Guide pratique des principaux prélèvements en autopsie bovine - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Diagnostic

Auteur(s) : Laëtitia Dorso*, Sébastien Assié**

Fonctions :
*Autopsie service
**Service de médecine
des animaux d’élevage
CHUV Oniris, site de la Chantrerie
route de Gachet, CS 40706,
44307 Nantes

L’examen nécropsique peut être l’occasion d’effectuer des analyses complémentaires afin de déterminer les causes de la mort. Cet article présente les conditions de réalisation des prélèvements selon le type d’affection ou la suspicion clinique.

L’examen nécropsique est indispensable, lors de mort subite d’un animal ou de mortalité en série dans un élevage, et nécessaire, en médecine tant collective qu’individuelle, pour apporter des éléments essentiels à un diagnostic exact et mettre en place la conduite à tenir la plus adaptée pour les autres animaux du troupeau.

Cet examen nécropsique est réalisé en deux temps : le premier est consacré à l’examen macroscopique des organes, et permet un préciblage des organes et des grandes fonctions atteintes, ainsi qu’une évaluation de l’intensité et de la sévérité des lésions. Dans certains cas, ce premier temps permet d’identifier les causes de la mort de l’animal et se suffit à lui-même. Pour un certain nombre de cas, cependant, un second temps est nécessaire, au cours duquel il est fait appel à des examens complémentaires réalisés en laboratoire (bactériologie, polymerase chain reaction [PCR], histologie, dosage de substances toxiques, etc.).

Pour que ces examens complémentaires soient riches d’enseignements, il est nécessaire de bien connaître les prélèvements à effectuer. Ceux-ci, tout comme l’autopsie, doivent être effectués le plus rapidement possible après la mort de l’animal afin d’augmenter la pertinence du diagnostic : idéalement dans les 48 heures post-mortem dans la majorité des cas, et ce délai doit être plus court (12 heures post-mortem) lors d’atteinte nerveuse ou digestive nécessitant une analyse histologique fine. En effet, les tissus nerveux et digestif sont les premiers à subir des altérations autolytiques. En cas de doute, le plus simple est de prendre contact avec le laboratoire destinataire des prélèvements pour tous renseignements ou informations qui ont rapport avec les prélèvements à effectuer et les analyses à prescrire.

Cet article propose une lecture en deux parties indépendantes, suivant une approche par types d’analyses ­complémentaires et d’affections. Dans une première partie, les principes généraux des prélèvements en vue d’analyses bactériologiques, virologiques, histologiques et toxicologiques sont détaillés, puis, dans une seconde partie, les prélèvements adaptés à chaque grand tableau lésionnel retrouvé lors d’autopsies bovines (affections respiratoires, digestives, musculo-squelettiques et nerveuses, et troubles métaboliques) sont précisés.

PRINCIPES GÉNÉRAUX

Les règles de prélèvement diffèrent suivant le type d’analyse demandé. Mais les règles d’emballage sont les mêmes. Il est nécessaire que le prélèvement soit entouré de trois épaisseurs : le flacon contenant le prélèvement (de préférence en matière plastique) doit être étanche (première épaisseur) et entouré d’un emballage absorbant, puis idéalement placé dans un sachet plastique zippé (deuxième épaisseur), avec une couche antichoc (mousse le plus souvent, polystyrène, papier bulle), le tout étant contenu dans un carton ou une enveloppe bulle (troisième épaisseur) portant la mention « UN 3373 biological substance category B » (photo 1). Une fiche de commémoratifs correctement renseignée et lisible doit accompagner le prélèvement. Cette fiche est glissée dans le carton, à l’extérieur du sachet plastique zippé.

En règle générale, les analyses sur sang (excepté les analyses toxicologiques) sont difficiles à réaliser post-mortem (virologie, sérologie).

1. Prélèvements en vue d’analyses bactériologiques

Les prélèvements destinés à une recherche bactériologique sont à réaliser de façon la plus aseptique possible, dans un contenant stérile (encadré 1). L’idéal est d’utiliser les pots à prélèvement fournis par les laboratoires. Ils doivent être réfrigérés et transportés sous couvert du froid (mais pas congelés), de façon à maintenir en vie les agents pathogènes, sans multiplication excessive (notamment si un dénombrement est nécessaire). Le froid est maintenu par l’ajout de pains réfrigérants dans le colis. Pour certains agents pathogènes (clostridies, surtout), des conditions d’anaérobiose doivent être maintenues au moment du prélèvement et du transport. Un liquide doit donc être prélevé par ponction (laisser l’aiguille sur la seringue) et un organe creux, comme une portion d’anse intestinale, peut être ligaturé aux deux extrémités. Il est également possible de remplir un pot à prélèvement à ras bord et de le fermer jusqu’à débordement afin de maintenir une ambiance anaérobie. Il convient de préciser au laboratoire si la recherche de bactéries anaérobies doit être entreprise.

2. Prélèvements en vue d’analyses virologiques

Les prélèvements destinés à une recherche virologique doivent être congelés le plus tôt possible (encadré 2).

3. Prélèvements en vue d’analyses histologiques

Les prélèvements pour examen histologique sont à réaliser le plus tôt possible après la mort, l’autolyse gênant l’interprétation des lésions, notamment lors d’affections nerveuses ou digestives pour lesquelles un prélèvement effectué plus de 12 heures après la mort risque d’être ininterprétable (encadré 3).

Pour les organes complexes comme le rein, le prélèvement doit comporter un fragment de chaque territoire (corticale, médullaire, bassinet). Pour les organes creux comme l’intestin, toute l’épaisseur de la paroi doit être présente.

Pour l’encéphale, il est recommandé d’en soumettre au moins la moitié (droite ou gauche en coupe longitudinale) à l’analyse histologique. Ce prélèvement restant volumineux, le laboratoire de destination effectue, à réception, des sections après 24 à 48 heures de fixation (les tissus s’étant durcis), afin de permettre la répartition uniforme du formol. La fixation de l’encéphale demande du temps et allonge considérablement le délai d’obtention des résultats.

4. Prélèvements en vue d’analyses toxicologiques

Lors d’une suspicion d’intoxication, il convient de recueillir des commémoratifs cliniques précis, permettant de déterminer le ou les organes cibles afin de procéder à une recherche restreinte de toxiques (photo 4). En tout état de cause, des prélèvements systématiques peuvent être effectués (rein, foie, muscle, urine, contenu ruminal, sang) et congelés en vue d’une analyse ultérieure. Lors de suspicion d’intoxication par les toxiques les plus couramment rencontrés, certains prélèvements sont recommandés (tableau 1).

Les prélèvements destinés à une analyse toxicologique doivent être congelés et transportés sous couvert du froid (pains de glace réfrigérants), afin d’arrêter la métabolisation des toxiques.

PRÉLÈVEMENTS ADAPTÉS À CHAQUE GRAND TABLEAU LÉSIONNEL

1. Lors d’affections respiratoires

Selon la suspicion clinique et la méthode de détection adaptée à la mise en évidence de l’agent pathogène recherché, le conditionnement des prélèvements pulmonaires à effectuer varie (tableau 2).

2. Lors d’affections digestives

L’identification d’une bactérie est un moyen diagnostique, mais le dénombrement est parfois une étape nécessaire pour conclure, notamment en cas d’entérotoxémie. Selon la suspicion clinique et la méthode de détection spécifique de l’agent pathogène recherché, la nature des prélèvements et le conditionnement adapté diffèrent (tableau 3). Ce dénombrement n’est pertinent que s’il est réalisé sur des prélèvements effectués 6 heures post-mortem au maximum.

3. Lors d’affections musculo-squelettiques

Lors d’affections musculo-squelettiques, la marche à suivre concernant la nature des prélèvements, le conditionnement adapté à mettre en œuvre et la méthode de détection utilisée varie selon l’agent pathogène ou la lésion recherchée (tableau 4).

4. Lors d’affections nerveuses

Lors d’affections nerveuses, la localisation des prélèvements à réaliser, le conditionnement et le type d’analyse mise en œuvre diffèrent selon l’agent pathogène ou la lésion recherchée (tableau 5).

5. Lors de troubles métaboliques

Les troubles métaboliques (hypocalcémie, hypomagnésiémie, cétose) se diagnostiquent plus facilement ante-mortem que post-mortem. Cependant, certains prélèvements d’intérêt peuvent être réalisés post-mortem. lors d’hypomagnésiémie uniquement, tandis que les dosages post-mortem. de calcium et de phosphore manquent de fiabilité. Il s’agit des prélèvements suivants :

– le liquide cérébrospinal (dans un délai de 2 heures post-mortem, une valeur inférieure à 12 mg/l est diagnostique) ;

– les urines (dans un délai de 24 heures post-mortem, une valeur inférieure à 12 mg/l est diagnostique) ;

– l’humeur vitrée (dans un délai de 48 heures post-mortem pour une température extérieure inférieure à 23 °C, une valeur inférieure à 12 mg/l est diagnostique).

Conclusion

La qualité du résultat est directement proportionnelle à la qualité de la soumission des prélèvements (commémoratifs complets, prélèvements adéquats, correctement conservés et acheminés).

Il convient d’interpréter ces résultats d’examens complémentaires à la lumière des commémoratifs et de l’aspect lésionnel des organes. Il est possible d’identifier et de mettre en évidence des agents pathogènes opportunistes, qui ne sont pas les agents causaux. Ainsi, l’analyse d’imputabilité doit être réalisée afin d’établir le plus scientifiquement possible les liens de cause à effet.

  • (1) Le formaldéhyde est un gaz et le formol résulte de la dilution de celui-ci dans l’eau.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ La pertinence du diagnostic dépend de la qualité des prélèvements.

→ Les prélèvements doivent être acheminés au laboratoire suivant des règles de conditionnement strictes.

→ Les prélèvements destinés à une analyse bactériologique ne peuvent pas être congelés et doivent être rapidement acheminés.

→ Les prélèvements destinés à des analyses virologique, histologique ou toxicologique peuvent supporter un délai d’acheminement plus long (congélation/formol).

→ La nature des prélèvements et leur conditionnement dépend de l’agent pathogène suspecté et des méthodes de détection mises en œuvre.

ENCADRÉ 1
Règles à respecter pour un envoi de prélèvement en vue d’un examen bactériologique

→ Ne pas congeler les prélèvements.

→ Prélèvement à cœur, environ 5 cm2.

→ Prélèvement à la jonction tissu lésé/tissu normal.

→ Séparation des différents prélèvements afin de prévenir la contamination des échantillons entre eux.

→ Commémoratifs détaillés, préciser notamment si l’animal a reçu un traitement antibiotique et, dans l’affirmative, quelle molécule a été utilisée.

→ Acheminement des prélèvements au laboratoire dans les 24 heures (placer les prélèvements au réfrigérateur en attendant).

ENCADRÉ 2
Règles à respecter pour un envoi de prélèvement en vue d’un examen virologique

→ Congeler les prélèvements le plus tôt possible (envoi différé possible au laboratoire).

→ Prélèvement à cœur, environ 5 cm2.

→ Prélèvement à la jonction tissu lésé/tissu normal (photo 2).

→ Séparation des différents prélèvements afin de prévenir la contamination des échantillons entre eux.

ENCADRÉ 3
Règles à respecter pour un envoi de prélèvement en vue d’un examen histologique

→ Ne pas congeler les prélèvements.

→ Fixation la plus précoce possible (formaldéhyde(1) 4 % tamponné).

→ Prélèvements suffisamment petits pour être fixés correctement (5 à 10 mm d’épaisseur, dans un volume de formol dix fois supérieur à celui des prélèvements).

→ Prélèvement à la jonction tissu lésé/tissu normal.

→ Retrait du surplus de sang ou de contenu digestif pour favoriser la fixation (rincer dans du formol ou une solution saline, ne pas rincer à l’eau pour éviter la cytolyse osmotique).

→ Envoi différé possible des prélèvements au laboratoire une fois placés dans le formol.

→ Conditionnement en flacon étanche, entouré d’un absorbant et placé dans un emballage en polystyrène (photo 3).

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