Les résidus d’antibiotiques dans le lait de tank - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

ANTIBIOTHÉRAPIE

Traitement, prévention

Auteur(s) : Frédéric Lemarchand

Fonctions : Zoetis France SAS
10, rue Raymond-David
92240 Malakoff

Afin d’améliorer constamment l’efficacité du dépistage des résidus d’antibiotiques dans les laits de vache, de chèvre et de brebis, la méthode officielle a évolué au 1er mars 2017.

Les médicaments vétérinaires, et plus particulièrement les antibiotiques, sont plus que jamais au cœur des préoccupations de l’ensemble des intervenants de la filière. Dans un objectif global de santé publique, le recours au médicament vétérinaire s’inscrit dans une logique de santé et de bien-être animal tout en nécessitant de garantir la sécurité sanitaire des aliments, du lait et des produits laitiers en particulier.

L’objectif pour la filière des plans de contrôle des résidus d’antibiotiques dans le lait est cependant double : d’une part, garantir les limites maximales de résidus (LMR) aux consommateurs, ce qui relève du règlement européen ; d’autre part, vérifier la qualité du lait et des produits laitiers sur les marchés français et à l’export, ce qui relève de cahiers des charges et de la réglementation hors Union européenne. Ce second point devient de plus en plus important dans le cadre des marchés à l’export. En effet, sur les 24,6 milliards de litres de lait collectés en France, 10,8 milliards sont exportés (en équivalent lait), soit près de 44 % de la collecte nationale [2, 5].

La méthode mise en œuvre est régulièrement réévaluée pour s’assurer que ces deux objectifs sont toujours poursuivis.

DÉPISTAGE DES ANTIBIOTIQUES DANS LE LAIT : POINTS CLÉS

→ Trois niveaux de contrôle sont mis en œuvre pour la recherche de résidus d’antibiotiques dans le lait [3]. Les plans de contrôle officiels sont déployés par la Direction générale de l’alimentation (DGAL).

Les contrôles dans le cadre du paiement du lait à la qualité et ceux réalisés sur les citernes à réception en laiterie sont effectués par les professionnels laitiers. Le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL) définit les procédures de référence et propose les méthodes d’analyse.

Les quatorze laboratoires reconnus par le ministère de l’Agriculture (et accrédités par le Comité français d’accréditation, ou Cofrac) sont en charge de la réalisation de ces analyses.

→ Dans le cadre du paiement du lait, un échantillon est prélevé à chaque collecte(1) chez le producteur et analysé selon une fréquence d’au minimum une fois par semaine par la méthode officielle, qui comprend une étape de dépistage suivie d’une étape de confirmation.

→ À l’arrivée à la laiterie, avant dépotage, chaque citerne est dépistée à l’aide d’un test rapide, le plus souvent. En cas de résultat positif, si cette positivité est confirmée par la méthode officielle, l’intégralité du lait contenu dans la citerne est détruit.

Le coût de la destruction est en partie pris en charge par un fonds d’indemnisation interprofessionnel. Toutefois, la pénalisation à la charge de l’éleveur à l’origine de la contamination reste élevée (de l’ordre de 2 060 € pour une livraison de 2 032 l ayant contaminé une citerne de 21 540 l, selon la grille pour le paiement du lait et la pénalisation du Grand Ouest pour l’année 2015).

ÉVOLUTION DE LA METHODE OFFICIELLE AU 1er MARS 2017

→ À partir du 1er mars 2017, la méthode officielle de dépistage a évolué et ce nouveau protocole est applicable pour une durée d’environ 3 ans [1].

Elle est identique pour tous les laboratoires interprofessionnels en charge de ces analyses.

La méthode est mise en œuvre pour les laits de vache, de chèvre et de brebis.

Le test de dépistage reste identique : Delvotest® T (test bactériologique, à spectre large, non spécifique d’une famille d’antibiotiques en particulier, pour un résultat obtenu en 3 heures environ).

→ Deux changements importants concernent la méthode de confirmation. Trois tests sont effectués en parallèle, et non plus en cascade comme précédemment et le spectre de confirmation est notamment étendu à la famille des macrolides (photo 1) [2].

La confirmation s’effectue avec des tests immuno-enzymatiques, spécifiques de certaines familles d’antibiotiques. Ce sont des tests rapides, les résultats étant obtenus en 3 à 8 minutes.

La confirmation s’appuie sur trois tests Charm® : MRL BLTET (b-lactamines, tétracyclines), NEO/STREP (néomycine, dihydrostreptomycine, streptomycine) et QUAD2 (érythromycine, lincomycine, pirlymycine, spiramycine, tilmicosine, gentamicine).

La pénalisation intervient lorsque le dépistage est positif et qu’au moins un des tests de confirmation l’est également (figure).

SEUILS DE DÉTECTION DES TESTS DE LA MÉTHODE OFFICIELLE

Il n’existe pas de test qui détecte exactement chaque molécule de chaque famille à la LMR.

En dehors de quelques exceptions, les seuils de détection de l’étape de dépistage sont proches (voire en deçà) de la LMR, alors que les tests de confirmation sont à des seuils parfois très inférieurs à la LMR pour certaines molécules (tableau).

Il convient toutefois de se souvenir que la méthode officielle est appliquée sur un échantillon de lait de tank, alors que, dans le cadre du dossier d’autorisation de mise sur le marché (AMM), les notions de LMR et de temps d’attente correspondant sont définies à l’échelle de l’individu (de la vache).

INVESTIGUER UN CAS : LES ÉTAPES CLÉS

L’objectif est d’intervenir le plus rapidement possible après l’accident (livraison d’un lait positif), d’une part, pour prévenir le risque de suraccident toujours possible si l’éleveur n’a pas identifié clairement l’origine de la contamination du tank (et/ou de la citerne), d’autre part, pour limiter la déperdition d’informations (il est beaucoup plus difficile pour l’éleveur de se souvenir de ce qui a pu réellement se passer plusieurs jours, voire plusieurs semaines après l’accident) [4].

→ Il convient de privilégier la recherche de causes simples : une erreur humaine est à l’origine de 90 % des cas identifiés selon une enquête CNIEL réalisée sur des citernes positives (y compris en traite robotisée) [2].

→ La recherche de la cohérence des informations est fondamentale. Un recueil chronologique des événements le plus exhaustif possible sur la période de temps qui correspond à la collecte positive est indispensable (traitement en ou hors lactation, autre traitement, vêlage, perturbation pendant la routine de traite, etc.).

Il existe un formulaire simplifié (OPAIA1) ou complet (OPAIA2) qui permet de guider la démarche d’investigation et le recueil des informations clés(2).

→ Un calcul (certes très théorique) fondé sur une hypothèse extrême de la quantité d’antibiotiques passée dans le tank correspondant au traitement suspecté, par comparaison aux seuils de détection connus des tests de dépistage et de confirmation, permet parfois d’exclure d’emblée certaines fausses hypothèses (encadré).

Un “gros volume de lait” contaminé est généralement lié à une “grosse” erreur.

Il convient de ne pas se focaliser d’emblée sur un animal et un traitement, mais de prendre du recul et de bien considérer toutes les vaches du troupeau comme potentiellement suspectes.

L’interprétation d’un test individuel reste très délicate, en particulier avec l’arrivée sur le marché de tests avec des seuils de détection excessivement bas par rapport à la LMR pour beaucoup de molécules de leur spectre (Atbmilkit® par exemple).

→ En revanche, dans la situation où aucune vache n’est suspectée, le recours aux tests individuels sur tout un troupeau est intéressant. En association à un test en parallèle du tank, d’un témoin négatif et d’un témoin positif, la positivité d’une vache concomitante de la positivité du tank peut permettre d’établir que cet animal est à l’origine de la contamination.

→ La réalisation des tests de confirmation en parallèle devrait permettre d’obtenir plus d’informations sur la famille d’antibiotiques potentiellement à l’origine de l’accident et ainsi aider à la compréhension des accidents.

→ La recherche spécifique de la molécule reste possible par des techniques analytiques plus poussées (chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse), y compris sur des échantillons congelés (analyse qualitative).

RISQUE DE RÉSIDUS D’ANTIBIOTIQUES DANS LE LAIT : PRIVILÉGIER LA PRÉVENTION

→ Distinguer systématiquement les animaux traités par des bracelets en plus de leur identification dans le carnet de santé. Et bien transmettre les consignes en cas de changement de trayeur.

→ Écarter le lait des quatre quartiers pendant tout le temps d’attente.

→ Bien connaître les exigences concernant les médicaments employés, en particulier les délais d’attente.

→ Être vigilant pour les vaches taries (il est en effet fréquent qu’une vache tarie repasse dans le troupeau, donc à la traite).

→ Éviter les bidons de dérivation trop petits (photo 2).

→ Ne pas laisser du lait résiduel dans la griffe. Bien la rincer après la traite d’une vache traitée.

→ Ne pas négliger les traitements par voie générale.

→ En cas de doute, prévenir sa laiterie avant la collecte.

→ Enregistrer tous les traitements dans le cahier sanitaire.

Conclusion

Le lait est une des denrées alimentaires les plus surveillées sur le plan de la sécurité sanitaire. Toutefois, dans un contexte où l’attente des consommateurs pour des aliments produits sans antibiotique est croissante, les exigences sur l’absence de résidus vont devenir de plus en plus importantes, en particulier lors d’échanges commerciaux. La vigilance reste donc de mise et passe avant tout par la prévention pour préserver cette image de produit “noble” par excellence dévolue au lait.

Références

  • 1. Anomyme. Instruction technique – Tests de dépistage et de confirmation d’antibiotiques et d’inhibiteurs dans le cadre du paiement lait en fonction de sa qualité hygiénique et sanitaire. DGAL/SDSSA/2017-234 du 16/3/2017. https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2017-234
  • 2. Lemarchand F, Menudier N, Bareille S. Les résidus d’antibiotique dans le lait de tank. Point Vét. 2015;360:62-66.
  • 3. Lemarchand F. Inhibiteurs dans lait : méthodologie d’investigation à partir d’un exemple. Journées nationales des GTV, Lille. 2011:547-554.
  • 4. Letendre L, Gerhart J. International methods for consumer risk assessment of injectable veterinary medicines lack of harmonization can impact international trade. J. Vet. Pharmacol. Ther. 2015;7:20-21.

Conflit d’intérêts

Responsable vétérinaire national spécialisé en santé de la mamelle chez Zoetis.

Points forts

→ Dans le cadre du paiement du lait, un échantillon est prélevé à chaque collecte de lait chez le producteur et analysé selon une fréquence d’au minimum une fois par semaine par la méthode officielle, qui comprend une étape de dépistage suivie d’une étape de confirmation.

→ Si un résultat est confirmé positif sur une citerne, le contenu est alors détruit et de lourdes pénalités financières restent à la charge de l’éleveur.

→ Le seuil de détection des antibiotiques par les tests disponibles est parfois inférieur aux limites maximales de résidus admises.

→ La prévention des résidus est essentielle et passe par une identification des animaux traités en et hors lactation, et par un respect des temps d’attente.

ENCADRÉ
Exemple de calcul de la quantité d’antibiotique nécessaire pour atteindre les seuils de détection des tests

Dans l’exemple ci-dessous, l’accident est imputé à une vache mise au tank en fin de période colostrale. La quantité de matière active pure requise pour atteindre le seuil de détection du test est supérieure à celle contenue dans un tube intramammaire. Cette hypothèse est donc peu plausible.