Fertilité des vaches laitières : la situation s’améliore - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

REPRODUCTION BOVINE

Repères

Auteur(s) : Pascale Le Mézec

Fonctions : Institut de l’élevage,
149, rue de Bercy,
75595 Paris Cedex 12

Grâce à la base du Système national d’information génétique, les données de reproduction sont connues. La tendance est à l’amélioration de la fertilité. Cependant, des progrès sont encore possibles, notamment en race prim’holstein.

L’Institut de l’élevage et l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) produisent régulièrement un bilan de l’évolution des résultats de fertilité des vaches laitières en France, pour les trois principales races, montbéliarde, normande et prim’holstein. Les dernières données disponibles concernent l’année de mise à la reproduction 2015, suivie, pour la plupart des vaches, de leurs vêlages en 2016 (encadré 1) [2, 3].

DES MILLIONS DE DONNÉES DE NAISSANCES ET D’INSÉMINATIONS

Les données utilisées pour établir le bilan de la fertilité des trois principales races laitières en France concernent les femelles et leurs inséminations animales (IA) réalisées au long de seize campagnes, de 1999 à 2015, pour lesquelles le résultat est définitif, c’est-à-dire établi avec un recul suffisant pour constater un éventuel vêlage (tableau 1). Les femelles inséminées sans avoir par la suite donné naissance à un veau, vides ou réformées sont prises en compte. Les résultats d’IA ont aussi été mis en relation avec les index génétiques “fertilité génisse” et “fertilité vache” (référence 2016/3).

2012-2015 : UNE AMÉLIORATION FRÉMISSANTE

Après une baisse du taux de réussite des IA premières (IAP) pour les femelles, vaches et génisses, des trois principales races laitières entre les campagnes 2000 et 2004, les résultats de reproduction se sont ensuite plutôt améliorés pour les génisses dans les trois races. En ce qui concerne les vaches, ils se sont maintenus en race montbéliarde, stabilisés en race prim’holstein et légèrement dégradés en race normande (figure 1). Les années 2007 et 2008 ont été particulières pour la reproduction en raison d’une association de facteurs influençant la conduite et les résultats de reproduction. La fièvre catarrhale ovine (FCO) a détérioré les performances de reproduction, notamment dans l’Est du pays, et les fluctuations du prix du lait ont entraîné des adaptations dans le renouvellement des troupeaux, avec en particulier plus de vaches conservées, donc moins d’éliminations pour infertilité.

Depuis la campagne d’IA 2012, les résultats en termes de taux de réussite des IA se sont améliorés en race montbéliarde et pour les vaches prim’holsteins, pour lesquelles ils étaient tombés très bas. Les génisses prim’holsteins peinent à progresser. Dans les troupeaux de normandes, la stabilisation se fait attendre. Sur les seize campagnes d’insémination étudiées, le taux de réussite des IAP des génisses reste semblable dans les trois races, entre 55 et 60 %, avec un infléchissement sur les toutes dernières années, à relier avec l’arrivée de la semence sexée.

Dans le même temps, l’insémination avec de la semence sexée (qui s’accompagne d’une moindre fertilité) s’est beaucoup développée et concerne en 2015 plus du tiers des génisses laitières et près de 15 % des vaches montbéliardes. Les résultats de réussite globale des IA, stabilisés ou récemment en amélioration dans cette race, sont donc d’autant plus satisfaisants. Utilisée chez 40 % des génisses prim’holsteins inséminées, la semence sexée pèse sur les résultats de fertilité de cette catégorie et masque les progrès génétiques. En ce qui concerne les vaches, pour lesquelles l’insémination en doses conventionnelles est largement dominante, à plus de 97 %, les campagnes récentes font état d’une situation qui s’améliore pour les primipares et multipares prim’holsteins. En race normande, les progrès génétiques espérés grâce à la génomique n’apparaissent pas encore.

DÉLAI DE MISE À LA REPRODUCTION ET INTERVALLE ENTRE DEUX VÊLAGES STABLES EN PRIM’HOLSTEIN

Entre les années 2000 et 2010, l’intervalle entre deux vêlages consécutifs (intervalle vêlage-vêlage, ou IVV) s’était allongé de 10 jours en race montbéliarde, de 15 jours en race normande et de 20 jours pour les prim’holsteins (figure 2). Lors des campagnes de reproduction perturbées en 2007 et en 2008, l’IVV s’est fortement accru, sans revenir ensuite à sa durée d’avant cette crise. Depuis 2010-2011 et jusqu’à 2015, il se maintient autour de 420 jours pour les vaches prim’holsteins, résultant logiquement de la stabilisation du délai de mise à la reproduction (intervalle vêlage-IA1) autour de 100 jours et de l’intervalle entre la première IA (IA1) et l’IA fécondante (IAF), qui traduit une absence de dégradation de la fécondité (photo 1, figure 3). Parallèlement, au Contrôle laitier, en cohérence avec les observations sur la stabilisation de l’IVV, la durée moyenne des lactations est en légère diminution sur les dernières années et s’établit en 2016 à 343 jours. L’IVV moyen des montbéliardes paraît aussi s’équilibrer autour de 395 jours et celui des normandes juste au-dessus de 400 jours (figure 4).

20 À 30 % DES VACHES LAITIÈRES INSÉMINÉES AU MOINS 3 FOIS

Parmi les autres témoins des performances de reproduction, le pourcentage de femelles inséminées à trois reprises au moins donne une idée du nombre d’actes nécessaires à la fécondation des femelles. Ainsi, 15 % des génisses, 1 vache montbéliarde ou normande sur 5, et plus de 1 vache prim’holstein sur 4 ont été inséminées au moins trois fois (photo 2, tableau 2).

La situation plus difficile de la reproduction par insémination en race normande ces dernières années se traduit par un peu plus de vaches et de génisses soumises à des retours d’IA. En revanche, la proportion de vaches prim’holsteins récalcitrantes demeure constante depuis 2007, à 29 %, taux encore beaucoup trop élevé. Pour les vaches et les génisses montbéliardes, cet indicateur révèle une stabilité remarquable sur la période observée. Dans les trois races, la proportion de génisses à trois IA ou plus reste semblable, autour de 15 %, comme les taux de réussite des IA pour cette catégorie de femelles, très proches également. La pertinence de cet indicateur est relative, car il dépend de l’exhaustivité des enregistrements d’IA et ne prend pas en considération les “repasses” faites par des taureaux de monte naturelle.

AMÉLIORATION DES PERFORMANCES DE REPRODUCTION PAR LA GÉNÉTIQUE

Dans les trois races, le niveau génétique “fertilité des femelles” (vaches et génisses) s’élève, certes doucement, mais la tendance est installée. Les nouvelles possibilités de sélection grâce à la génomique portent leurs fruits pour les taureaux d’IA qui transmettent à leurs filles dans les troupeaux de nouveaux atouts en fertilité femelle. L’intervalle vêlage-IA1, en relation avec une reprise de cyclicité appropriée à la mise à la reproduction, montre une évolution génétique récemment favorable pour la race prim’holstein (figure 5).

DES INDICES FAVORABLES POUR LA GÉNÉTIQUE FERTILITÉ DES TROUPEAUX DE DEMAIN

Ces tendances de léger progrès des performances, dessinées par les femelles les plus jeunes des races montbéliarde et prim’holstein, résultent en partie de la prise en compte de la fertilité dans les objectifs de sélection de ces races et des choix des éleveurs dans leurs plans d’accouplement. La meilleure maîtrise de la reproduction dans les élevages, avec le développement d’outils de suivi et l’arrivée des capteurs aidant à la détection, y contribue aussi probablement.

Le niveau génétique “fertilité des femelles” s’améliore et les prochaines générations seront encore mieux armées pour réussir la reproduction. En race normande, l’offre de taureaux choisis avant la disponibilité d’informations génétiques sur la fertilité n’a pas permis la même évolution favorable. Avec les progrès attendus grâce à la génomique, la relève s’annonce et les troupeaux normands devraient aussi, avec un peu de retard, relever le défi en fertilité.

LA SEMENCE SEXÉE, UN OUTIL DE GESTION DU RENOUVELLEMENT

La possibilité d’inséminer avec de la semence de taureaux triée en fonction du sexe des spermatozoïdes est apparue en 2009 et son utilisation s’est très vite développée pour les bovins laitiers (encadré 2).

L’emploi de la semence sexée se traduit par un taux de réussite des IA de 10 à 15 % inférieur comparativement aux inséminations avec de la semence conventionnelle. Cette différence est variable selon la parité (l’écart est un peu plus important pour les génisses) et les races. Cet écart sur le taux de réussite brut de 10 à 15 % résulte à la fois d’un effet direct du statut de la semence (sexé/conventionnel) et du contexte de son utilisation : période d’insémination, fertilité des femelles inséminées, effet des troupeaux, etc., qui peut être différent de l’insémination ordinaire. Outre le traitement technologique appliqué à la semence (coloration de l’ADN et irradiation par des rayons ultraviolets [UV], application de très hautes pressions), une plus faible quantité de spermatozoïdes dans les paillettes en semence sexée par rapport à la semence conventionnelle contribue à cet écart.

Le suivi annuel révèle des constances : l’insémination avec de la semence sexée est répandue plutôt dans les races laitières, plus rarement en races allaitantes. Elle est orientée à 71 % sur des génisses, dans 78 % des cas en première insémination, très peu lors des IA de retour, et dans 99 % des cas pour obtenir des naissances de femelles. Des différences importantes apparaissent selon les races : en 2016, ce sont les éleveurs de jersiaises qui ont réalisé le plus d’inséminations sexées, sur génisses (50 % des nullipares inséminées) comme sur vaches (30 %). Dans la race prim’holstein, 37 % des génisses inséminées le sont en semence sexée, contre 3 % des vaches seulement. Le déficit de fertilité dû au sexage de la semence est moins acceptable pour les vaches dans cette race, où les résultats de fertilité ne sont pas bons, alors qu’en race montbéliarde 14 % des vaches et 32 % des génisses inséminées sont destinées à donner naissance à des femelles. Globalement, dans les races laitières, en 2016, 34 % des 920 000 génisses inséminées l’ont été en semence sexée et 5,5 % pour les 2 460 000 vaches (figure 6).

Depuis 2010, chaque année, dans chacune des races laitières, pour les naissances qui suivent des inséminations en semence sexée fécondantes, le sex ratio s’établit à 90 % de femelles pour 10 % de mâles et correspond à la garantie annoncée par les entreprises qui proposent sur le marché des semences sexées femelles. Dans les races allaitantes, où des IA sexées sont faites en vue de donner naissance à des mâles, le sex ratio observé est de 90 % de mâles pour 10 % de femelles.

Les raisons invoquées par les éleveurs pour justifier leur utilisation de semences sexées sont diverses et peuvent s’additionner :

– assurer la naissance de petites génisses pour leurs meilleures femelles, pour une meilleure efficacité génétique ;

– agrandir le troupeau sans recourir à des achats extérieurs, par sécurité sanitaire ;

– limiter les vêlages difficiles des génisses, pour réduire les pertes et les difficultés ;

– produire plus de femelles pour la vente, en cas de marché favorable ;

– éviter la naissance de veaux mâles peu intéressants (non conservés pour la reproduction et qui n’ont qu’une valeur économique très faible) ;

– réserver des places au croisement viande, pour de meilleures recettes de vente de veaux.

Conclusion

Les vaches laitières doivent assurer à la fois production et reproduction, double défi que dans certaines races elles ont du mal à relever. La maîtrise de la conduite de la reproduction, améliorée grâce aux conseils et aux outils de suivi, et les efforts de la sélection qui visent le progrès génétique de la fertilité des femelles commencent à porter leurs fruits. L’insémination en semence sexée, utilisée à bon escient, peut être abordée avec plus de sérénité si les femelles sont plus fertiles.

Références

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
D’où viennent les données ?

    Points forts

    → La fertilité des femelles, vaches et génisses, tend à s’améliorer depuis 2012, malgré l’utilisation de semence sexée.

    → L’insémination avec de la semence sexée obtient un taux de réussite moins élevé qu’en semence classique.

    → En race prim’holstein, l’âge de mise à la reproduction et l’intervalle vêlage-vêlage se stabilisent enfin.

    → Le pourcentage de vaches qui ont subi trois inséminations et plus est plus important en race prim’holstein, avoisinant les 30 %.

    ENCADRÉ 2
    Sexage de la semence

    Le principe de tri utilise la différence de masse ADN entre les spermatozoïdes mâles (Y) et les spermatozoïdes femelles (X) mesurée par la différence de lumière émise par les spermatozoïdes après marquage de leur noyau par un colorant fluorescent. Pour chaque spermatozoïde “lisible”, une masse plus élevée indique que le spermatozoïde est porteur du chromosome X (et que l’embryon formé après fécondation sera donc de sexe femelle). En revanche, une masse plus faible indique la présence d’un chromosome Y (produisant après fécondation un embryon mâle) [1]. En races laitières, seules les semences sexées femelles sont utilisées.