ANTIBIOTHÉRAPIE
Traitement, prévention
Auteur(s) : Olivier Debaere
Fonctions : Direction générale de l’alimentation
251, rue de Vaugirard
75732 Paris Cedex 15
En 2012, la France a mis en place une politique de réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire. Après un premier plan ÉcoAntibio qui a permis d’atteindre les objectifs fixés, un deuxième vient d’être lancé.
La lutte contre l’antibiorésistance constitue un défi majeur et mondial de santé publique du XXIe siècle, y compris pour la santé et le bien-être animal et la sécurité alimentaire.
Les bactéries pathogènes sont en grande partie communes à l’homme et à l’animal. Les familles d’antibiotiques utilisées en médecine vétérinaire sont identiques à celles de la médecine humaine.
C’est pourquoi la lutte contre l’antibiorésistance est un défi à relever sous une approche : « Une seule santé, une seule planète. »
Si aucune mesure n’est prise à l’échelle de la planète pour lutter contre l’antibiorésistance, il est estimé qu’à partir de 2050 le nombre annuel mondial de décès humains sera de 10 millions, contre 700 000 en 2015, ce qui ferait de l’antibiorésistance la première cause mondiale de mortalité, bien devant les cancers, par exemple (figure).
Pour lutter contre l’antibiorésistance, les pays doivent mettre en œuvre les recommandations, toutes convergentes, des organisations internationales : l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). Les mesures du plan ÉcoAntibio s’inscrivent pleinement dans les recommandations internationales et européennes [6].
Le plan ÉcoAntibio est l’engagement de la France dans la lutte contre l’antibiorésistance en médecine vétérinaire. Il vise à “économiser” les antibiotiques car ils constituent un bien public mondial dont il convient de préserver l’efficacité.
Ce programme concerne toutes les filières animales, quelle que soit leur vocation (productions animales et animaux de compagnie), ainsi que tous les territoires de l’Hexagone, y compris ceux d’outre-mer.
L’objectif global du plan ÉcoAntibio est un usage responsable, prudent et raisonné des antibiotiques en médecine vétérinaire. Les enjeux sont le changement durable des pratiques de leur prescription, l’amélioration des conditions de vie des animaux et l’accès à des produits de santé efficaces et économiques, autres que les antibiotiques.
ÉcoAntibio s’inscrit dans un contexte plus large porté par le ministère chargé de l’agriculture, à savoir le projet agroécologique qui doit permettre de répondre aux défis auxquels fait face l’agriculture française : compétitivité, changements climatiques, sécurité sanitaire mondiale, préservation des ressources naturelles, qualité et sûreté de l’alimentation, moindre recours aux intrants chimiques (photo 1).
Pour sa mise en œuvre, le ministère de l’Agriculture a désigné un pilote pour chacune des 40 actions du plan ÉcoAntibio 1, à savoir : le ministère chargé de l’agriculture (Direction générale de l’alimentation, Direction générale de l’enseignement et de la recherche), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, le Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV), le ministère de la Santé, le ministère de l’Environnement, GDS France (groupements de défense sanitaire) et l’Association de coordination des instituts techniques agricoles (ACTA). La même logique de désignation d’un pilote par action a été adoptée pour les 20 actions du plan ÉcoAntibio 2 (2017-2021).
Des conventions financières, à hauteur de 7 millions d’euros pour le plan ÉcoAntibio 1, ont été signées entre le ministère de l’Agriculture et les pilotes afin de conduire des actions d’information, de formation, des études et des projets de recherche appliquée. Des financements sont également prévus pour le plan ÉcoAntibio 2.
Le premier plan ÉcoAntibio a été mis en œuvre sur la période 2012-2016. Il comportait 40 actions avec un objectif chiffré de réduction de 25 % en cinq ans de l’exposition des animaux aux antibiotiques (photo 2).
Le premier plan ÉcoAntibio est un succès. La majorité des actions programmées ont été mises en œuvre (photo 3) :
– de grandes campagnes nationales de communication ont été lancées : « Les antibiotiques pour nous non plus, c’est pas automatique » à destination des détenteurs d’animaux de compagnie et « Nourri, logé, vacciné » à destination des éleveurs bovins ;
– des modules de formation initiale et continue à destination des vétérinaires et des éleveurs ont été construits et dispensés ;
– de nombreuses études de recherche appliquée ont été engagées ;
– de multiples événements (colloques régionaux et nationaux, conférences à l’international, interviews, articles de presse, réunions de pilotage et de suivi, etc.) ont ponctué et animé les 5 années du premier plan ÉcoAntibio ;
– en parallèle de ces mesures incitatives et volontaires, des dispositions législatives et réglementaires ont été prises : interdiction des remises, rabais, ristournes à l’occasion de la cession d’antibiotiques, encadrement de la prescription et de la délivrance d’antibiotiques d’importance critique, publication du guide de bonnes pratiques d’emploi des antibiotiques en médecine vétérinaire et prise en compte de ce défi dans le Code de déontologie vétérinaire [7].
Le premier plan ÉcoAntibio est une réussite collective. Les objectifs chiffrés sont en passe d’être atteints (les données de 2016 seront connues au second semestre 2017). Sur les 4 premières années du plan (2012-2015), l’exposition des animaux aux antibiotiques a reculé de 20 %, tandis que celle des animaux aux antibiotiques critiques a diminué de 21 % en 2 ans seulement (2014-2015) (tableau). En France, l’exposition des animaux aux antibiotiques est inférieure à la moyenne européenne. Une tendance globale de repli de l’antibiorésistance pour la plupart des antibiotiques et des filières animales a également été notée.
Les bons résultats du premier plan ÉcoAntibio sont à mettre au crédit de la mobilisation et de l’engagement de tous les acteurs, tant privés que publics, et notamment des vétérinaires aux côtés des éleveurs et des propriétaires d’animaux de compagnie. Ils sont aussi directement liés au fait que les vétérinaires et les éleveurs s’étaient déjà mobilisés plusieurs années avant le lancement d’ÉcoAntibio.
Afin d’inscrire cette dynamique positive dans la durée, l’élaboration et la mise en œuvre d’un nouveau plan étaient nécessaires. Tel est l’objectif principal du plan ÉcoAntibio 2 resserré autour de 20 actions.
Comparativement au premier, le deuxième plan ÉcoAntibio comporte davantage de mesures incitatives que réglementaires.
La communication et les formations initiale et continue y occupent une place importante, tout comme l’accès à des solutions alternatives autorisées aux antibiotiques, l’amélioration de la biosécurité et de la prévention des maladies infectieuses, la mise à disposition de meilleurs outils de diagnostic, de suivi de la cession des antibiotiques et de surveillance de l’antibiorésistance, et la mise à jour des guides de bonnes pratiques de l’antibiothérapie.
Le plan ÉcoAntibio 2 comporte 20 actions (contre 40 avec ÉcoAntibio 1) regroupées en quatre axes (photo 4)(1).
→ Axe 1 : développer les mesures de prévention des maladies infectieuses et faciliter le recours aux traitements alternatifs (4 actions).
→ Axe 2 : communiquer et former sur les enjeux de la lutte contre l’antibiorésistance, sur la prescription raisonnée des antibiotiques et sur les autres moyens de maîtrise des maladies infectieuses (4 actions).
→ Axe 3 : mettre à disposition des outils partagés d’évaluation et de suivi du recours aux antibiotiques, ainsi que des outils pour leur prescription et leur administration responsables (9 actions).
→ Axe 4 : consentir des efforts partagés. S’assurer de la bonne application des règles de bon usage au niveau national et favoriser leur adoption sur les plans européen et international (3 actions).
ÉcoAntibio 2 ne fixe pas d’objectif global chiffré de réduction de l’exposition des animaux aux antibiotiques (pour rappel, objectif ÉcoAntibio 1 : – 25 % en 5 ans), mais vise simplement à maintenir dans la durée la tendance à la baisse. En revanche, deux objectifs chiffrés sont fixés :
– pour l’usage de la colistine : réduction de 50 % en 5 ans de l’exposition à cette molécule en filières bovine, porcine et avicole (période de référence 2014-2015) ;
– pour l’antibiorésistance : réduction de 50 % en 5 ans de la prévalence d’Escherichia coli à ß-lactamases à spectre élargi (BLSE) sur les prélèvements de volailles (poulets de chair) au stade de la distribution.
Le plan ÉcoAntibio 2 s’articule avec d’autres politiques publiques et les complète dans le domaine animal. En particulier, le plan ÉcoAntibio 2 s’intègre aux actions pilotées par le ministère chargé de la santé (Feuille de route interministérielle de maîtrise de l’antibiorésistance, Plan d’alerte humain sur les antibiotiques), à celles (co) pilotées par le ministère chargé de l’environnement (Plan national santé environnement, Plan micropolluants, Feuille de route pour la transition écologique) et à celles du projet agroécologique piloté par le ministère chargé de l’agriculture [2].
→ Le plan ÉcoAntibio concerne toutes les catégories d’animaux, quelle que soit leur destination. La majorité des mesures de ce programme concernent ainsi indifféremment les animaux de compagnie et les animaux de rente.
Les principales mesures réglementaires concernent autant les vétérinaires impliqués en productions animales que ceux exerçant en médecine canine [7] :
– l’interdiction de percevoir ou d’accorder des rabais, des remises ou des ristournes lors de l’achat de médicaments contenant des substances antibiotiques. La loi interdit le contournement de cette interdiction par des rabais, des remises ou des ristournes sur d’autres produits ;
– l’encadrement de la prescription et de la délivrance d’antibiotiques critiques (fluoroquinolones et céphalosporines de troisième et de quatrième générations) : prescription uniquement à visée curative ou métaphylactique, prescription après examen clinique ou nécropsique, réalisation d’un antibiogramme normé (sauf s’il est impossible de réaliser le prélèvement de la souche bactérienne). Par dérogation, l’antibiogramme n’est pas à réaliser si le prescripteur dispose, pour le même animal (ou groupe d’animaux) et pour la même affection diagnostiquée, de résultats d’antibiogramme datant de moins de 6 mois. En cas d’urgence, l’administration d’un antibiotique critique peut débuter avant de connaître les résultats de l’antibiogramme ;
– de nouveaux devoirs déontologiques en matière d’usage responsable des antibiotiques ;
– à l’avenir (texte d’application non publié), la déclaration des antibiotiques délivrés.
Quelques mesures réglementaires spécifiques à la médecine rurale ont été adoptées : le retrait des substances antibiotiques de la liste positive pour les programmes sanitaires d’élevage des groupements agréés, l’interdiction de la prescription d’un antibiotique critique à visée préventive du dispositif dit de “prescription hors examen clinique systématique” et la levée de l’interdiction des autovaccins pour ruminants.
→ Deux objectifs chiffrés spécifiques d’ÉcoAntibio 2 concernent les filières de productions animales :
– la réduction de l’usage de la colistine dans les filières bovine, porcine et avicole ;
– la limitation en filière avicole de l’antibiorésistance des E. coli BLSE.
La campagne nationale de communication pour promouvoir la vaccination en filière bovine va se poursuivre en 2017 et sera déclinée pour les autres filières de production (photo 5).
La lutte contre l’antibiorésistance est un défi majeur et mondial de santé publique. La réponse de la France pour le relever est le plan ÉcoAntibio. L’objectif de ce programme est la prescription raisonnée, prudente et responsable des antibiotiques. Pour cela, différents leviers sont activés, comme la formation initiale et continue des vétérinaires et des éleveurs, l’accès à des solutions alternatives aux antibiotiques, la promotion de l’outil vaccinal, et, plus globalement, l’amélioration de la prévention des maladies et de la biosécurité. Le premier plan 2012-2016 s’est achevé sur un succès collectif grâce à la mobilisation des acteurs privés et publics. L’enjeu du deuxième plan (2017-2021) est d’inscrire dans la durée ces premiers bons résultats, et de porter l’effort également sur l’approche « One Health, “une seule santé” » et à l’international.
(1) Le détail des 20 actions est sur le site : http://agriculture.gouv.fr/ecoantibio.
Aucun.
→ Si aucune mesure n’est prise, l’antibiorésistance pourrait être la première cause de mortalité humaine à partir de 2050, avec 10 millions de décès par an à l’échelle de la planète.
→ Le premier plan ÉcoAntibio (2012-2016) est un succès. L’objectif de réduction de 25 % en cinq ans de l’exposition des animaux aux antibiotiques devrait être atteint (résultats définitifs au second semestre 2017) et les pratiques de prescription sont plus raisonnées.
→ Le plan ÉcoAntibio 2 (2017-2021) comporte davantage de mesures incitatives que réglementaires. Il vise à consolider les premiers bons résultats obtenus.