennes glissées) pour les cellules. En cas de résultat supérieur aux seuils, des plans de lutte peuvent être mis en place, avec engagement de l’éleveur, et permettre de suspendre temporairement l’arrêt de la collecte.

Points forts

→ Lors de chaque collecte, le volume de lait est mesuré et un échantillon de lait est prélevé pour recherche d’inhibiteurs.

→ Un échantillon est prélevé une fois par semaine pour déterminer le taux de matières utiles et la qualité sanitaire. Ces résultats sont utilisés dans le calcul du paiement du lait.

→ Depuis l’arrêt des quotas laitiers, chaque laiterie a son propre contrat, donc sa propre méthode de calcul.

ENCADRÉ 9
Droit à produire

Au départ des quotas, en 1984, l’éleveur avait un droit à produire qui représentait sa production moyenne des deux années précédentes (volume produit et taux butyreux moyen). Quand un éleveur reprenait des terres, il rachetait alors conjointement un droit à produire, mais si son quota initial était déjà élevé, une partie du quota acheté était prélevée vers la réserve nationale (pour être soit redistribuée vers d’autres éleveurs ayant un faible quota par unité de travail homme [UTH], soit supprimée). Dans cette même réserve nationale étaient stockés les droits à produire des éleveurs qui arrêtaient leur activité de production laitière (prime de cessation laitière). Puis, dans les années 2000, les producteurs ont eu le droit d’acheter du lait “sans terre” (qualifié de droits à produire). Et dans les années 2010, des distributions gratuites de droits à produire ont eu lieu, en volumes variables selon les structures d’élevage et les régions. Entre 2015 et 2016, des droits à produire, sans transfert de terre obligatoire, à condition de respecter le quota azoté chez l’acheteur (droit d’épandre fixé à 210 unités d’azote par hectare, réparties en 140 unités d’azote organique et 70 unités d’azote inorganique), ont pu être vendus entre producteurs, dès lors qu’ils restaient dans la même laiterie. Mais depuis novembre 2016, toute vente est interdite.

ENCADRÉ 10
Paiement du lait

Une grille de paiement à la qualité sert de base de calcul. L’analyse qualitative est réalisée dans un laboratoire interprofessionnel accrédité par le Comité français d’accréditation (Cofrac) (document complémentaire 3 sur www.lepointveterinaire.fr). Des restructurations ont également eu lieu dans ce secteur, d’autres sont encore à venir. Le prix de base en France s’appuie sur des taux protéique (TP) et butyreux (TB) de 32 et 38 g/l, tandis qu’en Belgique, pour prendre cet exemple, la grille de paiement a pour base 34 et 42. Pour information, les taux moyens de lait livrés en France sont de 33 et 41?g/l. Ces critères qualitatifs de paiement du lait sont définis par un accord interprofessionnel tripartite (éleveurs, coopératives, industriels privés) national via le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel), décliné ensuite au niveau régional (par exemple, dans l’ouest de la France, le Cilouest représente la Bretagne et les Pays de la Loire).

ENCADRÉ 11
Date de mise en paiement

Le paiement (important pour la trésorerie des éleveurs, mais également pour leurs fournisseurs en services et en produits) est maintenant, en théorie, effectué par décade : les éleveurs touchent le 10 du mois la valeur du lait livré jusqu’au 10 du mois précédent, le 20 du mois la valeur du lait livré entre le 10 et le 20 du mois précédent, et le 30, le solde. Pour certains éleveurs, un acompte fixe et constant est versé le 25 du mois de livraison, et le solde le 15 du mois suivant. Pour d’autres, un premier versement a lieu le 10 du mois suivant, puis le solde le 20. Pour d’autres enfin, la totalité est versée le 10 ou le 15 du mois suivant.

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