Démarche diagnostique lors de diarrhée du veau - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

ENTÉRITES NÉONATALES

Diagnostic

Auteur(s) : Cyrielle Franchi*, Alexandre Belliard**

Fonctions :
*Cabinet vétérinaire
6, rue du Général-de-Gaulle
03130 Le Donjon

La prise en charge individuelle de la diarrhée chez le veau fait appel à des examens complémentaires, en particulier l’analyse des gaz du sang et l’ionogramme. Mais l’élément déterminant pour le pronostic est le trio suivant : les degrés de déshydratation, d’acidose et l’âge.

Les entérites néonatales représentent plus de la moitié des affections du veau et sont un motif fréquent d’intervention du vétérinaire [2]. Dans la grande majorité des cas, l’éleveur fait appel au vétérinaire pour soigner le veau malade, et ce d’autant plus qu’il s’agit d’un cas isolé. L’objectif est alors moins d’obtenir un diagnostic étiologique précis que de déterminer les mécanismes à l’origine de la diarrhée et d’adapter au mieux le traitement symptomatique (figure). La situation change quand plusieurs animaux sont atteints dans le même cheptel. Les attentes de l’éleveur, en plus du traitement du veau plus particulièrement touché, sont plus orientées vers un diagnostic précis des causes primaires des diarrhées dans son élevage. L’approche collective du diagnostic via l’analyse des facteurs de risque d’élevage (en vue d’une prévention) est envisagée dans un autre article de ce numéro(1).

L’objectif de cet article est de dégager, à partir de quelques revues et de notre expérience d’hospitalisation des veaux depuis 20 ans, une approche pratique et simple du diagnostic individuel face à un cas de diarrhée chez un veau âgé de moins de 3 semaines.

ANAMNÈSE ET COMMÉMORATIFS

Trois points sont à renseigner en priorité :

– l’âge du veau, qui est important pour évaluer son statut acido-basique ;

– les traitements déjà effectués par l’éleveur (en particulier la nature et la quantité de réhydratant oral), qui peuvent avoir un impact sur les équilibres électrolytiques ;

– les antécédents du veau, qui permettent d’affiner le diagnostic et surtout le pronostic.

EXAMEN CLINIQUE

Quatre points essentiels sont à évaluer au cours de l’examen clinique :

– chercher des signes évocateurs de septicémie ou de bactériémie (uvéite, arthrite, méningite) ou d’infections intercurrentes (omphalite, etc.) afin d’affiner le pronostic et d’éviter les frais inutiles ;

– évaluer le degré de déshydratation pour adapter le volume de fluide à perfuser (photo 1) ;

– évaluer le statut acido-basique pour déterminer la quantité de bicarbonates à perfuser ;

– déterminer s’il est nécessaire de recourir à des antibiotiques (tableau 1) [2, 5].

EXAMEN PARACLINIQUE

1. Mesure de la glycémie

Cette mesure est systématiquement réalisée chez les veaux de moins de 2 jours et chez des veaux plus âgés fortement abattus (lecteur de suivi de diabète, par exemple Optium Xceed®, Abbott). La glycémie a un intérêt pronostique discuté chez un veau à diarrhée, elle permet avant tout de déterminer la quantité de glucose à apporter dans la perfusion (tableau 2) [1].

2. Prélèvement urinaire

Les limites d’interprétation des bandelettes urinaires chez le veau (par exemple Urivet-100®, Kitvia) sont les mêmes que chez les bovins adultes. Celles-ci sont donc rarement utilisées. Le recours au réactif de Heller pourrait toutefois être intéressant pour mettre en évidence une atteinte rénale avec une protéinurie, d’autant plus que l’urémie est difficilement interprétable chez le veau à diarrhée.

L’analyse conjointe des valeurs de pH urinaire (bandelettes de pH urinaire Merck) et de pH sanguin a montré qu’il n’existe pas de corrélation fiable entre ces deux données [4]. Le pH urinaire est inutilisable pour déterminer la quantité de bicarbonate à perfuser. Il peut toutefois mettre en évidence des cas déviants (pH urinaire > 6,5) qui doivent alerter le praticien sur le risque d’un ionogramme très modifié. Lors de pH urinaire supérieur à 6,5, nous expliquons à l’éleveur que le pronostic est probablement plus mauvais que dans un cas classique et recommandons fortement l’hospitalisation du veau au cabinet. Si l’éleveur ne veut pas amener le veau, un ionogramme est tout de même conseillé (en transportant rapidement le tube de sang au cabinet vétérinaire).

Le recours au test Uriscreen® (recherche d’activité catalase dans l’urine, Savyon Diagnostics) peut être envisagé afin de détecter une bactériémie chez le veau. Une étude a montré que la concordance entre les résultats du test et des hémocultures est bonne (concordance de 0,86), mais l’effectif n’était pas suffisant pour évaluer les performances du test [3]. De plus, le test a été évalué sur des prélèvements d’urine réalisés par cystocentèse et aucune donnée n’est disponible pour les mictions spontanées. En raison des difficultés de la cystocentèse chez des veaux déshydratés (y compris en recourant à l’échographe), cet examen n’est pas utilisé.

EXAMENS DE LABORATOIRE

1. Mesure des gaz du sang

Les analyses des gaz du sang (par exemple VetStat®, Idexx) permettent d’évaluer précisément le statut acido-basique de l’animal et les modifications du ionogramme. En plus d’adapter au mieux la perfusion aux besoins du veau, ces analyses apportent des éléments diagnostiques en précisant les mécanismes qui ont conduit à l’acidose (respiratoire ou métabolique, compensée ou non, etc.). Les limites sont le coût de la mesure (consommables : 10 €/analyse ; automate : 4 000 €) et le fait qu’elle est généralement réservée aux veaux hospitalisés au cabinet.

L’analyse est réalisable en ferme car l’automate fonctionne sur batterie. Toutefois, en raison du prix de l’automate, il semble difficile d’équiper l’ensemble des voitures d’un cabinet de pratique rurale. Il est également possible de réaliser le prélèvement au chevet du veau et de l’analyser au cabinet. Néanmoins, les laboratoires Idexx recommandent d’effectuer l’examen dans « les minutes » qui suivent le prélèvement. Dans le cas où l’analyse devrait être retardée, le prélèvement est recueilli dans une seringue héparinée (héparinate de lithium) sans la moindre bulle d’air.

2. Biochimie sanguine (urée, protéines totales, etc.)

Les mesures d’urée sanguine sont effectuées chez des veaux déjà réhydratés (depuis plus de 12 heures) car la déshydratation induit une insuffisance rénale prérénale qui augmente l’urémie sans être pour autant le signe d’une atteinte rénale.

3. Recherche d’agents pathogènes sur fèces

Pour des raisons de fiabilité et d’interprétabilité des résultats, de coût (aides du groupement de défense sanitaire local), et afin de disposer d’antibiogrammes, les analyses au laboratoire départemental sont privilégiées. Par conséquent, les résultats ne sont pas disponibles lors de la mise en place du traitement chez le veau prélevé.

APPROCHE DU DIAGNOSTIC PAR « GRANDS SYNDROMES

L’hospitalisation de nombreux veaux (environ 500 par an) sur lesquels sont réalisés à la fois des examens cliniques et des mesures des gaz du sang a permis de distinguer trois principaux groupes de veaux à diarrhée (tableau 3).

En rapprochant les veaux à soigner d’un de ces grands syndromes, le type de perfusion nécessaire est déterminé de façon simple (encadré 1, photos 2a et 2b). Il s’agit d’une approche extrêmement simplifiée du diagnostic et de nombreux veaux ne relèvent pas exactement de cette classification. Cependant, cette dernière, même approximative, se révèle souvent efficace sur le terrain quand seuls les résultats de l’examen clinique sont disponibles (encadré 2).

Conclusion

L’approche individuelle des veaux à diarrhée impose une démarche rigoureuse. Un protocole de perfusion adapté à chaque cas est nécessaire pour augmenter les chances de survie et la réponse au traitement.

  • (1) Voir l’article « Démarche diagnostique lors de diarrhée de veaux : à l’échelle du troupeau » d’A. Belliard et coll., dans ce numéro.

Références

  • 1. Commission vaches allaitantes de la SNGTV. Formation « Prise en charge des GENN du veau ». 2014.
  • 2. Journal JP, Besnier P, Vallet D. Fluidothérapie chez le jeune veau diarrhéique. Dépêche Vét. Suppl. techn. 2010;118:10,14-16,31.
  • 3. Queney N. Lien bactériémie-bactériurie chez le veau nouveau-né : évaluation du test urinaire Uriscreen® lors de détection de septicémie expérimentale. Thèse ENVT. 2009. TOU 3 - 4038.
  • 4. Schelcher F, Corbiere F, Cassard H. Cabinet Vétérinaire du Donjon. Évaluation de l’intérêt du pH urinaire pour la réhydratation du veau à diarrhée et en acidose métabolique. Journée bovine toulousaine. 2014.
  • 5. Smith GW. Pathophysiology of diarrhea in calves. Treatment of calf diarrhea: oral fluid therapy. Vet. Clin. N Am. Food Anim. Pract. 2009;25 (1):13-36,55-72.

Conflit d’intérêts

Aucun.

En pratique

le seul examen paraclinique utilisé de manière régulière est la mesure de glycémie chez les veaux âgés de moins de 48 heures. Les autres examens sont réservés aux cas apparemment complexes.

En pratique

– soit le veau est hospitalisé au cabinet ;

– soit l’automate se trouve dans la voiture ;

– soit le vétérinaire fait l’aller-retour entre l’exploitation et le cabinet (30 minutes au maximum) avec un tube sans air ou une seringue héparinée, en sachant que l’ionogramme sera fiable, mais peut-être pas la mesure des gaz du sang (pO2 sous-estimée et pCO2 sur-estimée).

En pratique

les mesures d’urée, de protéines totales et d’albumine sanguine ne sont pas effectuées en routine, mais réservées aux rechutes et échecs thérapeutiques. Les seuils de valeurs usuelles sont utilisés, même s’ils sont fortement discutables (influence de la prise colostrale sur les protéines totales, influence de l’état d’hydratation sur l’ensemble des paramètres) : urée : 7 à 20 mg/dl ; protéines totales : 60 à 76 g/l.

En pratique

au-delà de 2 ou 3 veaux à diarrhée dans un même élevage, le recours aux analyses de fèces au laboratoire est préférable pour :

– leur intérêt pédagogique pour l’éleveur ;

– leur intérêt en médecine collective afin d’instaurer des mesures de prévention ;

– dans le cadre du respect de la législation sur les « antibiotiques critiques ».

ENCADRÉ 1
Quantité et composition du liquide à perfuser

→ Calcul de la quantité de bicarbonate à perfuser : Q bica (mmol) = EB (mmol/kg) x PV (kg) x 0,5.

→ Calcul du volume de bicarbonate à perfuser : V bica (l) = Q bica (mmol)/concentration de la solution (mmol/l)

Bicarbonate 4,2 % : 498 mmol/l ; Spécial 2411® : 474 mmol/l ; bicarbonate 1,4 % : 166 mmol/l.

→ Calcul du volume total à perfuser (pour compenser la déshydratation et anticiper les pertes pour 6 heures) :

V total (l) = pourcentage de déshydratation x PV (kg + 0,035 x PV (kg).

ENCADRÉ 2
Cas déviants

L’utilisation quasi systématique des gaz du sang et la confrontation des résultats obtenus avec les examens cliniques ont certes permis de définir les « grands syndromes » utilisables lorsqu’un veau doit être perfusé à la ferme. Toutefois, cette approche a aussi montré que, dans un certain nombre de cas dits « déviants », le résultat de l’analyse n’est pas corrélé avec les symptômes (tableau 4).

Ces cas sont difficiles à identifier et à caractériser avec précision sans examens complémentaires. Ils invitent par conséquent à rester modestes et à chercher systématiquement tout signe d’alerte dans la démarche diagnostique.

Points forts

→ La recherche de signes évocateurs de complications ou d’affections intercurrentes est primordiale dans un contexte économique tendu.

→ L’âge est un critère déterminant pour interpréter les signes de déséquilibre acido-basique.

→ Le plan de perfusion doit prévoir, dans cet ordre, de corriger les troubles acido-basiques, la glycémie, puis la volémie.

→ Quelques signes cliniques doivent impérativement alerter le clinicien sur le risque d’avoir un cas déviant avec mauvais pronostic (trouble du rythme, urine alcaline, etc.).

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