Les grandes règles de la PAC pour les bovins allaitants - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

ÉCONOMIE DE L’ÉLEVAGE

Management, économie

Auteur(s) : Bénédicte Grimard*, Isabelle Barassin**, Valérie Wolgust***

Fonctions :
*École nationale vétérinaire d’Alfort,
service de zootechnie,
7, av. du Général-de-Gaulle,
94704 Maisons-Alfort Cedex
**ENVA, service de zootechnie,
Centre d’application en productions
animales, domaine du Croisil,
89350 Champignelles
***ENVA, service de zootechnie,
Centre d’application en productions
animales, domaine du Croisil,
89350 Champignelles

La nouvelle politique agricole commune, mise en place en 2015, modifie le montant et les conditions d’obtention des aides, sources de revenus importants pour les éleveurs. Cet article en détaille le contenu.

La politique agricole commune (PAC) mise en place depuis 2015 a quelque peu modifié les aides distribuées aux éleveurs de bovins viande. En raison de leur importance dans le revenu des éleveurs, la connaissance des grands mécanismes qui en régissent l’attribution concerne le vétérinaire. Les grandes lignes de la PAC 2015-2020 sont détaillées dans un document du ministère de l’Agriculture disponible en ligne, qui a servi de base à la rédaction de cet article [4]. Pour des données plus détaillées, il est possible de consulter le site Telepac utilisé par les éleveurs ou leurs conseillers pour demander les aides [7].

OBJECTIFS DE LA PAC 2015-2020

La PAC vise à " soutenir l’ensemble des filières agricoles et à orienter les aides agricoles en faveur de l’élevage, de l’emploi, de l’installation de nouveaux agriculteurs, de la performance à la fois économique, environnementale et sociale et des territoires ruraux " [4]. Cependant, elle ne soutient pas tous les types d’élevage de la même façon : la PAC tente de répondre à des demandes sociétales en promouvant une agriculture plus respectueuse de l’environnement.

Le budget global de la PAC 2015-2020 est de 9,1 milliards d’euros par an, contre 9,3 milliards en 2013, soit une baisse de 2 % par rapport à la période précédente.

Les aides sont réparties en deux piliers. Celles du premier pilier comprennent les mesures de soutien aux marchés et au revenu des exploitants agricoles. Elles sont financées par le Fonds européen agricole de garantie (Feaga) et représentent environ 80 % des dépenses. Celles du second pilier correspondent aux aides au développement rural. Elles sont financées par le Fonds européen agricole de développement rural (Feader) et représentent environ 20 % des dépenses. Les élevages bovins viande sont concernés par les deux types d’aides (photo 1).

AIDES DU PREMIER PILIER

Certaines aides sont couplées (dépendantes du type et du volume de la production), d’autres sont dites découplées (indépendantes du type et du volume de la production).

1. Aides couplées

Les productions qui peuvent bénéficier d’aides couplées sont les suivantes :

– les vaches allaitantes (dans la continuité de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, ou PMTVA) ;

– les vaches laitières (nouvelle aide en 2015) ;

– les ovins (aide renforcée par rapport à 2014) ;

– les caprins (aide renforcée par rapport à 2014) ;

– les veaux sous la mère labellisés et veaux “bio” (dans la continuité de ce qui existait en 2014).

Les élevages engraisseurs stricts (veaux de boucherie et taurillons) ne bénéficient pas d’aides couplées en métropole (l’aide a été maintenue en 2016 et en 2017 dans les départements d’outre-mer) (photo 2).

Une aide couplée a été créée pour soutenir la production de protéines végétales (légumineuses fourragères, protéagineux, soja, semences de légumineuses fourragères) et favoriser l’indépendance de l’Europe sur ce plan. Elle peut concerner les élevages bovins viande même si les animaux de l’exploitation consomment les légumineuses produites.

Les aides qui concernent plus particulièrement les élevages bovins viande sont celles aux bovins allaitants et celles aux veaux sous la mère.

Aides aux bovins allaitants

→ Concernant les élevages et les femelles éligibles :

– les élevages doivent posséder au minimum 10 vaches éligibles ou 3 vaches éligibles et 10 unités gros bovin (UGB) de vaches, de brebis ou de chèvres. Pour rappel, les équivalents UGB PAC sont de 1 pour les bovins âgés de plus de 2 ans, de 0,6 pour les bovins de 6 mois à 2 ans et de 0,15 pour un ovin ou un caprin de plus de 1 an. Les aides sont donc destinées à tous les élevages, même à ceux de très petite taille ;

– les femelles éligibles sont les vaches de races à viande ou mixtes lait/viande, mais les vaches traites ne sont pas décomptées. Pour les races mixtes, si les vaches sont traites, elles sont prises en compte dans l’aide aux bovins laitiers ;

– il existe une période de détention obligatoire (PDO) des femelles primées de 6 mois à compter du lendemain de la déclaration d’aide. La déclaration se fait en début d’année (avant le 15 mai en année normale, avant le 31 mai en 2017). Il est possible de remplacer les vaches par des génisses pendant la PDO dans la limite de 30 % des vaches primables (photo 3). Cela permet de tenir compte de la politique de réforme et de renouvellement des élevages ;

– le nombre de femelles éligibles est plafonné par un critère de productivité de 0,8 veau par vache primable sur les 15 mois précédant le début de la PDO. Ce critère est fixé à 0,6 veau par vache primable pour les élevages transhumants et en Corse. Le veau produit doit être conservé 90 jours dans l’élevage ;

– les producteurs nouvellement installés ont la possibilité de primer 20 % de génisses chaque année pendant les 3 premières années de constitution du cheptel.

→ Le montant des aides, dégressif, est fixé à :

– 176 €/vache de la première à la 50e;

– 130 €/vache de la 51e à la 99e;

– 70 €/vache de la 100e à la 139e.

Ce montant peut éventuellement être modulé en fin de campagne selon le nombre de demandes (montant global plafonné à 3,845 millions de têtes au niveau national, un stabilisateur pouvant être appliqué si les demandes dépassent ce nombre). Au-delà de 139 vaches par exploitant, les animaux ne sont plus primés. Une nouvelle disposition est cependant introduite dans la PAC depuis 2015 : la " transparence des GAEC [groupement agricole d’exploitation en commun] totaux ", signifiant que les plafonds sont applicables à chaque exploitant d’un GAEC. Deux associés, par exemple, peuvent donc déclarer chacun jusqu’à 139 animaux.

Aides aux veaux sous la mère et aux veaux “bio”

→ Élevages et veaux éligibles. L’élevage doit avoir produit des veaux sous la mère sous label ou des veaux issus de l’agriculture biologique l’année civile précédant la demande d’aide. Seuls les veaux répondant au cahier des charges du label ou de l’agriculture biologique sont éligibles. Cela suppose donc que l’élevage ait reçu les certifications requises (label ou “bio”).

→ Montant des aides. L’aide est d’environ 35 €/tête et est doublée (70 €/tête) si l’éleveur a adhéré à une organisation de producteurs pour commercialiser ses veaux.

2. Aides découplées

Le droit au paiement unique (DPU) qui existait en 2014 est remplacé par une aide en trois parties : le droit au paiement de base (DPB), le paiement vert et le paiement redistributif.

Droit au paiement de base

Le DPB de 2015 a été calculé sur une base historique pour chaque agriculteur en fonction des montants des DPU touchés en 2014. Sur la période 2015 à 2020, ces droits vont “converger” vers la moyenne européenne. Cela devrait entraîner, globalement, une diminution des aides à l’hectare pour les agriculteurs français.

Paiement vert

Le paiement vert vise à favoriser une agriculture respectueuse de l’environnement. Il concerne les exploitations qui améliorent la biodiversité, protègent les ressources en eau et luttent contre le changement climatique. Ce paiement, de l’ordre de 84 €/ha, est versé aux exploitants qui maintiennent un ratio de prairies permanentes (ratio fixé au niveau régional et dépendant de la localisation des terres de l’exploitation), diversifient leurs assolements (au moins trois cultures différentes chaque année) et qui entretiennent des " surfaces d’intérêt écologique ".

Les surfaces d’intérêt écologique sont les surfaces plantées de taillis, celles qui portent des plantes fixant l’azote, des cultures dérobées ou un couvert végétal en hiver, les haies ou les bandes boisées, les arbres isolés, les bosquets, les mares, les fossés et les bandes tampon le long des cours d’eau, etc. [4]. Ces surfaces participent à l’entretien du paysage et à la préservation de la qualité des ressources en eau. Elles doivent se situer sur des terres arables ou être attenantes à celles-ci.

Paiement redistributif

Le paiement redistributif (26 €/ha environ en 2015, 51 €/ha en 2016 et 100 €/ha en 2018) est payé dans la limite des 52 premiers hectares pour les productions à forte valeur ajoutée ou génératrices d’emploi qui se font sur des exploitations plus petites que la moyenne. Cette aide doit favoriser l’élevage en général, mais aussi les exploitations de fruits et légumes.

Paiement additionnel aux jeunes agriculteurs

Ce paiement découplé est versé pour les 34 premiers hectares dans les exploitations comprenant un jeune agriculteur (installé dans les 5 ans précédant la demande). Son montant est d’environ 70 €/ha.

AIDES DU SECOND PILIER

L’aide du second pilier la plus importante pour les élevages bovins viande est l’indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN). D’autres aides peuvent aussi être mobilisées.

1. Indemnité compensatoire de handicap naturel

L’ICHN est une aide fondamentale pour le maintien de l’activité agricole dans les zones dites défavorisées (montagne, piémont et zone défavorisée simple). Elle vise à compenser le différentiel de revenu entre ces zones et celles de plaine. Cette aide bénéficie à 99 000 agriculteurs français. Elle a été fortement revalorisée dans la PAC 2015-2020 par rapport à la période précédente.

Chaque agriculteur déclare ses hectares situés en zone défavorisée. Il existe trois types de zones : les zones de montagne, les zones à handicaps spécifiques et les zones défavorisées simples. Chaque zone donne droit à des montants spécifiques par hectare. La carte a été redéfinie en 2014 avant la mise en place de la réforme (figure). Cette carte est en cours d’évolution et de nouvelles communes auront droit à l’ICHN en 2018. Chaque exploitant peut bénéficier d’aides pour ses hectares de surfaces fourragères (ICHN animale) ou de cultures végétales (ICHN végétale).

Exploitations et hectares éligibles

Plusieurs conditions sont requises pour toucher les aides. Les pluriactifs ne peuvent pas les toucher si leur revenu non agricole dépasse un seuil donné (fixé par département). Pour les zones défavorisées simples ou de piémont, l’exploitation doit être située en zone éligible, ainsi que 80 % de la surface agricole utile (SAU) (si ce n’est pas le cas, les aides sont réduites). Toute exploitation détenant des hectares en zone de montagne est éligible. Pour toucher l’ICHN animale, il convient d’exploiter au minimum 3 ha de surface fourragère en zone défavorisée et détenir au moins 3 UGB.

Le montant des aides est modulé par le chargement. Dans chaque sous-zone, une plage de chargement optimale est définie au niveau régional (programme de développement rural régional, ou PDR). Les aides sont de 100 % dans cette plage, et diminuent en deçà (embroussaillement du milieu) ou au-delà (surpâturage) de la plage optimale (tableau 1).

Montant des aides (ICHN animale)

Les montants unitaires à l’hectare varient d’une zone à l’autre pour tenir compte de l’importance du handicap. L’aide est plafonnée à 75 ha par exploitation. Ces montants sont dégressifs : l’aide est plus forte sur les 25 premiers hectares, diminue pour les 25 à 50 ha suivants et est minimale pour les 25 “derniers” hectares primables (tableau 2).

2. Autres aides du second pilier

Des aides européennes sont mobilisables sur le plan régional. Orientées sur quatre axes, elles peuvent concerner les élevages bovins viande dans le cadre des dispositifs suivants :

– le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles, qui inclut : les aides à l’amélioration des bâtiments, des conditions de travail et de l’autonomie alimentaire du cheptel ; l’amélioration des performances énergétiques des exploitations ; l’encouragement de projets s’inscrivant dans une démarche agro-écologique ;

– les aides à l’installation des jeunes agriculteurs ;

– les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les aides à l’agriculture biologique ;

– l’aide à la gestion des risques sanitaires et environnementaux.

CONDITIONNALITÉ ET IMPORTANCE DES AIDES

Le versement des aides communautaires est soumis au respect de règles de base en matière d’environnement, de bonnes pratiques agricoles et environnementales, de santé et de bien-être des animaux. Des contrôles peuvent être effectués par les agents de la direction départementale des territoires, de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations, et les aides sont réduites en cas de manquement constaté.

Ces règles sont regroupées dans les trois domaines suivants :

– l’environnement, le changement climatique et les bonnes conditions agricoles ;

– la santé publique, et la santé animale et végétale ;

– le bien-être des animaux.

En matière de santé des animaux, la bonne tenue du registre d’élevage (présence des ordonnances et des factures des médicaments utilisés, enregistrement des traitements effectués chez les animaux), le respect des mesures concernant le bon usage des médicaments vétérinaires (posologies, durées de traitement et temps d’attente indiqués sur l’ordonnance) et le stockage des médicaments dans un équipement adapté (stockage au froid si nécessaire) sont exigés. L’emploi de substances interdites (thyréostatiques, stilbènes, dérivés des stilbènes, et leurs sels et esters, substances agonistes, substances à effet œstrogène, androgène ou progestagène) en dehors des indications thérapeutiques ou zootechniques est proscrit. Les mesures de prévention, de maîtrise et d’éradication des encéphalopathies spongiformes transmissibles doivent être respectées (interdiction, par exemple, de distribuer des protéines d’origine animale aux ruminants). Les animaux doivent être correctement identifiés et enregistrés. Enfin, le bien-être animal doit être respecté et des contrôles peuvent être réalisés sur :

– l’état des bâtiments d’élevage ;

– la prévention des blessures ;

– les soins prodigués aux animaux malades ou blessés ;

– l’entretien (alimentation et abreuvement) des animaux ;

– la protection des animaux élevés à l’extérieur.

Le détail des points de contrôle est disponible sur le site Telepac [5]. Un pourcentage de réduction des aides est appliqué selon la gravité des cas de non-conformité constatés. La diminution est de 1 % pour les anomalies secondaires, de 3 % dans le cas le plus général, de 5 % pour les anomalies graves et de 20 % pour les anomalies intentionnelles. L’éleveur dispose d’un délai pour se mettre en conformité, qui est fonction du défaut constaté. En cas d’anomalie répétée, les aides peuvent être totalement supprimées.

Enfin, il convient de préciser que les élevages allaitants sont particulièrement dépendants des aides. En 2014, 86 % des élevages bovins viande auraient obtenu des résultats négatifs en l’absence de subvention [1]. Cela signifie que les éleveurs ont besoin des aides pour payer leurs créanciers. La distribution de ces subsides est transparente : la liste des bénéficiaires des aides PAC et leurs montants sont publics, disponibles sur le site Telepac [6].

Conclusion

Les éleveurs bovins allaitants naisseurs sont concernés par trois grandes aides de la PAC 2015-2020 : l’aide aux bovins allaitants, l’aide aux veaux sous la mère et l’indemnité compensatoire de handicap naturel. Ces aides concernent tous les élevages, même les très petits. Elles sont plafonnées et dégressives. Les règles d’attribution et de calcul des montants sont néanmoins complexes. Chaque modification de la PAC fait l’objet d’âpres négociations, pour la définition des zones donnant droit à l’ICHN par exemple. Les éleveurs allaitants sont particulièrement dépendants des aides de la PAC. Les grands principes de leur distribution orientent les choix des exploitants (type de production, chargement, taille de troupeau, etc.). Connaître ces principes permet au vétérinaire de mieux appréhender les contraintes qui s’imposent aux éleveurs.

Références

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Deux types d’aides existent : celles du premier pilier visent à soutenir le marché et les revenus des éleveurs et celles du second pilier à améliorer le développement rural.

→ Les aides sont destinées aussi aux petits élevages (éligibilité à partir de 3 vaches). Elles sont plafonnées (139 vaches) et dégressives. Le respect des bonnes pratiques agricoles, environnementales, de santé et de bien-être en est la condition d’attribution.

→ La nouvelle politique agricole commune introduit de nombreuses mesures environnementales.